Before you burn it out || Aslan

before you burn it out

♫ mi-janvier 838  || @Aslan Ghafa

tw : dépression/démence/poison  

La nuit fut courte et mouvementée, la journée fut longue et harassante. Hestia avait quitté la demeure des Kozlov depuis trois semaines déjà, habitant présentement chez sa meilleure amie, Dana. Elle occupait un petit bureau dans lequel elle avait espéré trouver l’apaisement d’une vraie nuit de sommeil, mais rien n’y faisait. Si, lors de ses nuits d’insomnie, elle n’avait aucun scrupule à courir les tavernes pour ramener un ou une compagne pour la nuit, afin d’égayer ses heures perdues, n’habitant plus chez elle, la nocturne ne pouvait décemment ramener une personne inconnue au sein du foyer des Volyn. Alors elle avait passé le plus clair de son temps à fixer le plafond, perdue dans ses pensées aussi chaotiques que démentielles.

La commande de poison auprès d’Adrielle avait été faite quelques semaines auparavant, la livraison ne devait plus tarder à présent. Bientôt, elle pourrait mettre en place ce funeste plan qui occupait chacune de ses pensées. Les voix de son esprit la bousculaient sans cesse, l’enjoignant à se dépêcher, ne plus perdre de temps. Sa relation avec Lazar était au plus bas, l’annonce de son déménagement c’était soldé par une fuite de la part de son frangin, la laissant désolée et seule dans la cuisine des Kozlov. Si jusque là, Hestia avait eut le sentiment de survivre au ras-de-marée qu’était son quotidien, depuis cette ultime dispute, elle ne trouvait plus de goût à rien.

Elle était lasse et fatiguée. Plus rien n’avait d’importance, qu’il s’agisse de la guilde ou du commerce des Kozlov, elle observait à présent d’un air morne les tableaux qu’elle proposait, exposait, vendait. Sa sensibilité pour l’art semblait s’être éteinte. Ce dernier bastion, ce dernier lien qui l’unissait avec Lazar s’était effondré lui aussi.

Elle n’avait de cesse d’enchaîner les rencontres et conquêtes, ayant pris quelques mauvaises habitudes au sein des tavernes de Velaris. La nuit dernière, elle n’était pas rentrée, elle avait trouvé du réconfort dans les bras d’une fae issue de la cour du Printemps, rencontrée au hasard d’un angle de comptoir. Le vin avait coulé à flot, elles avaient beaucoup parlé, beaucoup ri. La nuit avait été merveilleuse, délicieusement inédite et tout sauf reposante. Mais lorsque le petit matin s’était levé, la fae résidant à Elysium avait gentiment mit Hestia à la porte. Affront mérité, elles ne s’étaient pas promis fidélité pour la vie, même pas pour la nuit. Mais lorsque la brise fraîche du matin vint fouetter le visage de la nocturne, encore rougit de ses activités et alcoolisé, elle s’était sentie bien seule.

Incapable de se tamiser, elle avait dû utiliser un portail afin de retourner à Velaris. Le foyer Volyn résidait à quelques rues de la demeure des Kozlov, en passant devant sa maison, la nocturne fut secouée par l’envie de s’y rendre. Sa chambre, ses souvenirs, ses murs, ses affaires, tout lui manquait. La possibilité de croiser son frère au détour d’un couloir lui manquait. Ou alors de le trouver affalé sur l’un des sofas qui meublait le salon, un livre entrouvert posé sur la poitrine, la tête pendant mollement sur son épaule, endormi. Elle s’était demandée, un instant, ce qu’il faisait, là, maintenant. Mais se rendre dans la demeure n’avait pas de sens, n’avait plus de sens. Elle s’en était éloignée pour son propre bien, pour reprendre des forces, reprendre ses esprits. Bientôt, très bientôt, tout rentrerait dans l’ordre. Lazar et elle seraient de nouveau ensemble, bravant les épreuves comme ils l’avaient toujours fait, unis face à l’adversité, unis face au monde entier. Parce qu’il n’y avait qu’eux qui comptaient. Ce frère et cette sœur, cet ensemble indéfectible capable de survivre à n’importe quel ras-de-marée.

Alors elle s’était détournée, laissant derrière elle cette envie violente d’y retourner.  Le foyer Volyn était calme à cette heure, elle l’avait traversé telle une ombre, ne faisant pas de bruit. Elle avait rejoint sa chambre pour y récupérer des affaires propres et effectua ses ablutions dans la salle de bain attenante au bureau. L’eau ruisselante due réveiller quelqu’un, elle avait entendu des pas. Mais personne ne vint la déranger alors qu’elle s’enfermait dans le bureau pour tenter de gagner quelques heures de sommeil avant de ressortir en fin d’après-midi.

Elle eut beau tout tenter, le sommeil ne vint évidement pas. Elle passa le plus clair de son après-midi enfermée, la lumière d’hiver filtrait péniblement à travers la fenêtre, peinant à réchauffer la pièce. Armée de son livre de comptes, engoncée dans une épaisse robe en laine, elle avait reprit la route en direction d’Elysium afin d’y rencontrer un collectionneur. Cela faisait quelques temps déjà qu’elle dirigeait des négociations pour le compte de celui-ci, dans le but de lui obtenir un tableau d’une beauté toute relative. Malgré tout, les aeskells devaient bien rentrer : elle avait dépensé une fortune pour se payer les services d’Adrielle et surtout son silence, Lazar ne manquerait pas de lui reprocher.

Le rendez-vous passa rapidement. Les négociations n’étaient toujours pas terminées, le vendeur, situé au sein de la cour de l’Aube, refusait catégoriquement de faire des concessions sur le prix ou le moyen de transport. Un nouveau rendez-vous fut fixé, Hestia allait devoir rendre une nouvelle visite au vendeur sous peu. Mais pour l’heure, la soirée était bien entamée, le ciel s’était couvert de ses étoiles et les rues s’agitaient tranquillement. Elle marchait sans but jusqu’à trouver une taverne prometteuse : le Pied à Terre.

C’est en fourrant le livre de comptes dans sa sacoche en cuir qu’elle pénétra dans le dit-lieu. La chaleur de celui-ci lui tira un frisson de plaisir et tout de suite, son regard s’accrocha sur la silhouette du barman qui se tenait derrière le comptoir. Particulièrement à son goût, Hestia décida immédiatement qu’il serait sa compagnie de ce soir. Elle s’avança d’un pas assuré vers le fae, trouvant refuge sur l’un des tabourets du bar. «  Bonsoir, entama-t-elle d’une voix chaleureuse, glissant délicatement une mèche de ses longs cheveux derrière ses oreilles pointues,une pinte, par pitié, je pense l’avoir bien méritée. »    
 

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♫ mi-janvier 838  || @Hestia Kozlov

En ce milieu du mois de janvier, Aslan chantonnait presque, là, derrière le bar du Pied à Terre. Un groupe de marin de l’été avait passé l’après midi dans la taverne et n’avait pas manqué d’emplir les lieux de leurs chants joyeux. Le combattant avait apprécié le spectacle, servant verre ou café a mesure qu’on lui demandait. La bonne ambiance du Pied à Terre était acquise depuis de nombreuses années, et le nocturne pouvait se féliciter de cela. Il aimait cet endroit, tout comme les autres membres des Marchands de Sable, d’ailleurs, dont la plupart y résidait à l’année. C’était un endroit chaleureux et accueillant. Ici, pas d’embrouille ni de bagarre. Tout roulait bien, tranquillement, et ceux qui osaient trop la ramener se retrouvaient dehors, tirés par les bras d’Aslan après avoir été remit à leur juste place par une remarque cinglante de Velinka. Le duo que le lion formait avec l’hybride était délicieux, et tout en douceur. La fae, de quelques années son aînée, était une amie sur qui Aslan pouvait compter. Tout cela rendait la vie au Pied à Terre, particulièrement agréable. D’autant plus que le combattant n’était nullement impacté par les directives du début d’année. Il était contrarié, certes, de voir Elysium coupé du printemps, contrôlé à chaque entrée, mais il ne s’en offusquait pas, n’ayant nullement d’occupation à l’extérieur de la cité. Il s’était inquiété, aux annonces, puis s’était vite apaisé lorsqu’il avait compris que Dana n’aurait absolument aucun mal à venir lui rendre visite. Ah, Dana. Là était surement la raison de sa bonne humeur apparente. Il était amoureux, sans aucun doute et se languissait chaque jour de voir la Fae lui rendre visite.

Aslan poussa un long soupir, le regard brillant, il savait que l’arrivée de Dana se rapprochait. Cette distance était légèrement frustrante, et l’impossibilité pour lui de se rendre à Velaris l’était également. Mais, sans pour autant l’avoir explicité auprès de sa compagne, il ne pouvait retourner à la cour de la nuit. Son départ précipité – sa désertion – n’avait jamais été expliquée – et, pour une fois qu’il se sentait bien et chez lui, il avait du mal rien qu’à l’idée de partir. Mais il le sentait, le lion, dans le creux de son estomac. Elle lui reviendrait bientôt. Le combattant avait hâte de la serrer contre lui, de s’enivrer de son odeur. Un frisson lui parcouru l’échine et il secoua légèrement la tête pour se reconcentrer. Un café, on lui avait demandé un café. Il s’afféra à la préparation de l’or noir, et présenta une tasse bien brûlante à l’un des habitués. « Voilà pour toi, Joec. » Les habitués du Pied à Terre n’était pas tous des fae respectables, mais Aslan pouvait se targuer de bien les connaitre. Il discutait avec eux, prenait des nouvelles des différentes cours et s’imprégnait un peu de l’ambiance générale d’Elysium. Beaucoup de fae étaient encore contrariés par les restrictions imposées par le Suprême du Printemps. Aux dernières nouvelles, Joec était l’un d’entre eux. « Tu t’en sors, avec toute la paperasse ? Il parait que c’est de pire en pire pour faire entrer des choses au Printemps. » commenta-t-il, tout en nettoyant une partie du comptoir. Il retint un sourire aux grommèlement indistinct du marchand, qui finit néanmoins par s’exprimer clairement. « C’est chiant, y’a pas d’autres mots. Ça nous prend du temps, et de l’argent. J’sais pas c’qu’il avait dans la tête l’autre Suprême, mais ferait mieux de tout mettre sur la chasse et de trouver les responsables de l’attaque de la tour. » Un sourire en coin éclaira le visage du barman. « Ils n’y arrivent peut-être simplement pas ? » dit-il, sur le ton de l’interrogation. Aslan, lui-même, ne se sentait pas particulièrement menacé. Aucun visage n’avait été vu par les prêtresses, Suni s’en était assuré, et rechercher quelqu’un dans la cité, c’était un peu comme chercher une aiguille dans une botte de foin. « Mouais, ben en tout cas, c’est chiant. Vivement que ce soit levé qu’on puisse reprendre le rythme d’avant ! » trancha le marchand, le nez rouge et l’air fatigué, avant d’abandonner Aslan seul au bar et d’aller s’installer près d’une fenêtre.

Le barman arrêta un instant son nettoyage, déposa son torchon sur le comptoir, et observa le marchand devant lui.  L’effraction à la tour de la coupe avait finalement eut un certain effet, bousculant les prêtresses, mais pas que. Le suprême du Printemps se sentait-il menacé ? Ou voulait-il simplement affirmer son soutient aux troupes du Crépuscule ? Aslan n’était pas très au fait de la politique mais il ne pouvait s’empêcher de se rappeler la conversation qu’il avait eu avec Sylas à l’automne. Le lieutenant s’était demandé si ce qu’ils avaient fait comptait, Aslan en avait été convaincu. Il l’était encore plus, depuis le début de l’année. Ils avaient bousculé l’ordre tranquille des choses. Ils avaient payé le prix fort, mais ils avaient fait bouger les barrières, il n’y avait aucun doute. Il ne restait qu’à voir ce qui allait se passer par la suite. Le barman, toujours perdu dans ses pensées, reprit son nettoyage. Il s’arrêta lorsqu’une voix chatoyante le salua. Il posa son regard sur la fae, grande aux cheveux noirs, il ne se souvenait pas l’avoir déjà vu dans le coin. Peu lui importait, s’il discutait volontiers avec les habitués, il ne s’étendait pas en bavardage avec tout le monde. Sourire aux lèvres, il répondit. « Une pinte ? Vous voulez quelque chose en particulier ? J’ai pleins de choses à vous proposer, qu’est-ce qui vous ferait plaisir ? » s’enquit-il, montrant d’un geste ample le nombre de bières qui décoraient l’arrière du bar. « Le choix est vaste, ça va de bières aromatisées à des choses plus amères, plus fortes. » précisa-t-il, dardant son regard bleu sur le visage de la fae.

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♫ mi-janvier 838  || @Aslan Ghafa

tw : dépression/démence/poison  

Si La Mère avait eut la gentillesse de prévenir Hestia qu’elle croiserait ce beau fae ce soir, elle ne serait certainement pas sortie avec cette tenue là. La robe était certes de bonne qualité, très élégante et professionnelle, mais elle ne mettait pas particulièrement les atouts de la jeune Kozlov en avant. Quel dommage. Elle devrait sûrement user des mots plus que des gestes pour parvenir à ses fins. Ôtant délicatement la cape sombre qui couvrait jusque là ses épaules, elle la plia tout en douceur sur ses genoux, dévoilant ainsi son col plus que sage, descendant à peine en dessous de la clavicule, dévoilant un très léger bout de sa peau blanche. La tenue, toute en simplicité était néanmoins rehaussée d’une ceinture corsetée, la baleine centrale remontait sur son torse, redessinant l’arrondis de sa poitrine en tout y ajoutant un peu de bombé. La ceinture était faite d’un joli cuir tanné aussi noir qu’une nuit sans lune et une multitude d’étoiles y étaient brodées, elle scintillaient avec les changements de lumière.

Son attention ne quitta pas un instant le barman, il dégageait quelque chose de sauvage malgré le ton doux qu’il venait d’employer. «  Plutôt léger et fruité, entama-t-elle doucement, le rouge venant teinter ses pommettes, je ne voudrais pas me retrouver à rouler sur le comptoir dès la première gorgée. » Rouler sur le barman, par contre… Jouer la timide, elle savait faire. C’était assez triste d’ailleurs, elle s’était rapidement rendu compte que les hommes étaient plus facilement attirés par la fragilité et la douceur, l’innocence et la candeur, la naïveté. Tout ce qu’Hestia n’était pas. Du moins, elle ne l’était plus. Elle battait des cils, se peignant un visage doux, délicat, un peu perdu dans cette auberge dont la clientèle était assez éclectique. Vu le quartier, la Kozlov s’attendait à trouver des nobles, ou du moins, des petits bourges de bonne famille, mais la taverne avait visiblement été envahie par un équipage de marin dont les voix s’élevaient avec force et passion, et les chants résonnaient. L’ambiance était agréable, elle observa un moment la clientèle jusqu’à ce qu’on pose devant elle la pinte qu’elle avait demandée.

Elle remercia le fae d’un sourire et d’un hochement léger de la tête, portant la choppe à sa bouche, elle but une gorgée en retenant un soupire d’aise. Elle aurait préféré quelque chose de plus fort. Son regard se perdait sur les étagères, à la recherche d’un alcool ambré, capable de réchauffer son cœur et son esprit.  Mais il était trop tôt, et Hestia n’était pas en terre conquise ici. La dernière fois qu’elle avait mit les pieds dans le coin, c’était avec Dana, et la soirée ne s’était pas particulièrement bien passée.  Alors, autant miser sur sa sécurité, cette fois. De plus, elle ne pouvait se permettre de se mettre en danger, trop de choses étaient en jeu. Bientôt, très bientôt, elle renverserait le plateau de jeu sur la table, retirant le dernier pion qui l’empêchait de parvenir à ses fins. Son père.

Tant de sacrifices et de blessures, tout ça pour quoi ? Pour Lazar. Toujours. Lui qui lui avait tourné le dos à la première occasion, dès qu’il avait pu briller, dès qu’il avait vu l’occasion de s’enrichir, de s’émanciper, il l’avait abandonné sans le moindre remords, lançant derrière lui une petite sœur abattue et déchirée. Mais la tendance allait s’inverser. Elle s’était trop longtemps laissée faire, elle avait baissé les bras trop vite, trop tôt. D’ici quelques jours, tout rentrerait dans l’ordre. Le père serait illuminé du tableau, ne laissant plus que Lazar et Hestia, ensemble, unis. Comme ils l’avaient toujours été.

Elle sirota sa bière, perdue dans ses pensées jusqu’à lâcher un profond soupir et reposer sans délicatesse la choppe sur le comptoir. «  Dites, elle interpela le barman, je suis négociante en art, vous n’avez pas des clients qui pourraient être intéressés ? » Hestia plongea la main dans sa sacoche pour en sortir son carnet de compte, tout y était noté : aussi bien les œuvres qu’elle proposait à la vente que les enchères qui se jouaient dessus. «Ou peut-être pour vous ? continua-t-elle, le nez dans le carnet, tournant les pages d’un air concentré,  pour la taverne, je veux dire. J’ai une toile d’un peintre qui commence à se faire remarquer dans le milieu, il vient de la cour de l’Automne, elle arrêta son doigt sur le page, faisant claquer ses ongles sur le comptoir de sa main gauche, suivant une ligne verticale sur le papier de sa main droite. Ah, là. Oui. Le prix est encore raisonnable, je pourrais le négocier un peu, ou vous faire offrir le transfert. Exposer dans un endroit passant pourrait être une bonne affaire pour lui… »

Hestia savait pertinemment que le fae n’allait pas être particulièrement intéressé, rares, très rares, étaient les contrats qu’elle avait eut l’occasion de négocier sur un coin de comptoir. Mais après tout, pourquoi ne pas tenter ? Puis, si cela pouvait aider à piquer la curiosité du beau brun, alors elle se devait d’essayer. Elle reprit une gorgée de sa pinte, avant de relever finalement les yeux de son carnet pour croiser le regard du barman. Il était vraiment à couper le souffle. Littéralement. Elle cessa de respirer un instant, les yeux presque écarquillés. «  Je crois que même le plus beau des chefs-d’œuvre doit sembler pâle à côté de vous. » lâcha-t-elle à voix basse, agitant nerveusement ses mains.  Qu’est-ce qu’elle aimait jouer les petites fae effarouchée.    
 

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♫ mi-janvier 838  || @Hestia Kozlov

La réponse de la fae ne se fit pas attendre, et Aslan ne la quitta des yeux que pour aller chercher ce qu’elle souhaitait. Quelque chose de léger, fruité, pour, elle l’avait précisé, ne pas rouler sur le comptoir. Le combattant s’était aussitôt attelé au choix de la boisson, ne prêtant pas un seul coup d’œil au rose qui avait teinté les joues de la fae. Il était bien au-delà de tout cela, le lion. Il déposa devant la jeune femme une choppe en métal remplie d’un liquide rougeâtre et dont l’arôme de fruit enveloppait déjà ces narines. Ce genre de liquide n’était pas réellement du goût du barman, mais ce dernier s’arrangeait toujours pour en avoir dans ces stocks, des fois que. Il devait avouer, cela dit, que peu des fae qui passaient dans l’auberge ne consommait ce genre de boisson. Mais finalement, peu lui importait, tant que les écus rentraient et que les clients étaient satisfaits. Avant de retourner à ses occupations, il glissa quelques mots à la jeune femme, accompagnant sa pinte d’un petit bol de gâteau salé. « Vous pourrez rouler ou danser sur le comptoir tant que vous voulez, il a été renforcé. » plaisanta-t-il, le regard brillant. Il était particulièrement de bonne humeur, aujourd’hui, alors que l’air musical des marins dansait dans son esprit. Et puis surtout, les retrouvailles avec sa compagne approchaient, et rien que pour cela, le barman pouvait se montrer plus bavard qu’à son habitude. Il n’avait pas vu, en revanche, les petites mimiques, les battements de cils ou les sourires chatoyant. Il était ailleurs, le lion, dans son propre univers. Son corps était là, s’assurait de servir ces clients et de maintenir une ambiance agréable et bon enfant. Pour le reste, une danseuse du Soleil de Minuit aurait pu se produire dans un coin de la salle principale, qu’il n’y aurait prêté aucune attention.

Après un hochement de tête, il laissa la fae déguster sa pinte pour se reconcentrer sur le reste. Il chantonnait légèrement, accompagnant les marins dans leur bonne humeur. Ces derniers reprirent une énième commande, et Aslan s’y affaira, prenant les choses pas à pas pour être sûr de ne rien oublier. Café, rhum, bière. Ces marins profitaient d’une soirée libre de toutes obligations, les deux pieds plantés sur le plancher des vaches. Tout en préparant leur commande, Aslan se mit quelque peu à imaginer ce que cela devait leur procurer, de naviguer. Se sentaient-ils libre en mer ? Avaient-ils quelques regrets à quitter la terre ferme ? Le combattant avait entendu de nombreuse histoire au sein du Pied à Terre, sur ces marins qui n’étaient plus capable de marcher droit une fois la mer quittée, et qui y restait donc jusqu’à la fin de leur jour. A quel point cela était-il fréquent ? Lui-même n’était jamais monté sur un bateau, et s’imaginait déjà vomir par-dessus la rambarde du bâtiment à cause de la nausée. Il refusa l’idée d’y mettre un jour les pieds. Sa vie, c’était sur la terre ferme, ou même sur le dos d’un cheval, mais jamais il n’irait parcourir les eaux libres d’Evanor. Il revint dans son propre univers et déposa le tout sur un plateau qui laissa au bord du comptoir, à venir récupérer par la serveuse, qui n’était pas Velinka, ce soir.

Le lion s’apprêta à continuer son travail, ne nettoyant des verres que pour mieux les remplir, mais on l’appela, à l’autre bout du comptoir. Un torchon blanc balancé sur son épaule, il s’approcha, posant ses deux mains sur le bois propre du bar et écoutant la fae d’une voie attentive. Il était curieux, de savoir ce qu’elle voulait lui partager. Il ne manqua pas de hausser un sourcil en écoutant, se demandant si elle ne connaissait pas Dana, elle-même négociante en art. Mais Evanor était grand, et bon nombre de membre de la nobilité devaient vouloir vendre et acheter une œuvre d’art comme il le ferait d’objet bien moins couteux. Aslan ne répondit pas tout de suite, réfléchissant à la possibilité que l’un de ses clients soient potentiellement intéressé par quelque chose. Personne, aucun nom, aucun visage ne lui vint en tête. Des habitués, tout du moins, pour le reste, il n’oserait pas s’avancer, puisqu’il ne les connaissait pas. Il laissa la jeune femme continuer, le questionnant sur les volontés de la taverne d’afficher quelque chose. Aslan leva un instant les yeux et balaya la salle du Pied à Terre de son regard clair. Imaginer l’endroit avec une œuvre d’art ne lui convenait pas du tout. Non, la taverne perdrait de tout son charme, donné par des pierres apparentes et des poutres de bois sombre. Elle n’était pas venue ici seulement pour vendre à l’établissement une peinture ? Il étouffa un petit rire. « Ma foi, si exposer dans notre auberge pourrait aider votre client, ce serait peut-être à lui de nous proposer une somme d’argent. Non ? » Il n’était pas un commercial, le lion, mais se souvenait assez bien de certains partenariat que la famille Ghafa, et plus encore les bijoutiers et maîtres d’orfèvrerie, pouvait avoir avec certains Haut Fae. Ces derniers portaient leurs bijoux, et faisaient l’éloge des petites mains derrières. En échange, ils n’achetaient pas les bijoux, mais en faisait la publicité. C’était un compromis qui fonctionnait, mais visiblement, cette façon de faire n’était pas dans la tête de la négociante. Peu importait au barman, ce n’était pas envisageable, et Sylas avait bien autre chose à gérer qu’une négociante en art qui voulait accrocher toute une galerie dans la taverne. Un sourire désolé étira ses lippes, alors qu’il précisait. « Nous ne sommes pas intéressés, cependant. Bon courage ! . » Le lion savait à quel point ce travail était contraignant, il en entendait beaucoup parler de la bouche même de Dana et ne l’enviait pas.

Il s’apprêta à retourner à son occupation, lorsque la voix de la fae reprit. Il manqua de s’étouffer et se mit à rire, mélange du certain malaise qu’il ressentait à travers ce compliment un peu trop poussé, et ce qui semblait transparaitre des prunelles de la négociante. « Ne me dites pas que votre bière vous monte déjà à la tête, vous n’avez rien bu ! » répliqua-t-il, le regard toutefois brillant, alors qu’il pointait du doigt la choppe de la jeune fae. Il ne voulait pas se moquer, aussi ajouta-t-il. « Je vous remercie du compliment, mais vous devez voir bien d’autres fae plus intéressant. Votre métier doit vous amener dans les plus beaux quartiers de la capitale ! » dit-il, essayant de tempérer la situation, et surtout de se défaire du regard noisette avec lequel elle le fixait.  Aslan était bien au fait que son physique était plus qu’agréable. Ces larges épaules marquées par les années passées à s’entraîner et les traits réguliers de son visage en faisant un homme apprécié. Cependant, jouer de ce physique agréable n’avait jamais été quelque chose avec laquelle il était à l’aise. Plutôt pudique sur bien des aspects, il n’était pas forcément à l’aise lorsqu’on le lui disait si ouvertement. D’autant plus que son esprit, son cœur et son corps, étaient à quelqu’un d’autres. Il toussota et continua. « Pour votre tableau, Joec, là-bas, est un marchand qui parcours Evanor, il pourrait peut-être vous aider. De mon côté, je ne peux rien faire pour vous, hormis pour vous servir quelque chose d’encore moins fort, mais on va terminer sur de l’eau à cette allure-là. » Il souriait un peu, le barman, mêlant plaisanterie et sérieux. Est-ce que la jeune femme était réellement impactée par la bière ou bien non . Elle restait mystérieuse, derrière le rosissement de ses joues, et la nervosité qui transparaissait légèrement dans le mouvement de ses mains. Qui était-elle, vraiment ?

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♫ mi-janvier 838  || @Aslan Ghafa

tw : dépression/démence/poison  

Bon, ben c’était pas gagné cette histoire. Soit le beau fae était complètement aveugle, soit insensible aux charmes féminins. Dans les deux cas, ce n’était pas grave, il n’y avait pas mort d’homme, mais l’égo d’Hestia semblait avoir pris un sacré coup. Elle pouvait danser sur le comptoir, ç’aurait au moins le mérite d’attirer son attention, parce qu’il ne vit pas ou décida d’ignorer toutes les mimiques qu’elle fit. Battement de cils, bouche en cœur, à deux doigts de presser sa poitrine contre le comptoir pour en faire ressortir le bombé. Un coup d’œil vers son torse lui rappela aussitôt qu’elle n’avait pas tant de « bombé » que ça à mettre en avant de toute façon.Non, ses charmes se situaient autre part, ses hanches charnues, son visage fin, sa nonchalance habituelle. Elle avait bien réussi à passer la nuit avec une fae la veille au soir, pourquoi avait-elle maintenant l’impression d’être aussi ridicule qu’une poule en robe ?  

Hestia aurait bien aimé mettre ses maladresses sur le dos de l’alcool, mais en aucun cas quelques gorgées de cette bière principalement composée de sirop et d’eau ne risquait de lui tourner la tête. La solitude l’éteignait comme une vieille amie à cet instant. Lazar lui manquait, son frère lui manquait. Cruellement. Quitter la demeure des Kozlov s’avérait plus difficile que prévu et ses excès de boissons et de sexe ne parvenaient pas à combler le vide qui se créait au fond d’elle. Mais s’apitoyer sur son sort n’y changerait rien. Ce qu’elle voulait, ce soir, c’était juste ne pas rentrer seule dans ce foyer qui n’était pas le sien. Dana l’avait accueillit à bras ouverts et sa présence lui faisait du bien, mais l’apaisement qu’elle avait espérer trouver n’était jamais venu.

Les pièces du puzzle se mettaient doucement en place et l’attente était insoutenable, Hestia brûlait de voir la vie de son père s’éteindre et Lazar l’étreindre. Elle voulait retrouver son équilibre, son tout. Mais ce soir, elle restait désespérément seule à tenter d’accoster un fae qui ne lui portait pas le moindre intérêt. Ce fut plus éprouvant qu’elle ne voulait l’admettre. Le trait d’esprit du barman la fit doucement sourire, elle ne s’y était pas attendu. Non pas qu’Hestia fut partie du principe que ce joli bonhomme soit dépourvu d’esprit, elle avait simplement perdu l’habitude de se trouver face à quelqu’un de combatif et insensible à elle.

Elle avait toujours réussit à plaire et presque toujours réussit à obtenir ce qu’elle désirait. Que ce soit des hommes ou des femmes, le genre lui importait peu tant que les corps pouvaient s’éteindre. Mais celui-ci allait lui donner du mal. Un nouveau défi à relever, une occupation pour son esprit torturé. Elle avait répondu un simple remerciement à ses encouragements, le tableau n’était pas sa priorité. Il existait bel et bien cependant, et l’artiste qui en était à l’origine s’avérait être un hybride fort charmant. La cour de l’Automne regorgeait de merveilles visuelles, qu’il s’agisse de population ou d’œuvres. Peut-être devrait-elle s’y octroyer un petit séjour. Changer d’air ne lui ferait pas de mal. Hestia garda l’idée dans un coin de sa tête.

La repartie du barman la laissa perplexe et quelque peu irritée. Elle venait de se faire rembarrer avec une extrême douceur et gentillesse, mais rembarrer quand même. Décidément. Elle baissa timidement les yeux, sentant son visage s’échauffer à mesure qu’il déblatérait. C’est qu’il enfonçait le clou, à chercher à se justifier. Joec, un marchand assis non loin pouvait l’aider avec son tableau. Elle n’en avait rien à fiche du tableau ! Ni du marchand qui sentait probablement l’embrun, la sueur et la bière. Mais elle tut ces pensées. Agacée par la fragilité de son égo, autant que par l’attitude du barman. «  Je-euh…  C’est qu’elle est plus forte qu’elle n’en a l’air, bégaya-t-elle, la bière » se sentit-elle obligée d’ajouter. 

La bienséance aurait voulu qu’Hestia s’arrête là. Ce qu’elle aurait fait en temps normal. Mais pas ce soir. D’un nouveau coup d’oeil, elle balaya la salle à la recherche d’une nouvelle cible. Mais définitivement, le seul être qui avait attisé sa curiosité était ce barman. Elle réfléchit un instant, ne lâchant pas l’attitude de cette fae timide et nerveuse. «  Je suis désolée, c’était déplacé de ma part de vous faire cette remarque. » Elle cessa de jouer avec ses mains pour reprendre une gorgée avant de s’éclaircir la gorge. «  C’est que… je viens tout juste de commencer ce nouveau travail et je ne suis vraiment pas douée avec les interactions sociales. » Une nouvelle gorgée puis elle vint grignoter quelques gâteaux salés. «  Vous avez l’air gentil, je me suis dis que… que vous pourriez m’aider. Enfin, si vous le voulez bien. Puis, c’est vrai, vous êtes vraiment beau. Enfin, peut-être pas aussi beau qu’une œuvre d’art, mais, euh… enfin si peut-être, mais ce n’est pas le propos n’est-ce pas ? » Elle prit son visage entre ses mains, rouge de honte. Rien de ce qu’elle disait n’avait le moindre sens, elle était pitoyable. Mais peut-être était-ce sur cette corde qu’elle devait tirer pour attiser la curiosité du barman. Celle de la pitié. « Je m’enfonce, marmonna-t-elle pour elle-même. Je dois absolument réussir à le vendre, ce tableau, vous comprenez ? Mais je suis… enfin… moi quoi, une fae tout ce qu’il y’a du plus commun, de plus moyen et même si ce Joec pouvait vraiment être intéressé c’est qu’il… c’est qu’il a l’air un peu sauvage non ? » Hestia attrapa d’une main tremblante sa bière et la vida d’une traite avant de poser son regard sur le comptoir, évitant absolument de croiser celui du fae. Hestia avait une irrésistible envie de rire, mais se retint. «  Par la Mère, je suis d’un ridicule... Je peux avoir quelque chose d’un peu plus fort ? »
 

before you burn it out

♫ mi-janvier 838  || @Hestia Kozlov

Aslan aurait voulu glisser à l’autre bout du comptoir pour reprendre son activité, essuyer les derniers verres, reprendre des commandes et les honorer. Il n’en fit rien. Tout comme il ne développa aucune sensibilité aux charmes de la fae, il ne souhaitait tout de même pas la laisser seule, à son bar. Elle semblait un peu perdue, beaucoup même. Tant, que le lion se demandait ce qu’elle faisait là. Elle n’était pas dans son élément, mais elle était la tout de même. Aslan fronça un instant les sourcils, se questionnant sur elle. Sa présence, ses manières et ces manières de jeune fae rapidement impressionnée. Il savait, le combattant, qu’il n’était pas utile de se fixer sur l’apparence d’un fae pour évaluer son âge, il fallait d’ordinaire se plonger dans son regard, s’intéressé à ses réactions les plus subtils, pour se rendre compte du passé que la dites personne avait eu. Au vu de l’intérêt que la fae semblait avoir pour lui, le lion resta immobile, l’observant de ses yeux d’aciers sans davantage chercher. A vu de nez, elle ne devait pas être très vieille. Mais lui non plus, il ne faisait pas ses soixante-seize ans. Il retint un grognement, légèrement agacé par la situation. Elle semblait perdue, là, toute seule au milieu d’un univers qu’elle n’avait pas l’air d’apprécier, dans lequel elle ne savait pas évoluer. Elle était gentille, maladroite, et il s’était moqué. Aslan n’était jamais méchant, ou très rarement, mais savait avec certitude l’effet qu’une moquerie pouvait avoir, surtout sur une personne à l’esprit embué par la nervosité.

Malgré toute sa bonne volonté, celle d’être un fae meilleur - ne serait-ce que pour rendre hommage à la douceur de Dana -, le lion ne put retenir un mouvement de ces sourcils. Cette bière, trop forte ? Il aurait ris, le barman, si la fae ne paraissait pas si embêtée.  A défaut de pouvoir rire, il haussa les épaules, ne sachant que répondre. Ce genre de bière n’était que de l’eau, à son humble avis. Il en fallait pour tous les goûts, cependant, et il en commandait volontiers. La jeune fae devant lui devait, cela dit, être la première personne à en avoir commandé depuis des semaines. La clientèle du Pied à Terre était variée, hétérogène, mais avait tout de même en commun cette appétence pour la bonne boisson, le degré élevé et une monté de coude maîtrisé. Rien de tout cela n’émanait de la jeune vendeuse d’art, et Aslan se demanda un instant si elle n’était pas l’une de ses nobles fae, aux vies si compliquées au sein de leur palais doré qu’elles s’échappaient quelques temps de leur cocon pour voir la vraie vie. Elysium était la cité de tous les possibles, et rien n’étonnait plus le combattant. Pour tout dire, cela était déjà arrivé, et le barman avait été bien embêté lorsque la milice de la ville était entrée dans l’établissement pour ramener la jeune égarée dans sa cage dorée.  Un profond soupire s’échappa des lèvres du barman, alors qu’il se rappelait encore le regard sévère du garde et l’inquiétude poindre dans les yeux clairs de la jeune noble. Tout arrivait vraiment, dans cette ville. Un mélange d’opportunité et d’inattendue qui conduisaient, parfois et bienheureusement, à de belles choses.

Alors qu’il s’apprêtait à laisser la fae à sa bière au sirop, la voix de cette dernière se fit de nouveau entendre. Les prunelles quelque peu ennuyées du barman se posèrent de nouveau sur la jeune femme. Elle aurait pu s’arrêter là, il ne lui en voulait pas. Qui était-il, pour en vouloir à ce qui semblait être une fae fraîchement sortie du berceau ?  Rien. Mais elle aurait pu boire, finir sa bière. Aslan se serait éloigné, mais l’aurait surveillé du coin de l’œil, pour s’assurer que l’alcool ne lui montait pas trop à la tête. Le combattant, torchon sur les épaules, s’appuya sur ses paumes de mains, posées sur le comptoir. Il écouta la jeune femme s’empêtrer dans des excuses et des explications. Il aurait voulu lui dire que ce n’était pas grave, mais elle continuait, s’interrompant en buvant quelques gorgées. Il pensa, peut-être à tort, qu’un fae qui n’était pas très à l’aise avec la sociabilité devait faire un piètre marchand d’art, mais se retint de dire quoique ce soit, de peur de l’accabler encore davantage. Elle avait l’air fragile, en plus d’être perdue et Aslan commençait peu à peu à avoir pitié de cette âme qu’il avait sous les yeux.

A la demande de la demoiselle, il tira une bouteille de dessous le comptoir, et deux verres. Il les remplit d’un liquide ambré. Il en poussa un vers la fae, et garda l’autre près de lui. « Du courage liquide, comme on appelle ça dans le coin. » expliqua-t-il, le ton adoucit. Il avait des choses à faire, mais il avait surtout de la peine. Lorsqu’il pouvait aider, le lion ne se privait pas. Il écoutait, partageait ses propres expériences dans l’espoir d’apporter un peu de réconfort à celles et ceux qui en avaient besoin. C’était plus fort que lui, bien souvent. Des années à servir, des années à protéger, à aider. Dans l’armée de la nuit, il avait fini par trouver quelque chose dans laquelle il croyait. Cela avait continué, après son arrivé à Elysium. Il avait aidé Louve et ne manquait pas de partager ces petits moments de sagesse. Tout ce qui lui était impossible de faire pour sa famille de sang, Aslan le faisait avec d’autres. Pour sa famille des marchands de sable, ou bien les inconnus qu’il croisait de temps à autres. Il se saisit alors de son verre et le claqua doucement contre celui de la fae, avant d’en boire lui-même une gorgée. Il le reposa sur le comptoir et fixa ses prunelles azurées sur le visage de la jeune femme. Doucement, il posa sa main sous le menton de la fae pour la forcer à le regarder. « Qu’avez-vous à perdre, à aller demander à Joec si l’un de ses clients ne serait pas intéressé ? » questionna-t-il, le regard vif. Le marchand pouvait paraître rustre, c’était une certitude, mais Aslan savait également qu’il ne laissait jamais passer une bonne opportunité. « Faîtes-vous confiance, osez ! Joec ne vous mangera pas, et il pourrait vous surprendre. Vous voulez le vendre, votre tableau ? » Il relâcha le menton de la jeune femme sans toutefois la quitter du regard. « Que voulez-vous vraiment, Miss ? Si vous le savez ? Si c’est de vendre votre tableau pour assurer votre carrière, foncez. Rien ne vous arrivera jamais, si vous n’osez pas. Rien de mauvais, certes, mais rien de bon non plus. » ajouta-t-il, finalement, le regard brillant. Il aurait demandé à Joec de venir les rejoindre s’il n’était pas convaincu que c’était à elle de faire le premier pas.

before you burn it out

♫ mi-janvier 838  || @Aslan Ghafa

tw : dépression/démence/poison  

La nocturne retint non sans mal le sourire victorieux qui tentait de se dessiner sur ses lèvres. Il était tombé dans le piège qu’elle lui avait tendu. Non, il avait foncé dedans, tel un novice. C’est qu’il devait vraiment avoir un coeur pur, ce fae aux traits plus qu’attrayants. Bien plus pur qu’elle, pour sûre. Se voiler la face n’avait pas de sens, Hestia le savait, au fond d’elle-même : elle n’était pas une personne honnête, ni fiable, ni altruiste. Elle s’était construite autour de l’idée de se rendre indispensable pour son frère, pour Lazar. Toutes ses actions étaient dictées par le même mantra, la même idée : rendre Lazar heureux. Idéalement, le rendre heureux près d’elle. Peut-être le serait-il plus si la jeune fae parvenait à garder ses distances avec lui, peut-être était-elle plus néfaste à la vie de son frangin qu’elle ne voulait l’admettre. Les coups bas, les farces, les piques, tout autant de tentative d’exprimer son amour. Tentatives qui menaient toujours à une dispute, à des blessures. C’est qu’ils s’aimaient de façon complètement dysfonctionnelle, les Kozlov.  Mais peut-être qu’au fond d’eux, ils savaient que tel était leur langage de l’amour. Du moins, c’était celui d’Hestia.

Le barman tira de sous son comptoir renforcé, une bouteille qui fit briller de curiosité les yeux de la nocturne. Elle n’avait jamais bu de ce courage liquide, comme il venait de l’appeler. Et la Mère savait pourtant qu’Hestia excellait dans l’air de se noyer dans la boisson, aussi insipide que luxueuse. Deux verres furent servi, un pour lui, un pour elle. Elle haussa un sourcil interrogateur, après l’avoir ignoré, c’est qu’il voulait boire avec elle maintenant ? Peut-être qu’il n’était pas si bon que cela, finalement. Quel type de personne ne prête de l’intérêt qu’à ceux sur qui il pouvait potentiellement avoir l’ascendant ? Mais après tout, pourquoi pas, se dit-elle. Elle lui montrerait plus tard qu’Hestia n’était pas une femme que l’on pouvait dominer, c’était une femme de contrôle et d’esprit, bien trop anxieuse pour laisser les événements se dérouler sans qu’elle n’en soit à l’origine.

Les verres cliquetèrent entre eux, et le barman en but une gorgée. Hestia l’observa, bouche bée avant d’approcher d’une main hésitante le verre jusqu’à ses lèvres et d’en boire une petite gorgée. Elle retint un soupir d’aise, le liquide lui brûla la gorge jusqu’à se réfugier au creux de son ventre. Aussi doux et sucré que du miel et la puissance d’une bonne gnôle de famille. Une merveille, ce courage liquide. Pour rester dans le rôle qu’elle s’était donné, elle reposa le verre sur le comptoir et le fixa, brûlant d’en prendre une nouvelle gorgée. Mais l’Hestia qu’elle était ce soir, cette petite fae timide, nerveuse et maladroite, n’était pas une femme qui buvait à outrance. Sécher son verre d’une gorgée serait dévoiler trop ce qu’elle était vraiment. Alors elle fixa la liqueur avec attention, les lèvres entrouvertes sous l’effet de la brûlure de l’alcool. Elle parvint même à tirer quelques gouttelettes aux coins de ses yeux.

Puis les doigts du barman vinrent se poser avec délicatesse sous son menton, la forçant à redresser la tête et fixer le beau mâle. Une chaleur indécente vint se rependre dans son bas ventre, et ce n’était pas l’alcool qui lui faisait cet effet. Par la mère, il lui faisait de l’effet. Le contact de ses doigts sur son visage lui promettait une infinité de possibilités pour cette nuit de débauche qu’elle comptait s’offrir. Elle laissa son esprit vagabonder, imaginant le plaisir qu’elle retirerait de ses ébats avec ce fae, le plaisir qu’elle lui offrirait, au moment où elle se dévoilerait comme maîtresse de la situation. Elle, assise à califourchon sur les cuisses du barman, les mains enserrant les poignets de l’homme, placés au dessus de sa tête.

Joec. Ce nom la tira de ses pensées aussi brutalement qu’une douche froide pouvait rompre la torpeur d’un matin difficile. Elle cligna des yeux à plusieurs reprises, la chaleur s’était éteinte aussi vite qu’elle était apparu. Ce fae allait la rendre folle. Il relâcha son menton et Hestia se surprit à presque geindre d’avoir perdu ce contact sur sa peau. Il l’encourageait à aller rejoindre Joec pour lui vendre son foutu tableau. Mais qu’il arrête avec ce tableau, bon sang ! Ce rustre de marchand n’en aurait sûrement rien à carrer de son œuvre, et habillée ainsi, il ne ficherait aussi bien d’elle. Reposant ses yeux désolés sur le comptoir, elle reprit d’une main tremblante le verre. «  Vous...vous avez raison, je dois essayer – elle chercha un instant le regard du barman, s’y planta avant de boire d’une longue gorgée le contenu du verre. - il faut que j’essaye. »qu’elle répéta pour se donner du courage, du moins, pour lui donner l’impression qu’elle en avait besoin.

Hestia prit appuie sur le tabouret, posa ses mains sur le comptoir et vint se pencher par dessus celui-ci pour rejoindre le visage du barman et y déposer un tendre baiser sur la joue, un sourire timide sur les lèvres, elle lui chuchota un remerciement à l’oreille avant d’attraper sa sacoche, sa cape, et de partir à toutes jambes en direction de la table du marchand. Que ce soit le choc de cette approche, ou la curiosité, elle sentait bien que le beau brun ne l’avait pas encore quitté des yeux. Elle ralenti le pas en arrivant à hauteur de Joec qui la fixait d’un regard curieux. «  Bon-bonsoir… qu’elle entama assez fort pour être certaine d’être entendue par le barman. Il-il m’a dit de venir vous voir, je suis marchande d’œuvres d’art et vous êtes… » elle n’acheva pas sa phrase, les joues rougies.

Joec lança un regard interrogateur au fae derrière son comptoir avant de convier Hestia à tirer une chaise et s’asseoir. Elle le remercia d’un signe timide de tête, s’installa, et déposa son carnet de compte sur la table. Plus bas, elle lança alors au marchand «  J’me fiche bien de vous vendre mon tableau, qu’elle chuchota, elle glissa un regard vers le fae brun qui était retourné à ses activités, c’est lui qui m’intéresse. » Joec éclata d’un rire sonore, réaction à l’honnêteté  déconcertante de la nocturne. «  Discutons ensemble, Joec, je vous paie la prochaine tournée avec plaisir si vous jouez le jeu avec moi. » elle ponctua sa phrase d’un discret clin d’œil.

Joec se montra finalement plus agréable que rustre, Hestia se surprit plusieurs fois à rire, à se détendre. Elle revint au comptoir demander en vitesse deux pintes d’une blonde plutôt forte, ne laissant pas au barman le temps de la questionner sur l’avancement de ses négociations. C’est d’un pas guilleret qu’elle retourna auprès du marchand. Ils parlèrent de tout et de rien, une bonne heure passa et cet entracte lui fit plus de bien qu’elle le pensait. Joec n’était pas inintéressant, vagabond et baroudeur, il s’épandait en anecdotes sur les différentes Cour d’Evanor et la nocturne l’écoutait avec beaucoup d’attention.

Puis après un dernier éclat de rire, ils décidèrent qu’il était temps de se séparer, qu’Hestia devait reprendre ses affaires et Joec devait continuer… ce qu’il faisait avant qu’elle n’arrive. Il lui adressa un clin d’oeil encourageant alors que la nocturne repartait en direction du comptoir, un pas guilleret qu’elle accentua, prétendant que l’alcool lui était enfin monté à la tête.  Elle reposa avec brutalité ses affaires sur le tabouret à côté d’elle, grimpa sur le tabouret avec maladresse et lança, un large sourire aux lèvres au barman «  Une nouvelle pinte s’vous plaît, m’sieur l’barman ! » Elle s’éventa de la main, un geste aussi ridicule qu’exagéré et inefficace. «  C'qu’il est sympa, en fait, ce Joec ! »  Elle se retourna à demi pour faire des grands gestes de la main au marchand, qui lui répondit d’un geste plus discret, le sourire jusqu’aux oreilles.