(Assya) Les livres anciens ont le parfum des mots oubliés

Le mécène et la Suprême

Sa présence en ces lieux crée de l’agitation, un doux désordre tandis que la Suprême s’invite elle-même à Dunmere. Ce n’est pas tout à fait exact, le Seigneur des lieux l’a invité à se présenter à eux à tout moment. Invitation qu’elle utilise à volonté depuis des semaines et bien souvent à l’improviste, en fonction de son emploi du temps fluctuant. Les Romanov ne sont jamais préparés à ses allés et venus au grand dam des sœurs du seigneur qui souhaiteraient soigner les apparences, sans savoir qu’Assya n’en a que faire. Elle ne vient pas pour la causette, du moins pas en leur compagnie.

La Suprême vient rendre visite au Seigneur, ce qui arrive bien souvent depuis qu’elle a fait appel à lui pour la restauration d’un portrait. Ceux de ses parents, bien que leur lien d’âme sœur n’ait pas porté d’amour entre eux, et qu’Assya marquait sa préférence pour son père, ils n’en sont pas moins les êtres qui les ont mis au monde et forgés, elle et sa fratrie. Leur portrait mérite de trouver sa place auprès de leur fille, Suprême.

Non seulement Atlas avait fait un travail merveilleux, ils avaient également noué une relation plus amicale, plus profonde que la simple cordialité entre nobles qu’ils entretenaient jusque là. Atlas est différent, il se moque du pouvoir, il se moque des convenances bien qu’il ne lui ait jamais manqué de respect. Il est rafraîchissant, ne cherche pas à nouer de lien avec elle par ambition, il est authentique. Qualité qu’Assya lui reconnaît et apprécie.

Les sœurs du Seigneur sont visiblement surprises, et contrariées, de sa venue si tardive, mais Assya apaise les choses en assurant qu’elle n'attend aucune collation, ou suite à sa disposition, rien de plus que la compagnie d’Atlas et qu’elles peuvent disparaître l’esprit tranquille. Il est tard, mais la nuit ne fait que commencer pour des oiseaux de nuit comme eux. La nocturne se dirige vers la bibliothèque, légèrement hésitante à passer le pas de l’endroit qu’elle estime sacré. Consciente que très peu ont pu avoir l’opportunité de fouler le sol qui regorge d’ouvrages rares et oubliés.

Une obsession depuis l’instant où Atlas lui a accordé la permission d’en parcourir les pages. Elle pensait qu’il s’agissait d’une invitation à passer plus de temps en sa compagnie, ou peut-être un moyen de la séduire et elle n’avait pas su résister aux nombreux mystères qui entouraient Dunmere. Aux yeux du monde, ils sont encore des originaux. Aux yeux d’Assya, désormais, ils sont les gardiens de connaissances plus vastes et inavouées.

Elle entrouvre une porte et se glisse à l’intérieur de la bibliothèque, elle trouve le seigneur en équilibre sur une table en pleine contemplation de son œuvre d’art. Elle approche à pas feutrés, le regard absorbé par la nuit étoilée qu’il semble peindre jusqu’à ce qu’il perçoive sa présence et se retourne. “Garde l’esprit tranquille Atlas, ce n’est que moi, tes soeurs n’oseront pas venir nous interrompre.” Confirme-t-elle à la mention des sœurs invasives, elle lui retourne un sourire sincère avant de replonger son regard dans sa fresque. “Ne cesse pas ton ouvrage pour moi, tu avais l’air absorbé… S’agirait-il de quelconque constellations dont j’ignore le nom ?” L’art, comme l’astronomie, dont raffole son ami, ne sont pas semblables aux centrés d’intérêts de la blonde. Elle apprécie ce qu’elle voit, mais elle n’a pas la main artistique pour autant, contrairement à son frère et Atlas.

Quand il l’interroge sur sa présence chez lui, elle détourne les yeux de la fresque pour les porter sur les nombreux ouvrages qui ornent les étagères de la bibliothèque. Sa présence est une évidence, il n’est pas sans le savoir puisqu’elle arpente les allées depuis des mois désormais. Un de ses doigts vient caresser la reliure d’un ouvrage, une question lui trotte dans l’esprit depuis le premier jour de sa venue ici. “Tu sais bien ce qui m’emmène ici Atlas, la question que je me pose c’est qu’attends-tu de moi ?”