CORRESPONDANCE // LIV & SUNI

MAI 838.

La blague était de très mauvais goût.

Suni était restée interdit face au portrait qu’elle avait reçu la veille. Le mercenaire avait refusé de lui dire l’expéditeur. Tout ce qu’elle avait pu glaner comme information, ce fut qu’il était chargé de distribuer ces portraits à toutes les rousses qui croisaient son chemin. Une mission payée une petite fortune. Interdite, la divergente avait observé le dessin, d’une enfant avec une tâche de naissance proche de la clavicule droite. C’était elle. C’était sa foutue tâche de naissance. C’était ses foutues gonflées d’un âge ingrat.

L’ancienne soldate souffla bruyamment. Elle ne comprenait pas. Elle refusait catégoriquement de croire qu’une personne était en train de la chercher depuis toutes ses années. Suni n’avait pas de famille autre que celle des Marchands de Sable. Parce ceux qui partageaient son sang l’avaient lâchement abandonné, que ce soit de gré ou de force. C’était certainement l’une de ces mauvaises blagues, d’une personne l’ayant connu à l’orphelinat ou un hasard. Peut-être une personne qui souhaitait lui jouer un mauvais tour. Sa tâche de naissance était visible de tous, faire le portrait d’une enfant lui ressemblant en gonflant légèrement les joues était simple.

Énervée, Suni décida d’attraper un parchemin et elle commença à écrire.

S

i je reçois un second message, je vous assure que je vous retrouverai.
Croyez-moi, vous ne souhaitez pas être démasqué.

Je ne sais pas à quoi vous jouer en vous amusant du malheur des divergents et sincèrement, je n’ai aucune envie d’en apprendre plus. Sachez seulement que je sais à quel point vous êtes proche de moi pour être connaître l’existence de cette tâche de naissance. Ce dessin signifie que nous nous sommes croisés. Si vous avez suffisamment d’argent à jeter par les fenêtres pour une blague aussi stupide, vous ne devez rien être d’autre qu’un sombre idiot.
Sachez que je hais les idiots.

Ils sont faciles à trouver. Je vous conseille de surveiller vos arrières.

Suni Sha'Hwang.

️ sobade.

Elle signa de son nom, puisque la personne la connaissait déjà, de toute évidence.
Suni amena sa lettre à l’heure fixée par le mercenaire pour la réponse.

Cependant, elle ne s’enfuit pas. Dès que l’homme eut le dos tourné, elle grimpa sur un toit et elle observa, de longues heures. Jusqu’à ce qu’il monte dans un bateau. Mais, la personne ne se trouvait donc pas à Elysium. Le portrait encore entre ses mains, Suni le déroula pour l’observer à nouveau, perplexe. C’était elle, enfant. C’était l’apparence qu’elle avait arrivée à l’orphelinat de la Cour de l’Aube. Son cœur s’accéléra. Quelque chose n’allait pas dans cette histoire, quelques chose n’était pas normal.

MAI 838.

La lettre avait été soigneusement glissée par des petites mains sales sur le haut de ta fenêtre, te faisant promettre de sermonner les garnements des rues qui s’amusaient de façon un peu trop dangereuse sur les hauteurs de Velaris. Levant les yeux au ciel en attrapant le message pour le lire, tu avais souri, prête à voir défiler les ragots du coin portés sur le papier avec quelques fautes d’orthographe plutôt mignonnes.

Cependant, Liv, ton faciès se figea, littéralement, à chaque mot lu, à chaque phrase terminée… Le souffle coupé, tu allas t’effondrer sur le bord de ton lit, le regard captivé par cette chose que tu avais entre les mains…

“Sha’Hwang… Suni…” susurras-tu en allant caresser la signature du bout des doigts.

La fillette du portrait... Celle dont tu n'espérais plus de nouvelles après avoir essayer de contacter toutes les femmes ayant les mêmes traits physiques durant ces derniers mois. Un stratagème basique, auquel tu avais cru au début, pour finalement te rendre à l'évidence après un silence en guise de réponse. Ainsi, tu avais abandonné, laissé de coté cette histoire de portrait fourni par l'ancien vassal des Madsen...

Et pourtant...

Elle avait répondu...

Elle, cette soeur aînée, cette divergente évincée par les Madsen quelques années avant toi, c'était elle... cela ne faisait aucun doute… La tâche de naissance était un indice des plus parlants.

Oscillant entre le choc et l’euphorie, tu restas un long moment assise, sans bouger… incapable de réfléchir à une réponse convenable. Qu’aimerais-tu lire à sa place en sachant que tes souvenirs n’étaient plus ? Tes mots allaient semer la confusion, mais tu n ‘avais pas le choix si tu souhaitais être prise au sérieux. Alors, après avoir retrouvé tes esprits, tu te dirigeas vers ton petit bureau, prête à répondre à celle qui avait besoin d'ouvrir les yeux puisqu'on lui avait fermés sans lui demander son avis.

L

es masques ne servent à rien entre nous, pourtant, ils nous sont d’une grande utilité dans ce monde. Le portrait que vous avez eu entre les mains est le seul indice que je détiens sur une sœur aînée disparue, condamnée par la Divergence. S’il s’avère que cela est bien vous, alors sachez que je connais votre véritable identité. J’ai bien conscience que je n’aimerais pas lire de telles révélations à travers une lettre écrite à votre place, c’est pour cette raison que je vous laisse le choix, mais aussi quelques indices si vous souhaitez enquêter de votre côté.

Les réponses sont de glaces, aussi froides que l’Hiver, au cœur d’une famille seigneuriale où il existe une paire.

Contactez-moi, de la même façon, votre réponse me trouvera.

Saoirse M.

️ sobade.

C’était sans doute la première fois que tu écrivais ce prénom… Celui que tes géniteurs avaient choisi à ta naissance, celui qui renvoyait à un passé douloureux dont tu refusais de te souvenir mais qui faisait partie de toi… Alors, tu avais décidé de fournir cette information, pour tenter d’aider cette aînée qu’on avait évincée, et ce fut un tantinet angoissée que tu allas conduire ta réponse dans les petites mains de Velaris qui arrivaient toujours à trouver un destinataire.

A présent, elle avait tout entre les mains…

Sha’Hwang Suni était la seule maître de son destin.