(Neven) Astres et marées

C'était ainsi que s'était achevé la régence nocturne, les ombres étoilées du plafond s'éclaircissant pour faire apparaitre un décor de coquillages et de tapis aux couleurs marines désignant la Cour de l'Été pour diriger le continent pendant les prochains mois. Neven ignorait comment il se sentait vis-à-vis de cela : bien qu'il ne soit guère porté sur la politique, il ressentait la déception des ses compatriotes autant que la légère satisfaction d'imaginer la mine défaite d'Assya. C'était puéril mais c'était ainsi, la blessure était encore trop fraiche dans son esprit pour le laisser de marbre. De toute la soirée, il ne lui avait accordé un regard, imaginant qu'elle n'existait pas et changeant de groupe dès qu'il sentait sa présence s'approchant de la délégation nocturne et, par chance, elle n'avait pas particulièrement cherché sa compagnie. Lorsque les volutes obscures avaient laissé place au verre poli aux teintes azurées, Neven savait que sa décision était prise : des doutes qui avait pu demeurer après son départ d'Elysium, il n'en restait aucun. Il savait que Darya l'avait comprit, elle comprenait tout bien avant que l'idée ne le traverse et il avait assez abordé la chose avec Merrill pour savoir que cela ne changerait rien à leurs projets. Restait sa famille à prévenir, une discussion avec Dana s'imposant. Combien de temps il disparaitrait de Velaris ? Il l'ignorait encore. Mais si l'invitation avait longuement tourné dans sa tête, le retour d'Assya dans la cité des étoiles achevait de rendre la proposition des plus alléchantes et son besoin de partir, presque vital.

Il était de retour après de Darya lorsqu'elle le retrouva, rappelant à tous l'inimaginable duo qui s'était présenté, en retard qui plus est, aux portes du grand hall. Un scandale de plus ou de moins ne changeait désormais plus rien à sa vie et s'il pouvait rendre service ... Il leva un sourcil en la voyant boire son verre d'une traite, un rictus amusé se dessinant sur ses lèvres tandis qu'elle s'esquivait, non sans une invitation à la rejoindre à l'extérieur. S'excusant auprès de Darya et du couple Odegaard, l'hybride délaissa à son tour le petit groupe et, adressant quelques signes de tête aux quelques personnes avec qui il avait conversé ce soir et qui croisait sa route, retrouva Adrielle après quelques enjambées. « J'hésite encore : dois-je te présenter mes félicitations ou mes condoléances ? » lui demanda-t-il, son regard la fixant du coin de l'oeil tandis qu'elle semblait perdue auprès de la fontaine. Il aurait bien été le dernier à commenter sa réaction : s'il ne doutait pas que la noblesse tout entière devait se bousculer en congratulations mielleuses et d'oeillades envieuses, il pouvait comprendre qu'on préfère s'éloigner de ce pouvoir qui apportait autant de puissance que de malheur. User de ce dernier pour protéger les gens que l'on aimait faisait de vous un tyran et tenter de paraitre le plus juste envers tout le monde ne servait qu'à vous brider un peu plus que ce que les conventions imposaient déjà. L'amertume du nocturne vis-à-vis du pouvoir ne datait pas de la veille, mais sa récente expérience de vie n'avait fait que confirmer ce qu'il pensait déjà et la très légère réticence qu'il décelait chez sa cavalière lui paraissait des plus naturelle. Redoutait-elle de se faire dévorés par les responsabilités évoquées ? Ils ne se connaissaient sans doute pas assez pour qu'il lui demande le fond de sa pensée.

Aussi Neven se contenta-t-il de s'assoir sur le rebord de la fontaine, admirant le palais changeant, abandonnant l'architecture nocturne pour revêtir un habit de circonstance et des formes plus estival. Il n'entendait pas clameur des habitants d'Elysium mais il savait qu'Evanor tout entier était à présent au courant. « Peut être devrais-tu t'accorder la soirée ? La nuit est belle et tu as toute une année pour t'en faire. » dit-il, les yeux fixés sur ce ciel qui demeurait sombre, seule vraie nuit dépourvus d'une quelconque magie, cette nuit qu'il avait perdu lorsqu'il s'était perdu lui même dans un marché inégal. « Après tout je suis ton cavalier jusqu'à ce que le bal cesse, je suis à ton entière disposition. » lui dit-il avec un sourire amusé. Les responsabilités viendraient bien vite et la préoccupation marquerait son visage bien assez tôt. Il se sentait d'humeur joyeuse, sans doute grâce aux quelques verres qu'il avait bu un peu plus tôt dans la soirée, et elle avait l'air d'avoir véritablement besoin de discuter d'autre chose que de la régence, que de la Cour, que du pouvoir. A moins que ce fut précisément ce dont elle avait besoin : extérioriser ses craintes et ses doutes avant de devoir rester de marbre jusqu'au prochain bal, jusqu'à la prochaine régence.

Il s'entendit ricaner doucement, non pas de manière moqueuse mais d'un humour triste qui lui rappelait combien son discours faisait écho aux propres questionnements qu'il avait pu avoir un jour. Quand son père était mort, quand son grand-père était mort, ... L'hérédité était un concept fort chez le nocturne, lui qui avait toujours eut à coeur de démanteler ce que le Patriarche avait pu construire dans une vengeance complaisante mais qui, parfois, regrettait d'avoir abandonné ses racines. Il n'enviait pas Merrill pour être le premier baron ailé de la Cour de la Nuit, et d'Evanor tout entier, tout comme il n'enviait pas les petites Ozerov pour être les premières hybrides de la noblesse nocturne, les premières à être des enfants légitime et non des naissances que l'on accordait à une brève aventure. Il se fichait de la noblesse, des titres et de ce qui allait avec, mais lui aussi ressentait le décalage. Celui qui lui donnait l'impression de n'être à sa place nul part, miroir d'une autre crise identitaire. Plus noble depuis deux générations, mais peu considéré comme un membre du peuple, trop illyrien pour les faes, trop fae pour les illyriens. Son existence entière était une balance perpétuelle qui ne le plaçait dans aucun camp, dans aucun groupe, le forçant à se battre encore et encore pour s'assurer d'être accepté non par le sang ou le nom mais bien par l'effort. « Un jour, sans doute, une future ailée Ethelil se tiendra dans ces jardins et regrettera que le monde ne fut autrement car elle se retrouve désormais obligée de subir les réunion assommante d'un Concordat grabataire. » dit-il avec moquerie, songeant au temps perdu en bavardages inconséquents, en diplomatie barbantes, en procédure qui n'en finissait plus. S'il avait retenue une chose de cette année à Elysium, c'était qu'il n'était pas fait pour la politique car même si, d'extérieur, il paraissait à l'aise et patient, intérieurement il mourrait d'envie d'envoyer tout ce beau monde retrouvé leurs ancêtre. Jamais il n'avait été aussi certain de la voie qui était sienne : il était un militaire, dans l'âme et dans le sang, et il laissait volontiers le pouvoir aux autres. « J'suis sur que Monteserre en fera encore parti : je le vois bien nous enterrer sur des générations et s'accrocher à la vie et au pouvoir quitte à devenir un record de longévité. » C'était facile de rire du désormais doyen du Concordat dont la mine sombre trahissait une forme de mécontentement permanent. Quelque part, il se demandait si, sous ses airs ennuyé et désinvolte, l'automnal n'était pas celui qui était le plus heureux d'être Suprême. Face aux Six autres qui avaient l'âge d'être encore considérés comme des enfants, il détonnait mais même s'il était le fae le plus expérimenté de ce petit groupe, Neven avait le sentiment qu'il finirait par tous les enterrer.

Si elle adhérait à la légèreté de la conversation, cela n'empêcha en rien les choses de revenir sur un versant plus sérieux et le sourire de Neven le quitta tandis qu'appuyant là où cela faisait mal, elle lui rappelait toutes les raisons qui l'avait poussé à fonder, avec trois acolytes, les Stormvaengir. L'idée qu'Assya savait pour son implication dans la guilde lui donnait toujours froid dans le dos mais son silence à ce propos, même après l'annonce de leur rupture officielle, le laisser penser que Darya avait raison : ils étaient dans un équilibre qui, pour l'heure, les arrangeait tous deux. Elle savait des choses, il en savait également : ils pouvaient se laisser tranquille, ou se détruire mutuellement. « Avec des si, on pourrait refaire le monde tu sais ... Si je n'avais pas eu un ancêtre trop gourmand au point de mettre les mains là où il n'aurait pas du, je pourrais être baron. » soupira-t-il avant de lui offrir une grimace comique et exagéré du dégout que cette idée lui procurait. Car malgré toutes les questions, malgré les regrets sur ses racines qui disparaissait lentement, il n'aurait jamais supporter la baronnie et ce qui allait avec. Sa liberté lui plaisait trop et il se fichait bien du fonctionnement du monde, seule l'intéressait, seule le préoccupait cette égalité entre ailés et fae que son propre grand-père lui avait nié lorsqu'il était enfant. « Si nous avions eut cette conversation, il y a un an, je t'aurai dis que le monde était en train de changer et que peut être, dans un futur proche, une hybride Ethelil aura le loisir d'accepter ou de refuser la charge dont on t'a privé d'entrée de jeu. Mais aujourd'hui ... Je n'en sais rien. » Il avait placé beaucoup d'espoir en Assya et de ce travail, il ne restait rien qu'une rancoeur d'égo, un sentiment de trahison et le sentiment que Velaris ne serait plus jamais la même. Il avait pensé qu'ils se comprenaient, il avait confié des choses pour l'aider à glisser de son point de vue, pour l'amener à comprendre et à possiblement pardonner, pour qu'elle agisse dans leur sens et il n'en était rien.  Leur visite des laboratoires de l'Aube l'avait laissé croire que tout était possible et qu'elle agirait en faveur des ailés, hybrides et illyriens en imposant une liberté que seuls les nocturnes connaissaient. En tant que Haute Suprême, elle aurait pu faire tellement plus que simplement se promener d'une cour à l'autre ... Sa mâchoire se crispa tandis que le souvenir d'une de leurs dernières conversations lui revenait en tête : le palais de Jade et ses doutes, son envie d'aller faire patte blanche devant l'aubéenne en reconnaissant l'intrusion tandis qu'elle éloignait sa garde du corps, tandis qu'elle éludait le danger pesant sur la baronne d'Ondiane. Ils étaient quantité négligeable, même à la Nuit, s'était alors dit Neven en proie à une colère sourde, elle avait la même politique que les autres mais se contentait de l'emballer dans un papier de bien-pensance et d'ouverture. Rien n'était réel, rien n'aboutirait. C'était la première fêlure dans leur incroyable duo, le premier pas vers la fin. « Le monde est si compliqué ... Je suis bien content de ne pas être 'Baron Volyn', crois moi. » Ne mesuraient leur chance que ceux qui avait côtoyé de près ce pouvoir : s'il plaisait à Merrill de jouer les barons, cela ne regardait que lui, mais Neven préfèrerait se jeter de la plus haute montagne de la Nuit que de se voir contraint au devoir de la noblesse. Pas après ce qu'il avait vécu ici. Il se plaisait à voir les mines choquées tandis que, grand anonyme de l'année précédente, il venait de s'inviter à deux bals de fin de saison au bras de deux femmes différentes : une Suprême et une qui, s'il en croyait sa compagne du soir, aurait pu l'être s'il n'y avait eut cette discrimination envers les ailés.

Il retrouva son sourire tandis qu'à la gêne de l'hybride se mêlait ses interrogations sur un franc parler si intime, évoquant l'alcool comme raison de sa soudaine désinhibition. « Je préfère parler de complicité entre hybride. » répliqua-t-il d'un ton complice, jouant des reflets des lumières du palais sur le noir de ses ailes. Reprenant son air sérieux, il glissa un regard vers elle qui semblait avoir soudainement vieillie en un soirée. Ce n'était pas un remarque, faite à lui même, qui l'enlaidissait, rien qu'un constat de ce que le pouvoir pouvait avoir comme conséquence sur tout un chacun. Car elle demeurait belle, même avec ce regard teinté d'une inquiétude nouvelle, même avec ce visage froncé par le doute et les questionnements.  « J'imagine que c'est sans doute parce que je sais ce que c'est d'avoir un proche qui intègre ce palais et d'avoir l'impression de n'y être réellement invité soi même. » dit-il avec une nonchalance que vint accentuer un haussement d'épaule. Après tout, elle était la soeur de la Suprême désormais Haute-Suprême et lui avait été le fiancé d'une autre, une qui l'avait précédé sous cette couronne évanorienne. Le hasard était curieux, intéressant et particulièrement drôle mais tandis qu'ils se retrouvaient là, dans les jardins, à deviser sur le sens de tout ce qu'ils vivaient, à tenter de comprendre comment ils en étaient arrivés là, il trouvait que cela n'étiat pas trop mal. Ils étaient rares, les gens avec qui Neven pouvait pleinement se détendre et parler. Merrill était un grand ami, mais il ne comprendrait jamais totalement. Tout comme sa propre fratrie qui ne pouvaient désormais plus saisir l'ampleur de sa rancune maintenant qu'Assya ajoutait une dimension personnelle à son combat contre l'injustice. Peut être l'estival finit elle par saisir la tension qui émergeait de son cavalier car le ton changea, retrouvant une étrange légèreté quoi que teintée d'une certaine curiosité. Un sourire en coin se dessina sur le visage de l'hybride, le souvenir d'une certaine diurne se rappelant à lui. « Et bien figure toi que l'on m'a dit que j'étais pâlot récemment, je me suis dis qu'une destination au soleil saurait remédier à ce problème. » Répondit-il avec humour. A demi seulement, songea Neven. Il ne pouvait pas fuir la Nuit sans endroit où aller et il se trouvait que l'Eté regorgeait de vieilles connaissances mais aussi de zéphyrs dont il ne savait rien et au bon souvenir desquels il aimerait se rappeler. Quoi qu'il se devait de taire cette dernière raison, le nocturne reprit en évoquant la conversation qu'il avait eut avec son supérieur quelques semaines plus tôt. « J'envisage de proposer mes services à qui voudrait mettre sur pied une milice, prendre contact avec d'autre ailés, faire avancer les choses d'une autre manière. Rien de définitif pour l'instant mais ... Qui sait, je ne suis pas fermé à l'idée de déménager à terme. » Il avait tant de deuil à faire avant d'envisager revenir sérieusement sur les terres nocturnes, tant de réflexion à avoir avant d'envisager l'idée de recroiser Assya sans repenser à ce qu'ils avaient partagé. En cela, son séjour à Menelmorn l'avait grandement aidé et l'idée de Darya défendant son honneur blessé le faisait toujours rire. Mais à l'image de Taryn, il savait que son laisser aller avec Assya ne disparaitrait jamais totalement de sa mémoire. Quand la rage laissait place à la tristesse, quand il comprenait que ce n'était pas aux faes qu'il en voulait mais au système, il ne restait que les questions qui entourait la véracité de l'année qu'il avait vécu et sa propre capacité à y croire mais surtout à laisser partir le souvenir de Taryn pour s'engager dans quelque chose d'autre. Ainsi allait la vie, de blessure en blessure mais, si l'on prenait le temps de s'arrêter, on remarquait les pansements grâce auquel on pouvait se relever. Il avait connu la tendresse avec Taryn, la passion avec Assya ... Un jour, songea-t-il, il saurait faire dans la demi-mesure, un jour il serait capable d'accepter pleinement une relation sans arrière pensée, sans vide à combler, sans rien d'autre que quelque chose de profond et sincère, quelque chose qui faisait grandir. Mais il ne le ferait pas en baignant dans ce qui avait été ses grands regrets et aller de l'avant signifiait parfois partir sans regarder en arrière.  « C'est le moment où tu me vente les mérites de la Cour de l'Eté, je crois. » lui glissa-t-il, retrouvant son humour perdu l'espace d'un instant dans les souvenirs d'une année qu'il voulait oublier.

Neven eut grand peine à ne pas rire à la remarque, songeant à Cesare Monteserre devenant soudainement un vieux raison sec, abimé par l'âge et le temps tandis que sa fierté le gardait loin de la fontaine qui garantissait à tous une longue vie loin des affres de la vieillesse. Avant le Fléau, il n'était pas rare de croiser des faes de plus deux siècles arborant des traits si juvéniles que cela en devenait perturbant. Les illyriens avaient plus de fierté : s'ils vieillissaient deux fois plus vite que leurs voisins faes, leur fierté faisait trainer l'heure de se rendre à la fontaine, le moment de se figer pour prolonger leur vie de quelques années. Quoi que la pratique fut commune, l'hybride se souvint de combien ceux qui se rendait à la fontaine se voyait railler à leur retour au camp. Ironique, avait songé le jeune Neven suite à l'un de ces retours fort discutés, quand on savait que la majorité finirait par se rendre près de l'eau magique pour grappiller trois, quatre décennies de plus dans ce monde. Mais si le ton était joyeux, un humour de connivence s'installant entre les deux hybrides à la fois conscient de la politesse de circonstance que l'endroit instaurait mais trop décalé vis à vis de la noblesse qui s'était réunis dans le Grand Hall pour ne pas en rire, l'ambiance changea soudainement. Le nocturne sentit une forme de peine émerger des propos de l'estival tandis que ses doutes prenaient forme dans des mots lourds d'un passé dont il ne savait pas grand chose. Meyya n'aurait jamais trahie son amie -ou son il-ne-savait-quoi, guère plus au fait de la relation qu'elles entrentenaient- en lui confiant les petits secrets de l'Ethelil : il ne savait que le strict nécessaire et la grande majorité des choses lui avait été déjà relaté par ses recherches ou par ce qu'il se disait d'elle dans la bonne société. Face à la détresse qu'il percevait, il s'empêcha de dire le fond de sa pensée, de persiffler sur ce palais qui faisait ressortir, à son avis, le pire de tout un chacun. Après tout, Niniel venait d'être nommé à la régence, il ne voulait ni vexer l'estival, ni blesser la soeur qui sommeillaient en Adrielle en évoquant sa propre expérience. Peut être Assya avait-elle été victime de cette première couronne après le Fléau, de ces attentes pesantes sur les épaules d'une si jeune Suprême, de tout un tas de chose dont il n'avait idée et qui justifiaient, quelque part, ce qu'il avait pu constater chez elle. Malgré la colère, malgré le sentiment de trahison, une part de lui voulait croire qu'il y avait une raison pour que la jeune femme qui l'avait invité à la Maison du Vent se soit transformé en un monstre politique, pour expliquer cette différence entre celle qu'elle avait été et celle qu'elle était devenue. Et si tout ceci n'était que son idée personnelle des choses, alerter Adrielle sur la malfaisance de ce palais ne pourrait que l'agiter davantage, lui faire craindre inutilement le pire ... Car s'il laissait la part de lui qui voulait comprendre s'exprimer, peut être y avait-il de l'espoir en fin de compte et de l'espoir, Neven ne pouvait plus se permettre dans avoir. « Peut-être tenons-nous la clé de notre entente dans cet énième point commun ? » lui dit-il, songeant aux dissonances qu'il n'avait pas manqué de ressentir lui même par le passé en diverses occasion et qui résonnaient désormais dans le discours de la jeune femme. Il avait longtemps cru qu'en dehors de Merrill, de ses camarades ailés, de ses zéphyr, de sa famille, personne ne pouvait réellement comprendre. Même ces alliés ne le pouvaient réellement limitant le nombre de ces personnes aux trois Volyn restant : Delyan et Dana, Idalina dans une certaine mesure. Et pourtant, quoi que leurs situations soient différente, il avait le sentiment qu'Adrielle possédait la clé d'une forme de compréhension de ses propres ombres, que ses blessures pouvaient mettre en lumière et en mots celles du nocturne. Cela le perturba un instant.

Il considéra ses conseils tandis qu'abandonnant la description de ce qui l'attendait, elle mettait le doigt sur une réalité qu'il ne manquerait pas de rencontrer à son arrivée à Adriata. Dès lors, le mot amusé de la Zodiaque sur son teint pale s'effaça face aux nouveaux défis qui l'attendait. Il s'y était préparé mentalement durant son séjour à Menelmorn, tandis que la présence amicale, presque fraternelle, de Darya l'avait aidé à remonté la pente : il savait ce qu'il quittait, guère ce qu'il serait amené à rencontrer. A son retour à Velaris, après des années passé entre les camps de Velaris et d'Hewn, il avait du se réintégrer à la vie civile, retrouver ces ruelles familières et étrangère à la fois, marqué sa rupture avec le patriarche Volyn pour tout recommencer de zéro. Ce ne serait pas bien différent, à ceci près qu'il manipulait des ombres là où tous jouaient de l'air et de la brise. « As-tu une personne en tête ? » demanda-t-il semi amusé sans penser une seule seconde qu'elle pourrait se proposer. Il ignorait comment elle envisageait son propre avenir à présent que Niniel portait la Couronne de Haute Suprême et il ne se serait pas risqué à demander ce qu'elle comptait faire : cela appartenait sans doute à des discussions qui aurait lieu au lever du soleil, à des conversations auxquelles il n'appartenait pas. « Douterais-tu de mon pacifisme ? » dit-il d'un ton faussement choqué tandis qu'il retenait de préciser la question en lui demandant si elle s'inquiétait plus des faes ou des ailés. Ceci dit, il ne pouvait pas réellement la détromper, au delà de son appartenance au groupe qui était responsable de la mort de la Suprême Liao, il se doutait que son amitié -et tout ce que ce pu être par le passé- avec Meyya donnait une vague idée des choses dans lesquelles il pouvait tremper et de son positionnement vis à vis des tensions entre ailés et non ailés. Le sourire du nocturne finit par disparaitre. « En vérité, je serai le dernier à vendre des vains espoirs sur une société égalitaire et une harmonie à toute épreuve ... Mais je pense pouvoir aider à poser la première pierre d'une entente durable. Après tout, ne sommes nous pas la preuve que faes et illyriens peuvent s'entendre ? » Quelques mois plus tôt, son discours aurait été différent, mais il savait combien la route était longue, parsemées d'embuche. Il restait persuadé que les agissements et décision d'Aveline avaient été trop loin, trop extrêmes, trop violents mais il devait reconnaitre qu'elle leur avait permit de se faire entendre et connaitre, ne serait-ce qu'un peu plus qu'en oeuvrant pacifiquement. Pouvaient-ils envisager une révolution douce ? Un changement pacifique des moeurs ? Le Fléau avait emporté les plus agés et réfractaires, une population jeune était plus facile à rallier, à convaincre. Ils tenaient là une opportunité presque divine de faire changer les choses.

Et, contre toute attente, elle se proposa. Il sentait la once d'hésitation, le doute dans le regard qui le détaillait autant que dans la condition qu'elle y mettait. Il avait tenté l'honnêteté totale et cela ne lui avait pas réussi : désormais il était dans la crainte du silence d'Assya et de ce qu'elle pourrait bien faire pour se débarasser de lui, si tant est que c'était son désire. Il était l'espion, celui en possession des informations, rarement celui qui en donnait. Pourtant quelque part, le fait qu'elle ait déjà une idée de ses motivations latente -peut être devait-il remercier Meyya pour cela- facilitait peut être les choses. Une autre inquiétude s'invita cependant. « N'as-tu pas peur que cela jase encore plus que ce soir que l'on te voit avec moi ? » lui demanda-t-il avec sérieux. Car leur apparition ne manquerait pas de faire couler de l'encre au lendemain de la soirée et délierait les langues les plus acérées dans les thés mondains. Que ce fut pour la surprise de leur apparition ou pour l'outrage que certains ressentiraient à le voir au bras d'une autre si rapidement après la rupture de ses fiançailles, il se doutait que les rumeurs ne serait pas tendre avec lui et ne voulait pas qu'Adrielle se voit éclaboussée par ses propres choix douteux. « Je ne voudrais pas t'apporter d'ennuis ... » confessa alors Neven. Il s'étonnait presque de voir la facilité avec laquelle s'installait une complicité entre eux: elle qui, il y a peu, n'était qu'un nom et qui à présent le voyait s'inquiéter de sa réputation.