[FB] Don't forget, take a breath, fight harder | Aslan

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tw: violence | @Aslan Ghafa | décembre 836

La foule est en délire. Les cris ricochent contre les murs grillagés de la cage. Ils scandent son nom. Encore. Encore. Encore. Comme un encouragement. Une ode au carnage. Un appel au sang. Louve fait son apparition sous les hurlements. Lève les bras en tournant sur elle-même, un sourire étirant ses fines lèvres. Au fil des combats, et des victoires retentissantes, elle a réussi à se faire un nom. Une réputation. Cette petite gamine à l’allure frêle, chétive, que personne n’avait vu venir. Elle avait dû supplier l’organisateur pour qu’il l’accepte dans la cage. Pour qu’il lui permette de se confronter aux autres guerriers. Comme si elle ne pouvait pas en être capable. Comme si, avec ses airs fragiles, elle allait être cette proie dont on ne ferait qu’une bouchée. Louve ne s’était pas démontée. Elle avait promis du spectacle. Que l’organisateur en aurait pour son argent. Et elle avait raison. Parce qu’en deux coups bien placés, son premier adversaire avait été mis hors service. Les autres combats s’étaient enchainés, avec inlassablement le même résultat : une victoire impitoyable. Louve est agile. Rapide. Et d’une grande précision. Elle connait les points faibles de ses adversaires. Sait les jauger en l’espace de quelques enchainements, pour ensuite contre-attaquer avec une efficacité redoutable. Et le mieux : elle est sans pitié. Elle n’hésite pas à frapper, surtout là où ça fait mal. Elle attaque, et elle encaisse. Sans broncher. Sans sourciller. Comme si ça ne lui faisait rien. Ou si : ça fait décupler sa rage, et sa soif de vaincre.

Son adversaire fait à son tour son apparition. Plus grand, plus musclé, plus entrainé. Louve s’est renseigné avant le début du combat, et il a un palmarès assez impressionnant. C’est une pointure dans le milieu. Du genre à ne pas avoir la défaite facile. Il va être coriace, qu’on lui a dit. Mais c’est là tout l’intérêt de la chose. Si c’était trop facile, alors cela perdrait en piment. Louve fait rouler ses épaules, sautillant d’un pied à l’autre pour se mettre en jambes. Elle fait rouler sa tête, prenant de profondes inspirations. Et alors que l’arbitre lance les hostilités, elle n’attend pas et se jette sur son adversaire. En un bond agile, elle se loge sur son dos, s’accrochant du mieux qu’elle peut autour de lui. Elle enserre avec ses bras son cou, tentant de l’étrangler. Echec. L’homme se dégage en se laissant tomber à terre et en se plaçant sur le dos, l’écrasant de tout son poids au passage. Louve en a le souffle coupé, et elle peine à se dégager. Elle reprend néanmoins rapidement contenance, et se remet sur ses appuis. Elle a à peine le temps de se relever qu’il est déjà sur elle, et elle esquive à la dernière seconde. Une clé de bras déstabilise son adversaire, tout comme un coup dans le genou qui lui fait mettre pied à terre. Louve porte ses coups, redoutable, avant d’être finalement repoussée.

Elle domine. C’est une certitude. Et bien qu’elle encaisse les coups et que le sang s’échappe d’une de ses arcades et de sa lèvre supérieure, elle ne lâche rien. Parce qu’elle a cruellement besoin d’argent. Pour manger. Pour dormir. À l’abri des caniveaux, avec un matelas sous son dos et un toit au-dessus de sa tête. Elle n’en peut plus des étables, à grelotter dans le foin, avec le ventre tiraillé par la faim. Alors elle compte bien remporter ce combat. Coûte que coûte. Alors elle rivalise d’ingéniosité et d’enchainements quasi parfaits. Jusqu’à ce que l’adversaire s’écroule au sol, à bout de souffle. Il a probablement une de ses clavicules déboitées, et son nez a pris un angle particulier. Il sent que la victoire lui échappe, et ça ne lui plait pas. Il profite que Louve ait le dos tourné, levant les bras en l’air en signe de triomphe, pour faire léviter des éclats de pierre qu’il propulse contre elle. La douleur vive la fait grimacer, et dans un excès de rage elle fait volte-face et lui assène un puissant coup de poing qui l’envoie dormir. La foule est en délire, et malgré la douleur Louve tient bon. Elle fait le tour de la cage, victorieuse, avant de finir par s’éclipser. Elle se rend dans une petite pièce qui sert de vestiaire, se dirigeant vers un miroir. Des tâches ensanglantées sont apparues sur son chandail désormais troué, témoins que des éclats de pierre se sont logés dans ses chairs. Elle tente de bouger son chandail, mais grimace sous la douleur. Quel connard.

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tw: violence | @louve savelli | décembre 836

Aslan ne quittait pas les combattants des yeux. Il avait longuement hésité à accepter la jeune femme dans les arènes, mais son hésitation s’était révélée nullement fondé. Elle se battait bien, surement trop bien pour l’âge qu’elle devait avoir. A partir de ce soir, il ne douterait plus jamais. La jeune femme, Louve, de son prénom, se battait avec la rage au ventre. Elle se battait avait violence. Elle gagna son premier combat, le deuxième, le troisième. Elle ne s’arrêtait plus, se battait comme une louve. Le dernier affrontement se révéla plus complexe, pour elle. Son adversaire, plus grand, plus impressionnant, n’est pas un novice de l’arène que tiens Aslan. C’était même le favori, celui qui faisait vibrer les foules, qui se donnait en spectacle. Cet adversaire là pourrait avoir raison de la fae, raison de sa volonté et de son ambition. La fatigue dans les pattes, elle pouvait cependant encore gagner. Les jeux étaient loin d’être fait et le combat tint la foule en émois. L’œil connaisseur de l’ancien mercenaire scrutait l’échange. Elle prenait le dessus, la petite, mais n’esquivait pas tous les coups. Malgré le sang qui coule, la fatigue qui se fait ressentir, elle ne lâchait rien. Aslan ne pouvait pas le cacher, il était impressionné. Il en avait côtoyé, des femmes fortes, mais nombre d’entre elles n’auraient pas eu le courage de celle qui se battait sous ces yeux. Le courage, ou la folie, mais les deux allaient parfois de pairs. Concentré sur le combat, Aslan ne prêtait attention à rien d’autres. Quelque part, il se sentait quelque peu responsable de ce qui pourrait se passer. La jeune femme dominait, mais pour combien de temps ? Le champion de l’arène allait-il se battre pour son titre ?

Une moue contrariée passa sur le visage du lion. Le champion de l’arène s’était trahi, laissant derrière lui l’honneur du combat. Profitant d’un moment d’inattention de la part de la guerrière, il envoya vers cette dernière des cailloux. Le règlement était le même depuis qu’Aslan était arrivé chez les Marchands de Sable. De puis un an, il n’y avait pas de magie autorisée – ou très rarement. Ce soir, en l’occurrence, tout ne se faisait qu’à la force des poings. Le champion avait laissé son orgueil le trahir et fut rapidement envoyé au sol parce une dernière attaque de la part de Louve. Bien fait, pensa silencieusement Aslan, qui ne quitta pas le combattant au sol des yeux. Il aurait une petite conversation avec lui, c’était une certitude. En ce sens, il l’arrêta l’un de ses collègues. « Garde le moi au chaud quelque temps, j’ai à lui parlé. S’il veut partir, retiens-le. Le règlement est clair et l’orgueil n’a pas sa place dans l’arène. » L’homme hocha la tête. Il ne le violenterait pas, pas vraiment. Il lui ferait juste un peu peur, userait de ses ombres pour rappeler le combattant à l’ordre. Avant d’aller remettre les pendules à l’heure à l’ancien champion, Aslan voulait féliciter le dernier. Enfin, la dernière.

Il quitta l’arène bruyante et se dirigea vers l’arrière de la boutique. Là ou les comptes se tenaient, ou le tout s’organisait. Derrière le rideau, il y avait également les vestiaires et quelques avantages pour les combattants : de quoi se sustenter, de quoi se reposer, s’allonger ou profiter d’une douche tiède, mais souvent appréciée. La porte était entrouverte, mais Aslan trouva toutefois bon de toquer pour signaler sa présence. « Vous vous êtes remarquablement bien battue ! » affirma-t-il, tout en poussant la porte doucement. Il était toujours bienvenu de marcher à pas de loup lorsqu’il était question d’aller vers un combattant après un combat. Aslan était bien placé pour savoir que l’adrénaline de l’effort pulsait encore dans les veines des compétiteurs et pouvait mener à des réactions parfois démesurées. Avec Louve, il ferait également attention. « Je suis désolé d’avoir douté de vous, vous m’avez remis à ma place. » concéda-t-il, tout en s’avançant de quelques pas. Il la voyait tout entière. Elle n’était pas très grande, mais ne manquait ni de puissance, ni d’agilité et encore moins de technique. Elle était arrivée presque de nulle part, et Aslan était légèrement curieux. « Ou avez-vous appris tout cela ? » osa-t-il demander, avant de s’appuyer sur le chambranle de la porte. Puis, il nota une grimace, presque imperceptible, et quelques taches de sang. La magie du précédent champion l’avait touché plus qu’il ne l’avait imaginé. Il se redressa. « La magie n’était pas autorisée pendant ce combat, votre adversaire aura le droit à un rappel un l’ordre, soyez en sure. » assura-t-il, sérieux dans ces mots, comme dans ses prunelles. L’ancien champion avait beau être un habitué et ne briser le règlement que pour la première fois, Aslan ne pouvait se permettre de laisser passer cela. Pour sa propre réputation, tout d’abord, et pour celle de l’arène. C’était son travail à lui de garder tout le monde sur le droit chemin. « Avez-vous besoin d’aide ? » questionna-t-il. « Vous semblez blessée au dos. » Il se sentait responsable, le lion, mais ne regrettait pas pour autant d’avoir accepté Louve en tant que concurrente. Elle l’avait épaté, il devait l’avouer et rien que pour ça, il ne se voyait pas la laisser se débrouiller seule.

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tw: Ø | @Aslan Ghafa | décembre 836

Elle a fait bonne figure, Louve. Durant les applaudissements. Durant sa consécration. Mais elle doit bien se rendre à l’évidence, son petit moment de gloire a été éraillée par cette douleur lancinante dans son dos. Louve est habituée à la douleur. En a fait sa tendre compagne durant des années durant, alors qu’elle était torturée dans un laboratoire. Elle a appris à faire avec. À serrer les dents et à ne pas broncher. Mais maintenant que le rideau est baissé, et qu’elle est seule dans ce vestiaire, elle peut se laisser aller. Et grimacer, en tentant tant bien que mal de remuer son chandail pour essayer de voir à travers les trous laissés par les éclats de pierre l’ampleur des dégâts. Chaque mouvement, ne serait-ce que subtils, la font grimacer. Prémices que ça ne doit pas être beau. Clairement, le gars a bien réussi son coup, et Louve s’en mord à présent l’intérieur des joues. Elle n’aurait pas dû baisser sa garde. Pas aussi rapidement. Pas aussi facilement. Elle a commis une erreur en se retrouvant troublée par l’excès d’orgueil, mais ça ne se reproduira plus. Au moins ça lui servira de leçon.

Après une énième tentative avortée à cause de la douleur, elle finit, dans un soupir, par lâcher l’affaire. S’appuyant contre un des lavabos, elle baisse la tête, faisant rouler ses épaules et ses omoplates. Même si elle sent les chairs à vif, au moins rien ne lui semble cassé. Parce qu’il ne manquerait plus que ça. Quelqu’un toque à la porte pour s’annoncer, faisant sursauter Louve qui aussitôt se redresse. Elle tend à se détendre lorsqu’elle reconnait la silhouette d’Aslan. Il la félicite, et elle se contente d’esquisser un petit sourire gêné. Louve n’est jamais à l’aise, quand il s’agit de recevoir des compliments. Être le centre de l’attention et reconnue à sa juste valeur, c’est quelque chose qui ne lui est pas vraiment familier. Adepte des ombres, elle préfère l’anonymat à la lumière des projecteurs. Mais elle doit bien l’avouer, en son for intérieur, elle se sent toute chose qu’un homme aussi réputé qu’Aslan puisse la féliciter. Il enchaine sur des excuses, suite à quoi Louve rétorque, « Vous n’êtes pas le premier, et certainement pas le dernier. Je mentirais en disant que ce n’est pas calculé. » Sa voix se veut neutre. Oui, elle parait frêle. Fragile, et nombreux sont ceux à la sous-estimer. Mais c’est ce qui fait sa force. Surprendre. Riposter. Blesser. Profiter de l’effet de surprise pour prendre l’avantage, et pour conclure. Ça fait partie du jeu. Du personnage. En prenant l’apparence de Louve, Masha voulait ressembler à une gamine. De celles aux jolis minois que l’on ne soupçonne pas. Et elle semble avoir fait le bon choix. Il semble d’humeur curieuse, car le voilà qui lui demande où est-ce qu’elle a appris tout ça. « Ma vie n’est qu’une lutte. Qu’un combat permanent. Je m’entraine depuis bien des années maintenant. » Elle ne précise pas qu’elle est une mercenaire, et qu’elle propose ses services au plus offrant. Ses entrainements ont commencé avec Aveline et les Stormvaengir. Une période pas si lointaine que ça, et qui pourtant résonne comme une éternité tant il s’est passé de choses depuis. « Vous êtes un combattant, vous aussi, si je ne m’abuse ? » Parce qu’il y a des regards qui ne trompent pas. Elle l’a bien vu, Aslan, qui analyse chaque combat, qui réagit à chaque mouvement. Il sait, c’est obligé.

Son regard qui bifurque du sien pour fixer son chandail. Il a remarqué les blessures, forcément. Il lui parait important de préciser que son adversaire n’avait pas à utiliser la magie et qu’il a transgressé les règles. Il aura, de ce fait, droit à un rappel à l’ordre. Louve se demande ce que ça pourrait être, ce rappel à l’ordre. Si Aslan est du genre a gentiment taper sur les doigts, ou si la sentence serait plus radicale. Elle note, vu l’éclat dans ses orbes, qu’il vaut mieux ne pas avoir affaire à Aslan. Que malgré sa bienveillance se cache un lion tapi dans l’ombre, attendant patiemment que vienne son tour pour entrer dans la danse. Il y a des détails qui ne trompent pas. « Je n’en doute pas, qu’elle conclut donc, sereine. » Aslan a une réputation à tenir. Ses combats font partie de ceux qui ramènent le plus de participants et de spectateurs, et qui, donc, ramassent le plus d’argent. Faire mauvaise pub ne pourrait donc qu’être contre-productif, et il n’aurait aucun intérêt à ça. Y’a de l’hésitation qui se peint sur son visage quand il lui propose son aide. D’emblée, elle aurait tendance à refuser. Parce qu’elle est comme l’eau, Louve. Filante et trouble. Elle ne laisse personne s’approcher. Ne montre à personne ses faiblesses. Mais en même temps, elle a besoin d’aide pour enlever les éclats de pierre, car visiblement ils sont trop mal placés pour qu’elle réussisse à le faire seule. Sans compter le fait que ça lui fait un mal de chien. Alors, presque à contrecœur, elle hoche la tête. Elle fait quelques pas dans sa direction, le laissant pénétrer complètement dans le vestiaire, puis se retourne. Elle lève doucement les bras, retenant une grimace de douleur, tandis qu’il l’aide à enlever son chandail. Elle ne porte qu’une brassière en dessous, et, par réflexe, croise les bras au niveau de sa poitrine. Elle lui tourne le dos, mais c’est plus fort qu’elle. Pendant quelques secondes, Louve reste silencieuse. N’osant briser le silence qui s’est installé. Elle sait qu’il sait. Qu’il voit. Ses deux cicatrices qui siègent au niveau de ses omoplates, vertiges de sa condition d’hybride qui lui a été arrachée il y a bien des décennies de cela. « Qu’est-ce que ça donne ? qu’elle préfère dire, coupant court aux possibles interrogations d’Aslan. Est-ce que je vais pouvoir retourner rapidement dans l’arène ? Parce qu’elle n’a qu’une hâte, c’est de pouvoir combattre à nouveau. Non pas qu’elle ait soif de sang et de violence, J’ai besoin d’argent. » Une précision qui a tout de même son importance, histoire qu’elle ne soit pas cataloguée comme folle furieuse trop rapidement.

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tw: violence | @louve savelli | décembre 836

Aslan nota la tension dans les muscles de la jeune femme mais se félicita quelque peu lorsqu’elle sourit. Aslan était grand, pas très épais, mais personne n’était jamais venu remettre en question sa force et sa détermination. Ancien soldat, combattant émérite à mains nu, il ne devait sa réputation qu’à lui-même. Qu’à sa puissance, sur le ring et son impartialité, en dehors. Curieux à l’intention de la jeune combattante, il la questionna. La réponse de cette dernière est inquiétante, mais pas vraiment inédite, à Elysium ou tous les éclopés de la vie venaient se cacher, se cacher, et survivre. Il n’osa imaginer ce qui lui était arrivé, à elle. Ce qui l’avait poussé à se battre de cette manière. Léthal, elle l’était, sans nul doute. Si le monde dans lequel ils vivaient étaient pleins d’illusion, de faux semblant – les fae de l’aube savaient, après tout, modifier leur trait – Aslan était en mesure de dire qu’il était profondément mauvais. Le glamour que les hautes cours vendaient, n’existait pas. Il n’était qu’un moyen, pour les grands de ce monde, de s’assurer de la docilité des plus bas. Les mots de la jeune femme font échos à la réalité du monde. Une vie, une lutte. Qu’avait-elle vécu, réellement ? Aslan aurait voulu savoir, pour comprendre, son histoire, sa vie. Comprendre ce qui l’avait poussé à venir se battre, ce soir-là. Il voulait également comprendre d’où elle tenait sa force et sa détermination. « Vous m’en voyez désolé, » qu’il lance, le lion, à son attention. Il était désolé de sa situation à elle, sans pourtant en être responsable. Il était désolé pour tout ceux qui avait souffert, ou souffraient encore. Il était désolé pour lui aussi. A la question que la jeune fae lui posa, il répondit calmement. « Oui, dans la même arène que celle dans laquelle vous vous êtes battue ce soir. » admit-il, sans réellement lui faire un résumé détaillé de toute sa vie. L’armée, le mercenariat, les combats. Né dans une famille de bijoutiers, il s’était révélé, avec le temps, bien plus léthal. Le lion n’aurait jamais eu la patience de jouer de l’or et des diamants. Des lames ou de ses poings, en revanche, c’était là une tout autre histoire.

Il s’excuse, de nouveau, pour le comportement de son adversaire. Dans le coin de son esprit, le Ghafa réfléchissait à ce qu’il allait bien pouvoir infliger au récalcitrant. Un petit tour dans les ombres, peut-être ? L’homme aurait l’impression d’étouffer, de se retrouver seul face à ces démons. Cette technique avait montré mainte fois son efficacité, et évitait les tâches de sansg sur le bois du plancher. Aslan n’était pas homme à jouer des poings hors de l’arène. Mais ses pouvoirs, il le faisait volontiers. Ceux qui osaient le sous-estimer le regrettaient bien souvent. Aslan avait sa réputation à tenir, celle de l’arène et celle des Marchands de Sable. Cela faisait presque un an qu’il était dans l’organisation, et s’il avait été accepté par son lieutenant, Sylas, il devait encore faire sa place. Il devait montrer qu’il n’était pas qu’un Grand-Fae, privilégié. Lui aussi, il s’était fait rouler dessus. Lui aussi, il avait des comptes à régler avec la noblesse, avec ceux qui se pensaient tout là-haut, dans des tours inébranlables, inaccessibles.

Le combattant proposa son aide, ses capacités à la jeune femme. Elle était blessée, il le voyait dans les traits de son visage et la raideur de son corps. La magie du printemps lui avait fait du mal, plus encore que la force des poings. Aslan serra les siens, fortement contrarié par l’incartade réalisé sous sa surveillance. Il ne se laissa pas aller, cependant, et s’approcha d’elle pour l’aider. Elle acceptait avec regret, il pouvait le sentir. Mais elle acceptait néanmoins, et le lion l’aida à enlever son chandail. Il y alla avec douceur, guettant les réactions de Louve pour s’assurer qu’il ne lui faisait pas trop mal. Ce qu’il vit, à la libération de sa peau, ce sont les deux cicatrices. Il resta silencieux, l’œil vif, observant les vestiges laissés là, de la présence d’ailes. C’était un membre à part entière que l’on avait retiré à la Fae. Il connaissait l’importance des ailes pour les Illyriens. Elles faisaient partie de leur identité, de leur vie. Il n’osa rien dire et fut rappeler à l’ordre par la voix de Louve. Qu’est-ce que cela donnait ? Obnubilé par les cicatrices de ses ailes, le combattant n’avait même pas pensé à ces blessures plus récentes. Il observa, tout en écoutant les volontés de la jeune femme. Il observa et constata avec réassurance. « C’est mieux que ce que je pensais. » dit-il, le regard fixé sur le dos de la jeune femme. C’était mieux que ce que cela aurait pu être, mais Aslan comprenait la douleur qui lui tiraillait le dos. Si le printanier avait lancé plusieurs cailloux de tailles importantes dans le dos de la combattante, il en avait également envoyé de plus petits calibres, qui s’étaient fichés dans la chair de l’hybride comme une écharde sous la peau. Pas qu’un, cela dit. « Des petits cailloux ont traversés votre chandail et sont dans vos chairs. Une fois retirés, votre dos nettoyé et quelques jours d’onguent cicatrisant, vous serez sur pied. » assura-t-il.

Il s’était éloigné d’elle, jusqu’au couloir pour interpeller l’un de ses collègues au vol. Il lui demanda de ramener des pinces, de l’eau chaude et des bandages. « Et vite ! » avait-il ajouté à son intention, avant de retourner dans la petite salle. Il l’observa un instant, puis dit. « Vous pourrez retourner dans l’arène d’ici quelques jours, je pense, mais le plus tard sera le mieux. » Se battre avec ces blessures n’était clairement pas une bonne idée, mais il avait comme l’impression qu’il pourrait dire ce qu’il voulait, elle n’en ferait qu’à sa tête. C’était d’autant plus vrai qu’elle le faisait pour l’argent. En attendant les outils qu’il avait demandé, Aslan questionna. « Avez-vous déjà pensé à mettre vos compétences au service d’une cause plus grande ? ». Il exagérait peut-être sur la grande cause, mais continua néanmoins. « Quelqu’un de votre trempe pourrait trouver un travail rapidement, un travail bien payé, qui plus est. » Il pensait aux Marchands de Sable, le lion, à cette organisation dont il faisait parti et qui regroupait des estropiés du monde pour leur offrir une opportunité. Il arrêta ses mots là, attendant l’arrivé de ce qu’il avait demandé et, l’avi de Louve sur la question.

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tw: Ø | @Aslan Ghafa | décembre 836

Il est désolé. Comme elle. Comme tous. La vie sur les terres d’Evanor n’a rien d’un long fleuve tranquille. Surtout quand on est une hybride. Tout n’a été que lutte depuis qu’elle a poussé son premier souffle. Entre sa fragilité et le fait que tous avaient prédit qu’elle ne vivrait pas. Puis sa divergence qui l’a contrainte de quitter les terres de l’Eté pour se rendre en Aube. Sans parler des laboratoires, qui ont été la cerise sur le gâteau. Ou le fin fond du fond du trou. La vie de Louve aurait pu être foncièrement différente. Si elle avait pris la place de son frère ou de sa sœur jumelle, elle aurait, déjà, eu l’apparence d’un Fae, ou d’une Illyrienne, et pas des deux comme ça avait été son cas. Elle aurait hérité de la magie de l’air de leur père, plutôt que celle de l’Aube de leur mère. Elle serait donc restée à Miriel, d’où elle aurait continué à contempler la mer. Probablement qu’elle serait devenue marin. Corsaire, pirate. D’abord sous-fifre, et puis, de par sa ténacité et sa persévérance, peut-être aurait-elle fini par devenir capitaine de son propre navire. Un peu comme Adrielle Ethelil, qu’elle avait toujours admirée et respectée. Louve aurait remué ciel et terre pour faire partie de son équipage, et elle aurait été heureuse à ses côtés. Elle en est persuadée. Mais au lieu de ça, et bien… Disons qu’on ne peut pas refaire l’histoire, et encore moins changer le passé. Elle est qui elle est. Avec ses cicatrices, ses traumatismes, et sa détermination qui frôle l’obsession.

Il confirme qu’il est lui-aussi un combattant. Qu’il a foulé cette arène, tout comme elle. Elle acquiesce en silence, curieuse, mais préfère garder le silence. S’il ne s’épanche pas sur la réponse, c’est qu’il ne veut pas en dire plus, et Louve respecte cela. Elle note, en tout cas, que les chiens ne font pas de chats, et qu’il gère les combats clandestins en toute connaissance de cause : car il sait de quoi il parle, ayant été lui-même à la place de ses combattants. Elle tente de l’imaginer, avec quelques années en moins. Se demande ce qui a pu le pousser à passer la porte des combats illégaux. Qui est-il, derrière ce masque de mystères ? Pourquoi être arrivé là ? Et comment a-t-il pu se hisser aussi haut ? Tant de questions qui resteront probablement sans réponse. Louve n’est pas de ceux qui s’immiscent dans la vie des autres sans vergogne, se délectant de petits détails croustillants sur chaque détail aussi futile soient-ils d’une vie. Elle respecte l’intimité et les secrets. Et y trouve, dans un sens, un certain charme. La vérité est souvent moins exotique que ce que l’imagination peut produire.

Vient ensuite le moment de l’analyse quant à l’étendue des dégâts. Louve serre les dents, attendant patiemment que sonne la sentence. Va-t-elle pouvoir retrouver rapidement l’arène ? C’est ce qu’elle espère en son for intérieur. Il lui faut de l’argent pour manger, pour dormir. Mais aussi et surtout pour se cacher. La dernière étape quant à son nouveau départ, c’est l’acquisition de faux-papiers. Et pour ça, et bien… Il faut récupérer une coquette somme d’argent, qu’elle n’a malheureusement pas encore. Après des secondes qui paraissent interminables, Aslan finit par décréter que c’est moins pire que ce qu’il pensait. Et Louve se permet un profond soupir de soulagement. Elle se doutait bien que ça ne serait pas grand-chose, mais d’entendre la confirmation de sa bouche, ça lui ôte un poids de ses frêles épaules. Elle écoute son avis médical –bien qu’elle se doute qu’il ne le soit pas, mais après tout à force de vivre et de surveiller les combats il a dû finir par s’y connaitre en la matière- et finit par hocher la tête. Il s’éloigne pour aller demander de quoi nettoyer sa plaie, puis revient à ses côtés en ajoutant qu’il lui faudra probablement quelques jours de repos. Son regard se veut appuyé, et fait sourire Louve. « Je prends note du conseil. » Comme il le soupçonne, elle n’en fera bien évidemment qu’à sa tête. Bien qu’elle sache pertinemment qu’il a raison, elle connait aussi son impatience. Mais se battre est une chose, et gagner en est une autre. Si elle a joué la carte de l’effet de surprise durant les premiers combats, force est de constater qu’à présent plus aucun combattant ne la sous-estimera. Elle va donc se retrouver face à des pointures du milieu, et pour l’emporter il faudra qu’elle soit en pleine possession de toutes ses capacités. Un repos forcé va donc probablement s’imposer.

En attendant que les outils soient rapportés, Louve s’installe sur un des bancs qui parsème la pièce. À califourchon sur ce dernier, elle se tient face à Aslan. Ses bras sont retombés le long de son corps, preuve qu’elle a cessé de penser à sa pudeur et qu’elle se sent un peu plus à l’aise. Ses sourcils se froncent face à la question qu’il lui pose. Elle tique quand il parle d’une grande cause, et forcément ses pensées se dirigent vers les Stormvaengir. Oui, elle a déjà fait partie d’une organisation de la sorte. Quand elle était jeune, qu’elle avait des rêves pleins la tête et une soif inépuisable de justice. Elle avait servi la cause durant plusieurs décennies, jusqu’à ce que, finalement, elle soit trahie et qu’elle se retrouve là, dans cette arène, plus amochée et seule comme jamais. Elle préfère garder secrète ce pan de sa vie, car après tout elle est recherchée sous son ancienne identité –pour ne pas dire traquée- et choisit plutôt de le questionner davantage. « Dîtes m’en plus. » Son air se veut sérieux, se demandant où il veut bien en venir.

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tw: violence | @louve savelli | décembre 836

Le sourire de la jeune combattante ne lui mentit pas : Aslan en était persuadé, elle allait avoir du mal à garder le repos. Quelques jours suffiraient pourtant. Du calme, de la détente, une soupe ou un bouillon de manière régulière, et la guerrière serait apte à combattre, plus forte que jamais. Mais Aslan n’avait fait que lui autoriser le combat dans son arène, pour le reste, il n’avait pas son mot à dire. Elle voulait combattre, elle combattrait. Le lion ne put s’empêcher de revoir les deux grandes cicatrices dans son esprit. Deux cicatrices dans le dos de la combattante qui n’offraient aucun doute quant à ses origines. Une hybride, à laquelle on avait arraché ses ailes. Une hybride, qui, cachée aux yeux perçant du mondes derrières des vêtements, passaient pour une Grande-Fae, les oreilles pointues élancées vers le ciel. Si Aslan avait un jour douté de l’utilité des Illyriens, il n’en était plus rien. Il avait évolué auprès d’eux, auprès des hybrides. L’origine, il s’en moquait. Tout cela lui passait bien au-dessus de lui. Il n’avait pas la fierté de ces Grand-Fae qui se considéraient bien supérieur aux autres. Il n’avait pas l’orgueil de se sentir insulté lorsqu’on portait un regard sur lui. L’exil forcé l’avait éloigné de sa famille de naissance, mais l’avait rapproché du monde réel. De ces problèmes, de cette diversité qu’il appréciait. Après tout, au sein des Marchands de Sables, cette famille qu’il appréciait de plus en plus, il était le seul de sa race. Le seul au sang bleu. Celui sur lequel ils auraient dû douter. Mais Sylas lui avait donné une chance, lui avait offert une opportunité, et Aslan l’avait accepté. Baigné dans ce bas monde, il échangeait, rencontrait et appréciait tout un tas de fae, Grands, ou non. Il était devenu proche de Velinka, appréciant la bonne humeur de la jeune femme.

Mais Aslan n’avait jamais eu à faire à cette situation. Les cicatrices auraient pu lui donner des frissons. Et il n’avait pas manqué de deviner qu’elle était la motivation première de la jeune femme : l’argent. Elle avait besoin d’argent. Les mots avaient été dit clairement, sans inquiétude. Mais cela avait suggéré bien plus de difficultés que bien d’autres combattants. Beaucoup, d’ailleurs, combattaient pour l’argent, mais n’en était pas dépendant. Ils se battaient pour le sport, pour la beauté du geste. D’autres s’amusaient, jouaient de ces échanges musclés et s’enivraient de la liesse portée par la foule. Certains faisaient partie intégrante du gang des Marchands de Sable, et, s’inclinaient volontairement face à leur adversaire pour renverser les paris et faire gagner un certain montant à l’organisation. Mais ces magouilles n’étaient qu’une facette de l’organisation. S’ils étaient réguliers, Aslan savait qu’il avait, derrière ces combats, derrières les sandmen, bien plus que cela. Tout était bon, pour gagner de l’argent, pour gagner de l’influence, mais l’ancien soldat ne pouvait pas admettre qu’il avait accepté de les rejoindre simplement pour le profit. Non, il croyait en quelque chose, un autre monde. Et Aslan espérait bien voir les choses un peu bouger. Chahuter les grands, il n’y avait jamais pensé, auparavant, trop soumis qu’il avait été dans le déroulé de sa propre vie. Et puis, la Mère l’avait bousculé, et l’envie de plus l’avait envahie. A défaut d’être en mesure de refaire le monde, les Marchands de Sable tels que les connaissaient Aslan offraient une protection sans pareille. Depuis qu’il y était, l’ancien soldat avait presque cessé de regarder par-dessus son épaule. Si la confiance n’était pas encore acquise auprès de tous les associés du lieutenant du port, Aslan pouvait le sentir, il était sur le bon chemin.

Un sourire étira ses lippes alors que la jeune femme lui en demandait plus. Il poussa un léger soupire et s’assit à son tour sur l’un des banc, les coudes sur les genoux, penché vers l’avant. « Peut-être que je suis allé un peu loin en parlant de grande cause. » commença-t-il, parce que la grande cause ne faisait pas l’unanimité et tous les lieutenants n’étaient pas d’accord. Sylas était – le combattant en était presque convaincu – le plus idéaliste de tous, et c’était pour ça qu’Aslan lui accordait tout sa confiance et sa loyauté, entre autres chose. « Ces combats clandestins font partis de quelques choses de plus grand, d’une organisation inhérente au port d’Elysium », reprit-t-il, fixant de ses prunelles d’acier le visage de la jeune femme. Jeune, elle le faisait, mais l’ombre de son regard soufflait à Aslan de ne pas se fier aux apparences. « Certains de vos combats étaient.. » Il fit une pause, se redressa quelque peu, tâchant d’enrober la vérité de bonne manière. « .. truqué. Vous deviez gagner. Pas tous, je le conçois, mais personne n’ayant parier sur vous – ou très peu -, remporter la victoire de votre côté a conduit à une forte sommes en notre faveur. » expliqua-t-il, avec grand calme. Aslan lui-même avait été naïf la première fois qu’il avait été dans cette situation, mais avait pris le pli rapidement, plus encore lorsque Sylas lui avait confié les rênes de ces combats clandestins. Faire monter l’ambiance, s’assurer d’avoir assez de combats réalistes, vrais, pour être en mesure d’en glisser quelques truqués dedans. Il ne saurait pu dire quel combat, gagné par la jeune femme, avait été fixé, issue décidée à l’avance, mais cela n’avait pas d’importance : Louve ayant gagné tous ces échanges ce soir, Aslan était plutôt intéressé par son potentiel. Ou plutôt qu’il voulait l’aider, mais de savoir qu’elle était son potentiel simplifierait la chose. « Les Marchands de Sable forment une organisation qui regroupent un certain nombre de fae n’ayant eu que peu de chance au cours de leur vie. » expliqua-t-il, le souffle régulier, ne quittant pas du regard la jeune femme. Il n'avait que trop bien en tête les différentes histoires de ses comparses, Velinka, Suni, Sylas... Il ne pouvait pas prétendre savoir ce que Louve avait vécu, mais l’imaginer lui suffisait. Au vu de sa présence même dans les combats clandestins, de son désir de gagner de l’argent, Aslan avait l’impression qu’elle était dans une situation délicate. « Parce que vous n’êtes pas venu à Elysium pour simplement vous amuser, sur le ring, n’est-ce pas ? » souffla-t-il, laissant la question s’élever dans l’air entre eux.

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tw: Ø | @Aslan Ghafa | décembre 836

Il parle d’une organisation inhérente au port d’Elysium, et mine de rien, y’a comme un poids qui s’échappe de ses épaules. Louve se permet un discret soupir, soulagée qu’il ne parle pas des Stormvaengir. La Mère aurait eu un humour très particulier, si elle les avait remis sur son chemin. Comme pour la pousser, à nouveau, à retomber entre leurs griffes. Non pas qu’elle en garde un mauvais souvenir, bien au contraire, mais disons qu’à présent cette période de sa vie lui laisse un goût amer. Une sensation d’échec, de trahison, et de solitude. Elle avait vu en Merrill un frère. Et chez les Stormvaengir une famille. Mais à présent, tous lui avaient tourné le dos. Ou alors ceux qui ne l’avaient pas fait étaient à présent en fuite et menacés de toutes parts. Comme Aveline, son Eole, qui avait disparu elle aussi du jour au lendemain. Ou comme certains de ses amis de la Légion Ecarlate qui, après les attentats de Beltane et l’assassinat de la Suprême de l’Aube, s’étaient fait capturer et croupissaient au fin fond de leur cellule en attendant la sanglante sentence. Louve était seule, et elle ne pouvait à présent plus compter que sur elle. Mais mieux vaut être seule que mal accompagnée, pas vrai ?

Aslan enchaîne sur le fait que certains de ses combats étaient truqués. Et elle ne peut pas s’empêcher de tiquer face à cette révélation. Elle est déçue, Louve. Et contrariée. Elle avait dû le supplier presque à genoux pour qu’elle ait le droit de participer. Elle y avait mis tout son cœur, toutes ses tripes, toute sa rage, pour réussir à prendre le dessus sur ses adversaires. Et tout ça pour quoi ? Pour une illusion ? Un faux-semblant ? Une simple histoire de paris et d’argent ? Le regard de Louve se durcit, tout comme son attitude qui se crispe. Elle aurait probablement préféré ne pas savoir. Qu’il garde sous silence tous ses subterfuges. Parce qu’elle vient de perdre confiance. En lui. Mais aussi en elle et en ses capacités. Elle était fière de ce qu’elle avait accompli. Mais au final, quel mérite y avait-il ? Elle est embarrassée, Louve. Et elle lui en veut d’avoir mis son grain de sel dans ses combats en biaisant les dés. C’est toute sa renommée qui vole en éclats, d’un coup d’un seul. Et si elle n’avait pas cruellement besoin d’argent, probablement qu’elle prendrait ses affaires là, tout de suite, et qu’elle quitterait purement et simplement les vestiaires pour ne plus jamais y remettre les pieds. C’est qu’elle est blessée dans son égo, Louve. Mais qu’elle n’en parle pas. Parce que cela ne servirait à rien. Ce qui est fait, est fait. Et ce n’est pas elle qui y changera quoi que ce soit. L’affaire est bien montée. Les rouages rôdés depuis bien longtemps déjà. Si le public –et même les combattants– n’y voient que du feu, alors où est le problème ? Mise à part son souci d’orgueil… Louve a besoin d’argent, et c’est ce qu’elle obtient. Alors elle veut bien fermer les yeux sur le reste. Quand bien même ça lui enserre le cœur et que ça lui donne la nausée.

Les Marchands de Sable. Voilà donc, au final, qui ils sont. Un ramassis de parasites, d’éclopés, de mis de côté. Elle y aurait certainement sa place, oui, ayant eu son lot de malchance et de dures épreuves dans sa vie. Mais qu’aurait-elle à y gagner à rejoindre leur rang ? Et surtout, qu’est-ce que eux auraient à gagner d’avoir une écorchée de plus à leur côté ? Bien contre sa volonté, elle est de toute façon déjà mêlée à leurs magouilles. Elle combat pour eux. Qu’espèrent-ils de plus ? Aslan a parlé d’une grande cause, et même s’il a par la suite modéré son propos, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une organisation. D’un groupe. Avec des objectifs. Organiser des combats illégaux permet de ramasser de l’argent. Mais dans quel but ? Les questions s’entassent dans son esprit, qu’elle garde pour le moment pour elle. Elle écoute Aslan parler. Découvre à travers ses explications cette guilde qu’elle n’avait jusqu’alors jamais côtoyée. Il conclut la fin de sa tirade par une question, à laquelle elle répond simplement par un « En effet, avant de rapidement ajouter, Comme je vous l’ai dit, j’ai besoin d’argent. Je me suis fait des ennemis et il a fallu que je disparaisse. Elle n’en dira pas plus de son passé, ne sachant plus vraiment à qui elle a affaire. J’ai besoin de faux-papiers. C’est la dernière étape. Est-ce que vos Marchands de Sable peuvent m’aider à en obtenir ? Ou est-ce qu’ils ne sont spécialisés qu’en sauvetage d’âmes en détresse et en organisation de combats truqués ? » Elle ne pensait pas que sa voix prendrait ce ton plus dur à la fin de sa phrase. Qu’elle lui adresserait cette pique à son égard. Mais ça a été plus fort qu’elle, et, à la dérobée, elle l’observe, attendant sa réponse.

take a breath

tw: violence | @louve savelli | décembre 836

Aslan ne devinait que trop bien ce qui se passait derrière les prunelles sombres de la brune. Il pouvait imaginer la déception, la frustration de cette réalité désagréable. Gagner son premier combat n’avait pas été d’une grande difficulté, d’autant plus que la jeune femme avait la mère et surtout les Marchands de sable, de son côté. Son adversaire avait été expédié, Louve avait été encouragée, portée par la liesse d’une foule surprise et passionnée. A présent que la vérité était partagée, Aslan pouvait sentir la déception, dans le regard de l’hybride. Une déception qu’il comprenait, mais à laquelle il ne pouvait rien faire. Les jeux des combats de son arène étaient ainsi, l’objectif était précis, inébranlable, et jamais satisfait. Il fallait aller toujours plus loin, gagner toujours plus d’argent, pour faire tourner le reste, pour maintenir à flot les multiples activités des membres de la guilde. Si Aslan compatissait à la frustration de la combattante, il était lui-même bien trop habitué à la réalité de ces arènes qu’il avait apprise à gérer qu’il n’ajouta rien, ne pipa plus mot sur le sujet. Aslan avait connu son lot de malchance dans la vie, sur Evanor. Il ne doutait pas, aux cicatrices qu’il avait pu voir dans le dos de la jeune femme que la vie de cette dernière n’avait pas été facile non plus. Si la réalité de leur propre voie était complexe, Aslan ne pouvait rien faire d’autre que tenter de l’alléger un peu. La vérité, pour une fois, lui semblait être une bonne idée, une façon de montrer qui il était. A défaut d’être parfait, il ne cachait pas la réalité. La jeune femme ferait de cela ce qu’elle voudrait.

Aslan continua son discours, décrivant quelques peu sa propre guilde, ce groupe d’écorchés qui était devenu sa famille. Velinka, Suni, Sylas. Tous faisaient à présent parti de son quotidien, tous gagnaient sa confiance, ou l’avaient déjà acquise. Plus que le tatouage qui marquait son corps, lien indélébile de son contrat avec les Marchands de Sable, avec Sylas, Aslan croyait en leur rôle, en leurs idées. Il continua, jusqu’à poser sa question, laissant en suspens ses interrogations. Un questionnement qui tira une réponse froide de la jeune femme. Il ne tiqua pas à sa mention d’ennemi, n’imaginant pas ce qu’elle avait vécu, ce qu’elle avait fait ou bien ce qu’on lui avait fait. Aslan n’était nullement dans le jugement, il avait seulement pu voir une opportunité, celle d’une combattante douée, d’une jeune femme aux nombreux potentiels. Une âme en peine qui se battait pour survivre et qui pourrait très certainement s’épanouir dans leur guilde, sous les ordres de Sylas, ou d’un autre lieutenant. Il aurait très certainement regretté de l’avoir laisser filer, de l’avoir laissé face au monde, seule. S’il ne doutait pas des capacités de survie de l’hybride, il ne sous-estimerait jamais les ruelles d’Elysium et la pourriture qui se répandait sur Evanor.

Il tiqua, le lion, non pas du fond mais de la forme. Le ton froid, le regard presque noir. Il comprenait sa frustration. « Une seule de vos victoires a été facilitée, les autres, vous ne les devez qu’à vous et vos capacités. » crût-il bon d’ajouter, craignant la lueur qui brillait dans les prunelles de la combattante. Il ne connaissait que trop bien la blessure d’avoir gagné sans mérite. Les combats truqués bousculaient les égos, déstabilisait les plus farouches combattant, qui s’y pliaient pourtant pour gagner plus d’argent. Tous n’étaient pas en mesure de laisser leur orgueil de côté pour céder volontairement sous le poing adverse. Il existait quelques habitués, d’ailleurs, complices des marchands de sables, qui y trouvaient leur compte, la majorité y rechignait cependant. Il pouvait voir dans la tension des épaules de la combattante, dans le fond de son regard, que le doute s’était emparé d’elle, de ses capacités. Aslan espérait que ces mots lui ôteraient le moindre doute : c’était l’une des meilleures combattantes qu’il avait vu depuis de nombreux mois, si ce n’est année. « Nous pouvons vous aider. » dit-il, se retenait d’ajouter qu’un service pareil ne serait pas gratuit, prêt à lui-même mettre la main à la poche. Il devait se l’avouer, il était fasciné. Par son courage, par sa hargne. Lorsqu’il avait son âge, Aslan n’avait pas la moitié de la volonté que démontrait Louve. Il avait piétiné, tout au plus. Louve lui montrait ce qu’il aurait pu être, si le démon de la peur ne l’habitait pas depuis de si nombreuse année. « Mais qu’allez-vous faire, avec ces papiers ? Fuir ? » questionna-t-il, avant de se relever. Il avait entendu le rythme de pas régulier de son collègue et récupéra en silence une pince, de l’eau chaude, un baume aux odeurs de plantes et des bandages. Tout en main, il s’approcha de la combattante. « Je ne prétends pas que notre guilde, plus qu’une autre, soit parfaite. Elle doit survivre dans un monde qui souhaite la voir disparaître. Un monde qui souhaite même nous voir disparaître. » dit-il, le ton calme ne s’alignant nullement sur le ton froid de la jeune femme. « Je ne sais pas qui sont vos ennemis, ni vos démons, et je ne vous poserais pas la question. J’ai l’impression, cependant, que vous pourriez avoir votre place, au sein des Marchands de Sable. » avoua-t-il, le regard légèrement brillant. « Vous semblez avoir la hargne de vivre, autant que celle de vous battre. Je ne vous connais pas, pourtant j’ose y croire. » Un léger sourire étira ses lippes, éclaira son visage. Non, il ne la connaissait pas vraiment. Il l’avait vu combattre, toute une soirée. Elle avait tenue, c’était battue pour l’argent qu’elle voulait, pour continuer sa vie, quelle qu’en soit la forme. Cette volonté, c’était tout ce qu’Aslan voyait dans le regard de la jeune femme, dans ses gestes, dans sa tenue. Il finit par lever sa pince devant elle. « Vous me laissez faire ? » demanda-t-il, le regard fixé sur son visage. Il était conscient qu’il devait gagner sa confiance, plus encore après les aveux du combat truqué, alors il attendrait sa réponse.

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tw: Ø | @Aslan Ghafa | décembre 836

Un seul combat a été truqué. C’est ce qu’il lui promet. Probablement le premier, si on en suit la logique. Car personne, en effet, n’aurait parié sur sa victoire. Aslan ne savait pas qui elle était. Ce qu’elle valait. Elle était frêle. Elle paraissait fragile. Amaigrie et affaiblie. Il était normal de douter. De s’inquiéter. Et évident qu’à sa place, il aurait aussi vu en elle une opportunité. De s’enrichir ; car oui, les paris seraient obligatoirement en sa défaveur. Et quoi de plus simple que de biaiser les dés ? La victoire, dans tous les cas, lui serait assurée. Ils ont été malins, Louve le reconnait sans mal. Même si ça lui crève quand même le cœur. Parce qu’elle a triché. Elle a gagné sans mérite. La victoire n’a aucun goût, si ce n’est, même, une amertume. Mais Aslan a été honnête. Et même si sa révélation la déstabilise et qu’elle a perdu le peu de confiance qu’elle avait en lui, cela ne signifie pas que c’est définitif. Il a fait table rase des erreurs du passé, pour mieux préparer l’avenir. Démolir ces piliers branlants pour reformer les fondations. Afin qu’elles soient fortes. Indestructibles. La vérité finit toujours par se savoir, et si Louve l’avait apprise plus tard, d’une autre bouche que la sienne, les conséquences auraient été bien plus dévastatrices. Surtout si, entre temps, elle avait intégré les Marchands de Sable dont il vante les mérites. Louve a déjà été trahie par les Stormvaengir, alors elle n’aurait pas accepté que cela se reproduise une nouvelle fois. Et là, pour le coup, ils l’auraient perdue. Définitivement.

Son corps qui tend à se relâcher quand il lui avoue pouvoir l’aider. C’est comme s’il lui retirait une épine de son pied –à défaut des éclats de pierre logés dans son dos–. Et par la Mère, qu’est-ce que ça soulage. Ça allège le corps et ça tranquillise l’esprit. Ça ne règlera pas tout, bien évidemment, mais ça va grandement l’aider. À avancer. À recommencer. Mais où ? Et avec qui ? « Je n’en sais rien, qu’elle souffle dans un murmure. » Aveu qui est susurré à demi-mots dans la tonalité de la confidence. Fuir. C’est ce qu’elle a fait, dans un sens. Elle a changé de visage. De nom. De Cour. Mais quelle est la suite ? S’exiler dans un coin reculé de la Cour de l’Automne ? Quand bien même elle n’y a jamais vraiment mis les pieds et que l’idée ne l’emballe pas plus que ça ? Elle pourrait retourner en Eté. Retrouver les traces de sa famille à Miriel. Mais cette perspective ne l’emballe pas plus que ça. Parce qu’elle a tiré un trait sur eux. Elle en a fait le deuil. Cette partie de sa vie a disparu en même temps que la petite Masha Mogween. Qu’aurait-elle à leur dire, si elle y retournait ? Leur avouer toutes les atrocités dont elle a été victime ? Les traumatismes qu’elle a subis et qui ne guériront jamais, quand eux dormaient sur leurs deux oreilles ? Ils l’ont oubliée, c’est aussi simple que ça. Et si ils ont tenté, pendant un temps, de reprendre contact avec elle, force est de constater qu’ils n’y sont jamais parvenus. Car si elle avait entendu des échos… Non, fuir est impossible. « J’ai perdu ma famille. J’ai perdu mes repères… » La carapace qui se fissure, laissant entrevoir la gamine qu’elle a été, et qu’elle est toujours, dans un recoin de son âme. La gamine perdue, abandonnée, traumatisée. Qui ne demande rien d’autre que de l’amour. Une chose aussi simple, aussi pure, que pourtant la Mère semble s’obstiner à lui refuser.

Des bruits de pas qui retentissent dans le couloir. Voilà Aslan qui se lève pour aller chercher ce qu’il avait demandé. Il revient les bras chargés de pince, d’eau et de bandages. Il se rassoit en silence, avant de, finalement, reprendre la parole. Se battre. Oui, elle ne sait faire que ça. Il semble bien l’avoir jugée. Attentif à la moindre de ses réactions. Attentionné, aussi, à l’entendre ainsi lui demander la permission pour se lancer dans les soins. « Allez-y, qu’elle l’autorise, le timbre de sa voix radoucie. J’ai une bonne tolérance face à la douleur, donc n’hésitez pas à forcer si c’est nécessaire. » Mais ça aussi, il doit déjà le savoir. Elle l’entend prendre en mains la pince, et en attendant, elle enroule sa tête dans ses épaules pour faire le dos rond. Elle serre la mâchoire, concentrée. Prête à accueillir la douleur en son sein et à l’accepter. Elle a appris, au fil de ses séances de torture, que se crisper était contre-productif. Alors elle applique, encore aujourd’hui, les astuces qu’elle a trouvées. « Quel rôle aurais-je à vos côtés ? »