What have you done ? ft. Ninon

What have you done ?

@Ninon Bayl'doren — décembre 837

S'il y a bien une chose qui crispe Obéron plus que les racontars inventés, ce sont les actes inconsidérés.

Et au sein de sa guilde, ceux-ci pouvaient exploser à leur figure aussi subitement qu'un feu d'artifice à Beltane. Mais au-delà de cette réflexion de mauvais goût, Obéron devait réparer les pots cassés de leurs actions mais surtout faire en sorte que cela ne leur rejaillisse pas dessus sans crier gare. Car il suffirait que l'ajah rouge ou n'importe quel autre structure finissent par tomber sur Ninon, ou son apprenti, après les événements de la Tour du Printemps, pour que les Chevaucheurs se fassent tailler en pièces. Et même pire : accoler une réputation de voleurs et de blasphémateurs qui encrasseraient définitivement leur avenir et les soutiens qu'il s'est épuisé à construire pendant de si longues années.

Non, clairement, Obéron avait du mal à gérer son exaspération, et même sa patience légendaire était mise à rude épreuve, une fois qu'il comprit qui se retrouvait mêlé à tout cela. Alors, il avait trouvé un moyen de contacter son égale du Triumvirat pour une discussion en bonne et due forme. Le rendez-vous fut posé dans un des bureaux anonymes du manoir de la Table Ronde, l'excuse déjà toute prête d'accueillir une postulante acrobate comme il en a l'habitude. Il avait bien spécifié à son assistante de ne pas être dérangé pour les prochaines heures et de ne donner sa localisation à personne durant ce laps de temps.

Cela fait déjà plusieurs minutes qu'Obéron fulmine dans un silence glaçant, appuyé contre un bureau de bois massif et clair. Les yeux rivés sur un montage du prochain numéro de "L'Aurore", il ne parvient pas vraiment à en trouver des qualités mais relève avec facilité les quelques coquilles qui s'y sont glissées. Évidemment, qu'il sent la présence de Ninon dès son arrivée et il ne lui laisse pas le temps d'en placer une alors qu'il ne lève pas le regard de son prototype de journal : « Tu dois bien te douter de la raison de cette convocation rapide. ». Une page se tourne alors qu'il griffonne quelques ratures. « J'espère tout de même que cette vilaine blessure a été bien prise en charge et qu'elle ne fera que laisser une pâles cicatrice peu voyante. » indique-t-il de son crayon, toujours sans la regarder. Il serre les dents et se rabroue lui-même pour le ton peu amène qu'il emploie. Mais l'inquiétude suinte de ses paroles, autant pour la Chevaucheuse que pour l'organisation et évidemment, il ne peut pas s'en empêcher en levant enfin les yeux de son travail : « Mais bon sang, Ninon, qu'est-ce qui a bien pu te passer dans la tête pour te fourrer dans une histoire pareille ? ». Sa voix est calme même si elle transpire l'exaspération, les légères vrilles de sa voix grave trahissant sa peur profonde qu'il fait mine d'enterrer le plus profondément au fond de lui.

Comme il en a l'habitude.

Le calme doit prévaloir. Il n'obtiendrait rien à s'énerver et laisser parler ses émotions. Surtout qu'il a désespérément besoin de ses explications. De ses justifications. Pouvoir pleinement avoir conscience de la situation afin d'avoir encore un ascendant et de pouvoir prévoir et protéger au mieux les leurs et la Voie. Cela relève de leur responsabilité. Et bon sang, ce qu'il déteste porter le manteau paternaliste de celui qui rabroue.

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@obéron beauchamp — décembre 837

La missive a la calligraphie et le style ampoulé qui trahit trop bien l'éducation noble de son confrère. Ninon en a longtemps suivi les lettres du regard, la moue presque boudeuse, avant de soupirer et de la faire brûler comme elle a toujours l'habitude de faire dès qu'il s'agit des contacts de sa guilde.

Obéron n'est pas content, ça exsude de tous les mots qu'il a couché sur le papier. Le stylo a presque troué le papier quand il a écrit la note qui réclame sa présence à la cité de la sapience, dans le manoir qui sert de point de rassemblement à la Table Ronde dont il fait partie. La divergente sait déjà pourquoi il veut la voir, s'en veut un peu de l'avoir déçu de la sorte — le printanier est un peu un mentor pour elle, même si elle ne l'admettra jamais à voix haute, le grand frère qu'elle n'a jamais eu, et s'attirer sa désapprobation est toujours un peu crève cœur. Mais elle ne regrette pas ce qu'elle a fait, regrette seulement la façon dont la soirée s'est passée. S'ils avaient été un peu plus rapides, un peu moins méfiants les uns envers les autres...

Ah, avec des si... Elle ne s'attarde pas dessus. Préfère aller se coucher ce soir-là, dans son petit lit branlant dans sa chambre d'auberge miteuse d'Eliorh, les yeux fixés sur le plafond bien après que les étoiles soient apparues dans le ciel.

Le lendemain, elle tamise jusqu'à Elysium après avoir pris un bain glacé et enfilé une tunique propre. Ses cheveux sont encore humides quand elle pénètre dans le domaine de la Table Ronde, une domestique qui l'alpague déjà pour la guider jusque là où Obéron attend. Le printanier ne lui laisse pas le temps d'ouvrir la bouche, ne lui adresse même pas un regard alors qu'il se lance déjà dans une tirade accablante — le visage de Ninon se ferme de plus en plus au fil des paroles qu'il lui adresse, jusqu'à ne plus être un masque impassible soigneusement modulé pour ne pas laisser transparaître une seule once de la vexation qu'elle ressent.

« Bonjour à toi aussi, Obéron. Ca va très bien, merci, je me remets doucement de ma blessure, et même si j'ai encore un peu mal dans la poitrine quand je force trop, ça devrait aller. Et toi ? Tout va bien ? » La voix de la divergente dégouline d'une ironie qu'elle sait mesquine, mais qu'elle ne peut pas s'empêcher de laisser fuiter alors qu'elle croise les bras sur la poitrine. Elle reste debout, plantée face à lui de toute la hauteur de son mètre quatre-vingts.

Puis, finalement, un long soupir lui échappe. Son visage reprend un peu de vie, son expression qui se fait vaguement blessée, sa lèvre inférieure qui se coince entre ses dents pour pouvoir être mordillée nerveusement. « Si c'est la réputation de la guilde qui t'inquiète, ne t'en fais pas pour ça. Ce n'est pas comme si beaucoup de gens connaissaient mon implication chez les Chevaucheurs. » Sylas est peut-être le seul en dehors de la guilde qui sait qu'elle en fait partie, et il ne connaît que l'essentiel. N'a aucune idée de l'importance, relative, qu'elle peut y avoir. Sôta, aussi, qui n'en fait techniquement pas encore partie, mais ça ne saurait tarder.

En dehors d'eux... Elle ne voit pas qui. Ninon ne parle pas beaucoup d'elle, n'a que trop peu d'amis, pour la plupart laissés derrière elle quand elle a quitté les Sandmen.

« Quant au pourquoi... j'avais fait une promesse. Et tu sais que je tiens mes promesses, Obéron. » Son regard se fait un peu fuyant, un peu triste, hanté d'une mélancolie qu'elle ne montre que rarement. Le soupir qui lui échappe est plein de beaucoup d'émotions difficiles à décrypter pour qui ne la connaît pas assez bien, mais pour ceux qui ont l'habitude de la pratiquer, on peut y déceler un peu de regret, une bonne dose d'inquiétude, et une touche d'envie de... quelque chose. Difficile de savoir quoi.

Mais elle finit par se laisser tomber dans un fauteuil face au Beauchamp, et l'aveu est finalement fait à voix basse. Ninon se confie, pour une fois, chose qu'elle ne fait que trop rarement, les lèvres pincées et la gorge un peu serrée. « Mon âme sœur était impliqué dans toute cette histoire, d'accord ? Il m'a demandé d'être présente, et je pouvais pas lui dire non. Pas après qu'il m'ait raconté ce plan complètement fou... et complètement foireux. » Une pause. Elle déglutit difficilement, les doigts qui jouent nerveusement avec l'ourlet de sa tunique. Elle a l'air d'une enfant perdue, cette enfant qu'elle n'a pas eu l'occasion d'être, pas avec cette étiquette de divergente sur le dos. « Et j'avais besoin de penser à autre chose, aussi. J'ai... appris certaines choses, sur mon passé, que je dois encore décortiquer. Avec ton aide, si tu veux bien. Mais dans tous les cas je pouvais pas... je pouvais pas le laisser y aller tout seul. Surtout vu comment ça s'est terminé. S'il lui était arrivé quoi que ce soit et que j'avais refusé de venir... »

Elle s'en serait voulu tout le reste de sa longue existence, elle le sait.

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@Ninon Bayl'doren — décembre 837

La réponse de la cadette ne tarde pas à sortir en se teintant de son habituelle arrogance. A moins que cela ne soit de l'impétuosité qui lui va pourtant si bien. Rien n'étonne le patriarche qui se doutait bien d'une pareille répartie et se décide à passer outre. Même s'il a l'habitude de se plaire dans l'échanges de joutes verbales avec Ninon, Obéron n'est clairement pas en état de converser à montrer qui se peut le plus cynique. Pas cette fois.

Néanmoins, pour ne pas céder non plus à la provocation, le printanier prend une grande inspiration et fait appel à ses trésors de calme et de diplomatie. Se contentant d'attendre la réponse à la question qu'il se pose et qu'il a énoncé clairement, il la fixe avec des flammes dans le regard. Pourtant, celle-ci ne vient pas tout de suite et il lève les yeux au ciel dans une réponse froide : « Non, mais tu sous-estimes les capacités de persuasion mais surtout de retourne-cerveau de l'Ajah Grise. Si ce n'est la violence des Rouges. Evidemment, qu'elles auraient forcément réussi à trouver un lien. » Cela il en est persuadé. Même si le Crépuscule se veut plus ébranlé que jamais, il connait la fierté des Prêtresse et surtout, les chants de ses oiseaux lui murmurent une future réponse des religieuses comme possiblement dévastatrice. En bien ou en mal.

Son ton se fait d'autant plus dur quand il reprend : « Et pour Sôta ? Tu penses qu'il aurait eu ton mental si elles avaient réussi à lui mettre la main dessus ? Si même elles y parviennent, car elles ne laisseront pas passer cela sans conséquences. ». Finalement, là est le coeur de son inquiétude. Avoir peur des représailles et surtout des capabités des Ajah lui semble être le pragmatisme même. « Mais entends-moi bien. Je ne dis pas qu'il faille rien faire vis-à-vis du Crépuscule. C'est la façon de faire que je reproche et les objectifs menés qui doivent être pensées en vue et sue de leurs conséquences. ». Sagesse qui reprend tout doucement le dessus.

Les sombres nuages semblent se dissiper quand quelques explications supplémentaires éclairent le chemin. Une promesse ... Les liens si puissants de cette magie qui en fait serrer les dents d'Obéron. Il arque quand même un sourcil et se fend d'une pique : « Tout dépend de la promesse, si je me souviens bien. Et tu en as déjà payé le prix. » Vérité qui doit être énoncée, il y tient par-dessus tout. Mais de ce fait, il sait aussi qu'elle connaît le poids et le mesure des promesses brisées et qu'elle ne se risquerait pas à recommencer : le soupir qui sort des lèvres de son amie laisse échapper que c'est bel et bien le cas. Encore plus quand elle se met à table. Obéron hoche la tête de compréhension face à l'évidence même. Parfois, le vieux Fae en vient à penser que la Mère a des intentions tordues et que ces liens d'âme soeur n'amènent finalement que des soucis. Des pièges qui se referment sur eux. Il en soupire de lassitude à son tour mais la colère coule dans son souffle et s'évapore. « Je vois. ». Effectivement, difficile de se sortir de cette situation. Ses yeux se posent sur cette gamine qui n'en a pas l'âge et les flammes dévastatrices se mue en feu chaleureux. Il comprend. « Parfois, il n'y pas pire piège que celui du cœur. ». Mais finalement, il n'a toujours pas la réponse à sa principale question : « Mais pourquoi ? Quels objectifs ? Quels desseins sert-il pour t'utiliser d'une façon aussi grave et aussi stupidement dangereuse ? ». Il veut savoir. Il en a besoin. Cela permettrait aussi de donner du sens à tout ce danger qui rôde et qui finit par tirer sur certaines ficelles d'angoisses cachée du vieux fae, soucieux de ce qu'il pourrait découvrir.

Obéron se tend à la révélation suivante et son regard se fait à nouveau fuyant. De toutes façons, cela devait bien finir par arriver à un moment où un autre. « Alors c'est arrivé. » Il se doute que la suite de la conversation ne sera pas plus plaisante, alors il se décide à lui donner en partie ce qu'elle souhaite : « Et ne te méprends pas. J'avais des doutes sans jamais en avoir la preuve formelle. Et tu sais très bien qu'une information sans preuve ne vaut pas plus qu'une rumeur. Cela aurait pu avoir des conséquences désastreuses sans vérification. » Son visage se tourne à nouveau vers elle : « Évidemment que je veux t'aider, cela me semble primordial. Comment es-tu entrée en possession de cette information ? ». Les détails seront important pour ce qui pourrait suivre ...