War of threads ~ Dashiell

War of threads

Tout était absolument comme je l'avais imaginé.

La cour de l'été était éclatante. J'avais senti son air marin dès mon arrivée ainsi que sa chaude température qui avait fait perler quelques gouttes de sueur sur mon nez. La mer céruléenne s'étendait à perte de vue et l'envie de plonger mes pieds dans l'écume m'avait démangé tout le long du trajet. Mais je n'avais pas voyagé aussi loin pour une promenade en pinasse ou une dégustation de crevettes. En réalité, la raison de ma présence était purement professionnelle.

Anne Derocles - que j'avais pour habitude d'appeler ma mère - était une couturière réputée à Cairlond. Ses créations colorées et parfois avant-gardistes charmaient les habitants de la Cour du Printemps. Autrefois propriétaire d'un petit commerce local ma mère avait, aujourd'hui, une vaste échoppe au cœur de la ville. En dépit de son nombre de commandes croissante et de son business florissant, cette entreprise devait sans arrêt être en activité. Tout naturellement, je lui apportais toute l'assistance possible malgré mes obligations auprès de la famille Valois. En outre, ma mère m'avait fait part il y a quelque temps de ses inquiétudes vis-à-vis de la concurrence. J'avais compris sans trop me creuser les méninges qu'elle parlait - entre autres - du couturier réputé de l'été : Dashiell Ethelil. Ce dernier possédait deux boutiques et prospérait sans difficulté à Evanor et Elysium. L'occasion de voir ce que valait son talent s'était donc imposé à moi. J'avais fait part à Lys de cette excursion en terre inconnue et j'osais espérer que rien d'impératif ne surviendrait avant mon retour.

C'est ainsi que je me retrouvai à fouler le sol de la boutique du couturier à Adriata ; la somptueuse cité qui était le centre d'activités de la cour de l'été. C'était également le lieu où se regroupait le gratin de la société estivale... Le plus pénible avait été de s'habituer au climat mais j'avais volontiers troqué les robes fastueuses de la cour du Printemps pour les accoutrements légers de l'été. Je palpai le tissus souple de ma modeste robe rose pâle avant de m'attarder sur l'environnement autour de moi. Ce n'est pas si mal... songeai-je en observant la boutique. Je devais bien admettre que ma mère avait un brillant adversaire.

Il devait être insolite de voir une printanière ici, je me sentais dévisagé de la tête aux pieds ; les relations entre nos deux cours étaient pourtant cordiales. Était-ce cet air superficiel et glacial que j'affichai qui les embarrassait ? Je ne faisais pas exception aux a priori de ma cour : les printaniers étaient dépeints comme des gens assez frivoles après tout. Je décidai d'ignorer ces quelques regards déplacés pour me concentrer sur ma tâche. Une besogne qui n'avait rien de difficile car je me contentai d'examiner dans les détails l'établissement. Effectivement, ma mère aurait certainement besoin d'un compte rendu de mes observations lorsque je retournerais à la cour du printemps. Cependant, j'essayais de retarder cette échéance car, en toute franchise, je trouvais l'été très plaisant.

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PLAY | w/ @Cecily Derocles | février 837

Aucunes des journées de Dashiell Ethelil ne se ressemblaient, et c'était bien la raison de son choix de vie. Être couturier lui conférait un plaisir inégalé, une sensation comme nulle autre, il avait trouvé sa propre voie sans rien attendre de sa famille, ayant tracé sa propre route. C'est au travers des tissus et de la beauté de ses tenues qu'il se sentait vivant, qu'il se réalisait pleinement. Loin de la politique et de toutes ces manigances, l'estival ne regrettait rien, vivait de sa passion, laissait parler sa créativité. D'abord basé à Velaris, il fut rapidement contraint de s'expatrier dans la Cour de l'Eté, laissant les clés à un homme de confiance. Ses confections plaisaient à tous - au-delà de la Nuit, cela ne pouvait que lui plaire de voir son business devenir aussi florissant. Les commandes continuaient de s'amonceler sur son bureau, preuve qu'il était très demandé. Nobles, roturiers, ailés, faes, il n'y avait aucune limite ni restriction. En tant qu'hybride, il serait bien mal avisé de refuser d'habiller ses compères. A ses yeux, tout le monde méritait le luxe d'un beau costume ou une robe travaillée. Tout le monde méritait de s'embellir.

Evidemment, il savait que son travail n'était pas sans concurrence sur Evanor. Ses chefs d'oeuvre n'avaient pas encore trouvé leur clientèle au Printemps, faisant face à ceux d'une certaine Anne Derocles dont le nom ne lui était pas inconnu. Printanière de naissance, celle-ci savait parfaitement répondre aux besoins de ses habitants, rien de surprenant pour Dashiell qui n'y mettait guère les pieds. Il ne connaissait que peu les habitudes de cette région, admirant la délicatesse dont ils faisaient preuve. Il n'avait connu que la Nuit et l'Eté, même si la seconde était davantage synonyme de douleur que de bonheur. Envoyé dans la Nuit pour y accomplir son service militaire, l'Ethelil avait perdu contact avec sa famille : ceux-ci n'ayant pas non plus cherché à le renouer. Seule sa soeur jumelle avait daigné prendre de ses nouvelles. Quant aux autres, ils semblaient presque soulagés de son départ, une épine de moins à gérer. Les Ethelil étaient de toute évidence, embourbés dans leurs mensonges, n'ayant que peu de considération pour lui. A leur égard, il ne ressentait qu'une indifférence mêlée à un peu de rancune : celle de l'avoir abandonné sans une once de pitié. Faire comme s'il n'avait existé. C'était la raison pour laquelle il avait continué de travailler et d'oeuvrer là où il se sentait à sa place : dans sa boutique.

Adriata. La belle et somptueuse cité de l'Eté l'accueillait depuis peu et pourtant, une foule se massait déjà à l'intérieur de l'établissement décoré aux couleurs de sa Cour. Derrière des glaces étaient exposés ses plus belles tuniques : robes de soirées, costumes somptueux, il y en avait pour tous les goûts. Il y avait quelques touches de la Nuit, pour rappeler ses origines. S'il était loyal à l'Eté, c'était la Nuit qui avait toute son affection. Quittant son atelier situé plus bas, il grimpait les escaliers pour venir à la rencontre des intéressés, certains discutaient déjà avec son collègue qu'il repéra aisément. Il remarqua la présence d'une jeune femme aux cheveux d'or et à la robe rose et dont le parfum lui titillait déjà le nez. Une printanière, sans aucun doute alors qu'il détaillait son port de tête fier. Arborant un grand sourire, voilà que Dashiell s'en approchait. "Bien le bonjour Mademoiselle, puis-je vous aider ?" Toujours avec politesse, il gardait une bonne distance. "Vous semblez venir de loin, j'espère que vous n'êtes pas déçue." Dit-il en hochant la tête. Oh il était loin de se douter qu'elle était la fille de l'une de ses concurrentes et qu'elle venait ici pour l'espionner. S'il savait...

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i want to break free

It's strange but it's true. Hey, I can't get over the way you love me like you do. But I have to be sure. When I walk out that door

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@Dashiell Ethelil

Je m'arrêtai face à mon reflet sur une des fenêtres ; je m'étais à peine reconnue. J'ignorai si j'avais fait le bon choix en optant pour une robe qui découvrait mes bras, les cicatrices qui creusaient ma peau étaient sans doute trop apparentes. Mais, à choisir, je préférai quelques regards curieux à une insolation. Une voix masculine derrière moi me sortit de ma réflexion. Il me proposa son aide et je fus tenté d'accepter. Est-ce que je devais en profiter pour faire quelques emplettes ? Je craignais - à juste titre - que ma mère prenne mal le fait que je m'habille chez la concurrence.

« Je ne sais pas encore. » avouai-je d'un air songeur.

Bien évidemment, il remarqua que j'avais fait un long voyage. Mon apparence ne trompait pas et les quelques gouttes de sueur qui perlaient sur mes épaules montraient que je n'étais pas encore habituée aux fortes températures. Le printemps avait un climat bien plus doux. Je pris un air faussement pensif lorsqu'il me demanda j'étais déçue par ma visite.

« De l'été ou de votre échoppe ? » taquinai-je en caressant un morceau de tissu.

Il ne faisait aucun doute que mon interlocuteur n'était autre que le célèbre couturier Dashiell Ethelil. Il était trop tôt pour que je me fasse un avis sur sa personne mais j'étais enchantée qu'il soit venue jusqu'à moi. Il semblait se soucier de l'opinion de ses clients, quels qu'ils soient.

« Pour être franche, vous avez une très belle boutique. J'ai cru comprendre que vous vous êtes installé à Velaris également ? » demandai-je. Deux boutiques ; ma mère s'en mordait les doigts. Elle aurait voulu étendre son commerce également aux portes des autres Cours.

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and now that I'm grown, I'm scared of ghosts, memories feel like weapons

KoalaVolant

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PLAY | w/ @Cecily Derocles | février 837

Détaillant cette jeune femme, il émit rapidement l'hypothèse qu'elle venait sûrement du Printemps. Elle ne supportait pas la chaleur de l'été, c'était là une preuve qu'elle n'en n'était pas originaire. Il fallait dire que les températures étaient difficiles à supporter, même pour lui, parfois. Dashiell n'allait pas s'en plaindre, il préférait cela de loin au vent glacial de l'hiver qui avait faillit avoir sa peau. Bien qu'elle avait laissé ses cicatrices visibles, le couturier ne s'en formalisait pas, elles n'étaient pas disgracieuses mais contaient une histoire, celle de la vie de cette demoiselle. Tous comme les ailes, il prônait l'acceptation, assumer les défauts de son corps pour vivre sans honte, sans se cacher. Nulle apparence n'était parfaite et il fallait vivre avec, voire même sublimer ses petites imperfections, tel était son rôle de couturier.

La taquinerie de la demoiselle ne manqua pas de le faire sourire. "Surtout de mon échoppe, mais si vous êtes entrée c'est qu'elle a au moins su attiser votre curiosité." Il allait lui dire qu'au vu de son état, l'été ne lui réussissait guère mais il s'abstenait, pas peur de la froisser, même si cela n'était qu'une simple vérité. Lui ne supporterait guère la froideur de l'hiver. Rien qu'à y repenser, un frisson le parcourait. Elle complimenta sa boutique, Dashiell ne put s'empêcher d'en être fier. Il avait mis des mois pour parfaire la décoration et donner une ambiance estivale mais chaleureuse. Les allées étaient décorées d'arbres et de plantes tandis qu'entre ceux-ci se dévoilaient quelques unes de ses confections. "Je vous remercie pour votre compliment. J'ai en effet une autre boutique à Velaris, il s'agissait de ma première. Celle-ci n'est ouverte que depuis peu." Revenir sur ses terres d'origines était une évidence - bien qu'il ne le faisait aucunement pour se rapprocher de sa famille. "Vous cherchez une tenue pour quelle occasion ? Peut-être peut-on commencer par là. En tout cas, vous semblez bien au fait de mes activités, mademoiselle....?." Dit-il dans un sourire amusé, lui demandant par la même occasion son nom, ce serait toujours mieux que mademoiselle. Serait-elle une adoratrice ? Il en avait, comme tout artiste qui se respectait. Tandis qu'elle caressait de ses doigts fins les tissus, l'estival l'observait, curieux et attentif, glissant ses bras dans son dos.

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