wouldn't you like to use more than words (ft. Rizvan)

Décidément, les lettres et vifs d'argent à son attention avaient la cote. Rym n'aimait pas réellement être contactée et préférait quand c'était elle qui faisait les démarches, mais on aurait dit que le destin était fatigué de l'attendre. Qu'il voulait la forcer à sortir des sentiers battus, la sortir de ce qu'elle avait connu ces dernières années pour se rapprocher de ce qu'elle pourrait être, ce qu'elle allait devenir. Ce n'était peut-être pas si mal, parce que ça l'empêchait de ruminer dans son coin. Elle pensait que l'an 838 serait enfin son année, mais ça avait commencé par un meurtre, l'incendie chez les Kozlov, et une galère perpétuelle à se fixer sur une démarche à suivre. Grâce à quelques contacts, elle avait dorénavant d'autres témoignages de divergents mais elle doutait que ça arriverait à convaincre le concordat, et surtout, les prêtresses qui accompagnaient les Suprêmes.

Il lui fallait plus, mais elle ne savait pas comment l'avoir. Ce n'était pas d'ambition qu'elle manquait, c'était une certitude. Rym avait plus de volonté que la plupart des gens, et c'était un feu dangereux qui menaçait souvent de brûler bien plus qu'elle. Mais il y avait de nombreux codes qu'elle ne possédait pas, et il y avait aussi sa réputation qui la précédait déjà de par ses années de service auprès de Cesare. Personne ne pouvait ignorer qui elle était, mais ils pouvaient ignorer ce qu'elle voulait faire.

Elle ne tenait pas particulièrement à avoir une rencontre avec Rizvan Akhtar, mais il fallait bien gagner des alliés là où elle le pouvait. Elle savait que la Cour du Jour était assez fermée, mais ils étaient aussi des érudits. Ils devaient bien pouvoir être sensibilisés à la cause des divergents, en dehors des sphères d'influence des prêtresses. Et il devait bien y avoir quelque chose pour elle, dans leurs bibliothèques. Le seigneur Akhtar était certainement même son meilleur angle d'attaque si elle voulait avoir accès à toutes ces ressources ; elle devrait faire un échange de services, certainement, mais ça en vaudrait la peine.

De toute façon, elle avait déjà fait une promesse à Cesare. A ce souvenir, elle eut l'impression que son tatouage entre ses omoplates la démangeait, la brûlait, mais elle savait que ce n'était que de la rancune, envers lui et elle-même. Parce qu'elle aurait dû résister et lui dire non une bonne fois pour toute. Briser le lien. Mais il y avait une partie d'elle qui savait qu'il reviendrait, et ça la rassurait autant que ça l'inquiétait.

Mais elle y songerait une autre fois. Elle avait un seigneur à rencontrer, alors Rym n'allait pas perdre son temps à penser à ce qui s'était passé et qu'elle ne pouvait pas changer. Avec la preuve écrite de son invitation à Eliorh, elle put utiliser un portail en direction de la cour nettement plus chaude qu'Elysium actuellement, ou encore l'automne qui avait toujours un vent frais. Heureusement pour elle, la chaleur ne lui faisait rien depuis longtemps. Elle était déjà venue au sein du Jour et elle n'eut qu'à faire fonctionner sa mémoire pour se rappeler d'où se trouvait la demeure du seigneur, au sein du Cercle des Érudits. Elle observait tout sans relâche, les épaules tendues, le regard jamais au repos. Rym était rarement à l'aise dans une autre cour autre que la sienne, surtout quand elle n'était pas sûre d'être forcément bien vue. Elle était une force brute face à des personnes qui méprisaient justement la guerre et les combats, alors que toute sa vie était centrée autour.

Lorsqu'elle se présenta aux portes de la maisonnée, et qu'elle fut encerclée de gardes, tout son corps lui cria que c'était un piège. Qu'on ne voulait jamais la voir juste pour gentiment lui demander quelque chose. Et elle savait qu'il y avait des personnes qui prenaient très mal le refus. Elle n'aimait pas faire confiance aux mauvais pressentiments parce que c'était très aléatoire, et si elle se concentrait sur les faits, le protocole avait été officiel jusqu'à présent. Elle n'avait vu personne qui n'aurait pas dû avoir sa place, ou qui semblait agir de façon suspecte. Mais il y avait quelque chose qui la crispait, qui lui disait qu'elle n'allait pas aimer ce qui allait se passer.

Mais Rym Ash'han ne reculait jamais devant un combat. Alors, quand elle arriva au sein du salon où les invités patientaient, elle resta là. Debout. La tête haute et fière, prête à affronter Rizvan, peu importe ce qu'il lui voulait. Elle l'attendait comme s'il n'était rien, personne, comme s'il était un simple homme alors qu'elle, elle était la divinité de la guerre : il n'y avait rien qu'il pourrait faire contre elle. Cette certitude s'ancra dans son esprit, alors quand il arriva dans la pièce, l'automnale était plus sereine.

-Seigneur Akthar, le salua-t-elle poliment. C'est un honneur de vous rencontrer en dehors des évènements officiels.

Elle mourait d'envie de lui demander ce qu'elle faisait là, mais elle resta silencieuse, comme elle l'avait très souvent été parce qu'elle connaissait sa place, et surtout, elle ne devait pas se foirer.