L'automne est une demeure d'or et de pluie

L'automne est une demeure d'or et de pluie

Elle a longtemps repoussé l’inévitable. Depuis le jour où elle a énoncé ses intentions, sans en révéler davantage à son père, elle sait qu’il s’interroge. Elle s’est levée aux aurores avec une nouvelle décision, celle de cesser d’avoir peur. Elle est prête, décidée à en découdre et connaître l’avis de son père sur sa philosophie, malgré ses craintes qu’à l’instar de Siena il demeure sur ses positions de privilégier. Ce n’était pas prévu, à l’origine, elle venait retrouver sa mère qui lui manque terriblement depuis qu’elle a quitté la demeure familiale pour Arvandor.

Elle ouvre sa penderie, à la recherche d’une robe sans idée précise de ce qu’elle veut mettre. Le placard est rempli à ras bord, une folie de son père qui connaît son amour des belles choses, pour lui faire plaisir. Elles sont toutes superbes, sophistiquées et colorées, pour toutes les occasions et des tenues plus confortables pour les chasses, équitation ou autres activités auxquelles elle s’adonne. Tout est là pour qu’elle puisse venir quand ça lui prend.

Et l’automnale venait souvent, désireuse de passer du temps avec son père, jusqu’à cette saison sociale, jusqu’à la révélation. Jusqu’ici elle n’était que la témoin des récits de différents divergents qu’elle rencontrait, des mémoires effacées. Tout juste des adultes, balancés dans la cour qui correspond à leurs pouvoirs et aucune possibilité d’évolutions, des parias. C’est à cela que son père a condamné Aitor, son dernier fils. Elle s’y efforce, il lui est pourtant difficile de lui pardonner. Le fossé s’est creusé bien malgré elle et sa volonté d’être loyale à sa famille, faire fi des obstacles pour avancer.

Avec un soupir, elle opte pour une robe assez formelle, couleur bordeaux aux brodures dorées. Les cheveux lâchés, elle se dirige vers l'endroit ou elle est le plus susceptible de le trouver depuis qu’il est Suprême, son bureau. Contre toute attente elle ne l’y trouve pas. Peut-être la salle à manger, non plus. Le chenil, non plus. Il est rare que la jeune fae ait à le chercher à travers la demeure d’Arvandor, d’ordinaire les domestiques savent où il se trouve.

A cette heure si matinale il est forcément quelque part, le père ayant engendré une fille aussi lève tôt que lui. Impossible qu’il soit encore dans sa chambre, pourtant, ses pas l’y mène au cas où, aucune réponse ne lui vient lorsqu’elle frappe à la porte. Luciana perd patience et s’apprête à retourner toute la demeure du Suprême pour mettre la main sur lui, de ses pas rapides et lourds elle erre partout fermement décidé à le trouver.

“Père! Mais enfin où étais-tu ?” S’exclame-t-elle avec des accusations dans la voix lorsqu’elle l’aperçoit enfin. La méfiance surgit après avoir fouillé Arvandor, il était probablement ailleurs, avec on ne sait qui. Elle ne lui laisse pas le temps de lui répondre. “Peu importe. J’ai à te parler.” Du coin de l'œil, elle aperçoit un domestique portant un plateau rempli de victuailles, le petit déjeuner de Cesare sans doute. “En privé. C’est important.” Avant qu’elle se dégonfle.

L’automne est une demeure d’or et de pluie

Il avait trouvé la clairière vide, ce jour-là. S’il aimait prétendre que ses chasses matinales le conduisaient toujours vers cette percée dans la canopée automnale, celle qui lui permettait de poser ses yeux noirs sur la Maison dans les Bois au loin, celle que Rym lui avait fait découvrir, il était de plus en plus dur de se voiler la face. Chaque fois, il s’y attardait plus longtemps que nécessaire. Avec un brin d’espoir au fond du cœur. Un brin d’espoir de la voir apparaître pour échanger quelques mots à l’abri des oreilles indiscrètes. Peut-être un faible espoir de poser son regard sur le sourire en coin de son ancienne générale pour savoir qu’elle allait bien malgré leurs longs mois de séparation.

Siena et lui s’étaient promis d’enterrer la hache de guerre, de travailler ensemble pour mener l’automne et pour tâter les possibilités pour créer un monde meilleur pour les gens comme leur fils. Ils s’étaient promis de se parler franchement, de ne pas se retrouver encore une fois emmêlés dans leurs mensonges et leurs rancœurs. Pourtant, Cesare ne pouvait pas se résoudre à lui avouer qu’il avait revu Rym. Que ses ambitions de tailler une Evanor plus juste pour les divergents ne prenaient pas racine uniquement en leur fils, mais aussi en cette femme qu’il avait appris à comprendre, cette femme dont son cœur s’était épris malgré lui.

Lorsqu’il passait les grandes portes de la Maison dans les Bois, cliquant la langue pour chasser Nahual, son braque à la robe noire, vers le chenil tandis qu’il se traînait vers le grand hall. La pluie matinale avait alourdi ses vêtements et ses cheveux striés d’argent lui retombaient devant les yeux, mais un passage rapide dans ses appartements réglerait le problème. C’était dans les petits moments comme ceux-là que son ancienne routine lui manquait le plus. Dans le passé, il serait rentré à bout de souffle aux côtés de la générale. Ils se seraient retirés pour déjeuner devant les dernières nouvelles avant que Rym ne fasse ses rondes auprès des soldats en charge de la protection du palais et de la cité, et Cesare se serait enterré dans la paperasse en préparation de ses rencontres en début d’après-midi. Les choses étaient bien différentes désormais. Ses matinées étaient souvent marquées par la solitude et le silence, par l’ombre du souvenir de Rym qui s’accrochait à chacun de ses pas à travers ce château où il ne se sentait plus vraiment chez lui.

Or, ce matin, c’était plutôt la silhouette menue de Luciana qui se dressa sur son chemin avant même qu’il n’ait eu l’occasion de se débarbouiller. Son exclamation le prit de court et son cœur se serra durant le bref silence qui régna avant qu’elle ne reprenne la parole, la culpabilité s’invitant en lui au souvenir de la clairière drapée de pluie. Grognant son approbation, il l’enjoint à le suivre vers son bureau où il s’installait habituellement pour avaler son deuxième petit-déjeuner avant de nager dans les affaires automnales. « Je dois avouer être surpris de te croiser ici ce matin, laissa-t-il tomber d’une voix enrouée par le mutisme qui est le sien depuis la veille. La chevauchée de ce matin était… humide. Il retira le manteau de brocart, le laissant choir sur une chaise en s’enfonçant dans la pièce encombrée de livres et de rouleaux de parchemin. Les orbes lumineux s’allumèrent dès son arrivée, éclairant son antre qui avait connu de meilleurs jours. Je suis content de te voir, et j’ai tout le temps du monde pour t’écouter, » déclara-t-il en laissant ses lèvres s’étirer devant le visage angélique de sa fille.

La domestique posa le lourd plateau de victuailles sur la table, comme à son habitude et Cesare adressa un signe à Luciana pour qu’elle se serve à sa guise.

date avec @Luciana Monteserre ∙ code par alcara

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lord of fire and ashes

The flames rose into the night. The smoke tainted the sky. Our world burned and crumbled around us. But we stood still. And we will rise from the ashes.