calm after the storm (FB)

2 octobre – petit matin

Ces derniers jours avaient été riches en activités et en émotions. Aslan commençait à peine à sentir l’adrénaline quitter son corps. Ils avaient braqué une tour et Aslan, aussi droit qu’il avait put être par le passé, était vraiment passé de l’autre côté de la loi. C’était étrange, mais pas particulièrement désagréable. C’était une nouvelle vie, une vie à laquelle il se faisait de plus en plus facilement. Il y avait eu le départ de Vélaris, une désertion qui viendrait un jour le rattraper. Par la suite, il y avait eu le quartier Ouest d’Elysium et surtout la façon dont il s’en était sortie. Les combats clandestins et les contrats de mercenaires. S’il avait toujours eu le choix difficile sur ces derniers, le lion avait toutefois fait des choses qu’il n’aurait jamais imaginé réaliser dix ans plus tôt. Parfois crapouilles pour un client bien offrant, parfois chassant les crapouilles pour un noble agacé, l’ancien soldat avait évolué à son compte pendant un temps, ponctuant ses moments de calmes de quelques combats clandestins pour lesquels il s’était révélé particulièrement doué. Il esquivait, encaissait et renvoyait des coups plus puissants. Mais, il manquait toutefois quelque chose à cette nouvelle vie qu’il s’était construite à la capitale : un groupe, une cause. Défendre Velaris avait été l’une de ses plus belles inspirations. Il s’était senti utile, apprécié à sa juste valeur. Et puis il était parti, avait quitté ce foyer qu’il s’était construit avec le temps pour Elysium.

Et c’était ce qui lui avait manqué, avant de rencontrer les Marchands de Sables : un foyer, une cause, un nouveau moteur pour sa vie. Il y avait eu sa rencontre avec Sylas, la gestion des combats clandestins, leurs trucages, notamment, et son travail à l’auberge du Pied à Terre. Emploi qui ne payait pas de mine, mais qui lui convenait assez bien. Au bar de l’auberge, il était au calme, il observait la foule et discutait paisiblement avec les habitués de la taverne. Se trouver au bar de l’établissement, après ce qui s’était passé ses derniers jours était apaisant et lui avait permis de redescendre en pression. Pénétrer dans une tour et voler des artefacts de la cour du crépuscule. Ce qui lui restait en tête, cependant, était la mise à mort de la prêtresse qu’ils avaient intercepté. Il n’était pas passé lui-même à l’acte, mais il en avait été témoin, et cela lui suffisait. Eliminer les malfrats ou les créatures sauvages dangereuses n’avait jamais été un problème, le reste le questionnait un peu plus. Mais le lion avait toujours été en mesure de ne pas questionner les ordres, et finirait bien par s’y accommoder totalement.

Ce matin-là, le soleil pointait à peine le bout de son nez sur la cité, et Aslan s’occupait de nettoyer le bar. Nettoyage des verres, de la poussière. C’était presque étrange de faire cela, après les derniers évènements, mais c’était tout aussi agréable qu’un combat intense contre une brute sans mesure. Il ne quitta le bar du nez que lorsque la porte principale s’ouvrit, grinçante sur ses gonds. Un torchon posé sur son épaule gauche, il laissa son patron, Sylas, parcourir la distance qui le séparait de lui. Aslan l’avait recroisé brièvement depuis l’effraction mais le lion n’avait pas eu la totalité de l’histoire de la part du Frasier. Il s’accommoderait de ce qu’il savait si cela était suffisant. « Tu te réveilles ou tu t’apprête à aller te coucher ? » questionna le combattant, d’une voix calme, avant d’ajouter : « Ça va ? On vient de recevoir le nouveau whisky et de café, si ça te dit ! » proposa-t-il, pensant très certainement que boire quelque chose de chaud ou/et de fort pourrait faire du bien au Frasier. « Je suis désolé pour Owen » fini-t-il par dire. Le lion n'avait pas beaucoup eu à faire avec le bras droit de Sylas, mais Owen lui avait toujours paru être l'homme avec la poigne nécessaire pour emmener la guilde toujours plus loin. Peut-être trop loin, d'ailleurs, puisqu'il était le seul de cette soirée à ne pas être rentré.

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Calm after the storm

Ils ont échoué. Le goût amer s’attarde sur sa langue depuis la veille. Il a ordonné qu’on verse le sang d’une prêtresse. En retour, la Mère a pris la vie de son meilleur ami. Deux voix retentissent dans sa tête depuis qu’il a réalisé l’étendue du désastre. L’une répète qu’il aurait dû en faire plus, qu’il aurait dû sauver Owen, qu’il ne serait pas mort s’il était parvenu à tamiser avant-hier matin, que tout est sa faute. L’autre répète qu’Owen est allé trop loin, qu’il n’a pas écouté ses ordres, qu’il ne sait même pas pourquoi l’alarme a été sonnée de toute façon, qu’Owen aurait fini par se faire buter de toute façon parce qu’il avait un don pour se foutre dans la merde. Avait. Le mot fait plus mal qu’il ne l’aurait cru…

La cacophonie qui résonne entre les murs de son esprit s’est poursuivie sans arrêt alors qu’il enterrait son vieil ami, alors qu’il errait dans les bois, alors qu’il affrontait le regard d’Argella après être parvenu à se tamiser pour la première fois de sa misérable existence. Elle ne s’est tue que lorsqu’il a sombré dans le sommeil, s’effondrant finalement sur les draps froids en après-midi la veille. Elle a repris lorsqu’il a ouvert les yeux, lorsqu’il s’est traîné jusqu’au Soleil de Minuit pour parler à Kora.

Ils ne sont pas rentrés les mains vides. Le sac de velours contenant cinq anneaux repose encore au creux de sa poche, son poing ancrant les pieds du Marchand de Sable alors qu’il traverse les bas quartiers pour rentrer chez lui, au Pied à Terre. Il devrait sans doute prévenir les autres lieutenants, mais il se doute qu’il ne reverra jamais les anneaux s’il ouvre la bouche. Il refuse de les voir dérobés par ses aînés. Pourquoi Kora et lui devraient-ils se retrouver avec les mains vides alors qu’ils ont pris tous les risques ? Pourquoi devraient-ils plier l’échine alors que les autres sont restés les bras croisés en attendant de les voir échouer ?

Et alors qu’il approche de l’auberge où il fera enfin face à ses plus proches alliés, il se demande où Ninon est passée. Elle n’a toujours pas refait surface. Il sait qu’elle est toujours vivante. Ils ne partagent peut-être pas la tendresse des âmes sœurs dans les récits épiques qui se dessinent entre les pages des livres, ça ne les empêche pas de partager un lien qui dépasse largement les idylles normales qui se tissent entre les gens. Ninon a disparu pendant quatre ans, mais Sylas a toujours su qu’elle vivait quelque part. Si elle était morte, il le saurait. Ou peut-être que c’est plus facile de s’accrocher à cette certitude que d’être hanté par la possibilité du contraire…

Lorsqu’il entre dans l’auberge, Aslan est là. La salle est déserte, mais l’homme essuie des verres derrière le bar, l’invite à boire quelque chose. Voilà environ un an que l’homme évolue parmi eux. Sa force tranquille demeure cependant ce qu’il préfère chez lui. S’il a eu un jour de réserves à le prendre chez les Marchands de Sable à cause de son nom, ses doutes ont été balayés depuis longtemps.

« J’ai pas dormi, déclare-t-il d’une voix un peu rauque. Je devais voir Kora. En partie parce que la réaction de sa consœur lieutenant face à l’issue de leur mission l’effrayait encore plus que celle d’Aslan et des autres, mais aussi à cause de ce qui repose désormais dans ses poches. Je ne refuserai pas à un peu de café. Le silence s’installe alors qu’il s’effondre sur un tabouret, étirant les membres de son corps envahis par les courbatures. Moi aussi, déclare-t-il enfin en chassant la boule qui se forme dans sa gorge. Owen est la première personne qui m’a tendu la main lorsqu’on m’a forcé à quitter la Cour du Jour pour être emprisonné à Elysium. Je connaissais que dalle. Rien d’autre que les histoires que ma mère adoptive me racontait pendant qu’on voyageait. Owen m’a jamais jugé. Il m’a traité comme un frère dès le jour où on s’est rencontrés. J’crois pas que je serais ici s’il avait pas été là. »

Le voyou s’éclaircit la gorge, posant ses coudes sur le comptoir pour observer Aslan avec les sourcils froncés. « Enfin, ça n’a plus d’importance maintenant… Je suis désolé de vous avoir mis en danger l’autre soir. J’aurais aimé avoir plus à vous offrir en retour pour votre confiance… »

2 octobre 837 avec @Aslan Ghafa ∙ code par alcara

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mister sandman

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2 octobre – petit matin

@Sylas Frasier

Aslan observait avec curiosité, et un peu d’inquiétude, il fallait bien l’avouer, son ami s’approcher et s’installer. Tout en gardant un œil sur son lieutenant, le lion lança un feu brûlant pour faire bouillir de l’eau et leur faire un café à tous les deux. Le combattant ne savait pas tout des tenants et aboutissant de cette effraction et ne connaissait que ce qu’il devait connaître. Certains râleraient de ne pas avoir tous les détails d’une telle entreprise, mais le Fae, durant la dernière année, avait appris à faire confiance à Sylas, bien conscient que, dans tous les cas, il n’était pas de son ressort de donner son avis ou d’outrepasser la hiérarchie. Il restait toujours là, cependant, observateur, prêt à discuter, ou simplement faire un café. Il était utile à son niveau et cela lui avait toujours convenu. C’était peut-être ça qu’il l’avait aidé à gagner la confiance des Marchands de Sables. Son passé dans l’armée de Vélaris lui avait appris la loyauté et l’obéissance. Les coups de son père aussi, lui avait inculquer, d’une certaine manière, une subordination qui ne faisait jamais de vague. Sa relation avec le lieutenant et le propriétaire du Pied à Terre était bien plus saine. Il y avait la confiance, déjà, la tranquillité d’esprit à se trouver en sa compagnie.

Un sourire navré décora le visage souvent neutre du barman, alors qu’il écoutait son ami lui narrer son histoire avec Owen. Il écouta, calmement, l’histoire qui reliait le lieutenant à ce bras droit qu’ils avaient tous perdu. Il avait connaissance de l’histoire chahuté de Sylas et comprenait à merveille le rôle qu’Owen avait eu dans sa vie. Aslan avait eu la même chance que le Frasier, mais pour rendre honneur à son ancien mentor, le lion n’avait pas trouvé mieux que de quitter la cour de la nuit sans un aurevoir. Il regrettait ce départ précipité, évidemment, mais n’avait pas l’impression de pouvoir retourner au sein de sa cour d’adoption sans y risquer la liberté. Un déserteur qui revenait encourrait certainement la prison et un procès au sein de l’armée. Il trouvait un goût merveilleux à la liberté et ne comptait pas se laisser rattraper tout de suite.

Le lion déposa une tasse fumante remplie d’or noir devant son compagnon et fronça les sourcils lorsque ce dernier lui avoua que cela n’avait finalement plus d’importance. Aslan s’appuya sur le comptoir, paumes des mains calées sur le bois luisant. « Owen est allé jusqu’au bout de ces idées, il n’aurait surement pas voulu partir autrement, et nous pouvons l’honorer pour ça. » tempéra-t-il, en plongeant ces prunelles céruléennes dans le regard chatoyant de douleur de son camarade. « On a tous eu notre Owen. Quelqu’un qui nous a tendu la main et nous a souris sans la moindre arrière-pensée. C’est à chérir, ces moments-là » affirma le guerrier qui repensait à cette personne qui l’avait aidé. Son mentor, qui l’avait formé aux arts de la guerre, qui l’avait aidé à se faire une place à la cour de la nuit. Cet homme avait presque été un père pour Aslan, mais il était parti, durant le fléau. Et Aslan était parti, lui aussi. Mais c’était une autre histoire et le lion quitta bien assez vite ces pensées pour répondre à son ami. « Ne soit pas désolé, les choses ne ce sont peut-être pas passées comme vous l’espériez, mais on a quand même réussi à pénétrer dans une Tour, je n’ai pas l’impression que ce soit anodin, comme truc. » Fit-il remarquer, en faisant tourner son café dans sa tasse. Le lion ne disait pas seulement ça pour rassurer les inquiétudes de son ami, il le pensait réellement. L’effraction avait marqué le soldat avec une certitude qu’il ne pourrait nier, mais ce qui semblait être de la culpabilité dans les mots de son ami le faisait réfléchir. « Est-ce que tu crois, toi, que cela valait le coup ? » s’enquit-il finalement, avant quitter Sylas des yeux pour tremper ces lèvres dans le café encore bien chaud. Parce qu’au final, c’était la question à se poser. Est-ce qu’il ressortait avec quelque chose intéressant de cette nuit-là ?

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Calm after the storm

Aslan dépose la tasse remplie d'un liquide sombre et fumant sur le bar devant lui, laissant Sylas humer l'odeur amère du café avant de lâcher un long soupir. S'il ne se retenait pas, il avalerait une bonne rasade tout de suite dans l'espoir de s'éclaircir l'esprit, mais il devine que la boisson brûlante risque de lui écorcher la langue et la gorge. Les paroles du barman sont remplies d'une sagesse que le voyou ne pense pas posséder lui-même du haut de ses 91 ans. Pas aujourd'hui, en tout cas. On a quand même réussi à pénétrer dans une Tour, je n'ai pas l'impression que ce soit anodin, comme truc. Peut-être aurait-il vu les choses ainsi si le cours des événements s'était déroulé un peu différemment. Peut-être que le désespoir n'aurait pas été aussi cuisant s'ils étaient tous rentrés en un morceau.

La question que lui pose Aslan le laisse perplexe et songeur. Est-ce que ça a valu le coup ? Il sait que le Crépuscule sera ébranlé de réaliser que des vauriens sont parvenus à violer un lieu qu'ils considèrent sacré. Mais au final, lorsqu'ils auront refermé la brèche sur la paroi de la Tour et qu'ils auront accru la sécurité autour de leurs précieuses reliques... qu'est-ce que cette mission aura changé ? Owen sera toujours mort et les grands de ce monde continueront à se laver les mains de l'infortune de ceux qu'ils considèrent comme des abominations.

Aslan compte parmi les rares personnes de son entourage que le commun des fae considèrerait normal. Il lui a bien dit un jour qu'il ne possédait pas les pouvoirs que son père aurait voulu le voir manier. Avec un nom comme Ghafa, il aurait certainement dû manipuler la lumière. Or, ce sont les ombres qui dansent au bout de ses doigts. Il n'est toutefois pas divergent ou hybride. Sylas ne l'aurait pas accueilli les bras ouverts s'il avait porté le nom des Akhtar. La famille de l'ancien Suprême du Jour lui avait trop enlevé. Néanmoins, quelque chose lui avait dit qu'il pouvait avoir confiance en cet homme, qu'il en avait autant que lui sur le cœur, et Sylas a l'habitude de faire confiance à son instinct, puisqu'il le trompe rarement.

« Deux vies contre quelques pierres de Merzost, déclare-t-il d'un voix égale avant de souffler sur l'or noir dans sa tasse. Deux vies contre une once de crainte dans la tête des Prêtresses du Crépuscule... La vie de mon meilleur ami contre des miettes et un avenir rempli d’incertitude. Je ne sais pas, Aslan. Si cet échec cuisant parvient aux oreilles de nos associés, les répercussions pourraient être désastreuses. Lorsque les autres lieutenants l'apprendront, je ne sais pas quel argument je pourrai leur donner pour éviter des hostilités ouvertes envers le Concordat et le Conclave du Crépuscule. »

Son cœur se serre violemment dans sa poitrine à cette pensée. Quelle serait la prochaine étape ? Il sait que Kora rêve de voir du sang versé, de frapper les puissants de ce monde là où ça fait mal. Owen comptait parmi ceux qui rêvaient de voir le monde changer pour les gens comme lui. Or, Sylas ne peut s'empêcher de songer que ce genre de changement ne s'opèrerait pas sans des pertes importantes dans les deux cas. Dans cette éventualité, la paix n'en serait jamais vraiment une.

« Je ne sais pas si j'aurais accepté d'être lieutenant si j'avais eu conscience des ambitions des autres lieutenants. En étant dans ce rôle, je suis responsable de la vie des hommes qui me suivent, et l'idée de perdre un seul d'entre vous dans des missions risquées, l'idée de vous demander d'arracher des vies pour prôner nos idéaux... Je ne sais pas comment je me sens par rapport à tout ça. »

2 octobre 837 avec @Aslan Ghafa ∙ code par alcara

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2 octobre – petit matin

@Sylas Frasier

Aslan ne prétendait pas être particulièrement sage, il écoutait et répondait, avec les mots qui lui paraissait juste. Il ne pourrait jamais se mettre à la place de Sylas, ou d’un autre lieutenant. S’il avait eu quelques hommes de l’armée de la nuit sous ces ordres, il n’était pas à même de correctement imaginer les responsabilités qui pesait sur les épaules de son lieutenant. Il comprenait, en revanche, qu’il en faisait partis. Sylas avait perdu son bras-droit, son ami, celui qui lui avait donné un but, une chance sur ce continent complexe. Owen était parti, s’était battu jusqu’au bout pour la cause qui lui tenait à cœur, qui avait toujours fait battre son palpitant. Une cause telle que celle des Marchands de Sables ne pouvait – Aslan en était certain – se faire valoir qu’avec une poigne ferme et ambitieuse. La mort de l’Ajah verte et celle d’Owen n’étaient certainement pas les dernières. Le lion était loin d’être le plus extrême dans ses idéaux, mais il comprenait qu’il n’était pas possible d’avancer sans s’en donner les moyens. Lui qui n’était pas capable de se battre pour protéger sa famille de son paternel, semblait prêt à se battre pour chahuter les convenances et montrer aux plus haut de cette société que tout le monde, sans exception, comptait.

Le barman écoutait son ami avec son calme habituel. Rien dans sa stature ne montrait qu’il était stressé. Il était dans son antre, derrière le bar du pied à terre. Ses épaules étaient détendues et considérant les derniers évènements, il ne se sentait pas si mal. Il comprenait les questionnements de son supérieur, et les respectaient. Les choses n’étaient peut-être pas très glorieuses mais Aslan ne pouvait tout de même pas passer outre le fait qu’ils étaient rentrés dans une tour. Une tour. Rien que ça ! Il s’était introduit dans un lieu de culte, semant le doute dans l’esprit des prêtresses. Selon le barman, ils avaient posé les bases de quelques choses de plus grand. Aslan, d’un geste souple et calme, se saisit de sa tasse de café et en bu une gorgée, savourant le liquide noire brûlant lui réveiller un peu plus les méninges. Il reposa son regard clair sur le visage tourmenté de son ami. « Tu as peut-être raison. » avoua-t-il, « Peut-être que ce n’était pas grand-chose. Peut-être que cela ne valait pas le coup. » Il soupira, avant de se redresser. « Mais peut-être que c’est un début. Le début d’une plus grande chose ! » reprit-il, le ton plein d’espoir. Il croyait au changement, le lion. Il se devait d’y croire.

« Tu es devenu lieutenant parce que tu avais des choses à dires, des principes dans lesquels tu croyais. Et on t’a rejoint parce qu’on y a crut, parce qu’on y croit encore. » admit-il, sérieux, le regard rivé sur Sylas. Il croyait à ces propres paroles, Aslan. « On croit en nos idéaux et on est prêt à se battre pour eux. Tu ne nous forces à rien, Sylas, tu orchestres. On a choisi d’être ici et on est tous assez responsables pour se rendre compte des répercussions que cela puisse avoir. » continua-t-il, retraçant ses premières années à Elysium. Tout ce qu’il avait trouvé, à son arrivée, c’étaient les combats clandestins, c’était être mercenaire. Vendre ses compétences pour survivre, sans s’inquiéter d’éthique ou de responsabilité. Il faisait ce qu’on lui demandait et il touchait sa solde. Être au sein des marchands de sable, cela donnait une dimension plus profonde à sa vie. L’organisation lui donnait un but, un objectif et une famille. Une famille qui avait suffisamment souffert au cours de sa vie pour avoir la soif de se battre jusqu’au bout. Une famille qui se serrait les coudes et pourrait aller loin si Sylas leur demandait. « Je ne peux pas me mettre à ta place, Sylas, mais je peux te dire que je ne doute pas de toi. Tu fais un bon lieutenant, et les doutes que tu partages me prouve que j’ai raison de te faire confiance. » admit-il, accompagnant ses mots d’un sourire franc. « Et peut-être que pour continuer de croire, pour s’imaginer dans un monde meilleur, il faut se battre. Peut-être que les hostilités sont indispensables avant d’avoir la paix. » La violence pour la paix. Ce n’était pas forcément ce que préférait Aslan, mais c’était ce qu’il pensait. Bouger simplement en brandissant un drapeau n’apporterait jamais le changement que souhaitait les Marchands de Sable. « Qu’en pense Kora, de tout cela ? » questionna-t-il, le ton neutre. Après tout, la lieutenante du Soleil de Minuit avait participé à l’effraction, elle devait avoir un avis. Aslan ne doutait pas que ce dernier devait être assez tranché.

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Calm after the storm

Les paroles de son ami se glissent en lui, le remplissant d’un sentiment de réconfort semblable à la chaleur du café qui se glisserait bientôt entre ses lèvres. Il ne se confie pas souvent, le voyou. Quand les choses lui glissent entre les doigts, il a appris à se refermer comme une huître. Dans ces moments sombres, il affiche une expression impassible, un froncement de sourcils, un tressaillement arrogant sur la lippe, un haussement d’épaule empreint de nonchalance — le visage d’un homme qui a une maîtrise parfaite de lui-même, et donc forcément de la situation à laquelle il est confronté. Ce masque, il l’a taillé en observant Estelle pendant des décennies à la barre du Jardin des Arts. Il l’a façonné avec patience en la regardant absorber les mauvaises nouvelles comme les bonnes. Au fil des années, il s’est mis à porter ce masque dans les situations difficiles, le laissant tomber seulement devant ceux en qui il pouvait avoir une ultime confiance. Et lorsqu’il est devenu lieutenant à son tour, il a enfilé le masque, le laissant rarement tomber face à qui que ce soit en dehors d’Owen.

Entendre ces paroles sortir de la bouche de cet homme qu’il respecte, ça l’aide à dénouer la boule qui s’est formée au creux de son ventre. Je ne doute pas de toi. Tu fais un bon lieutenant, et les doutes que tu partages me prouvent que j’ai raison de te faire confiance. Il se demande malgré lui si Estelle a jamais doute d’elle-même, si la femme compte des alliés en qui elle a suffisamment confiance pour s’ouvrir dans les moments où elle a la sensation de craquer. Malgré tous ses défauts, la femme a toujours régné sur son territoire d’une main de fer. Aujourd’hui, Sylas craint qu’elle n’ait acquis de trop grandes ambitions et que sa quête de la grandeur finira par mener à leur perte. Jamais la lieutenante n’a laissé son masque tomber assez longtemps devant lui pour qu’il lui voue le genre de confiance qu’Aslan place sur ses épaules ce soir. Si seulement il pouvait exprimer à quel point cette assurance le rassure… Il ne trouve simplement pas de mot qui rendrait justice à l’émotion qui se bouscule en lui à cet instant précis. Il se contente donc d’adresser un signe de la tête, une inclination du chef pour signaler son respect à son interlocuteur avant d’ouvrir la bouche.

« Ta confiance en moi vaut plus que tu ne le penses, » murmure-t-il en soufflant un peu sur le liquide chaud et sombre qui repose dans le contenant devant lui. Parce qu’il y a des moments où il ne peut s’empêcher de douter. Que feraient ses frères et sœurs d’armes s’ils n’avaient pas eu cette promesse gravée sur la peau, ce tatouage sombre qui les enchaînera éternellement aux Marchands de Sable, à leur mission et leurs ambitions ? Lui fileraient-ils entre les doigts, alors ? S’ils le pouvaient, seraient-ils tentés de choisir un destin différent ? Lorsque la pensée s’invite en lui, Sylas ne peut que regretter l’existence de cette règle… Il regrette de ne pas avoir la certitude que ceux et celles qui le suivent le font vraiment par choix, qu’ils n’ont aucun doute quant à leur allégeance. S’il ne craignait pas tant la réponse des siens, peut-être oserait-il leur poser la question…

« Kora est verte de rage. C’était un plan de merde, pour reprendre ses paroles exactes. Un sourire étire ses lèvres en prononçant ces mots. Je suis surpris qu’elle ne m’ait pas injurié plus violemment. Après tout, c’était mon plan de merde… Il lâche un soupir las, portant enfin la tasse vers ses lèvres en laissant le café couler en lui, sa chaleur l’emplissant d’un soupçon de réconfort. Elle voudrait qu’on garde tous les anneaux. Peut-être qu’elle espère les offrir comme prix de consolation aux autres lieutenants… Il ne croit pas vraiment à cette explication. Peut-être qu’elle voudrait qu’on les vende sur la marché noir… Quoi qu’il en soit, ça ne calmera pas les autres et on risque de se trahir si le Crépuscule apprend qu’on a vendu leurs pierres. Et que dire de nos alliés s’ils apprennent qu’on garde le butin pour nous alors que d’autres ont risqué leurs vies pour nous aider ? Il n’avait jamais réalisé à quel point le rôle de lieutenant pouvait être teinté de politique par moment. Tant de facteurs devaient être considérés lorsqu’il prenait ses décisions. Je crois avoir réussi à la convaincre de séparer le butin avec Argella et les chevaucheurs qui nous ont accompagnés. »

Il se remémore alors ses ordres, donnés sous le coup de l’impulsion lorsqu’il a laissé Aslan et Suni avec la prêtresse verte et relève les yeux vers le barman. « Il ne me restera plus qu’à me faire pardonner par Suni… Je sais qu’elle m’en voudra pour l’ordre que je lui ai donné… »

2 octobre 837 avec @Aslan Ghafa ∙ code par alcara

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