douces confidences. (darya)

Douces confidences

Janvier 838 - @Darya Ozerov

Un séjour à Menelmorn lui paraissait être la plus merveilleuse des idées en cette fin de janvier 838. La nocturne se doutait que Darya et Ilya devaient être surmenés entre l’éducation des enfants, la gestion de Menelmorn et les derniers événements survenus sur les terres de la Nuit. Elle avait pris soin d’annoncer sa venue, peut-être en légèrement trop en dernière minute mais Darya n’avait pas refusé et la Volyn en était soulagée. Elle avait besoin de ressourcer. Surtout, elle avait besoin de retrouver son amie, celle qu’elle considérait comme une grande-sœur. Ce n’est certainement pas à ses frères qu’elle irait raconter toutes ses histoires intimes, tous deux feraient de gros yeux et des pincements de lèvres dès qu’elle ouvrirait la bouche. Avant tout, elle voulait s’assurer que toute la petite famille allait bien. Dana se souvenait de la peur viscérale qui s’était emparée d’elle lorsqu’elle avait vu Darya s’éloigner en courant vers Assya et qu’elle s’était retrouvée seule, avec Ilya, une petite dans les bras. Volontairement, elle chassa les images de Merrill, empli de tristesse et de désespoir, de ses pensées. La Volyn se tamisa directement de Velaris à l’entrée du domaine de Menelmorn. Elle aimait cet endroit. La cité se trouvait proche des montagnes et d’une baie qui débouchait sur l’océan. Dana aimait se promener de longues heures en longeant la baie lorsqu’elle y séjournait quelques jours pour rendre visite à Darya. Elle savait que son frère y venait également et elle se dit, que ce serait une excellente idée que Neven et elle s’y rendent ensemble un jour. Darya serait certainement ravie de les accueillir tous les deux le temps d’un diner. Elle se demandait combien de temps encore, son aîné allait s’éloigner de la Cour de la Nuit. Poussant un soupir, la Volyn franchit le portail de l’immense manoir Ozerov.

Dana fut surprise d’entendre le rire des petites résonner dans la cour de la bâtisse. Elle s’arrêta pour observer le spectacle quelques instants. Viktoria et Milana riaient aux éclats en s’amusant avec quelques jouets. Un sourire se fendit que le visage de la nocturne. Si le Evanor était de moins en moins sûr et que le malheur frappait bien trop souvent depuis quelques temps, ces rires rappelaient qu’il existait encore de l’espoir. C’était une douce mélodie. Son sac en cuir à la main, avec suffisamment de rechanges pour tenir trois jours, la Volyn s’avança en direction des petites et de leur mère. « C’est un accueil bien chaleureux qu’on me réserve. » Le ton de sa voix était doux et en se baissant, Dana ouvrit grand les bras pour dire bonjour aux deux bambins. C’est ensuite vers Darya qu’elle se dirigea, la prenant dans ses bras. La Volyn la serra fort contre elle, peut-être qu’elle en avait besoin ou peut-être qu’elle était simplement heureuse de la voir. Sa vie avait connu de sacrés changements en quelques mois et la présence de Darya était réconfortante. Il lui tardait déjà de connaître les quelques activités qu’elles feraient ensemble pendant ce court séjour. Une moue, cependant, s’afficha sur son visage. « J’espère que je ne vais pas trop vous déranger. Je me suis annoncée presque en dernière minute et je me doute, avec tous les derniers événements, qu’Ilya et toi, vous devez avoir un emploi du temps qui déborde. » Trois jours passeraient vite. Elle se rendrait ensuite à Elysium pour passer quelques jours avec Aslan avant de revenir à Velaris. Dana venait de le quitter mais son absence se faisait déjà ressentir. Elle n’avait jamais été aussi heureuse et en même temps, ce sentiment était effrayant. Elle avait simplement ressenti le besoin d’en parler, de confier cette nouvelle partie de sa vie à quelqu’un, à une grande-sœur.

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@dana volyn — janvier 838

Le deuil est toujours cuisant, vif au creux de sa poitrine. Mais il semblerait qu'entre la gestion de Menelmorn et l'éducation de deux petites hybrides, elle n'ait pas le temps de pouvoir le faire correctement.

Darya embouteille. Reprend de vieilles habitudes qu'elle s'était pourtant juré de ne pas entretenir pour éviter de les transmettre aux jumelles, mais elle a l'impression de ne pas avoir le choix — elle a trop à faire, trop à penser, pour s'attarder sur ses propres états d'âme, alors elle embouteille ses ressentis, les enferme à double tour pour qu'ils ne parasitent pas ce qu'elle doit faire, la mâchoire serrée et la tête haute parce que de toute façon elle doit être forte. Cœur de Glace n'a pas la place pour le deuil, pas quand il y a un domaine à gérer, deux enfants à élever, et un de ses meilleurs amis à réconforter du mieux possible.

Et si, parfois, le corps exsangue de Myrra hante ses cauchemars et qu'elle y entend encore les supplications désespérées de Merrill, ça ne regarde qu'elle.

La nuit a encore été courte. Darya s'est levée avec l'aube, les traits tirés, mais ce n'est pas plus mal — Dana est censée arriver aujourd'hui, si elle en croit le vif argent qu'elle a reçu de sa part quelques jours auparavant. Une distraction supplémentaire, qui lui permettra peut-être d'enterrer un peu plus ce deuil qu'elle n'arrive pas à faire. Pour aujourd'hui, elle décide de laisser les rênes de Menelmorn à Ilya — une chose qu'elle arrive de mieux en mieux à faire, en dépit de son besoin incessant de contrôle. Elle préfère s'occuper de ses filles, plonger le nez dans le cou d'une Viktoria encore à moitié endormie pour respirer cette odeur de bébé inimitable, à s'entêter à brosser les boucles folles de Milena qui finiront de toute façon par partir dans tous les sens quoi qu'elle fasse, et ça lui met un peu de baume au cœur, de les voir si heureuses en dépit de tout.

Il fait froid, aujourd'hui. L'hiver est bien installé et il a neigé dans la nuit, mais ça n'empêche pas Darya d'emmitoufler sa marmaille dans des vêtements chauds, chacune son bonnet sur la tête, pour les emmener prendre l'air dans la cour du manoir. L'étendue blanche les amuse un long moment, surtout Viktoria qu'elle doit empêcher d'avaler des poignées de neige avec la patience de l'habitude et un soupir autant attendri qu'agacé, avant que les filles ne se rabattent finalement sur l'assortiment de jouets qu'elle a ramenés. Elles sont ravies, babillent joyeusement entre deux éclats de rire, et Milena va même jusqu'à se percher sur deux jambes potelées encore un peu tremblantes pour montrer un jouet à sa mère avec une exclamation impérieuse.

Elles grandissent trop vite. L'hybride en chialerait presque, mais elle se contente de sourire et de répondre à ses filles comme si elle comprenait parfaitement leurs babillements.

C'est comme ça que Dana les trouve quand elle arrive. Darya est loin de s'offusquer quand elle se dirige directement sur les jumelles pour les embarquer dans une étreinte qui leur arrache de nouveaux éclats de rire, se contente d'un sourire peut-être un peu mélancolique et d'attendre son tour bien sagement, et si elle serre la jeune Volyn contre elle avec un peu plus de force que nécessaire... eh bien, personne ne peut vraiment la blâmer. Dana a toujours été la petite sœur qu'elle n'a jamais eue, et ça lui fait sincèrement plaisir de la voir, en dépit des circonstances.

« Ne t'inquiète pas, va. On va bien réussir à s'organiser, et au pire Ilya a un frère, une sœur et des oncles parfaitement capables de nous aider à gérer le domaine. » C'est quelque chose de l'entendre dire ça, elle qui a toujours été particulièrement acharnée de travail, à toujours vouloir tout faire toute seule. Mais elle se fend d'un sourire qui manque peut-être légèrement d'enthousiasme alors qu'elle commence à rassembler les affaires des petites. « On va rentrer, les filles, hm ? Et vous allez prendre un bon bain chaud. Tori, vraiment, il faudra que tu m'expliques un jour comment tu arrives à mettre de la boue dans tes cheveux. »

Avec l'expérience de l'habitude, elle a le sac de jouets sur l'épaule et une fille dans chaque bras en l'espace de cinq minutes, et fait signe à Dana de la suivre à l'intérieur. « Je t'ai installée pas trop loin de nous. Installe-toi le temps que je baigne les filles, hm ? On pourra prendre un encas ensuite. » Un peu de douceur. Ca leur fera du bien.

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Janvier 838 - @Darya Ozerov

Les bras de Darya qui l’enlacent lui font du bien. Cette étreinte est rassurante, familière. Elle joue un instant avec l’une des mèches de l’hybride en s’éloignant, un sourire sur les lèvres. Darya a toujours été si forte, un véritable modèle pour une Dana plus jeune qui l’observait avec envie. Elle se souvient du temps où elle jalousait la relation sa relation avec Neven, en même temps qu’elle l’admirait secrètement. La Volyn avait toujours aimé Darya ; il fut simplement un temps où Dana aurait aimé être elle. Elle aurait aimé naître avec des ailes, avoir été envoyée dans les camps illyriens avec ses frères, avoir évoluer à leurs côtés. Doucement, cette envie, cette admiration, s’étaient transformées en amitié. Puis elles étaient devenues proches. Dana s’était confiée à elle comme une jeune fae se confie à sa mère ou à sa sœur, des figures dont elle avait cruellement manqué dans son enfance. Les conseils de Darya étaient précieux et ils avaient toujours un impact important sur les pensées de la Volyn. L’observer se battre au quotidien, affronter les épreuves que la vie avait mis sur son chemin, avait aidé Dana à se construire et à adopter la même attitude. Une battante. Combative mais douce.

Ses yeux se posèrent sur le sac de jouets et sur Darya qui porta les deux petites dans ses bras. Le geste décrocha un sourire à la nocturne. Elle joua avec la main de Milana en suivant Darya à l’intérieur de la demeure des Ozerov, puis elle essaya rapidement d’arranger les cheveux de Viktoria. « Non, décidemment, je crois que seul un bain pourra arranger ces cheveux. » Le ton était rieur, léger. Elle acquiesça aux dires de Darya, son estomac gargouillant à l’idée de manger un encas. « Je te rejoins dans le petit salon dès que je suis installée. » S’il y avait bien un endroit que connaissait Dana dans l’immense demeure des Ozerov, c’était celui où elle prenait toujours le thé et quelques pâtisseries avec son amie. La nocturne se dirigea dans la chambre qu’on lui avait indiqué ; les draps sentaient l’odeur du ligne fraîchement lavée et elle s’affala sur son lit. Elle adorait cette odeur et la sensation de se glisser dans un tout juste fait. Dana savait qu’elle dormirait bien. Son regard se porta sur la fenêtre quelques instants, appréciant la vue du paysage blanc. C’était apaisant. Cet endroit semblait parfois être hors du temps. Elle se demanda si Aslan aimait la neige, lui qui avait passé tant de temps dans les montagnes illyriennes. Il lui avait laissé entendre un jour, qu’il n’était pas un grand amoureux du froid. Mais peut-être que la neige lui manquait parfois ? Un sourire s’étira sur ses lèvres, comme toujours lorsqu’elle pensait au Ghafa.

Dana avait pris le temps d’installer ses affaires dans la chambre après s’être reposée plusieurs longues minutes sur le lit. La nocturne se changea pour enfiler une robe en coton plus épais, qui couvrait ses épaules et ses bras pour lui tenir plus chaud, avec une ceinture à la taille. Doucement, elle sortit de sa chambre, souriant aux domestiques qu’elle croisait en chemin vers le petit salon. « Oh, j’espère que tu ne m’as pas trop attendu, j’ai pris le temps de me changer. » Qu’elle commente, une moue sur le visage. Dana vient s’asseoir face au fauteuil de Darya, le sourire aux lèvres. « Je suis contente d’être ici, j’ai l’impression de ne pas être venue depuis une éternité, tout s’est enchaîné si rapidement cet automne ! » La Volyn était fatiguée rien que de penser aux mois qui s’étaient écoulés. La rupture des fiançailles de Neven, son départ pour Adriata, ses mésaventures avec la guilde – elle avait bien failli ne jamais revenir –, l’état d’Hestia qui se dégradait et cette rencontre avec Aslan, qui avait chamboulé tout son univers. La pluie des étoiles. Sa gorge se serra à cette pensée. « Vous… » Elle hésita, se racla la gorge quelques instants. « Vous allez bien avec Ilya ? » Ses yeux marrons fixèrent ceux de Darya avec douceur. « Je veux dire, est-ce que tu tiens le coup ? » Parce qu’elle savait que l’hybride était en deuil. Elle avait perdu une amie ce soir-là. Dana aurait voulu pouvoir tout effacer les traumatismes et protéger le cœur de ses proches, mais ce monde semblait de plus en plus violent à ses yeux qui, dernièrement, s’ouvraient sur toutes les injustices. Elle se sentait impuissante. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était essayer d’être présente, essayer de combler les fissures des cœurs même si elle savait que seul le temps aurait un effet. Peut-être que Darya se confierait ou peut-être qu’elle n’aurait pas envie d’en parler, Dana respecterait son choix car chacun faisait son deuil à sa manière.

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@dana volyn — janvier 838

Il y a quelque chose de différent chez Dana.

Il faut un moment à Darya pour le remarquer. Mais l’hybride n’a pas construit sa carrière militaire uniquement grâce à l’aura de terreur qu’elle provoquait chez ses hommes, ni uniquement grâce à ses prouesses au tir à l’arc. Elle a l’oeil acéré, et même si ses réflexes se sont émoussés depuis sa retraite, elle n’est pas complètement idiote, ni aveugle. Elle connaît bien la Volyn, sans doute trop bien pour qu’elle lui cache la façon nouvelle qu’elle a de se tenir droite, le quelque chose qui hante ses traits autant que son regard.

Quelque chose. Reste à savoir quoi. Darya mettrait son aile droite à couper que c’est la raison de sa présence précipitée ici, mais elle ne va pas pousser… pas tout de suite, tout du moins. Elle a de toute façon un peu plus urgent à faire, et ça commence par faire prendre un bain à une Viktoria qui grogne un peu sous la main que la nocturne a passé dans ses cheveux englués de boue. « Ne t’inquiète pas, prends le temps de t’installer. » Et si elle observe un moment Dana s’éloigner en direction de ce qui sera sa chambre le temps de son séjour, silencieuse et les sourcils froncés, personne n’est là pour le lui reprocher.

Oui, il y a quelque chose.

La langue de l’hivernale claque contre son palais. « On va tirer les vers du nez à tatie, hm ? » Mais avant toute chose, un bain. Ca lui prend un peu de temps de laver et réchauffer les jumelles, et au bout du compte elle doit se changer aussi tellement sa chemise est trempée grâce aux éclaboussures de deux enfants surexcitées, mais tout le monde est propre, rhabiller et prêt à se remplir l’estomac avec une tonne de sucre pas forcément bon pour la santé mais franchement réconfortant pour le moral.

Quand Dana les trouve, les trois dames Ozerov sont déjà dans le petit salon que Darya préfère — celui tout intime, avec ses boiseries chaudes aux murs et ses fauteuils tellement moelleux qu’on s’y perdrait presque. Le feu flambe joyeusement dans la cheminée et Darya est en train de se dire qu’elle aurait peut-être dû attendre avant de baigner ses filles, vu l’enthousiasme avec lequel Milena s’étale de la compote partout sur la figure. « Et tu as bien fait. Surtout avec le froid qu’il fait en ce moment… tout le monde n’a pas la chance d’avoir l’insensibilité hivernale. » Si elle ne porte pas sa cour natale dans son cœur, l’hybride doit admettre qu’il y a quelques avantages à en porter le sang ; elle pourrait courir nue dans les jardins que la neige ne lui ferait rien du tout.

Le sourire qui illumine le visage de Dana est réconfortant, toutefois. Amène un peu de lumière dans une période bien sombre — Viktoria rend ce sourire avec la bouche pleine de banane écrasée, va même jusqu’à en tendre un morceau à la jeune femme, un sacrifice énorme pour elle qui adore ce fruit. « C’est un peu ça. Les derniers mois sont passés à une vitesse assez dingue… » Elle aimerait bien que le temps ralentisse un peu, qu’elle puisse profiter pleinement de ses filles, de son époux. De la vie en général, surtout après le dernier drame qui les a secoués.

Son visage se referme à cette dernière pensée. Ce n’est vraiment pas le moment de songer à Myrra et à ce gâchis énorme provoqué par un assassin sans scrupule, mais il semblerait que Dana ne soit pas de cet avis, au vu des questions qui suivent. Et si sa prévenance est appréciable et appréciée, Darya n’a jamais été très douée pour parler de ses émotions — il n’y a qu’Ilya qui est capable de lui sortir les mots de la bouche, même si elle s’améliore sur ce point depuis quelques temps. Juste un peu. « Ça va. » Parce qu’elle ne peut pas dire autre chose, après tout. Cœur de Glace ne faiblira pas, peu importe qu’elle ait perdu une amie ce soir-là, peu importe que sa colère envers l’injustice du monde soit brûlante, peu importe à quel point elle a peur qu’une de ses filles soit la prochaine.

C’est ce dernier point, plus que tout le reste, qui la pousse à devoir rester droite et fière comme les montagnes qui surplombent le manoir. Parce que si elle s’effondre, qui pourra protéger sa famille à sa place ?

Alors elle repousse les larmes et la boule qui lui serre la gorge, s’empare plutôt d’une serviette pour débarbouiller Milena qui s’est mis de la compote de pommes jusque sur le front, et hausse une épaule qu’elle veut désintéressée. L’effet passe mal, et le bruissement des plumes pressées contre son dos a un écho presque mélancolique. « Lena, chérie, on en a déjà parlé, la nourriture va dans la bouche. » Elle se distrait un moment en s’emparant de la cuillère, s’affaire à nourrir sa fille en silence, les sourcils froncés et les lèvres pincées, avant que son regard ne se coule vers Dana. En coin. Curieux. « Tu n’es pas là que pour nous voir, hm ? »

Ça sonne plus comme une affirmation que comme une question. Pas qu’elle n’apprécie pas sa présence à Menelmorn, mais qu’elle demande à venir aussi rapidement lui paraît suspect. Et elle préfère que ce soit elle qui parle plutôt que l’inverse.

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Janvier 838 - @Darya Ozerov

Dana acquiesça aux dires de Darya ; l’hybride ailée n’avait jamais été sensible au froid, le sang des hivernaux coulant dans ses veines. Lorsque les températures devenaient trop insupportables ou qu’elle en ressentait le besoin, la Volyn se servait de sa maîtrise du froid pour réchauffer son corps. Mais aujourd’hui, elle avait préféré enfiler une robe plus épaisse et ne pas utiliser ses pouvoirs. Elle était suffisamment épuisée mentalement et elle ne désirait pas s’épuiser physiquement plus que nécessaire. Le sourire de Dana s’élargit plus encore lorsque Viktoria lui tend un morceau de banane, qu’elle prend et mange avec plaisir. « Merci petite chipie. » Les deux jumelles étaient attendrissantes, elles ramenaient de la joie dans cette sombre période. La nocturne se perdit dans ses pensées, à nouveau, en observant les bambins. Est-ce qu’ils auraient une famille avec Aslan ? Elle en voulait une. Pas maintenant, mais au fond d’elle-même, Dana savait qu’elle souhaiterait un jour tout vivre avec son compagnon. La Mère l’avait peut-être choisi pour être son âme-sœur mais la Volyn l’avait choisi pour être son partenaire de vie. L’anxiété gonfla au creux de son estomac. Le quotidien des deux amants s’étaient construits si facilement, qu’ils n’avaient jamais abordé l’avenir. La relation naissante, ils s'étaient contentés de profiter. Dernièrement, le temps qui passait laissait place à des interrogations pour Dana. Est-ce qu’ils arriveraient à construire un avenir ? Est-ce qu’elle devrait déménager à Elysium, ou lui, à la Nuit ? Pouvait-il même y revenir ? Aslan avait été très secret sur son passé à l’armée. Si elle n’en avait rien dit, Dana avait remarqué la lueur d’inquiétude dans le regard d'Aslan à l’idée d’une rencontre avec son grand-frère. Un soupir s’échappa de ses lippes, alors qu’elle se reconcentrait sur le visage de Darya. Les traits de l’ailée étaient complètement fermés. Dana eut envie de la prendre dans ses bras mais elle savait que son amie préférerait ne pas aborder les événements de la pluie des étoiles, faisant son deuil à sa propre manière. La Volyn n’insista pas, elle ne fit que la regarder avec un air doux sur le visage.

Un rire s’échappa des lippes de Dana lorsque Milena se retrouve avec de la comporte sur tout le visage. Elle observe et elle écoute, heureuse de cette légèreté. Menelmorn est un havre de paix. Surprise, la nocturne entrouvrit légèrement les lèvres à la question de Darya et elle voit dans ses pupilles le brin de curiosité. Dana passe une main dans ses cheveux, un rire nerveux et tremblotant se fait entendre dans la pièce. « Je ne peux rien de cacher ! » Darya est comme sa sœur et elle la connait aussi bien que sa famille. La Volyn a bien réussi à dissimuler son appartenance à la guilde et son travail de danseuse au cabaret ; mais seulement parce qu’elle a un statut de négociante en art qui le lui permet. Lorsqu’il s’agit des sentiments, ses proches arrivent tous à lire en elle avec une facilité déconcertante. Dana se trémoussa sur sa chaise, ne sachant pas par où commencer. « Non, je… » Elle hésite, son regard fuyant se tourne vers les fenêtres et elle observe la neige et les montagnes. « Lorsque tu as découvert qu’Ilya était ton âme-sœur… Tu as dû avoir tellement de questions concernant votre avenir… » Le ton était incertain, Dana n’était pas habituée à parler de sentiments si intimes. Si elle était douce avec ses proches, la nocturne avait toujours été secrète sur ses émotions ; son cœur avait été maltraité trop tôt par son grand-père, par le décès de ses parents et la séparation avec ses frères, il avait été abîmé trop jeune. « Comment est-ce tu as géré ça ? Tu n’as jamais été… anxieuse ? Heureuse, plus heureuse que jamais tu ne l’as été mais… anxieuse. » Son regard se tourna vers Darya, et la nocturne réussit à ne pas se détourner. Les doigts de Dana se joignirent et elle tritura ses ongles.

Elle n’avait pas répondu à la question. La Volyn savait que Darya ne se contenterait pas de questions pour répondre à celle qu’elle venait de poser. Le cœur de Dana battait fort et vite dans sa poitrine. Ce qu’elle s’apprêtait à dire à l’ailée, personne ne l’avait entendu. Si Neven, Ida et Hestia savaient qu’elle voyait quelqu’un, si ses collègues du cabaret avaient rencontré Aslan, personne ne connaissait le lien qui les unissait, ni n’avait conscience de l’amour qu’ils se portaient. « Darya, j’ai rencontré mon âme-sœur. » Avoua-t-elle dans un souffle.