Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités // Liao Hase

un grand pouvoir implique
de grandes responsabilités

Fin été 836 - @Liao Hase

Quel cauchemar.

Jamais Yukito n’aurait imaginé passer une nuit si agitée, et pourtant, à l’Aube du Rituel de Suprématie qui allait se tenir du côté de sa Cour, le jeune Seigneur n’arrivait pas à faire disparaître ce noeud qui lui nouait les tripes au point de lui donner la nausée. La mort de Liao Ayako avait perturbé l’ordre des choses… Il fallait que le titre de Suprême soit de nouveau donné… Un titre qui pouvait s’ajouter au sien, celui dont il n’arrivait pas à se faire depuis plus de deux ans.

Celui de Seigneur.

Pour la première fois de sa vie, le Fujihara s’était surpris en train de prier la Mère. Cette Mère qui lui avait pris Honoka, cette Mère qui avait sans doute choisi pour son âme soeur celle qui avait tant compté à ses yeux durant des années avant de le laisser, cette Mère qui ne cessait de lui mettre des bâtons dans les roues…

Non, il ne voulait pas devenir Suprême. Cela ne pouvait se faire. Ses épaules n’étaient pas assez solides quand bien même ses dons étaient puissants et son âge de plus sages. Son passé était bien trop sombre, ses plans finiraient par tomber à l’eau…

Cela ne devait pas arriver.

Ainsi, et lorsqu’il fut l’heure de se rendre auprès de la Prêtresse pour la cérémonie tant redoutée, le Seigneur, qui avait décidé d’afficher un faciès des plus fermés, s’était rendu dans l’aile familiale du Palais de Verre tel un condamné à mort se rendant à l'échafaud. Tant de visages importants, de salutations polies glissées entre des condoléances nécessaires, tant de pression qui venait lui retourner l'estomac pour celui qui avait vu son destin prendre un tournant bien trop rapide à son goût. Et la vue sur ce Chaudron lui donnait des suées, à croire qu’il allait finir par défaillir si jamais ses yeux restaient posés trop longtemps dessus.

** Il faut que je sorte. **

Seul, Yukito était seul. Malgré la présence de ses cadets, il lui manquait ce bout d’âme arraché qui aurait dû être à sa place mais aussi celle qui l’avait toujours accompagné dans l’ombre pendant des années et qui l’avait laissé à la veille du Fléau. Oh il s’en voulait pour cette dispute qui lui avait ouvert les yeux sur l'Imprégnation. Mais il ne méritait pas d’en payer le prix en étant choisi pour représenter sa Cour.

** Maintenant... **

Pris d’une certaine angoisse, le Fujihara se dirigea lentement vers la serre du Palais, puis, une fois assuré que personne ne l’avait suivi, il choisit un coin au calme, à l’abri des regards, pour tenter de retrouver ses esprits.

Cependant, des pas non loin de lui vinrent le couper dans son moment de méditation improvisée… Qui pouvait bien chercher à éviter la foule ? Un compagnon de fortune ? Ou peut être que son frère le cherchait pour le traîner vers le Chaudron ?

Dans tous les cas, il se redressa, prêt à accueillir la personne qui allait venir déranger, ou non, ce petit moment de calme mérité.

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❝“ D'homme et de volonté.”❞

UN GRAND POUVOIR IMPLIQUE
DE GRANDES RESPONSABILITÉS

tw: deuil | @Fujihara Yukito | septembre 836

Il ne comprend pas. Toujours pas. Comment la Mère peut être aussi cruelle. Comment elle peut se montrer, aussi, si sarcastique. Ils ont beau lui répéter, encore et encore. Ça sonne creux. Ça sonne faux. C’est impossible à entendre. À retenir. À accepter. Ayako est morte. Elle a été assassinée. Ayako est morte, et elle ne reviendra plus jamais. Et au-delà de la douleur qu’engendre sa perte, il y a aussi et surtout la crainte. Celle des responsabilités. Du Destin qui semble s’acharner. De la Mère qui a décidé de le condamner.

Il est perdu. Erre dans un brouillard comme une âme en peine. Il ne comprend pas ce qui lui arrive. Peine à accepter qu’Ayako puisse avoir disparu. Qu’elle soit morte. Partie à tout jamais. Il a demandé à voir le corps. S’est permis de toucher ses chairs dures et glaciales. Il a écouté son cœur, durant plusieurs minutes. Pour être sûr, quand bien même l’évidence est flagrante, qu’Ayako est bel et bien morte. Il est resté de longues heures à ses côtés. À lui parler. L’insulter, aussi. Pour finir par pleurer. En une journée, il a perdu sa sœur, la Dame de son Quartier, et aussi sa Suprême. Une triple peine qui lui fait l’effet d’un coup de massue. L’assommant et le laissant des plus vulnérables.

Il a sombré, ce jour-là. Dans l’alcool. La dépression. L’anéantissement. C’est toute sa vie qui s’est effondrée. Une fois encore. La perte de son père avait eu l’effet d’une catastrophe. La perte d’Ayako, cette fois, résonne comme un cataclysme. Il n’était pas préparé, Hase. À vivre sans eux. À prendre cette place qui ne lui revenait absolument pas. Il ne l’avait jamais envisagé. S’était même moqué, des décennies auparavant, de son ami quant à son rôle de futur Seigneur. Il l’avait plaint, beaucoup. Parce que son rôle n’était pas enviable. Et que jamais, Ô grand jamais, il n’aurait souhaité prendre sa place. Et pourtant… Il était là, à présent. Venant tout juste de mettre sa sœur en terre et fraichement vêtu de sa nouvelle tenue de Seigneur.

Par la Mère... Quel Enfer. Quel cauchemar. Quelle aberration. Hase peine à sortir la tête hors de l’eau. Semble se noyer, encore et encore, dans ces abysses aussi profonds qu’insolubles. Il était devenu Seigneur du jour au lendemain. En un claquement de doigts. Et à présent, il était tout tremblant. Terrorisé devant la perspective que peut-être il pourrait devenir Suprême. Une consécration qu’il offrirait avec plaisir à n’importe qui d’autre que lui. Parce que le poids de la Couronne est déjà trop lourd. Qu’il est à l’agonie. Et surtout qu’il n’est pas prêt. Hase a tout à apprendre. Tout à comprendre. Ses devoirs en tant que Seigneur paraissent insurmontables. Alors qu’en serait-il de ceux de Suprême…? Non. Il ne peut pas. Impossible.

Alors il fuit. Avant que la cérémonie ne commence. Avant d’être jeté dans la fosse aux lions, et mis en pièces par les fils du Destin. Il s’éclipse au moment où tous les regards sont portés vers la Dame Dugu Wanyin qui vient de faire son apparition dans la salle. C’est trop pour lui. Il marche rapidement dans les couloirs richement éclairés par la lumière pourtant déclinante du Soleil, allant se réfugier dans la Serre qu’il connait comme sa poche. Premier refuge à portée où il se sentirait un tant soit peu en sécurité. Ce qu’il n’avait pas prévu, c’était qu’il ne soit pas le seul à avoir cette idée. Alors qu’il marche d’un pas mal assuré dans les allées, il finit par tomber nez à nez avec Yukito. Les deux hommes s’observent, silencieux. Penauds. Terrorisés. « Si seulement tout ça n’était qu’un cauchemar… qu’il souffle, consterné. Machinalement, il passe une main dans ses cheveux pour les plaquer en arrière, avant de la fourrer dans une de ses poches. Ce serait pure folie que la Mère choisisse un de nous deux. » Réflexion qu’il se permet d’exposer tout haut, à cet homme qu’il considère comme un de ses plus proches amis et à qui il a confié bien des secrets, pour la plupart inavouables.

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Fin été 836 - @Liao Hase

Lorsque la silhouette de Liao Hase se dessina sous les yeux de Yukito, ce dernier ne put s'empêcher de soupirer de soulagement de façon imperceptible. De tous les conviés qui attendaient d'être fixés sur l'avenir de la Cour de l'Aube, le nouveau seigneur endeuillé par la perte tragique de sa soeur était celui avec qui il était enclin à discuter. Parce qu'en plus d'être dans le même traquenard, ils étaient amis.

" Qu'est ce qui n'est pas une pure folie, mon ami ?" souffla l'ancien Général en allant passer ses mains sur son visage pour tenter de retrouver ses esprits avant de se tourner vers le nouvel arrivant pour le saluer.

Si Yukito s'était toujours plaint de ce statut de Seigneur, il avait toujours su, depuis le départ de sa soeur, qu'il finirait par suivre ce chemin qui ne lui était pas destiné à la base. Par contre, en ce qui concernait le jeune Fae qu'il connaissait depuis quelques années, la situation était... incomparable.

La mort d'Ayako avait fait trembler Evanor, et propulser le cadet sur le devant de la scène. Entre deuil et nouveautés, voilà qu'Hase allait devoir affronter le Chaudron pour une place de Suprême... Finalement, le Fujihara n'était pas à plaindre...

Comment aurait-il réagi à sa place, mais surtout, à son âge ?

Lentement mais sûrement, le Seigneur s'avança vers son égal pour aller poser une main compatissante sur son épaule, comme lors de ce fameux jour où il était venu pour rendre hommage à sa soeur disparue.

"Tout va bien se passer." assura t-il à son ami avant de se poser à ses côtés pour rester dans leur cachette encore quelques instants. " Et puis, il reste toujours l'abdication. Bien que cela soit rare, je n'ai pas arrêté d'y penser. Abdiquer, ou fuir par la mer, nous avons encore des solutions à notre portée." se moqua t-il en laissant un petit rire nerveux ponctuer ses pensées qui se voulaient plus légères.

Pourtant, l'abdication pouvait être utile si on ne sentait pas d'avoir les épaules pour endosser ce nouveau costume.. Cependant, Yukito ne pouvait pas utiliser son rôle d'héritier secondaire en mettant en avant une soeur Divergente qui méritait sa place... Cela ne marcherait pas... Et sa famille finirait par en subir les conséquences, chose qu'il ne souhaitait pas pour ses cadets. Mais en ce qui concernait le jeune Seigneur...

" Plus sérieusement... La perte d'Ayako a été brutale, j'ai beau avoir de l'expérience, nous ne sommes jamais vraiment préparé à ce qui nous arrive. Quand bien même la Mère viendrait à te choisir, Hase, j'estime que tu serais en droit de choisir d'embrasser cette destinée ou non... car il y a des fardeaux qui sont bien trop lourds à porter, surtout quand ils décident de tomber sur nos épaules en même temps."

Une réflexion sage, faite avec sincérité, alors que le Fujihara contemplait le vide, adossé au mur végétal qui leur permettait de ne pas être vus. L'envie de regagner le centre de l'attention n'était pas revenue... Elle ne reviendrait sans doute jamais. Pourtant, il savait qu'il allait devoir faire face à son destin...

Mais avant, il voulait s'assurer que son ami soit en mesure de tenir le coup... Et s'il fallait venir les chercher pour les pousser à affronter un maudit Chaudron...

Alors il en serait ainsi.

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tw: deuil | @Fujihara Yukito | septembre 836

Il ne devait pas être Seigneur. Qu’importe les plans d’urgence qu’avait imaginé son père, cela n’arrivait jamais. Parce que les Grands Faes sont éternels. Qu’ils ont des décennies, et des décennies, devant eux. Ils ont le temps. Bae ne se voyait pas passer l’arme à gauche aussi vite. Car si c’était le cas, il aurait empressé Ayako de trouver un mari plus vite, pour ainsi ancrer une descendance dans l’arbre généalogique. Ou alors il aurait interdit Mei-Lin de partir par amour au Printemps pour épouser l’homme qu’elle aimait –et donc de renoncer à sa prétention au titre–. Non, les choses avaient suivi leur cours. Lentement. Comme s’ils avait le temps. Bae n’avait pas pressé Ayako, il n’avait pas retenu Mei-Lin, et il n’avait pas formé Hase. Et puis le Fléau était arrivé, détruisant tout sur son passage. Décimant les cimes des arbres généalogiques en emportant les plus vieux sur son passage. Bae n’était plus. Ayako était devenue Dame jeune. Trop jeune. Et elle s’était retrouvée à endosser, en plus de ça, le rôle de Suprême. C’était trop pour elle. Pour son inexpérience, sa jeunesse d’âge et ses frêles épaules. Elle manquait de soutien. Manquait d’appuis. Et elle avait sombré. Une proie facile qu’il était facile d’enlever. Qu’il était encore plus aisé d’assassiner. Laissant les Liao sans époux pour prendre le relai, et surtout sans héritier pour endosser la Couronne.

Hase était prêt à devenir Seigneur par intérim. À porter le titre le temps que les enfants d’Ayako soient assez grands et matures pour prendre de sages décisions. Qu’ils soient assez entrainés pour résister aux assauts des attaques –qu’ils soient au sein de sa propre Cour, mais aussi et surtout en provenance des autres– et pour régner de la meilleure façon qu’il soit. C’était le temps d’une poignée de décennies. Un battement de cils pour les Grands Faes, maintenant le Fléau mis hors d’état de nuire. Mais non. Il avait fallu qu’Ayako se mêle à une sombre histoire, et que ça lui coûte la vie. Laissant les Liao avec seulement Hase, en tout et pour tout, pour prendre sa place. Il comptait sur le soutien et sur les conseils d’Ayako pour gérer le Quartier Médical. Pour apprendre, au fur et à mesure, grâce à son aide et ses bons soins, à savoir comment s’y prendre. Mais sa perte avait été brutale. Tragique. Inattendue.

Ce qui ne serait pas pure folie ? Un sourire sarcastique étire les lèvres d’Hase. Ils vivent dans des temps troubles. Inédits. Avec l’apparition du Fléau, c’était tout le monde qu’ils connaissaient qui s’était écroulé. Les anciens partis, c’était aux nouvelles générations de trouver leurs marques. Et même si certains étaient préparés depuis plusieurs décennies –pour ne pas dire leur vie entière– force est de constater que ça ne facilitait pas forcément les choses. Yukito n’avait jamais voulu du titre, qui, de base, devait revenir à sa jumelle. Mais sa Divergence l’avait éloignée pour toujours, laissant à Yukito ce rôle qui ne lui était pas destiné. Ça avait beau être arrivé depuis de nombreuses années déjà, le fait est qu’il pensait avoir le temps. De se préparer davantage. De profiter plus encore des quelques libertés qu’il lui restait. Mais une fois encore, la Mère avait frappé. Comme elle les avait tous frappés.

Yukito s’avance, jusqu’à poser cette main amicale et solide sur son épaule. Tout va bien passer. Le ton se veut rassurant, mais Hase le connait assez pour savoir que même lui, il n’y croit pas vraiment. Le sort s’acharne contre eux, encore et encore. Il lui parle, ensuite, d’abdication. De son hésitation à tout laisser derrière lui, pour fuir. De nouveau le sourire sarcastique s’agrandit, tandis qu’un léger rire, aussi fugace qu’amer, retentit. « J’ai toujours rêvé d’une petite ferme au fin fond du Printemps, où je pourrais cultiver des espèces rares dans une serre similaire à celle-ci. On pourrait y aller ensemble, utiliser des dons de métamorphose, et disparaitre à tout jamais… » L’idée est solide. Réfléchie. Fuir. S’isoler. Se retrouver dans un coin reclus du monde où personne n’irait jamais le chercher. Devenir cet autre, cet homme anonyme, qui vivrait une vie simple dans un corps simple. Il devrait dire adieux à la médecine, car cela mettrait trop la puce à l’oreille –rien que le choix de la serre, en soit, était risqué, même si répandue au Printemps– ; mais bref. Aussi doux puisse être ce rêve aux allures d’échappatoire, il n’en restait pas moins irréalisable.

« Je ne peux pas abdiquer. La sentence claque. Le ton n’est pas aux reproches, bien au contraire, Hase est le premier à être d’accord avec les paroles de Yukito. Lui-aussi pense que c’est trop tôt et qu’il n’est pas prêt. Que c’est un fardeau qui est trop dur à porter. Quand bien même j’en crève d’envie, mon honneur ne me le permettra jamais. Tout comme celui de Yukito, il en est persuadé. Fuir serait la solution facile. Egoïste. Et ils ne le sont pas. Préférant le sens du sacrifice. Mon père et ma sœur ne l’approuveraient pas d’un bon œil. Quand bien même rien de tout ça n’était prévu, je me dois d’être fort et d’accepter ces fardeaux. Pour leur faire honneur et leur rendre hommage. Il est le dernier de sa lignée, et s’il abdiquait le titre reviendrait donc à un de ses cousins. Qu’il appréciait, certes, mais qu’il ne jugeait pas pour autant digne. Une fierté probablement mal placée, couplée à un sens du devoir et au besoin de toujours rendre son père fier, qui font que bien que dans ses rêves il souhaite s’enfuir, la réalité fasse qu’il ne se lance jamais. J’imagine que tu comprends ma position… » Ils sont pareils. Dans le même panier. Dans le même pétrin. « Quel objet as-tu choisi pour le Chaudron ? »

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Fin été 836 - @Liao Hase

La rêverie remplaça un court instant l’angoisse lorsque le descendant des Liao décida de parler de son rêve. Une serre, dans les ombres perdues du Printemps, sous un autre visage, pour une nouvelle vie. Yukito ne put s’empêcher de sourire avec nostalgie face à la confession faite… lui qui n’avait pas choisi la voie de la métamorphose dans son cursus magique, lui qui n’avait jamais vraiment osé rêver…

Qu’aurait-il envie de faire, si jamais le destin lui proposait de tout recommencer alors qu’il s’apprêtait à faire face au chaudron ?

Instinctivement, ses pensées se tournèrent vers une vie sans aucune responsabilité, parce que sa jumelle aurait géré à la perfection de son côté… Mais lui, qu’aurait-il fait ? Le Fujihara était un combattant, car il avait été élevé ainsi… Il ne se voyait donc pas faire autre chose. La question s’orienta alors sur ces visages qui auraient pu l’accompagner dans sa quête… Et lorsqu’il vit celui de son ancien lieutenant dans son esprit, le Fae secoua la tête de façon imperceptible pour se concentrer à nouveau sur son ami qui expliquait qu’il ne pouvait pas se permettre d’abdiquer…

Un peu perdu suite à son voyage intérieur, Yukito resta silencieux, comprenant le poids qui pesait sur les épaules de celui qui avait beaucoup à gérer… Fuir reviendrait à se donner un coup de sabre, surtout après tout ce qu’il venait de se passer. Alors il se contenta de lancer un regard compatissant à Hase, avant de lâcher un énième soupir.

Finalement, ils étaient piégés…

“ J’ai délibérément choisi un objet qui m’appartient juste… Sans aucun lien derrière, sans aucune attache, comme si cela pouvait m’aider à échapper à une nomination. C’est idiot n’est-ce pas ?” expliqua t-il avec une certaine lassitude dans la voix avant de sortir un petit carnet vierge d’une de ses poches. “J’en ai bien trop à mon goût en ma possession. Un de plus ou de moins.”

Il finit par rire face à son aveu, un rire entre dépit et amusement, avant de se tourner vers son ami.

“Et toi, qu’as-tu choisi ?” interrogea-t-il avant d’entendre des pas au loin qui traduisaient l’arrivée d’une autre personne incessamment sous peu. Aussitôt, l’angoisse revint grignoter les entrailles du Fujihara qui ne put s’empêcher de souffler quelques mots. “Le bourreau s’annonce pour venir chercher les condamnés…”

Étaient-ils prêts à faire face ?

Jamais.

“Seigneur Liao ? Seigneur Fujihara ? Êtes-vous ici ?” lança avec nervosité une voix féminine qui avait dû être choisie pour les trouver.

La fuite était devenue impossible… Ainsi Yukito fit un léger signe de tête, résigné, en direction de son allié, avant de fermer les yeux pour partir sur la droite, et rejoindre celle qui les cherchaient désespérément pour être escorté jusqu’à la chose qui hantait ses nuits depuis des jours.

Ce maudit Chaudron.

Et la suite ?:

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tw: deuil | @Fujihara Yukito | septembre 836

Un petit carnet qu’il sort d’une de ses poches, tandis qu’il lui avoue avoir choisi cet objet un peu par dépit. C’est qu’il est d’une banalité affligeante. Dénué de tout sentiment affectif, et de la moindre once de sa personnalité. Hase observe le carnet sans broncher, analysant la stratégie du Fujihara. C’est bien pensé, qu’il se dit. Il finit par avoir un sourire amusé. « J’ai presque eu la même idée que toi, qu’il dit sous le ton de la confession. J’ai hésité à prendre un objet qui ne m’appartenait pas. Mais j’ai eu trop peur que la domestique soit jugée plus digne par la Mère que moi et qu’ainsi le titre me soit accordé par erreur. » Parce que si la Mère juge vraiment au mérite, alors il est absolument hors de question qu’elle le choisisse lui, n’est-ce pas ? Parce qu’il est trop sombre, Hase. Qu’il a causé trop de torts. Peut-être pas directement par sa main, mais il a participé, ça c’est une certitude. Et déjà qu’il traine avec lui ce sentiment de culpabilité… Il ne manquerait plus qu’en plus il gagne celui de l’impression d’être un imposteur.

Il fouille dans le fond de son sac en bandoulière qui ne le quitte jamais pour en sortir un paquet emballé dans un fin tissu. Il l’ouvre délicatement, dévoilant une paire de ciseaux. « Ils font partie du premier set que j’ai reçu, et ont été offert par mon père au moment de mon entrée à l’école de médecine. Je ne m’en suis jamais séparé, jusqu’à maintenant… Il a longuement hésité, quant à quel objet choisir. Faire comme Yukito, en en prenant un au hasard ? Ou alors jouer le jeu jusqu’au bout pour en prendre un qui le représente ? C’est vers la seconde option qu’il s’est finalement décidé, se disant que si la Mère pouvait ainsi voir en lui, elle découvrirait sa passion pour la médecine, et donc son aversion pour tout le reste. Hase est avant tout un médecin, bien avant d’être un Seigneur ; et il a souhaité, par ce geste, le lui dévoiler. J’imagine que de toute façon, quoi qu’il advienne, ils ne me seront plus vraiment utiles… » Confidence qu’il glisse dans un murmure, d’un ton aussi lugubre qu’amer. Quand bien même il ne soit pas choisi comme étant le prochain Suprême, il n’en reste pas moins le Seigneur du Quartier Médical. Avec de nombreuses responsabilités, et trop peu de temps pour s’adonner à quoi que ce soit d’autre.

Des pas hâtifs résonnent alors dans la serre, signant l’arrêt de la supercherie. Ils ont tenté de se cacher, mais au final leur petit jeu n’aura pas duré bien longtemps, et les voilà qui sont brutalement ramenés vers la réalité. Machinalement, Hase sent son rythme cardiaque qui s’accélère, et son ventre qui se tord. Il est à deux doigts de paniquer, tandis qu’il sent la sentence se rapprocher. Ils pourraient encore s’en sortir. Tamiser, là, tout de suite… Mais ils n’en font rien, tous deux trop responsables et honorables pour ça. Yukito incline la tête en signe de soumission, avant de finalement faire volte-face pour se diriger vers l’origine de la voix. Hase, après une seconde d’hésitation, se résigne à faire de même, fermant ainsi la marche.

Les deux Seigneurs, accompagnés d’une domestique, remontent en silence les grandes allées jusqu’à arriver devant les grandes portes de la salle menant au Chaudron. Ils s’arrêtent devant Wanyin, qui lui attend. « Dame Dugu, qu’il énonce, accompagné d’une révérence respectueuse. Puisse le sort nous être favorable en nous épargnant, pas vrai ? Le timbre de voix se veut bas, pour éviter que d’autres oreilles que les leurs puissent les entendre. Autant Hase a toujours préféré l’honnêteté avec Yukito et Wanyin, autant, avec les autres, c’est une toute autre histoire –où les apparences se doivent de rester immuables–. Je suis navré de te retrouver à nouveau dans d’aussi sombres circonstances… » La dernière fois qu’ils se sont vus, c’était au moment de sa nomination en tant que Seigneur, et celle d’encore avant lors de l’enterrement d’Ayako. Cette série infernale allait-elle enfin prendre fin ?