prelude of the peony (lysandre)

s'il est un endroit qu'achille doit chérir, au-delà de cordof et de ses forêts natales, c'est bien les plaines environnant le domaine seigneurial de cairlond. les valois et les de péone ont toujours eu à coeur de nouer des liens solides entre leurs progénitures; en même temps, ils sont les plus proches voisins de la famille sylvestre et de grands alliés. l'aîné des triplés ne compte plus le nombre de fois où il a pris la route des vergers du printemps. la route, il la connaît par coeur, et galant aussi. si autrefois, il demandait à s'y rendre seul, il est aujourd'hui constamment accompagné. c'est ulysse qui l'y oblige à ne jamais se séparer de son garde personnel: en tant que seigneur de cordof, désormais, il a besoin que l'on veille à sa sécurité. d'autant plus que le printanier est très malhabile une lame au poing; il ne pourrait pas assurer sa propre protection. pourtant, pour le brun, il semble inutile et chronophage de se faire suivre constamment. les gardes ont d'autres choses à faire, se plaint-il en essayant de défendre les malheureux qui doivent s'ennuyer à mourir à suivre les faits et gestes de leur seigneur pacifique. non, puisque c'est leur travail. rétorque souvent ulysse, un convaincu.

achille n'a donc d'autre choix que de s'y plier, tout en intimant au garde en question de conserver une bonne distance avec lui. achille aime se sentir libre, à cheval. il talonne le pur-sang qui virevolte sur les sentiers, bondit au-delà des broussailles, file comme le vent sur les chemins. la monture de son protecteur étant issu d'une moindre lignée, il est bien facile pour achille de confirmer son avance. et c'est comme si galant s'y adonnait aussi, à ce jeu de supériorité.
les parfums des vergers en fleurs apprennent au grand fae que leur destination est proche. il ralentit l'allure, préférant un trot soutenu au grand galop, tout en flattant l'encolure transpirante de son destrier. il aura bien mérité une pause après cette échappée folle. dans son dos, il entend tout juste le hongre haletant de son garde les rattraper. et achille sourit.

on s'occupe de lui à son arrivée à cairlond. tout est bien différent de chez lui; ici les arbres sont maîtrisés. ils ne poussent pas en forêts denses et inexplorées. ils s'étendent sur des lignées entières et infinies où poussent des variétés de fruits savoureux. ce qui a toujours manqué à cairlond, ce sont les majestueuses forêts de cordof. même si la vue sur le lac rend le domaine singulier, achille préfère la rivière sauvage qui s'écoule à quelques pas seulement de sa propre demeure. rien ne remplacera jamais cordof dans son coeur, même si cairlond y a une place toute particulière.
il y est presque accueilli comme un enfant de la famille. pour avoir grandi auprès de lysandre, certains des valois prenaient l'héritier de péone comme un des leurs. d'ailleurs, c'est en descendant de son cheval, s'avançant dans l'allée bride au poing, qu'il lui semble discerner une silhouette bien connue se trouvant là prêt à l'accueillir.

Lysandre avait toujours apprécié le calme de Cairlond : quoi que siège des terres appartenant aux Valois, et de fait possédant sa propre petite cour, il lui trouvait une allure plus intimiste que les vastes salles de Rosehall ou le grouillement incessant d'Elysium. Pourtant, le soulagement attendu, lorsqu'il avait enfin quitté la Cité-Reine pour rejoindre son propre palais, n'était pas aussi présent qu'il l'aurait escompté. Depuis quelques mois, il avait le sentiment de courir dans tous les sens : dans l'hiver tout d'abord, pour y revoir sa mère pour la première fois en quatre décennies, à Elysium pour le lancement de la saison où, pour la première fois, il apparaissait comme seigneur et non comme héritier terrifié. Contre toute attente, ce fut le moment que son grand-oncle choisit pour rendre l'âme, rappelant la famille dans l'hiver, à Brynjolf où la majorité de la haute noblesse d'Evanor s'était rassemblée avant de retourner à la Cité-Reine dans un amusement bien plus mesuré. Lorsque le bal des astres avait désigné Niniel Ethelil comme nouvelle Haute-Suprême, il était resté juste le temps de féliciter les estivaux et s'était éclipsé vers Mairil aussi promptement que la décence l'y autorisait. Ce n'était qu'après quelques jours qu'il avaot reprit la route de Cairlond, retrouvant tantes et cousins, retrouvant le calme de l'existence, retrouvant la solitude. Et c'était là qu'elle avait frappé, l'insidieuse petite voix dans sa tête, celle qu'il avait réussit à faire taire tout ce temps et qui profitait de son esprit désoeuvré pour le hanter. La voix de la raison, sa conscience.

Comme il le faisait tous les jours depuis son retour, il étouffa cette voix intérieure, remontant les manches de sa chemise sur ses bras avant de planter ses mains dans la terre fraichement retournée et encore humide des bacs de la serre familiale. Il ferma les yeux, laissant son élan naturel prendre le dessus et relier toutes les pousses, encore jeunes, se faire sentir comme s'il les caressait du bout des doigts. « La troisième en partant de l'autre bout, elle est fatiguée et ... La cinquième étouffe un peu. Mettez la dans un bac à part.» La petite fae qui se tenait à ses côtés hocha la tête avant de trottiner jusqu'aux pousses pour exécuter les ordres tandis qu'il retirait ses doigts de la terre, s'apprêtant simplement à changer de bac lorsque Gaspard toussota derrière lui. Son regard désapprobateur lui rappelait la conversation de la veille et la manière dont le jeune seigneur occupait son temps dans les serres plutôt qu'à diriger. Alors qu'il s'apprêtait à l'ignorer, glissant son tabouret de quelques centimètre sur la gauche, Gaspard toussota de nouveau jusqu'à ce que, enfin, le blond lui accorde son attention.   « Tu as de la visite.»

Il s'affairait à rentrer sa chemise dans son pantalon, enfilant dans le même temps un gilet sans manche afin de cacher la tenue si peu seigneuriale qu'il arborait loin des yeux étrangers au domaine. Traversant le palais en feignant d'ignorer les quelques révérences de domestiques qui ne l'avait pas encore croisé dans la journée. Ses boucles blondes retombant follement sur son front, Lysandre arriva jusque dans la cour intérieure au moment où la monture de son invité s'y arrêtait.  « Tu viens de mettre mon château sans dessus dessous, tu le sais ? » dit-il d'un ton faussement accusateur dans lequel chantait déjà les prémices de son rire. Il était certain que les visites d'Achille n'avaient plus la discrétion d'antan : désormais seigneur de Cordof, les nouveaux serviteurs ne pouvaient savoir si la visite avait un caractère aussi officiel que leurs rangs le laissait supposé. « Je te manquais tant que cela que tu abandonnes Cordof pour me voir ? » demanda-t-il, taquin tout en étreignant l'ami de longue date, le frère qui ne l'était pas réellement. Tout comme lui, Achille était devenu seigneur sans doute plus tôt que ses parents ne l'auraient souhaité, tout comme lui il appartenait à cette génération de jeunes seigneurs obligé de murir plus vite pour endosser le poids de lourdes responsabilité. Des points communs récent qui accentuaient une amitié aussi vieille que son arrivée dans les terres printanières.

Achille n'est pas mécontent de quitter le dos de Galant. Cette folle cavalcade a meurtri ses muscles, faire une pause en marchant quelques pas lui est salvateur. S'avançant au pas dans la cour du manoir de Cairlond, il entend son garde le rattraper avec un peu de retard. Il ne l'a sûrement jamais perdu du regard, bien que conservant une certaine distance que le jeune seigneur avait besoin d'imposer. Ce genre de demande irrite Ulysse au plus au point, qui rougit de colère en apprenant que son débile de frère pense encore pouvoir vivre comme un enfant de la plèbe. C'est pourtant dans cette vie là qu'Achille se serait plu... Mais dans ce cas, il n'aura jamais pu vivre de ses passions. Errer dans les bois avec son cheval et son chien, jouer de la lyre pour les arbres et les oiseaux, voilà qui ne fait pas gagner sa vie.

Il s'avance tout en saluant plusieurs domestiques qui le reconnaissent. Chaleureux, il prend soin de leur répondre à tous, en s’enquérant de leur situation personnelle dont il a pris soin de se remémorer les grandes lignes. S'il se montrerait plus efficace et volontaire, Achille serait un parfait seigneur. Proche de son peuple, il considère chaque être à part entière et non comme un tout. Ce sont les responsabilités qui l'effraient... Ces devoirs qu'il ne se sent pas prêt d'endosser. Il est peut-être proche d'Atalante et Ulysse, il ne parle jamais avec eux de ce malêtre. Ca ne servirait qu'à envenimer davantage la situation.
La silhouette de Lysandre se dessine dans le paysage. Le brun s'en approche et rit à son accusation. « Je ne viens plus assez souvent. Ils n'ont plus l'habitude de me voir. Il faut réinstaurer ça. » Lâchant la bride de Galant, il étreint volontiers son frère de coeur, véritablement heureux de le retrouver. Dès l'arrivée du Valois sur les terres printanières, les deux garçons ont été présentés et la magie a opéré. Le temps passé ensemble, leurs devoirs communs, leurs caractères semblables, tout était fait pour qu'ils deviennent les meilleurs amis du monde.
Un palefrenier vient chercher le pure-sang et Achille le lui confie après lui avoir adressé une dernière caresse sur l'encolure. « Je peux encore faire demi-tour » qu'il le charrie en retour. Il est si à l'aise ici, tout autant que chez lui. Sa seconde maison. Et il n'y a pas d'autre endroit au monde où Achille se sentira aussi bien. Il est très sélectif, et pas un brin voyageur. « Tu dois avoir des choses à me raconter. Comment s'est passé la dernière saison pour toi, par exemple. » Mais un regard aux mains de Lysandre lui fait comprendre qu'il devait être occupé avant son arrivée. Ses doigts sont encore marqués par la terre des jardins. « A moins que je ne te dérangeais ? »

Lysandre s'étonnait toujours de la manière dont il percevait les gens différemment selon l'endroit où il les rencontrait. Exception faite d'Elina, qu'il ne parvenait à avoir autrement que sous le prisme de ses yeux plein de tendresse, il lui semblait qu'Achille, tout comme Reine ou même Azalée, ne lui apparaissaient de la même manière en privé que dans la sphère guindé de la vie de cour. « Est-ce ta manière de t'inviter ? » demanda Lysandre en riant, leurs plaisanteries lui rappelant l'insouciance de leur enfance pas si lointaine. Car même si cela semblait appartenir à une autre vie, ils avaient été d'autres avant de devenir seigneur, d'autres avant d'avoir des responsabilités. Le Valois avait mis du temps à les accepter, profitant du soutien de la fratrie de son père pour suppléer ce rôle qu'il ne se sentait pas d'endosser, pour pratiquer un pouvoir qu'il ne se sentait pas légitime d'avoir. Ils avaient été pris par surprise par la virulence de la maladie et la disparition soudaine de Garance et Illana Valois, mais aussi par celle de Gédéon Beauchamp amenant au départ de l'héritier de Cairlond devenu, en l'espace de quelques semaines, seigneur puis suprême. Dans une certaine mesure, Achille partageait cette étrange impression : ce deuil qu'il fallait surmonter, ces responsabilités qu'il fallait prendre, et ce alors que tout leur rappelait combien ils étaient peut être trop jeunes pour cela. Evanor ne pouvait plus se permettre de les considéré, âgés de moins d'un demi siècle, comme les enfants qu'ils auraient été à une autre époque, mais s'il était un sentiment que Lysandre partageait avec son ami, c'était bien cette réticence à embrasser son destin, à se plier aux attentes d'une famille, d'un fief, d'une cour.

Et à présent, perdus entre ce qu'ils avaient été et ce qu'ils étaient devenus, se trouvait cet instant, comme suspendu, où ils retrouvaient les émotions passées. Ses yeux suivirent le regard que lui lança Achille, constatant qu'il avait toujours les doigts plein des terres et il les frotta contre les jambes de son pantalon, grognant. « J'évite ma tante. Depuis que je suis rentré d'Elysium, Lys me colle au train comme si je m'apprêtais à faire une bêtise. » Contrairement à Azalée qui avait le don de le hanter par ses paroles, Lys était passée maitresse dans l'art de surgir dans son dos sans un bruit. Peut être sentait-elle l'aura de culpabilité de son neveu ou était-elle doté de la même intuition qu'Illana avait eut de son vivant ? Quelle que fut la raison, Lysandre n'osait dire que la bêtise avait probablement déjà eut lieu, pas tant dans l'acte que dans la décision de garder la chose secrète. Malgré le pacte qui jurait la pleine et entière loyauté de Lys, elle n'en demeurait pas moins l'une des femmes qui l'avaient élevé, presqu'une une seconde mère : ce qui ne l'empêchait donc pas de lui faire les gros yeux lorsqu'il dérapait. Préférant s'éloigner de l'épineux sujet qui l'amenait à penser au mensonge qu'il servait tant à sa famille qu'au reste du monde, Lysandre détourna le regard, toisant la maisonnée qui s'en retournait à ses activité tandis qu'il faisait signe à Achille de le suivre pour contourner le bâtiment principal et retrouver les jardins plus privés de la famille Valois. « La saison ... Tu veux dire, à part devoir jouer les seigneurs à l'enterrement de mon grand-oncle et aux diverses festivités ? » répondit-il avec l'ennui dans la voix. S'il avait compatis à la tristesse des siens après la mort d'Einar, il ne la partageait pas réellement n'ayant vraiment connu le suprême de l'Hiver. Il se sentait triste pour son oncles, pour ses tantes, ses cousins mais la disparition du Asgeir n'avait de réelle incidence sur sa personne et il en avait développé une certaine culpabilité. S'il n'y avait eut la mémoire de sa grand-mère, s'il n'y avait eut son envie de soutenir les siens, se serait-il déplacé ? Sans doute, le devoir de représentation étant plus important que ses considérations personnelles mais s'il y avait eut, à tout cela, une source de réjouissance c'était bien celle d'avoir pu éviter une partie des invitations mondaines sous le prétexte du deuil et de la dignité de ce dernier. « Rien que quelques voyages. J'essayais d'augmenter mon palmarès mais je doute d'arriver à ton niveau ... » plaisanta-t-il, songeant à son aller-retour dans l'Hiver, loin de ses devoirs de seigneurs et de tout ce qui en avait découlé. Ils débouchèrent, après être passés sur une passerelle couverte surplombant une partie des bosquets, sur un jardin plus intimiste, à l'abris des regards que les grandes baies vitrées ornées de dorures du palais offrait sur la vaste pelouse qui constituait un lieu de réception extérieur des plus prisés. L'endroit, caché par quelques arbustes et un grand saule pleureur, offrait un écrin de calme à l'ombre qui profitait de la fraicheur d'un petit étangs presque recouvert d'une algue vert vif et de fleurs aquatiques. C'était ici qu'il s'entrainait à la magie après son rituel d'émergence, ici qu'il venait échappé, ne serait qu'un temps, aux nombreuses sollicitation. « J'ai été particulièrement ... Prolifique cette année. » finit-il par dire en s'installant dans l'un des petits fauteuils d'osier et de coussins moelleux tout en relevant ses manches sur bras, dévoilant de nombreux tatouage. Trop nombreux peut être. Parmis eux, il y en avait un qu'ils partageaient, le pacte qui liait depuis des générations les quatres seigneur du Printemps dans une promesse qui garantissait l'équilibre de la Cour. « Et toi ? Tu as finis par t'habituer à être "Seigneur de Péone" ? » demanda le blond avec un sourire en coin. S'y habitueraient-ils jamais ?

Si Achille est d'un naturel timide envers les inconnus, il en est tout autre en compagnie de personnes chères à son coeur. Sa famille, de sang comme de coeur, le voit sous un autre jour. Jamais il n'a été à l'aise autant qu'avec eux. Lysandre fait partie de ces chanceux, qui trouvent en l'héritier de Péone des sourires sincères et des plaisanteries chaleureuses. Avec d'autres, il rougit avec une facilité déconcertante et ses mains deviennent moites sous le malaise de la discussion. Ce n'est nullement le cas avec Lysandre, même s'il cherche parfois à titiller cette partie de sa personne qui manque cruellement de maturité et de confiance en soi. « Evidemment », qu'il déclare avec assurance, avant de compatir à la mention de sa tante Lys. Le chiot de Cordof ne peut qu'être d'accord avec son ami; il sait bien ce que ça fait d'avoir constamment quelqu'un sur son dos. Si Atalante tend à lui lâcher du leste, son activité à la scierie lui prenant beaucoup de temps, ce n'est pas le cas d'Ulysse, le trésorier, qui le suit comme son ombre et juge le moindre de ses actes. A raison, bien sûr, parce qu'il est connu qu'Achille peine à prendre des décisions justes. Mais ça n'empêche que l'ambiance est devenue tendue, à Cordof, ces derniers temps. « Je compatis. J'aime mon frère de tout mon coeur, mais j'ai besoin d'espace. » Et il avait bien insisté pour ne pas être accompagné lors de sa visite à Cairlond. Heureusement, Ulysse avait réussi à entendre sa demande.

Ils se mettent en marche, contournant la belle demeure des vergers pour trouver le jardin plus intimiste que les deux amis connaissent bien. Ils y ont passé beaucoup de temps dans leur jeunesse, Achille se languit de cette époque de leur vie où ils vivaient plus léger, sans le fardeau de leur famille qui pesait sur leurs frêles épaules. « Oui, à ce propos, tu me vois désolé pour toi. » Il n'avait pas encore eu le temps d'adresser ses condoléances à son ami. C'est aussi parce qu'il sait que les liens qui l'unissaient à Einar n'étaient pas des plus forts. Il se met à rire lorsqu'il parle du palmarès du de Péone. Alors là, il est difficile à battre tant il est médiocre, mais Achille ne s'en cache pas pour autant. Pas devant Lysandre. « Je suis imbattable. » Il ponctue sa phrase d'un geste de la main, se désignant comme d'un air orgueilleux.
Les deux Printaniers s'installent à l'abri des regards, dans ce recoin que l'homme des forêts connaît bien. Ils sont souvent venus ici, près de l'étang, les longues branches du saule pleureur les emballant dans un cocon réconfortant, coupé du monde. Lysandre s'installe sur un fauteuil et son invité l'imite, le regard attiré par les manches qui découvrent ses bras. Il parle de sa prolifération avec sarcasme, mais un détail dérange Achille sur son bras. Le sujet de conversation dérive pourtant vers lui, qui s'enfonce dans le siège comme pour disparaître. « Absolument pas », maugrée-t-il en noyant son visage dans l'une de ses paumes. « J'ai peur de ne jamais m'y faire. » Il libère son visage et poursuit; « J'ai fait l'effort, l'année dernière, de me rendre à Elysium pour me présenter en tant que nouveau Seigneur de Cordof. Et cet été... J'ai feint de crouler sous le travail. Ulysse et Atalante s'y sont rendus pour moi. Ils rayonnent en public, ils font une excellente publicité. Si j'avais été là, je n'aurais fait que ternir leur lumière. » Rien que de s'imaginer dans la foule de la saison sociale, le coeur d'Achille se met à battre la chamade. Il libère la pression d'un grand soupire.

« Et tu ne devineras pas la meilleure. Une envoyée du Suprême diurne est arrivée en personne à Cordof ces derniers jours. Elle sonde les jeunes Seigneurs à signer d'éventuelles alliances avec Ehsan Ghafa. Est-ce que tu m'imagines devant elle, à lui bredouiller des réponses diffuses ? » A ce souvenir, il cache son visage dans ses mains, avant qu'elles ne glissent dans ses cheveux qu'il tire en arrière. « Tu aurais dû voir cette discussion. C'était ho-rrible.  »

Il enviait parfois les vastes fratries autant qu'il les redoutait. Lysandre savait qu'il aurait été hypocrite de sa part de dire qu'il avait grandi seul, premièrement car ce n'était pas vrai et ensuite parce que cela aurait été mesquin envers les Valois qui l'avaient accueillis et traité comme l'un des leurs dès le premier jour. En vérité, Lysandre regrettait de ne pas avoir eu de jumeau ou de jumelle, un être à qui se confier, avec qui partager cet étrange quotidien qui avait été le sien entre affection et bâtardise, entre devoir et fuite. Pour autant, il n'avait pas été seul : si sa mère lui avait manqué, son père n'avait pas été seul pour l'élever et c'était autant par ses grands parents que par ses oncle et tantes que Lysandre était devenu, pour autant que son âge permettait de le dire, un adulte. Guère de fratrie mais une longue liste de cousins et cousines d'à peu près son âge avec qui courir dans les champs des terres Valois, avec qui se cacher dans les vergers de Cairlond et avec qui se chamailler dans les couloirs du château. Et pourtant, malgré ce vaste entourage, la pointe de solitude demeurait. Pas assez pour souhaiter voir une belle-mère débarquer dans sa vie, mais suffisamment pour regretter l'un des très nombreux choix que sa mère avait fait et qui se retournaient contre eux tous. « Une chance que je sois fils unique. » dit-il cependant, à demi-amusé, à demi-envieux. Il aurait aimé avoir un frère à fuir plutôt qu'une tante et quelque part, il admirait le système de Cordof qui ne laissaient pas l'ensemble des responsabilités échouer sur une seule paire d'épaule. Mais il était le mieux placé pour comprendre l'état d'esprit d'Achille : trois têtes ou une seule, il n'en restait pas moins que c'était lui qui portait le titre, lui qui portait le tatouage, lui qui portait les responsabilité au nom de la famille. Et cela, trinité ou non, personne d'autre qu'un Seigneur ne pouvait le comprendre.

Peut être était-ce pour détendre l'atmosphère et oublier ce qu'ils cherchaient tant à fuir, chacun à leur manière, que Lysandre s'était atteler à parler de voyage et de choses ô combien plus exaltante que la gestion d'un fief, et les devoirs qui leur incombaient. Malgré tout, ils en revenaient toujours à cela : ce décalage qu'ils ressentaient, l'un comme l'autre, à porter un titre qu'ils se voyaient tous deux trop jeunes pour avoir. Avant le Fléau, on les aurait tout juste pris au sérieux, peut être même considéré encore comme des enfants. A présent, plus personne n'avaient le luxe de discuter leur position, même en mettant en avant leur âge précoce. Cela ne signifiaient pas pour autant qu'ils s'en sentaient plus prêt à tenir les rênes d'un palais, de terres, ou d'un nom. Lysandre savait que dès lorsque la nouvelle de son mariage serait officielle, on attendrait de lui qu'il sécurise la ligne de succession en donnant à Cairlond des enfants mais il préférait aller à son rythme. Son mariage était une chose récente, une chose secrète qui permettait à Elina de gérer sa propre succession, de rendre son titre de baronne dans le calme et la sérénités et il devait reconnaitre que cela l'arrangeait tout autant. Il ne voulait pas être le bébé seigneur constamment entouré de dame plus maline, plus douée, et toujours plus maternante. S'il était arrivé après la saison avec Elina, moins d'un an après avoir été nommé Seigneur, on aurait sans doute penser que c'était elle qui le dirigeait, elle qui prendrait les décisions et il retournerait dans l'ombre. L'ombre était confortable, mais il y avait renoncé pour le bien des siens, de sa cour, de ses gens et il ne voulait plus se cacher derrière qui que ce soit. « Honnêtement, je pense qu'il n'y a que Reine pour aimer ce rôle. Et peut être Blaize Wintell, mais il est plus vieux et il a eut le temps de s'y préparer depuis des années alors ... C'est un peu de la triche. » Il dit cela avec un sourire légèrement moqueur et un ton complice : il était vrai qu'en succédant à sa soeur, le seigneur d'Aurëdant devenait le Seigneur le plus âgé des quatre, plus âgé, même, que son Suprême mais avec la charge de remonter dans l'estime du Printemps tout entier un nom qui partait à la dérive. Il se souvenait de Dame Zélie et de son franc parler déroutant, de ses manières provocantes mais de son humour si décalé. Elle l'avait fait rire autant qu'elle l'avait terrifié mais savoir qu'elle n'était plus de ce monde semblait toujours aussi étrange que la première fois où il l'avait croisé. Il offrit alors un soupire théâtral avant de reprendre. « Ceci dit, tu n'as rien raté. Les automnaux étaient regroupés comme si leurs vies dépendaient de ce rituel, les hivernaux étaient en traine de conspirer dans leurs coins et ... Personne n'a fait attention à nous jusqu'à ce que tout ne soit que sable et coquillage. » Il ne remettait pas en question le choix de la Mère : Niniel Ethelil avait l'air d'être une bonne Suprême et il espérait que son règne apporte un vent de fraicheur loin des complots et des meurtres qui avaient terni la fin de celui d'Assya Ozerov. Mais il ne pouvait réprimer le chauvinisme qui le poussait à vouloir voir le Printemps brillé. Ils passaient pour des ânes, une fois de plus ... Et c'était non sans éclats, au cours d'une conversations houleuses avec son père, que Lysandre avait quitté Mairil, se tamisant vers Cairlond comme un gamin faisant une crise. A ses yeux, les deux années qu'Ambroise avait passé enfermé à Rosehall à reprendre les affaires du Printemps, à remonter les finances de la Cour et à oeuvré dans l'ombre et la discrétion se retournait contre lui. Personne ne le connaissait, personne n'imaginait sa politique et cela jouait contre eux.

Il cligna des yeux à l'histoire contée par de Péone. Le Jour n'était pas une cour qui s'aventurait souvent sur les terres du Printemps, et il n'avait pas souvenir de la dernière alliance entre un Suprême diurne et une famille printanière : les Akthar étaient resté, jusqu'à récemment, la famille incontestée au pouvoir et il imaginait sans mal que le nouveau Suprême devait chercher des soutiens hors de sa Cour pour assoir sa position. « Ehsan Ghafa ? Quel type d'alliance, il se cherche une femme ? » demanda-t-il, curieux de connaitre la raison pour laquelle une envoyée d'Eliorh avait fait tant de chemin pour s'entretenir avec Achille. « J'imagine que ta tante devait être ravie ... » ajouta Lysandre, retrouvant son ton taquin. Si la passation de pouvoir s'était, à Cairlond, bien déroulée, il doutait que Calypso de Péone eut était très heureuse d'abandonner son titre à son neveu à la mort de sa soeur. Se voir relégué au rang de douairière ne devait rien avoir de très drôle pour une femme aussi fière qu'elle semblait l'être.

Autant Achille souffre de différends au sein de sa fratrie, autant il ne la remplacerait pour rien au monde. Ulysse et Atalante sont deux fragments de son être: à la naissance, leur âme a été séparée en trois entités qui ont chacune gagné un corps différent. L'un aura hérité de la passivité, l'autre de maturité et l'autre de la vivacité. Ils se disputent parfois - souvent, davantage encore depuis qu'ils ont pris officiellement les rennes de leur famille - et même si cela fait souffrir l'ainé du trio, elles sont nécessaires. Elles les aident à se comprendre, à mieux se cerner. Achille serait incapable de vivre sans eux.
En omettant Ajax de l'équation, évidemment.

« Nous ne jouons définitivement pas dans la même cour qu'eux. » Et Achille se complait dans cet agréable déni. Encore aujourd'hui, il laisse volontiers la lumière et les décisions à prendre par ceux qu'ils le veulent. Il a toujours trouvé sidérant ces traditions qui l'obligent à endosser un rôle dont il n'a jamais voulu... D'autant plus lorsqu'il se trouve entouré d'un frère et d'une soeur qui feraient bien meilleure allure que lui. Les grands de ce monde l'intimident, qu'il s'agisse de Blaize Wintell ou même d'Ambroise, alors qu'il connaît le Suprême depuis qu'il n'était qu'un gamin. Achille ne se sent à l'aise qu'en présence de ceux qui lui sont proches, et ils se comptent sur les doigts d'une seule main... Ulysse, Atalante, Lysandre et Luciana... Et finalement, il manque même un doigt pour combler sa seule dextre. Il ose espérer que si sa destinée est ainsi, c'est que sa Déesse a quelque chose de prévu pour lui. « Je viendrai l'année prochaine. Juste pour me délecter du regards ahuris de ceux qui ne sont pas ravis du choix de la Mère. » Et pour ravir aussi Ulysse, qui l'a tant poussé à s'y rendre cette année, sans succès.

Le jeune de Péone soupire. « Il n'a pas été question de ma soeur dans la demande de sa Zodiaque. » Et heureusement... En aucun cas Achille ne voudrait être celui qui décide de la vie amoureuse d'Atalante. Elle est libre de faire ce qu'elle veut, au même titre qu'Ulysse. Excepté leur devoir de procréation qui repose davantage sur lui-même pour l'instant, ils n'ont aucun compte à rendre. « Il veut s'assurer des liens entre les jeunes seigneurs d'Evanor. Pour qu'on se soutienne. » Il n'arrive pas à s'imaginer tout ce que cela pourrait signifier. Il n'arrive pas à voir clair dans cette situation. « Il pourrait bien venir à Cairlond aussi, méfie-toi. » Petit air moqueur et vengeur, en espérant ne pas être le seul à être empêtré dans cette situation désagréable. « Je ne lui ai pas encore donné de réponse. Je dois en discuter avec la Trinité. Et j'aimerais entendre l'avis d'Azalée, aussi. » Il aurait bien voulu, lui aussi, disposer d'une tante de confiance. Un lien de sang en dehors de sa fratrie auquel il peut se confier sans crainte. Mais la portée de Péone est si seule dans ce monde... Ils ne peuvent compter plus que sur eux-mêmes, tristement. « Calypso ne sait rien... Je la laisse le plus possible en dehors des affaires seigneuriales. » C'est peut-être Ulysse le plus méfiant à l'égard de leur tante, mais Achille ne se laisse pas faire non plus. Ou du moins, c'est ce qu'il croit.

Mais un détail a tiqué à son regard. Un tatouage, un pacte, qui n'était pas là auparavant. Achille a envie de changer de sujet de conversation, et c'est un air taquin qui s'étend sur son visage tandis qu'il demande, guilleret; « Dis-moi Lys... Je rêve ou t'as une nouvelle marque sur ton bras ? » Son bras tombe au pied de sa chaise, racle le sol et cueille une petite pâquerette. Il la fait tourner entre ses doigts devant ses iris claires, mais il reste attentif à la réponse de son ami qui, il en est sûr, satisfera sa curiosité...

Lorsque l'histoire relaterait les suites du Fléau, sans doute parlerait-on de tous ces faes qui, à l'âge d'être encore considéré comme des enfants, se voyaient pourvus de lourdes et terrifiantes responsabilités. Certains étaient nés pour cela : il n'y avait qu'à voir la grâce et le sérieux de Lady Reine Beauchamp, toujours impeccable dans son rôle, en perpétuelle représentation. D'autres ... Le supportaient comme ils pouvaient. Etait-ce parce qu'ils étaient trop jeunes et immatures ou parce que cela n'était pas dans leurs caractères, il semblait évident qu'au delà de l'amitié des deux printaniers, ils se rejoignaient sur une même difficulté à se retrouver à la tête d'une famille, d'un domaine, de comtes et de barons. Si Achille avait grandit en sachant qu'un jour ce rôle lui incomberait, Lysandre avait vécu dans un heureux déni jusqu'à ce que le destin se rappelle à son bon souvenir en le catapultant de l'ombre où il se cachait jusqu'au devant de la scène. Le Fléau avait surprit tout le monde et si leurs destinées étaient de prendre la tête des deux fiefs qui étaient leur, l'épidémie avait précipité la chose et s'en était allée en les laissant là, hébétés et stupides. « Crois-tu qu'ils prennent le thé quelque part à Lumren en devisant sur les canetons boiteux que nous sommes ? » demanda Lysandre avec un sourire en coin que l'image de Reine et Blaize faisait rire. Il se les représentait parfaitement, Reine et sa dignité habituelle, le petit doigt relevé sur la anse de sa tasse tandis que Blaize, ses cheveux de feu repoussé vers l'arrière, ferait le récit des dernières nouvelles des deux jeunes seigneurs. La vision avait de quoi rire bien que leur comparse de Lumren était sans doute trop distingué pour s'abaisser à de tels commérages. Du moins, pas avec un autre grand seigneur. Il s'arracha à son hilarité silencieuse à la promesse qu'Achille serait là l'an prochain et soupira, enviant sa liberté de décider quand il pouvait, et voulait, se rendre aux mondanités sociales. « Parfois je regrette d'être forcé d'y aller chaque année. Je n'ai absolument aucun doute sur le fait qu'il viendrait le chercher par la peau des fesses s'il voyait que je ne me pointe pas ... » Et l'idée d'Ambroise Valois venant le chercher dans son terrier ne lui plaisait guère. Cela n'était que peu reluisant pour son image d'être infantilisé de la sorte et cela ne manquerait pas d'abimer ses relations, y compris avec son paternel. Avec un ricanement il proposa « On échange si tu veux ? Je veux bien récupérer la terrible Calypso De Péone et je te laisse Ambroise Valois ... » Il ne le pensais réellement : il était certain qu'Ambroise était bien plus permissif avec lui, bien plus compréhensif que l'ancienne dame de Cordof mais il semblait, à cet instant, plus simple d'envoyer paître une tante que de s'affirmer envers son père.

La visite diurne à Cordof attisa cependant sa curiosité et ce fut non sans un sourire qu'il commenta la mise en garde de son ami. « Devrais-je jouer les vexés si elle ne se pointe pas ? Je suis plus jeune que toi après tout. » De deux années, certes, bien qu'il ne gardait pas le titre de plus jeune seigneur de la Cour, ce dernier revenant à Reine qui, du haut de ses quarante-quatre ans, demeurait la plus jeune fae en responsabilité d'Evanor. Toutefois, considérant qu'elle était Dame depuis presque sa naissance, Lysandre aurait considéré cela comme de la triche. Il se demanda, avec plus de sérieux cette fois ci, s'il devait réellement s'attendre à une visite diplomatique et quel serait le contenu de ce discours énigmatique qu'Achille lui relatait. tout ceci le renvoyait à un questionnement plus profond que le ramenait, encore et toujours, à Ambroise. Il avait parfois le sentiment de n'être qu'une entité avec son père, comme si la soudaineté de son élection de Suprême était aussi compliqué à saisir pour eux que pour le reste d'Evanor, comme si Lysandre n'était qu'une part de l'être paternel sans volonté propre. C'était, certes, son rôle de s'émanciper davantage mais il n'osa dire à Achille qu'il craignait que l'envoyée d'Ehsan se rende directement à Rosehall plutôt que de passer par Cairlond. « Qu'on se soutiennent les uns, les autres ... Je t'avoue que tout cela me laisse songeur : jeune en titre tu crois ? » Car après tout, Ehsan n'était-il pas le Suprême le plus âgé du Concordat ? Il se demandait ce qui se cachait derrière tout ça, ce que pouvait vouloir la Cour du Jour avec qui le printemps avait si peu de contact et cela ne faisait que bouillonner son sang dans ses veines. Il en venait à espéré que l'envoyée vienne à sa rencontre pour comprendre. « Je me demande ce que tout ça cache ... » confessa-t-il tandis que la mention de Calypso arrachait à Achille une vérité sur la mise de côté de l'ancienne membre de la Triarchie. Lysandre songea que cette dernière ne devait guère être heureuse de se voir aussi facilement ignorée bien qu'elle n'ait encore vent de cette affaire, quelque chose lui disait que ce n'était pas la première fois que la fae était laissé hors des affaires du domaine. « Ne risque-t-elle pas de te faire un scandale si elle apprend que tu consulte ma tante avant même de lui en parler ? Pour l'heure tu es le seul qui m'évoque une telle visite, Reine ne m'a pas parlé d'un invité diurne à l'improviste la dernière fois que nous nous sommes vu. » Il prit le temps de réfléchir, sa dernière rencontre remontant au soir du Bal des Astres mais la conversation avait tourné autour des nouvelles responsabilités du Valois et la Beauchamp n'avait guère évoqué son quotidien de Lumren. Etaient-ils assez proches pour qu'elle lui confie pareil visite ? Après tout, la moitié d'Evanor les prenaient déjà pour des amants maudits ...

La remarque d'Achille le prit par surprise et il demeura un instant figé par la stupeur. Lui même ignorait comment il était soudainement tombé dans les pactes à outrance, dans l'omission et les décisions prises à chaud sans une once de recul. Il n'avait jamais été friand du culte du secret, regrettant que sa propre existence ait débuté de la sorte et refusant d'alimenter davantage cette forme de mauvaise habitude visiblement héréditaire. Mais même avec toute la bonne volonté du monde, l'on échappait jamais à son destin. « Mais dis moi, tes bouclettes sont particulièrement belles aujourd'hui. Tu fais appel à un nouveau coiffeur ? » demanda-t-il sur un ton faussement mielleux qui aurait sans doute fait comprendre à n'importe qui que le sujet ne serait pas abordé davantage. Pour autant, le poids de ce silence pesait autant dans sa conscience que dans son coeur : il était heureux et il voulait le partager, il voulait le dire, il voulait libérer ce trop plein d'émotion qui le submergeait par moment. Et il ne pouvait pas. Par moment, il se demandait si son choix avait été le bon, si attendre et faire les choses dans l'ordre n'aurait pas été mieux. Bien sur que si. Mais il avait voulu prouver des choses, il avait voulu démontrer son engagement profond. Il ne regrettait pas le mariage, seulement de ne pouvoir partager la chose avec ceux qui lui étaient cher, seulement d'avoir peur de leur réaction et d'ajouter, à la précipitation de son choix, la déception de son mensonge. Il hésita un instant, considérant que si au moins une personne pouvait ne pas lui reprocher ses cachotteries, cela rendrait la colère des autres plus supportable. « Aïe, aïe, aïe ... Si toi tu l'as remarqué ... Y a aucune chance pour que Lui, ne voit rien hein ? » finit-il par dire, songeant que son père était peut être celui qui, de tout son entourage, suscitait sa crainte vis à vis de sa décision.