we're swimming with sharks (neven)

we’re swimming with sharks

@neven volyn

La présence de Neven à Menelmorn n'est pas une surprise en soit. Oh, il passe de moins en moins souvent, la faute à ces responsabilités qu'il se met sans cesse sur le dos et à ce que les Stormvaengir font, peu importe leurs activités — Darya refuse d'avoir le moindre détail à ce sujet, dans tous les cas, en dépit d'une curiosité certaine qui aimerait bien être assouvie de temps en temps. Quoi qu'il en soit, il n'est pas rare de voir Neven Volyn dans les couloirs du manoir Ozerov, même si la dernière fois était peu de temps après la naissance des petites et qu'il est reparti avec une bourse pleine d'aeskells à dépenser.

Non, ce qui est surprenant, c'est qu'il vienne à Menelmorn et demande à rester. L'hybride peut s'avérer plus insaisissable qu'un banc de brume parfois, toujours à s'éclipser, à finir la Mère sait où. Il est rare qu'il s'arrête plus d'une nuit, et si Darya est ravie d'avoir un peu de compagnie, et surtout celle de celui qui est resté son meilleur ami en dépit de leurs chemins bien différents... eh bien, ça fait une semaine qu'il est là, et ça veut dire que quelque chose ne va pas.

Oh, elle ne le collera jamais à la porte. Mais ça fait des décennies qu'ils se connaissent, maintenant. Et elle n'a jamais apprécié être prise pour une idiote.

C'est après le repas du soir qu'elle le coince. Ils sont dans un petit salon privé dont les fenêtres ouvertes donnent sur la fraîcheur de la nuit qui tombe tranquillement et sur le parfum encore lourd des fleurs du jardin. Le lilas qu'elle a failli geler jusqu'à la racine danse dans la brise crépusculaire, Milena dort à poings fermés dans un couffin installé juste à côté pendant que Viktoria s'agite encore dans les bras de sa mère, les yeux grands ouverts et la bouche refermée autour d'un petit poing sur lequel elle bave volontiers. Les filles sont confortables pour la soirée, alors il est l'heure de gratter des informations.

« Tu vas enfin me dire ce qu'il se passe ? » Darya n'a jamais fait dans la dentelle. Si elle apprend les nuances délicates de la diplomatie, nécessaire pour survivre dans le bain de requins qu'est la noblesse d'Evanor, elle ne s'en est jamais embarrassée avec ses proches. Encore moins avec Neven, à qui elle a botté le cul plus d'une fois, et ce n'est pas aujourd'hui qu'elle va commencer. L'inquiétude est évidente sur ses traits, toutefois, dans la façon dont ses sourcils se sont froncés et dans le regard qu'elle pose sur lui.

Elle ne sait pas ce qui se passe, mais elle a besoin de réponses. Sans doute que ça a un rapport avec ces fiançailles brisées dont elle a vaguement entendu parler, sans pour autant chercher à connaître les détails, mais elle connaît les ambitions de Neven. L'annonce l'a surprise, c'est le moins qu'on puisse dire. « Ca fait une semaine que tu es ici et bien que je t'adore et que je n'oserai jamais te mettre à la porte, ce n'est pas dans tes habitudes. » Viktoria approuve d'un babillement strident et d'une bulle de salive qui éclate aussi rapidement qu'elle est apparue, avant de finalement s'approprier le pendentif qui pend au cou de Darya, fascinée par la pierre de lune qui y brille. « Tu sais que tu peux m'en parler, hein ? Je m'inquiète pour toi. » Elle a fait le premier pas. C'est à lui de continuer maintenant, et elle n'a plus qu'à espérer qu'il videra son sac un bon coup. Ca ne pourra que lui faire du bien.

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PLAY | @darya ozerov

Lorsqu'il avait accepté la proposition d'Assya, il ne s'était pas douté que les choses prendraient une telle tournure. Aussi n'avait-il pas le moins du monde envisagé qu'il reviendrait à Velaris après une rupture des plus médiatiques et qu'il aurait, sur lui, encore plus de regards posés que lorsqu'il était fiancé à la Suprême de la Nuit. Mais c'était un fait et Neven n'avait jamais aimé être mis en lumière : après avoir déboité une mâchoire et cassé un nez à l'occasion d'une bagarre dans l'un des bars de la ville qui ne dormait jamais, il avait décidé que fuir était sans doute la meilleure des méthodes pour slalomer entre la pitié des uns et la jalousie mal placées des autres. Pire, s'il s'était résolu à ne voir cet arrangement que comme un marché politique, il devait reconnaitre qu'un attachement avait finit par naitre et, au delà du fait qu'il n'était jamais très agréable de se sentir rejeté, Neven souffrait bien plus de la déception engendré par tout ceci que par son égo blessé. Mais la jeune fae qui l'avait invité à Velaris n'était pas celle qu'il avait laissé à Elysium et s'il avait ressenti quoi que ce soit, ce n'était certainement pas pour la froide politicienne qu'il avait quitté sans un adieu. C'était étrangement à Menelmorn que Neven avait décidé d'aller s'enterrer, peu désireux de déambuler dans des rues où tous lui rappelleraient ce qu'il avait perdu. Après un an d'absence en raison de son règne à Elysium, il doutait que Menelmorn soit le premier endroit que visiterait Assya et il voulait juste avoir le temps de réfléchir, en paix, à la suite. Car il n'y avait pas que son travail, sa famille et sa réputation qui était en jeu, il y avait aussi son cercle. Autant appréciait-il Merrill, autant il ne doutait pas qu'à la moindre faiblesse il se voit gentiment guidé vers un précipice car tout comme Aveline avait mis les Stormvaengir en danger avec la mort de Liao Ayako, autant la médiatisation de sa personne, lui qui était censé être le chef des espions, pouvait amener quelques gratte-papier un peu trop curieux à déterrer des choses qui mettrait la guilde en lumière. En outre, c'était auprès de Darya qu'il parvenait le mieux à reprendre le dessus : s'il était évident que son réconfort n'aurait la même finalité que lorsque Taryn était morte, il préférait nettement se faire malmener par Darya que regardé en silence par sa propre fratrie.

Cela faisait une semaine que l'hybride s'était invité sans réelle raison : certes voir les filles de sa meilleure amie était une excuse valable pour s'incruster au thé, au diner à la limite, mais après une semaine, il était évident que des explications seraient demandé. Jusque là, Neven avait toujours réussi à s'esquiver et profitait de son séjour pour découvrir, comme il se devait, les deux petites Ozerov qu'il n'avait eut l'occasion de venir voir auparavant. Il se demandait souvent à quoi aurait ressemblé l'enfant que Taryn attendait, s'il aurait été un père aussi attentionné que Darya était une mère présente. S'il tentait de se convaincre que ce qu'il faisait était pour que les filles de son amie puissent grandir sans crainte d'être discriminé par la société fae, une émotion supplémentaire venait s'ajouter au chaos de son esprit tandis qu'il vivait, par procuration, quelque chose qu'il ne connaitrait sans doute jamais. C'était peut être pour le mieux, s'était-il dit un soir, se retournant dans son lit tandis qu'il lui apparaissait qu'il n'avait jamais pris autant de risque, jamais été aussi imprudent que lorsqu'il songeait à protéger quelqu'un. Cependant, la vie de famille de Darya le renvoyait à sa propre solitude, exacerbant alors le mal être provoqué par les derniers mois.

Mais croire que l'on pouvait échapper à Darya Ozerov était une erreur à ne pas commettre et c'était lorsqu'il s'y attendait le moins, après le repas, qu'elle décida d'attaquer. Ignorant quoi dire, le brun haussa les épaules avec un air innocent. « Me faut-il une raison pour venir te voir ? Moi qui ai perdu tant de temps à Elysium, j'aurai cru que tu serais plus heureuse que je te rende visite ... » tenta-t-il tout en sachant pertinemment qu'elle ne se laisserait pas prendre. Lui même n'y croyait pas. Il soupira tandis qu'il glissa les mains dans ses poches en une attitude nonchalante, son regard fixant les jardins dans l'obscurité. « J'ai merdé, Darya. » finit-il par dire après un silence. Il ne pouvait affronter son regard, les interrogations qu'il pensait y voir ou pire, le jugement. Une part de lui désirait qu'elle lui offre ce Je te l'avais bien dit qui rendrait toute l'histoire presque superficielle mais au fond de lui, il savait qu'il n'en tirerait aucun mieux-être. Ses yeux d'onyx se baissèrent vers le sol avant de remonter vers elle. « J'ai merdé grave et je ne pense pas qu'on puisse y faire quoi que ce soit. » confessa-t-il alors. Quelque part, il se disait qu'il n'aurait jamais du quitter Velaris, que la distance physique entre lui et sa promise lui permettrait de garder le contrôle. Mais quel couple fraichement fiancé restait aussi longtemps séparé ? Qui croirait à la folle et merveilleuse passion s'ils ne s'affichaient qu'en de trop rare occasion ? Alors il était partis pour Elysium, il avait cherché à la connaitre et il s'était laissé avoir. Mieux valait que cela finisse maintenant qu'une fois marié, lui avait dit Delyan à son retour et Neven savait que son cadet avait raison, mais cela n'en faisait pas moins mal et il ne trouvait aucun exutoire pour occuper son esprit. Il toussota, mal à l'aise de se sentir si vulnérable. « Hm. J'ai pas mal de congé à prendre et ... Je pense qu'il serait de bon ton que je me fasse oublier quelques temps alors je pensais quitter la Cour. » C'était la conclusion à laquelle il était parvenue tandis qu'il lui apparaissait qu'un retour à Velaris aujourd'hui ou dans un mois ne changerait rien à la situation. Il ne pourrait pas oublier ici et personne ne passerait à autre chose tant que lui même ne serait pas capable de regarder la Maison du Vent sans ressentir un mélange de tristesse et de trahison.

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@neven volyn

Darya n’est pas stupide. Elle n’a pas tenu son poste de capitaine de milice pendant tant d’années à cause de son joli visage, après tout, et son sens de l’observation reste particulièrement pointu, même après un an de vie civile. Et surtout, elle connaît trop bien Neven, n’arrive même plus à compter les années depuis leur première rencontre. Tout dans son attitude de cette dernière semaine lui hurle que quelque chose ne va pas — les sourires qu’il affiche sonnent creux, et les piques sarcastiques dont il est friand n’ont pas leur mordant habituel. Quelque chose ne va pas, c’est aussi évident qu’un nez au milieu d’une figure, mais Darya n’arrive pas à mettre le doigt sur quoi, exactement.

Alors après une semaine à prétendre que tout va bien dans le meilleur des mondes, elle passe à l’attaque, sans aucune délicatesse, sans même penser à broder autour de la question. Ca n’a jamais été dans ses habitudes de tourner autour du pot, et ce n’est pas avec Neven qu’elle va commencer, même si Matvei désespérerait sans doute de l’entendre rentrer dans le vif du sujet comme ça. Mais elle n’est pas face à une délégation diplomatique ce soir, et l’air innocent que le nocturne prend à la question qu’elle lui a posée ne la berne pas, pas plus que la façon dont il essaie d’esquiver et de la prendre par les sentiments. Le regard qu’elle lui renvoie est profondément blasé, et même Viktoria fronce les sourcils autour de la pierre de lune qu’elle mâchouille férocement. « Évidemment que je suis contente de te voir. » Evidemment qu’il lui a manqué, évidemment qu’elle l’accueillera entre les murs du manoir Ozerov aussi longtemps que nécessaire. Il n’a même pas à demander. « Mais ce n’est pas dans tes habitudes. Crache. »

L’ordre est donné posément, et Neven finit par cracher après un moment de silence à peine troublé par les grognements d’une Viktoria décidée à bouffer le collier de sa mère, qui finit par lui retirer gentiment et par le remplacer par l’oreille de son ours en peluche. Il crache, mais refuse de rentrer dans les détails — Darya peut sentir sa curiosité renâcler sous les paroles évasives qu’il utilise pour qualifier la situation, et elle a la sensation désagréable d’avoir plus de questions que de réponses, finalement, mais elle ne cherche pas à lui soutirer plus d’informations que ce qu’il donne. Pas pour le moment, en tout cas. « Ca arrive à tout le monde de merder. Tout ce qu’on peut faire c’est faire avec et faire en sorte de ne pas empirer les choses. » Ses propres paroles sonnent bien creuses à ses oreilles. L’hybride soupire, le visage froncé dans une expression insatisfaite ; elle a toujours été une femme d’actions plutôt que de paroles, et ça se ressent terriblement en cet instant.

Mais si elle connaît trop bien Neven, l’inverse est tout aussi vrai. Elle sait qu’il ne lui en voudra pas trop de lui fournir des conseils stupides — de leur duo, c’est lui qui a toujours été plus doué avec les mots. Darya s’est longtemps contentée de frapper d’abord et de poser les questions ensuite, après tout.

L’annonce de son départ prochain, toutefois, est accueillie par un long silence. L’hivernale observe longuement le nocturne, fixement, de ce regard trop pâle qui en a déstabilisé plus d’un au cours de sa carrière ; son visage, lui, se fait le miroir d’un nombre impressionnant d’expressions contradictoires. Soulagement qu’il parle enfin, surprise à cette décision qui lui semble un peu trop soudaine, déception certaine qu’il s’éloigne encore, avant de finalement s’attarder sur un mélange de compréhension et de frustration. Un soupir finit par lui soulever la poitrine et elle se lève dans un bruissement de plumes pour le rejoindre près de cette fenêtre qu’il s’est appropriée, et aussi pour lui coller Viktoria dans les bras. « Je ne peux pas vraiment dire que ça m’enchante de t’entendre dire ça, mais c’est pas comme si je pouvais t’enchaîner dans le cellier, » Darya finit par murmurer.

Son regard se perd à son tour dans les jardins nimbés de l’obscurité rassurante de la cour nocturne. Les étoiles scintillent, haut au-dessus de leurs têtes, et si les lèvres de l’hivernale se pincent dans une expression de mécontentement, son irritation est dirigée vers la situation toute entière plutôt que vers Neven en particulier. Il fait de son mieux — ils font tous de leur mieux, mais parfois elle a l’impression désagréable que l’univers tout entier a décidé de leur mettre des bâtons dans les roues. « Je suppose que c’est à cause d’Assya ? » elle finit par demander, les bras qui se croisent sous sa poitrine. Elle n’a toujours pas eu les détails de ce qui a bien pu se passer entre eux pour que leurs fiançailles se brisent, mais elle doute d'avoir des réponses claires avant un long moment. « S’il faut que je promette de ne pas aller lui casser la gueule pour que tu me dises ce qui s’est passé, je le ferai, tu sais. »

Reste à lui d’accepter ou non. Elle sait, toutefois, qu’obtenir des réponses de lui peut s’avérer plus difficile encore qu’arracher une dent avec une cuillère à soupe. Si Neven décide de garder le silence, elle ne pourra qu’accepter la situation, et continuer de s’inquiéter pour lui de loin. Mais en attendant, Darya peut lui proposer une épaule sur laquelle s’épancher plutôt qu’une distraction sous la forme de deux enfants de cinq mois.

Peut-être que ça lui ferait du bien.

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PLAY | @darya ozerov

Il eut un ricanement à la menace, guère voilée, que Darya proféra envers son ex-fiancée. C'était dans ces moments là qu'il avait l'impression de la retrouver véritablement, loin de son rôle de Dame, d'épouse, de mère, la Darya des jours passés avec qui il chahutait dans les rues de Velaris entre deux services. Derrière la douceur maternelle et la tendresse que son mari avaient mis dans son regard, elle était toujours là, prête à surgir pour lui rappeler de ne pas se laisser berné par l'image idyllique de la femme épanouie dans son foyer. « Je vois qu'épouser son frère ne te l'a pas rendu plus sympathique. » railla l'hybride d'un ton moqueur. S'il en plaisantait avec autant de légèreté, il ne pouvait s'empêcher d'être surprit par la véhémence de son ami : elle qui semblait en telle fusion avec âme soeur depuis qu'ils avaient enfin finis de se tourner autour en silence, il aurait crut que les relations qu'elle aurait avec la jumelle de ce dernier n'en serait que meilleur. Bien sur, la part maltraitée de son être ne pouvait que se réjouir de trouver autant de soutien dans son évidente déprime post-rupture : il n'aurait sans doute guère été preneur d'un discours en faveur de celle qui le hantait, remettant en question sa vie et ses décisions. « Mais je doute qu'Ilya apprécie l'idée que tu refasse le portrait de sa jumelle pour venger mon honneur bafoué. Quoi qu'en tant que demoiselle en détresse, je me sens très honoré de tant fougue. » ajouta-t-il avec un brin d'humour quoi que la mention de l'Ozerov suffisait à le mettre sur les nerfs. Il savait qu'il devait, désormais, composé avec Ilya dans le paysage et il était évident, tant pour l'un que pour l'autre, qu'ils ne seraient jamais les meilleurs amis du monde. Néanmoins, était-ce du aux relations désormais révolus que Neven avait entretenu avec son épouse ou l'idée que celui-ci ait ce genre de relation avec sa soeur, il semblait que le fae ne fut guère friand de sa présence ou d'une quelconque amabilité de sa part. Avec les années, l'hybride ne doutait pas qu'il ferait l'effort pour Darya, comme il s'y emploierait lui même, mais pour l'heure, il était encore trop tôt pour envisager quoi que ce soit. Il se demandait si Ilya savait pour Assya et lui, et s'il s'en réjouissait ou s'en inquiétait, cependant l'absence du seigneur des lieux, retenus à Velaris pour pallier à l'absence de sa jumelle, arrangeait bien ses affaires : il n'était pas certain que voir le visage d'Ilya soit la chose à laquelle il aspirait le plus en ce moment.

Un soupire accompagna le sérieux qui s'installa de nouveau sur le visage du capitaine : peut être n'était-ce pas la conversation avec Darya qu'il évitait mais bien le constat qu'il ne manquerait pas de faire lui même en contant autant ses états d'âme que ce qui y avait conduit. Une année passée à jouer la comédie, ou presque. Une année passée à faire croire à tous qu'ils avaient eut un coup de foudre mémorable qui les rendait inséparables. Un an de mensonge avant que n'éclate le parfait petit couple. Alors, il crut bon de préciser la vérité, et ce, depuis le début de sa relation avec Assya, il conta la convocation à la Maison du Vent, il conta l'accord passé avec la Suprême de la Nuit, et il conta comment, en fin de compte, elle avait cessé de n'être qu'une fonction, une cible, un pion, pour devenir une personne. « J'aurai du m'en tenir au strict minimum : elle avait besoin de mon nom et de mes ailes, pas du reste. Je me suis attaché, je me suis pris à croire qu'après ... Qu'après Taryn, c'était encore possible. » Il sentit sa gorge déglutir avec difficulté tandis que la mention de l'illyrienne qui avait partagé un temps sa vie revenait sur ses lèvres. L'hybride fut alors animé d'un vent de trahison : il avait trahi Taryn, sa mémoire, ce qu'ils avaient partagé. Il s'était fourvoyé de bout en bout. Rien ne serait jamais comme avec Taryn, rien de bon ne pouvait sortir des faes, rien ne ... Il se força à s'arrêter. Son père était un fae, celui de Darya également et ils étaient aussi différents qu'auraient pu l'être deux personnes. Ne fais pas de généralités, se répétait-il. Evitant le regard de Darya, il se concentra sur la petite fille qui semblait presque mimer les réactions maternelles. « Nous ne nous faisons pas du bien. Même nous ne jouons pas à armes égales ... » finit-il par dire, dépité. Tout avait pourtant si bien commencé, peut être même trop. Assya voulait un homme qui ne l'éclipse aucunement de la scène politique et il voulait tout sauf avoir à s'en mêler, elle voulait montrer son intérêt pour les questions qui concernaient les ailés et il voulait lui faire comprendre la réalité de leurs inégalités. Ils s'étaient entendu, rapidement, dans un écho presque parfait qui l'avait dérouté, l'amenant à se demander si, au final, elle n'était réellement qu'un pion sur l'échiquier, si elle était vraiment une poupée manipulable ou si, au contraire, il ne pouvait pas l'amener à ressentir ce que lui ressentait vis à vis du monde. Et pendant un temps tout avait été parfait, ils étaient complémentaires, ils se comprenaient. Puis il y avait eut Mirghlin, Myrra et Asha, le début des révélations et le commencement de nouveaux secrets. Mais cela il ne pouvait le confier à Darya, il ne pouvait prendre le risque qu'Ilya l'apprenne, qu'ils soient mêlé à ce qu'elle avait pu faire ou, au contraire, il ne voulait pas être déçu de leurs réactions. Mais il n'était pas le seul à avoir des informations sensibles et si elle était Suprême de la Nuit, il n'était qu'un descendant d'une famille tombée en disgrâce, mêlée d'un sang illyrien, presque personne en soit. « J'en sais assez pour abimer son image et elle en sait assez pour pouvoir exiger ma tête. Et je ... J'ai .. Je lui ai donné assez de place pour m'en sentir trahi. Moi ! » Il en était presque outré. Comment lui, plus qu'aucun autre, pouvait ressentir la morsure de la trahison, lui l'espion, lui la nuit sans étoile. Il secoua la tête. « Je pensais qu'on partageait une même vision, qu'on avait plus qu'un simple accord sur un papier, plus qu'une simple poignée de main. Je pensais que j'étais plus que le candidat qui la ferait passer pour la Suprême avant-gardiste et ouverte qu'elle veut être ou que le trophée qu'elle exhiberait à chaque mondanité pour montrer ô combien elle est bienveillante envers nous. » Et cela le blessait, aussi personnellement que cela blessait sa nature d'ailé car il ne savait pas démêler le vrai du faux, la réalité de la fiction. Qu'est-ce qui avait été Assya dans cette année passée ensemble ? La jeune fae de la Maison des Vents, son rire résonnant dans les couloir du palais des mirages, ses bras autour de sa nuque quand il les tamisait loin du laboratoires, sa chaleur dans les draps qu'ils avaient partagé. Qu'est-ce qui était vrai ?

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@neven volyn

La raillerie tire une petite grimace involontaire à Darya, le genre de grimace qui lui fronce le nez et les sourcils un peu plus fort et qui marque un pli mécontent au coin de sa bouche. Si ses relations avec sa belle-soeur restent relativement cordiales, le côté calculateur d’Assya l’a toujours refroidie. La Fae reste une politicienne dans l’âme, modelée ainsi par un père qui a vu en elle l’héritière parfaite, et Darya… n’aime pas les politiciens. En dépit de ses nouveaux rôles de Dame et de mère, elle reste une militaire dans l’âme, plus apte à agir — souvent dans la violence — qu’à faire bouger des pions sur un échiquier métaphysique. « Disons que certaines de ses façons de faire ne me la rendent pas particulièrement sympathique. Mais ce n’est pas de ça dont on parle. » La tentative, bien piètre, de changer le sujet ne fonctionne clairement pas, alors l’hybride attend bien sagement qu’il s’explique ou qu’il l’envoie bouler pour tenter de gérer lui-même.

Neven préfère l’explication. En détail, cette fois — il explique exactement ce qui s’est passé sur la dernière année, le pourquoi de ces fiançailles surprises, des détails qui font froncer les sourcils à Darya mais sur lesquels elle ne commente pas. Pas tout de suite, en tout cas. Plus tard, sûrement, quand il sera un peu plus apte à entendre ce qu’elle a à dire sur ce plan clairement foireux puisqu’il résulte en des fiançailles brisées et lui prêt à disparaître de la circulation quelques temps. Mais elle écoute, avec attention, le laisse vider son sac autant que nécessaire. Il se confie sur ce sentiment de trahison qui l’habite, sur la déception, criante, qui s’est installée maintenant que le petit jeu s’est arrêté.

Mais était-ce vraiment un jeu ? Darya n’ose pas mettre de mots sur ce qui a pu passer par la tête d’Assya au cours de la dernière année. Elle n’est pas dans le cerveau de la Fae, la connaît de toute façon trop mal pour s’y risquer. Cette année passée à Elysium, à la tête d’Evanor toute entière, n’a pas aidé à les rapprocher non plus. Il est clair, cependant, que Neven espérait… plus. Plus qu’un simple accord à l’amiable, et il l’avoue lui-même, d’une voix mal assurée qui lui fait sincèrement de la peine. « Viens là. » D’un bras resté ferme en dépit des derniers mois d’inactivité, elle l’attire dans une étreinte qu’elle espère réconfortante. L’effet est rendu un peu étrange, parce qu’il lui rend quelques dizaines de centimètres et qu’il a encore Viktoria dans les bras, mais elle accroche quand même son menton contre l’épaule du nocturne. Au même moment, la petite pousse un drôle de son mélancolique et enfouit son visage contre la poitrine de Neven, comme si elle aussi tentait de le réconforter du mieux possible, sensible qu’elle est aux émotions des gens qui l’entourent.

« Tu n’avais aucun moyen de savoir que ça se finirait comme ça. » La voix de Darya s’est faite un peu plus douce, même si elle reste encore teintée d’une touche de sa brusquerie naturelle dont elle n’arrivera sans doute jamais à se débarrasser. « Et honnêtement… est-ce que tu aurais fait les choses différemment, si tu avais su ? » Elle en doute. Neven a toujours été le plus ambitieux de leur duo, encore plus depuis le décès tragique de Taryn, depuis la création des Stormvaengir. Prêt à tout essayer, dans l’espoir que ça aide les plans qui tournent dans l’ombre. Ca ne l’étonnerait pas qu’il ait fait exactement la même chose, même en connaissant la fin de l’histoire.

Un soupir. Une dernière pression de ses bras autour de lui avant qu’elle ne le relâche, et elle ne le relâche que parce qu’elle entend le bruit caractéristique de Viktoria en train d’essayer de mâchouiller quelque chose. Elle s’est effectivement rabattue sur les lanières de la tunique de Neven, maintenant qu’elle n’a plus le pendentif de sa mère à portée de main. « Tori, on en a déjà discuté, on ne mange pas les vêtements des gens… » C’est avec une patience à toute épreuve qu’elle extrait un bébé définitivement ronchon des bras du capitaine ; Viktoria râle, chouine un peu, assez fort pour réveiller Milena qui éclate immédiatement en sanglots d’avoir été aussi rudement interrompue dans son sommeil, ce qui pousse évidemment sa soeur à pleurer elle aussi, parce que pourquoi pas, après tout ?

Il faut quelques minutes, et les bras d’une maman clairement fatiguée, pour calmer tout le monde. Les petites ailes de chauve-souris de Milena s’agitent alors qu’elle se recroqueville un peu plus fort contre la poitrine de Darya qui la berce d’une main, l’autre ayant été réquisitionnée par une Viktoria bien occupée à faire ses gencives sur ses doigts, mais la jeune maman n’a pas perdu le fil de la conversation. « Je sais que ça ne te fera sûrement pas changer d’avis, et je ne sais pas à quel point les informations que tu as à son sujet sont sensibles, mais… je doute qu’Assya soit assez idiote pour réclamer ta tête. » Ce serait une réaction exagérée pour une simple rupture de fiançailles, et personne ne prendrait cette exigence au sérieux, à moins qu’elle ne donne de bonnes raisons. Et vu ce qu’elle peut lire entre les lignes, l’hybride doute franchement que sa Suprême veuille offrir son linge sale à la populace.

Assya Ozerov est bien plus intelligente que ça, peu importe à quel point son ego pourrait être blessé.

Nouveau silence. Puis Darya soupire, se cale un peu plus confortablement dans son sofa, les pieds négligemment posés sur la table basse, un sourire un peu moqueur qui étire ses lèvres. « Donc tu comptes aller bronzer sur les plages d’Adriata ? T’as plutôt intérêt à faire le plein de crème solaire. T’es pâle comme un cul, tu vas juste virer au rouge homard. » Elle espère sincèrement que s’échapper un peu lui fera du bien, toutefois. « Ne disparais pas complètement, hm ? Un vif argent ou une lettre seront toujours bienvenus, tu le sais. Et si tu préfères rester un mois ici… eh bien, tu as une chambre. Tu as juste à demander. » Elle n’a aucun doute, toutefois, qu’il préférera partir. Elle espère juste que ce ne sera pas pour des années.

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PLAY | @darya ozerov

Malgré les années et les deuils successifs, Neven peinait à imaginer comment les choses auraient pu tourner différemment : lorsqu'il n'était encore qu'un jeune homme, il s'était interdit de penser à la mort de ses parents, de paraitre faible aux yeux des membres du clan qui l'avait recueillit après le rejet du reste de sa famille. Peut être était-ce pour cela qu'il était resté si insensible aux larmes de Delyan, bien plus jeune, bien plus marqué par les tragiques évènements qui leur étaient arrivés. Tout au paradoxe que son actuelle situation lui imposait, il ne s'était pas au geste de l'hybride demeurant figé tandis que, telle une enfant prêtant son jouet préféré pour consoler un camarade, Darya lui collait l'une des filles dans les bras. Il resta un instant ainsi, gauche dans sa manière de tenir la petite, les yeux clignant dans le vide tandis que son esprit tentait de saisir ce qu'il se passait. Et la petite s'agita, attirant l'attention du nocturne qui, enfin, eut un mouvement pour lui offrir plus de confort que les bras raides qui l'avaient accueillie. Le dernier enfant qu'il avait tenu avec tant de proximité était Idalina, à l'époque où elle n'était encore qu'une petite chose braillarde et babillante exfiltrée de la cour de l'hiver. Décentré de ses pensées noires, l'esprit du Volyn s'apaisa tandis qu'il essayait maladroitement de suivre l'exemple que Darya lui avait montré la première fois qu'il avait vu les enfants, de caler convenablement tête et bras avec plus de précaution qu'il n'en avait jamais eut, de crainte de lui faire mal. « Je ne sais pas ... Je n'aurais sans doute pas dis oui. » finit-il par dire, d'un ton plus calme, le froncement entre ses sourcils se résorbant tandis que sa voix se faisait plus douce pour ne pas alerter l'esprit juvénile de la petite Ozerov. Encore une qui ferait des ravages, songea-t-il avec humour tandis qu'il ne pouvait nier la place que sa tante avait prit dans sa vie malgré tout ses désirs de l'en voir disparaitre. Car pour la première fois depuis des années, il s'était surprit à imaginer plus qu'une vie faite de jour se succédant, plus qu'un emploi du temps qui allait jusqu'au lendemain, jusqu'à la semaines suivante, jusqu'à l'Oeil suivant. Parce que pour la première fois depuis le Fléau, il avait imaginé une vie où il aurait lui aussi sa Viktoria. « C'était une chose que de perdre Taryn : les seuls regrets qui m'animaient concernaient ce temps que nous n'aurions plus, cet avenir qui était perdu à jamais. Ce n'est pas vraiment ce que je ressens actuellement. » explicita-t-il, son regard passant de la fille à la mère, sachant pertinemment que cette dernière se souvenait de la sombre période qui avait suivit la mort de l'illyrienne. C'était le passé, presque une autre vie à présent. Il ne regrettait pas ce qu'ils avaient partagé tout comme il ne regrettait pas que cela se soit terminé mais il ne voulait pas vivre une nouvelle peine de coeur en se réfugiant de nouveau dans l'oubli. Malheureusement, ce qu'il avait envisagé comme une fin aussi anecdotique que le début le prenait aux tripes et exposait son coeur à nus, démontrant l'évidente affection qu'il avait commencé à éprouver pour Assya. « N'est-ce pas horrible ? De préférer perdre les gens par la mort que par la déception ? » demanda-t-il, presque en chuchotant pour que la portée funeste de ses paroles n'atteignent les oreilles de Viktoria. A blessure égale, au moins n'avait-il pas à craindre de croiser Taryn à chaque coin de rue.

Ce fut ce moment que choisit la petite Ozerov pour se rappeler au bon souvenir des adultes, arrachant les deux hybrides à leur conversation des plus dramatiques pour attirer l'attention maternelle. Et cela ne manqua pas, l'exclamation de Darya fit sursauter Neven qui ne put que remarquer l'humidité soudaine de sa veste qui, désormais auréolée d'une tâche de bave, semblait particulièrement au gout de la petite fille. « Laisse la faire, elle a de très bons gouts, mes fringues valent une fortune. » ricana le nocturne qui considérait de plus en plus que la malice de l'enfant était définitivement héritée de son père. Ou de sa mère peut être, se corrigea-t-il en se souvenant de quelques tours joué par l'ancienne capitaine au nom de la rivalité entre milice. Définitivement un bon mélange des deux, conclut-il avec un rire. « Toi t'es une future dure à cuire, hein ? » fit-il remarquer avec un sourire en coin, songeant aux longues années de douloureuse souffrance parentale qui attendait le couple à mesure que la progéniture allait grandir. Car si Neven avait déjà pu rencontrer Merrill lors de son séjour à Velaris, il savait qu'il partageait avec l'illyrien un même humour quand aux bêtises d'enfants et aux savoirs qu'ils se devaient, en tant proches, d'apporter aux deux petites. Pour sur, il ne marquerait pas des points avec Ilya et Darya risquait de vouloir lui arracher la tête, mais il paierait cher pour voir ça.

L'espièglerie soudaine disparue, le temps d'un regard lourd de sens. « J'espère qu'elle n'est pas assez paranoïaque pour penser autrement. » confessa Neven avec inquiétude : lorsqu'il avait quitté Elysium, il n'en aurait pas juré mais alors que le temps jouait en sa faveur, il commençait à envisager que son départ ait assez secoué la nocturne pour qu'elle reconsidère ses positions. Elle avait certes annulé leur fiançailles, mais cela ne signifiait pas pour autant qu'elle était totalement perdu. Peut être n'était-il tout simplement plus la personne qu'il lui fallait. Pas comme ce qu'il pouvait voir chez certain de ses amis, dont celle qui lui faisait face. « Le pouvoir change les gens, Darya ... La femme que j'ai laissé à Elyium n'était pas celle a que j'ai accepté d'épouser l'an dernier. Je sais que tu es assez forte pour remettre les idées d'Ilya en place s'il déraille ... Mais Assya n'a personne pour lui dire qu'elle débloque et de ce que j'ai vu, elle s'arrange pour que personne ne le puisse. » L'aveu le déchirait mais il devait reconnaitre qu'ils avaient toujours manqué d'un équilibre dans leur relation : s'il lui laissait volontiers la politique, il s'était rendu compte qu'elle n'écoutait plus que d'une oreille les conversations qu'ils avaient, plongeant dans une lente paranoïa qui la rendait sourde à tous ses conseils. C'était une chose qu'il ne voyait pas ici, à Menelmorn. Certes Ilya était absent -c'était bien la raison qui avait poussé Neven à se rendre chez eux- mais il avait toujours vu le couple comme profondément unis quoi que leur amour fut encore jeune. Neven n'avait pas eut l'impression qu'Ilya conservait son pouvoir pour lui seul et c'était sans doute cette réciprocité qui l'avait aidé à accepter de voir son amie partir avec cet insupportable petit je-sais-tout. Peut être que, le jour où il finirait par trouver son propre équilibre, il serait capable d'accéder à une telle vie ...

Mais le chemin était long, parsemé d'embuches et la première d'entre elles était les regards et chuchotement sur son passage. S'il avait redouté d'annoncer son possible départ à Dana et Delyan, sa second inquiétude concernait Darya, surtout maintenant qu'il la savait peu engagée envers sa belle-soeur. Il ne voulait pas la voir prise dans un quelconque conflit de loyauté entre son ancienne vie et les amis qu'elle s'y était fait, et la nouvelle où sa loyauté allait avant tout à sa famille. « Tu as toujours été bien trop gentille, coeur d'acier. » finit-il malgré tout par dire, éloignant l'ombre de son ancienne fiancée de leur discussion. Tourner la page commençait peut être par ne plus la mentionner à tout bout de champ ? Pris d'un nouveau rire à l'idée de finir aussi rouge que les buchers de Beltane, il hocha la tête à sa demande : partir ne voulait pas dire renier cette famille de sang et de coeur qui était sienne. Adriata n'était pas si loin et la distance qu'il mettait avec la Cour n'était pas celle qu'il voulait instaurer entre lui et les siens.  « Et laisser cette adorable petite créature loin de ma merveilleuse influence ? Je ne suis pas aussi cruel. » répondit-il d'un ton faussement dramatique, dévoilant un peu des plans diaboliques qui, dans l'avenir, viserait à rendre le jeune seigneur de Menelmorn complètement chauve. « Fais attention à toi Darya. Sérieusement. Ce qui se profile ne me plait pas et je ne parle pas que pour moi. » L'éloignement de gardes ailés, l'annulation de ses fiançailles, la mort d'un ministre nocturne favorables aux avancées concernant leur peuple, la nuit était encore sombre et il comptait bien comprendre ce qui se tramait dans l'ombre.