Une visite fait toujours plaisir, si ce n'est en arrivant, c'est en partant

Assya &  @Darya Ozerov

Le temps défile à une vitesse inouïe. Il lui semble que les nuits raccourcissent alors qu’elle dort de moins en moins. Ses responsabilités sont écrasantes, sous le poids d’un temps loin d’être infini, ses recherches assidues dans les archives Romanov lui accaparent la moindre minute de son temps. Assya ne pense plus pour elle-même, mais au moins sa solitude ne semble que passager lorsqu’elle se retrouve seule dans l’intimité de sa chambre, dans une demeure bien vide sans le brouhaha de sa famille. Ils lui manquent tellement.

A l’aube encore, le sommeil lui fait défaut, l’esprit tourmenté par tant de découvertes qui remettent en cause des décennies de certitudes. Assya tourne en rond, jusqu’à prendre une décision. Quittant la chaleur de son lit, elle se dirige vers sa penderie pour se vêtir assez sobrement avant de se diriger vers le balcon, les gardes se mettent au garde à vous à son approche. L’un d’eux, Corvus, son garde du corps la plupart du temps, vient à sa rencontre et s’enquiert de leur destination. Bien évidemment il compte l’accompagner, ça fait partie de son travail, même si elle n’a rien à redouter de son passage à Menelmorn. Sauf peut-être du caractère de la Dame de Menelmorn.

La Suprême et son garde du corps se tamisent devant la demeure familiale, demeure de son enfance, SA maison malgré son emménagement à la demeure du vent, depuis qu’elle a été choisie par le Chaudron. Assya regrette de ne pas y venir plus souvent. Elle pénètre le manoir aux premières lueurs de l’aube, retrouve ses souvenirs aussi bons que mauvais dans le silence qui règne encore en maître. Silence de courte durée lorsque des cris percent la quiétude de Menelmorn. Des cris, des pleurs qu’Assya n’a aucun mal à reconnaître l’origine pour avoir entendu Nina et Fedyor à l’époque ou elle n’avait que douze ans.

Des bébés qui ne peuvent être que ses nièces, et la raison de cette visite improvisée. Tellement occupée, elle n’a fait que les apercevoir à quelques jours de leur naissance, le temps de déposer un cadeau en personne avant de devoir se préoccuper de ses responsabilités. Elle regrette, ce temps perdu, le temps qu’elle ne passe pas avec ses petites bouilles ailées, ne pas profiter de leur innocence et c’est bien pour préserver leur sécurité qu’elle compte se battre d’arrache pied. Que les petites ne souffrent pas des persécutions du monde envers les différences.

Assya arrive à l’étage, les pleurs ont cessé, elle sait où se situe la chambre des jumelles. Sur le pas de la porte elle jette un œil à l’intérieur et y trouve Darya en train de réconforter ses filles. Assya n’intervient pas, pour avoir été témoin trop souvent de sa mère essayant de rendormir Nina et Fedyor à l’époque où ils étaient des nourrissons, elle connaît les difficultés d’une mère. Elle observe silencieusement la scène et si Darya se sent observée, elle n’en montre rien. Bien qu’elle meurt d’envie de voir ses nièces, Assya s’efface et retourne au rez de chaussée pour organiser le petit déjeuner en compagnie des domestiques assez surpris, mais heureux de la savoir à la maison.

Elle prend le temps d’échanger avec eux, prendre des nouvelles de leurs familles jusqu’à ce que la Maîtresse des lieux daigne montrer le bout de son nez dans la salle à manger. L’expression amicale de la Suprême se ferme complètement, emprunte un masque digne et fier.“Bonjour Darya. Je suis de passage.” Non pas qu’elle ait besoin de se justifier, Menelmorn est sa maison avant d’être celle de l’hybride. “Je voulais voir les petites.” Rajoute-t-elle. “Peut-être voudrais tu prendre le petit déjeuner avant ? Je peux attendre qu'elles soient réveillées.”

une visite fait toujours plaisir...

@assya ozerov

Viktoria aura été malade toute la nuit, la respiration encombrée, le corps secoué d'une toux qui l'épuise autant qu'elle l'empêche de dormir correctement. Et comme Viktoria a du mal à dormir, elle en réveille Milena qui se retrouve horriblement ronchon, et les parents manquent tout autant de sommeil.

Autant dire que la famille Ozerov n'est pas de très bonne humeur en ce moment, et Darya est peut-être plus irritable que d'habitude. Elle a les traits tirés et des cernes abominables sous les yeux ce matin alors qu'elle se lève avant l'aube pour calmer une Viktoria en proie à une nouvelle crise de larmes, la voix aussi douce que possible alors qu'elle lui murmure des mots rassurants et qu'elle lui masse doucement la poitrine pour essayer de déloger ce qui lui encombre les poumons et qu'elle n'arrive pas à recracher d'elle-même. Milena chouine dans son berceau, dérangée par les pleurs de sa jumelle, et l'espace d'une demi-seconde Darya est tentée de les laisser pleurer toutes seules pour s'enfermer à l'autre bout du manoir, en silence.

Puis Tori crache un glaire dégoûtant, Lena renifle un peu, et l'hybride soupire, se fend d'une grimace qui tire un da ! impérieux à leur aînée, et peut-être que tout le monde mérite un bain bien chaud avec plein de vapeur pour apaiser les petits poumons de Tori. Si elle s'est sentie un instant observée, Darya met ça sur le compte d'un Ilya encore à moitié endormi et venu s'assurer qu'elle arrivait à gérer. Elle préfère se concentrer sur ses filles, qu'elle embarque dans la salle de bains sans hésitation.

Le bain termine de les calmer. Darya en profite pour se décrasser aussi, garde longuement ses filles tout contre elle dans l'eau, le nez appuyé contre une petite tête humide et les muscles qui se détendent lentement. Elle les aurait bien rejointes dans le sommeil, mais elle finit par sortir de la baignoire avec un soupir pour les sécher et aller les remettre au lit. Les jumelles ont bien mérité de dormir un peu plus, et tant que la toux de Viktoria s'est calmée, autant en profiter.

Elle, par contre... Si elle observe son lit avec une certaine envie, et qu'elle aurait bien rejoint Ilya sous les draps, autant commencer la journée maintenant. Le soleil a fini par se lever, alors elle enfile une chemise et un pantalon, rassemble ses boucles encore humides dans une tresse qui aura au moins l'avantage de les garder hors de son visage, et descend finalement pour rejoindre la salle à manger dans le but de prendre un petit déjeuner bien mérité.

Uniquement pour s'arrêter dans l'encadrement de la porte en constatant la présence d'Assya. L'étonnement lui fait hausser un sourcil, avant qu'elle ne finisse par soupirer. Juste un peu. Elle aurait bien aimé une matinée en solitaire, dans le calme. « Tu n'as pas besoin de te justifier, Assya. Tu es chez toi. » Si elle n'a jamais su comment approcher Assya, leurs caractères étant bien trop différents pour qu'elles aient beaucoup d'atomes crochus, Darya se veut relativement impartiale — la nocturne est chez elle, bien plus que l'hivernale ne le sera jamais. Et même si elle l'aurait bien volontiers engueulée de toute la force de ses poumons pour ce qui s'est passé entre elle et Neven, elle sait aussi qu'elle n'a pas toutes les informations en main.

Et Neven est bien assez grand pour mener ses batailles tout seul, physiques comme émotionnelles.

La requête est de toute façon bien suffisante pour qu'elle se radoucisse de façon parfaitement visible. « Elles seront contentes de te voir. » Surtout Milena, qui est de toute façon trop sociable pour se méfier longtemps des inconnus et se retrouvera certainement à babiller de toute la force de ses poumons dans les oreilles de la Suprême. « Ceci dit, j'aimerais bien les laisser dormir une heure ou deux de plus. Viktoria est malade comme un chien et elles ont du mal à se reposer correctement. Si tu as le temps ? » Assya est une femme occupée, après tout. Très occupée — la dernière fois qu'elle l'a vue à Menelmorn, c'était une semaine après la naissance des jumelles, en mai dernier.

Peut-être qu'elles pourraient en profiter pour discuter un peu. Si elles y arrivent sans se crêper le chignon à un moment...

Assya &  @Darya Ozerov

La Suprême se rend bien compte que sa présence dérange la Dame par intérim de Menelmorn, une régence laissée à son frère jusqu’à ce que ses propres héritiers puissent en devenir le/la Seigneur des lieux. Même si Darya lui assure qu’elle est chez elle, Assya se sent comme une étrangère par sa simple présence. La blonde sait très bien que c’est l’hybride, plus qu’Ilya, qui gère véritablement les affaires du domaine. Darya et Assya ne deviendront jamais de grandes amies, leur caractère et leur parcours sont trop différents et pourtant, elles sont bien obligées de partager le même homme.

Un homme qu’Assya voit de moins en moins tant il est accaparé par son rôle de père et ses propres occupations. C’est pourquoi la Fae blonde fait tant d’effort pour ne pas se mettre à dos l’hybride de l’hiver, mais elle s’inquiète de l’avenir, lorsque ses propres enfants seront en âge de régner sur Menelmorn, Darya s’effacera-t-elle comme le veut l’accord avec Ilya ? Elle se méfie de Darya en conséquence.

Par ailleurs, celle-ci a une mine épouvantable, mais la Suprême se garde bien de lui faire remarquer pour ne pas jeter d’huile sur le feu. De la même façon qu’elle tait sa réplique sur le fait qu’il s’agit effectivement de sa demeure. Elle lui apprend finalement que les petites sont malades et que du repos leur est nécessaire. “J’ai le temps, je prendrais le temps nécessaire.” Répond-elle, même si l’épuisement finit par lui tomber dessus. Si c’est le prix à payer pour voir ses nièces plus souvent alors elle le paiera.

Elle ne veut pas devenir la tante absente, celle qu’elles ne connaitront pas, ou trop peu, parce que son titre ne disparaitra qu’avec sa mort, elle ne peut pas le laisser la définir. Elle est tellement plus, elle veut être tellement plus à leurs yeux. Pour ses petites hybrides ailées, elle compte engager un combat qui changera les esprits, afin qu’elles grandissent dans un monde sans souffrir de leurs origines. Mais aussi, être la tata déjantée, sur qui elles pourront compter, qu’elles appelleront lorsqu’elles feront des bêtises plus grosses qu’elles et ne pourront avouer à leurs parents.

“Hmm… Maman avait un petit carnet, il doit être quelque part ici. Elle y transcrivait toute sa pharmacopée essentielle quand nous étions malades, ça lui a sauvé plus d’une nuit. Je me souviens qu’elle l’utilisait pour Nina et Fedyor, je suis sûre que tu y trouverais des moyens de soulager vos filles. Je suis sûre qu’Ilya pourra remettre la main dessus, il a gardé la plupart de ses affaires.” Elle ne serait d’aucune utilité à Darya, mais ce souvenir peut peut-être aider la mère qu’est devenue l’hybride. Assya n’était pas proche de Ksenya, mais elle en garde des souvenirs doux et attentionnés envers ses enfants. Quoi que ce souvenir lui fasse froncer des sourcils désormais, des souvenirs contrariés par sa connaissance d’une histoire susceptible de changer énormément de choses.

Assya détourne son attention sur l’hybride, les traits tirés, la fatigue marquée au fer, sa chevelure foncée ne fait qu’accentuer son extrême pâleur. Une interrogation lui brûle les lèvres, elle entrouvre la bouche, mais Assya les pince pour s’en empêcher malgré l’évidence marquée sur son visage, qu’elle cherche à obtenir une information de Darya. Elle garde le silence, trop fière pour se mettre en situation de faiblesse, admettre qu’elle n’en a pas le contrôle. Elle doit savoir, c’est certain. Ses mains se crispent, puis se détendent, elle doit savoir. “Est-ce que… Il va bien ? Tu as des nouvelles?” Ça lui arrache la langue de demander des nouvelles de Neven, de reconnaître par cette simple question qu’elle y accorde de l’intérêt. Mais surtout de devoir se mettre dans cette position face à Darya.

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@assya ozerov

La tension est presque palpable. Darya se méfie volontiers d’Assya, tout autant qu’Assya se méfie d’elle — l’hybride n’est pas assez naïve, ni assez aveugle, pour ne pas le réaliser. La blonde lui donne parfois l’impression d’être un véritable serpent, tapie dans les ombres qu’elle maîtrise si bien, prête à frapper dès qu’elle aura baissé sa garde. La sensation n’est pas agréable, la pousse à rester sur la défensive dès qu’elles se croisent, sourcils froncés et mine peu amène.

Elle aurait aimé pouvoir l’apprécier plus que ça, ne serait-ce que pour rassurer Ilya. Mais ils savent, tous les trois, que ce ne sera jamais le cas.

Il n’empêche… Assya a une sale tête, elle aussi, des cernes creusés sous les yeux que son maquillage masque mal, et Darya se retrouve à froncer les sourcils à la réponse qu’elle récolte — pas de méfiance, cette fois, mais sa mine est bien teintée d’inquiétude. « Pense à dormir, quand même. Sans vouloir te vexer, tu as une tête pire que la mienne. Tout va bien ? » La question n’est pas anodine. Darya s’inquiète rarement de ce que sa belle-soeur peut faire ; il faut dire qu’elles ont peu eu l’occasion de se croiser sur la dernière année, entre sa grossesse et la régence nocturne à Elysium, mais l’avoir en face à cet instant lui fait réaliser à quel point elle a mauvaise mine. Elle peut presque voir l’épuisement peser sur ses épaules maigres, mais si elle ne veut pas en parler, elle n’ira pas fouiller plus loin.

Et ça l’étonnerait franchement qu’elle décide de se confier à elle, parmi toutes les personnes qui l’entourent. Elles ne se connaissent pas, après tout. Peut-être qu’elle en parlera à Ilya…

La mention d’un carnet appartenant à Ksenya lui tire un petit hochement de tête alors qu’elle s’affaire à se servir un café suffisamment noir et amer pour réveiller les morts. Un unique cube de sucre y est lâché. « Je lui demanderai. Merci pour l’information, j’apprécie. » Puis un silence, aussi confortable que possible entre deux femmes qui ne se connaissent pas et n’ont pas grand-chose à se dire. Darya se concentre sur son café et se force à se préparer un morceau de toast avec du beurre et un peu de confiture de myrtilles, ignore du mieux possible les regards qu’Assya peut lui envoyer. Clairement, la Suprême a quelque chose à lui demander, mais l’hybride n’est pas prête à lui faciliter la tâche.

Enfin, la question est lâchée. Les gestes de Darya s’interrompent un instant, ses sourcils qui se froncent, avant qu’elle ne pousse un petit soupir discret et qu’elle se remette à beurrer sa tranche de pain. « Un vif-argent de temps en temps. Il a l’air d’aller bien. » Les nouvelles qu’elle a de Neven sont rares mais toujours bienvenues. Le regard qu’elle adresse à Assya, toutefois, a perdu la moindre trace de chaleur qu’elle pouvait lui entretenir, et elle abandonne son morceau de toast sans même y avoir touché. Préfère se caler un peu plus confortablement contre le dossier de sa chaise, les mains refermées sur sa tasse de café brûlante. « Mais ce n’est pas à moi de te dire ça. Tu peux lui envoyer un vif-argent, toi aussi. Ou une lettre. » Son ton est parfaitement neutre, l’expression sur son visage parfaitement vide. Hors de question qu’elle se mêle de leurs histoires de cœur. Assya est bien assez grande pour faire le premier pas, après tout.