One name, one purpuse • Rosalie

One name, One purpuse

Ambroise écouta avec déférence les propos de sa cousine. Il était vrai que leur tante avait toujours été une femme très à l’aise en société. Elle avait été une femme lettrée, ouverte sur le monde et sur son prochain. Elle avait donné à la maisonnée Valois quatre descendants, et autant de destins différents qui venaient enrichir leur lignée. Autant de destinées dont il fallait également se préoccuper. Ambroise avait bien à l’esprit que sur ses épaules reposait à la fois l’avenir de sa cour, mais aussi celle de sa maison. Lysandre était encore trop jeune pour appréhender le poids de cette charge. Cairlond était déjà une tâche suffisante pour lui, il lui faudrait déjà maîtriser ce sujet avant de gagner un peu plus de responsabilités. « Mais Circé ne sera pas toujours là. » Conclut Ambroise. Pas plus que lui en réalité. Ils étaient Faes, certes, réputés immortels… Tout n’était que théorie. Ils avaient le privilège de connaître une vie longue éloignée des maux de la vieillesse et des maladies. Encore une fois, en théorie. Pourtant, la mort, aussi sûrement que deux et deux font quatre, finissait par venir les envelopper d’une étreinte funèbre. Ambroise pestait sur la propension de sa famille à ne pas se soucier de demain. Ou très peu. Il avait sans doute réalisé cela en prenant sa place de seigneur de Cairlond, de patriarche, puis de Suprême. Demain était important parce qu’il n’y avait que demain qui était incertain. Il était de son devoir d’assurer l’avenir du Printemps, et de sa famille, et il comptait réussir à le faire, avec ou contre ses proches.

« Je suis certain que le Suprême Gahfa ne tardera pas à vous répondre. » Répondit Ambroise avant de boire une nouvelle gorgée de sa boisson tout juste à point en termes de température. « Choisir la facilité peut s’avérer une voie dangereuse. Qui dit facilité, dit alanguissement, qui dit finalement inactivité. Nous devons tous sortir de notre zone de confort et de sécurité. C’est notre lot. Notre devoir même, pour la famille, et pour notre propre sentiment de réussite. » Ambroise posa sa tasse. « Voyez. Vous m’évoquez d’abord que vous préférez vous cacher derrière votre sœur en société, puis, vous m’expliquez quelques secondes plus tard que vous avez échangé avec un Suprême… Suprême, qui, ne sont pas des personnalités réputées pour leur accessibilité. Bombez le torse, cousine, et redressez-vous. Vous êtes capable. » Coupant un morceau de scone avec ses couverts, Ambroise prit plaisir à goûter la pâtisserie. Un délice. Un péché mignon. « Avez-vous fait d’autres rencontres ? Peut-être d’un autre ordre, moins… Formel ? » Allait-elle comprendre le sous-entendu. Rien n’était moins certain.

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@Ambroise Valois — septembre 837

Circé ne serait pas toujours là… Je détournai purement et simplement les yeux. Je le savais bien, j’avais perdu ma mère déjà, mais je préférais toujours me cacher derrière les autres. C’était beaucoup plus confortable. Pour moi. Je ne dis rien d’autre, je n’avais pas envie de penser à tout cela, alors je préférais absolument changer de sujet. Je préférais parler de la situation actuelle et la saison sociale. J’avais contacté le Suprême Gahfa pour la Guilde des artisans… Mais pas de réponse. Je hochais la tête.

« Je ne le presserais pas… Ce n’est pas très urgent. »

Je n’étais qu’une peintre et une bijoutière, rien de bien important, et même si j’étais de la famille d’un suprême, je n’étais qu’une branche tertiaire… Mais c’était autre chose. J’étais beaucoup mieux derrière mes pinceaux et mes fils de métaux. C’était beaucoup mieux… Je fis tourner mon doigt autour de la tasse machinalement. Je haussais les épaules à nouveau. Peut-être que pour lui ce n’était pas bien que de rester en arrière, mais quand je sortais, il y avait toujours… ou presque toujours quelque chose qu’il se passait… Sortir de notre zone de confort, je haussais les épaules avant de répondre d’une voix très basse.

« Je préfère sortir de la zone de confort dans ce que je crée… »

Qu’avec mes compétences sociales… Je fis à nouveau tourner mes doigts sur le bord en porcelaine en silence sans même plus regarder mon cousin. Je ne voulais pas trop parler de tout cela. Les relations sociales… c’était tellement pas ma tasse de chocolat chaud… Je haussais les épaules à nouveau avant de marmonner :

« J’ai pu parce que j’ignorai qu’il était Suprême. Et que c’était le contexte qui le permettait. Sinon je ne me serais jamais permise. Et le contexte s’y prêtait… »

Je bus une gorgée de chocolat. Je n’étais définitivement pas du tout à l’aise sur le sujet. Des… rencontres… Moins formels ? Je me mordis les joues silencieusement. Je ne voyais pas…

« Non… Comme dit… je ne sors pas beaucoup de mon atelier… Et les quelques rencontres que je fais ne se terminent pas souvent très bien… Les gens ne gardent pas de liens avec moi… »

Je gardai les yeux résolument baissés sur ma tasse de thé et ma pâtisserie.

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@Rosalie Valois — septembre 837

Ambroise se retint de faire la moue. Ignorer qui était le Suprême Ghafa, en dépit des relations commerciales qui liaient le Printemps et le Jour. Étrange. Sans compter que Rosalie avait dû recevoir l’éducation riche et privilégiée des Valois, qui, évidemment, comme toute famille seigneuriale, prévoyait des leçons sur la géopolitique et les autres cours d’Evanor. Inutile donc de dire qu’Ambroise ne crut pas les mots de sa cousine, et se contenta d'interpréter ceux-ci comme un énième camouflage, un muret derrière lequel se dissimuler… Quant à dissimuler quoi. Sa timidité ? Fausse ou avérée, Ambroise ne savait pas vraiment le dire. Vingt ans le séparait de la naissance de sa cousine, autant dire qu’Ambroise n’avait pas un lien très étoffé avec Rosalie. Elle aurait presque pu le considérer comme un oncle tant il est proche en âge de leur tante Jade. Un oncle qui ne posait décidément pas les bonnes questions. Toujours était-il qu’elle n’avait pas réellement le droit de paraître agacée quand son Suprême s’adressait à elle, et bien que Lysandre était actuellement le seigneur de Cairlond, il n’était pas le patriarche des Valois. Ambroise, si. Lysandre administrait le domaine familial. Il ne prenait pas les décisions. « Je vous enjoins à réviser votre culture politique dans ce cas. Vous êtes une Valois. Vous vous devez de connaître les autres Suprématies. » Conseilla-t-il à Rosalie.

Quoiqu’elle attendait d’Ambroise, elle ne l’obtiendrait pas. S'appesantir sur son sort, se plaindre et geindre n’étaient pas vraiment dans son tempérament, et il attendait la même force de caractère des siens. Il estimait que leur vie à tous était privilégiée. Ils étaient nés, avaient vécu et mouraient tous dans un château, le ventre plein et le corps alangui du confort que leur noblesse leur accordait. Impossible d’entendre donc que la vie n’était pas tendre, pas juste ou quelconque autre complainte de ce genre. Il fallait se relever les manches, redresser la tête et prendre son parti des petits tracas. « Vous n’avez donc rencontré aucune autre personne en dehors du Suprême Ghafa pendant le Bal. » Une constatation basée sur les dires de sa cousine, rien de plus. « Un choix audacieux de parti à conquérir… Mais je comprends votre enthousiasme. Ehsan Ghafa possède un certain charme. » Ambroise toussota. « Vous n’êtes pas sans ignorer, Rosalie, que nos parents respectifs, à votre âge actuel, étaient déjà mariés. J’imagine qu’il faudra penser, plus tôt que plus tard, à choisir et prendre époux. » Ainsi, les choses étaient dites, et le motif de cette entrevue dévoilé.

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@Ambroise Valois — septembre 837

Réviser ma politique… Je fronçai les sourcils avant de rétorquer d’une voix douce :

« Je sais qui sont les autres Suprêmes. Seulement il y a un monde entre ce que nous voyons dans les journaux et la réalité. C’est en cela que j’ignorais au début qu’il était Suprême… »

C’était là toute la subtilité… Mais je gardais maintenant les yeux fermement baissés sur ma tasse de chocolat chaud. J’avais l’estomac noué en sentant le regard de mon Suprême sur moi. Ce n’était pas mon cousin qui me parlait, mais bien mon Suprême… Alors je restais parfaitement muette.

« Non. »

Je n’avais pas rencontré d’autres personnes, ou alors c’était simplement des conversations basiques… Sans vraiment entrer dans les détails, mais c’était bien avec le Suprême que j’avais discuté. Et Cecily. Mais cela… c’était une membre de notre maison. Elle ne comptait pas comme rencontrer. Je sursautai à ses mots… Un… Parti à conquérir ?! Je relevai les yeux vers lui. Je… Je ne l’avais jamais approché pour cela !

« Je… Je ne l’ai pas approché pour cela ! »

Fis-je d’une voix grimpant dans les aiguës reposant aussitôt ma tasse sur sa soucoupe alors que le Suprême du printemps s’éloignait de moi. J’avais très envie de disparaître, de me retrouver dans mon atelier, enfermé bien à l’abri du monde extérieur. Voilà pourquoi je préférais clairement rester dans ma bulle, dès que je sortais, ça finissait mal pour moi. Je gardai les yeux vissés sur mes genoux, tout comme mes mains.

« Oui Suprême. »

Réussis-je à répondre alors que j’avais la gorge tellement serrée qu’elle en devenait douloureuse pour moi. Choisir un époux… Je ne le regardai même plus. Il avait fait un choix ? Peut-être. Et pourtant il y avait mes deux frères et ma sœur. Mais ma sœur était tellement excentrique… J’imaginai que j’étais la plus facile à caser et après mes frères et sœur ? Ou alors était-ce parce qu’on lui avait fait une proposition ? Sans doute…