Time is the thief of memory — Yukito

time is the thief of memory

L'an 838, début avril — @FUJIHARA YUKITO

TW: violence, prostitution, traumatisme — outfit Tori

Mirhglin, capitale de l’aube, voilà bien des années que Tori n’y avait plus mis les pieds. En tant qu’illyrienne, elle n’y était certainement pas la bienvenue. Ses ailes étaient repliées, invisibles dans son dos et ses cheveux coiffés de sorte à cacher la partie arrondie de ses oreilles. Engoncée dans un lourd kimono noir, brodé de rouge et surmonté de pièces de cuir, elle avait tenté de passer le plus inaperçu possible. Chose difficile lorsqu’on savait que la rumeur de l’ouverture de sa maison close, non loin de la capitale, secouait doucement les habitants de l’Aube. Une maison accueillant toute sorte d’employés, aussi bien illyrien, hybride que fae. Sa cour n’était pas connue pour son ouverture d’esprit, pas plus que pour sa bienveillance envers ceux qui n’étaient pas fae. Se faire discrète fut un premier défi alors qu’elle refusait de baisser la tête devant les hommes armés. Le seigneur du quartier militaire l’avait conviée, elle présenta aussi souvent que nécessaire l’invitation pour passer les différentes strates de sécurité. Elle fut inspectée, elle vit les lèvres retroussées des fae alors qu’ils la considéraient comme inadéquate à l’endroit. Tori Awoshan, prétendue morte dans cette capitale, revenait presque trente ans après.

Son cœur faisait des embardées. « Seigneur Fujihara, elle s’inclina en une profonde et élégante révérence après avoir été guidée jusqu’au bureau de celui-ci. Un salut militaire aurait peut-être été plus approprié, mais Tori n’était pas là pour se souvenir de ses années d’armes et de sang. Une raison bien plus personnelle, une question bien plus épineuse, l’avait poussée à contacter ce fae dont les traits du visage lui rappelaient un vague souvenir. Je vous remercie de m’accorder cet entretien. » Scrutant le visage de son interlocuteur, certaines images lui revinrent. Ce fae avait été instructeur, ou peut-être général, ou seulement soldat -qu’en savait-elle ?- durant ses années de service militaire. Un visage qui s’était voulu amical, lorsqu’elle avait été contrainte de rejoindre l’armée, à peine âgée d’une dizaine d’année. Il allait et venait, plusieurs années s’étaient écoulées entre les rencontres, mais elle se souvenait de lui, du regard compatissant qu’il avait posé sur elle lors de ses premiers entraînements lorsqu’elle n’était qu’une enfant.

Une enfant parmi tant d’autre, dans ces camps de combat. Une enfant que l’Aube s’était fait un plaisir de briser et souiller. Elle avait tué pour cette Cour qui pourtant la haïssait. Elle avait blessé et été blessée. Tori s’était juré de ne plus toucher à une arme après cela, après sa libération des laboratoires par Seichi. Elle ne voulait plus faire couler le sang, elle ne voulait plus être à l’origine de la mort de quelqu’un. Revoir ce visage la fit tressaillir, mais elle refusait de penser d’avantage à ces années-là. La maquerelle avait laissé de côté son passé, fait la paix avec celui-ci -du moins, autant que possible-. Son existence n’avait jamais été simple, elle s’était finalement faite à cette idée. Mais toutes ces aventures, aussi terribles et brutales soient-elle, l’avaient menée à ouvrir cette maison close, sa maison close : La Maison Awoshan.

Projet complètement fou, s’il fallait le rappeler. Ouvrir une demeure où les garçons et filles de joies pouvaient travailler dans des conditions optimales, un endroit sécuritaire pour ceux que la société de l’Aube refusait de considérer. Et c’était elle, l’origine de ce projet. Elle dont on avait toujours ignoré l’existence et la condition, elle qu’on avait jeté dans les bras de l’armée, puis attachée et torturée dans les geôles de l’aube, enfin, elle qu’on avait prostitué pour s’enrichir. Personne n’avait tenté de la sauver, personne ne s’en était préoccupé, parce qu’elle n’était qu’une illyrienne parmi tant d’autres, une illyrienne dont l’Aube se fichait complètement. Un parasite ailé, un fardeau, qu’on dû faire passer pour morte pour l’exploiter d’autant plus.

La colère grondait toujours en Tori lorsqu’elle se perdait dans ses souvenirs du passé. Se tenir droite dans ce bureau, devant ce fae, était plus désagréable qu’elle ne l’avait pensé. Sa main chercha à tâtons dans sa poche un bout de papier qu’elle avait précieusement gardé, ce bout de papier qui l’avait menée jusque dans le bureau du Seigneur. Tori n’avait jamais compris Seichi, il ne s’expliquait jamais, elle l’avait toujours considéré comme supérieur et ne questionnait presque jamais ses ordres. Mais ce papier avait tout changé, parce qu’à quelques jours de rejoindre la Mère, il avait fait légitimer Tori, lui avait tout légué.

Elle, une illyrienne, héritière d’un notable scientifique de l’Aube. C’était à ne rien y comprendre. Seichi ne lui avait jamais expliqué. Tori avait retourné la question dans tous les sens, le Fléau ayant ralentis les activités du Soleil de Minuit, elle avait le temps. Et ce temps, elle l’avait passé à inspecter ce papier, à tenter d’y déceler un indice, quelque chose. Pourquoi ce changement d’attitude ? Puis enfin quelque chose la tiquer. La signature en bas du papier, cette signature qui annonçait la conformité du document, sa véracité. Cette signature, c’était celle de Fujihara Yukito.

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Début Avril 838 - @Awoshan Tori

TW : Mort - maladie - meurtre

“LAISSE. MOI. SOOOOORTIR !!!”

L’homme suffoquait, de peur, une main posée contre son nez comme pour essayer de ne pas s’imprégner de l’air contaminé environnant. Il hurlait, suppliait, encore et encore. Mais en vain. Une silhouette emmitouflée dans l’ombre, un masque ancestral posé sur son faciès protégé, se tenait de l’autre côté, dos à la porte fermée par ses soins.

Et sa voix résonnait jusqu’à sa proie.

“Essaie de danser face à la mort, peut-être t'épargnera-t-elle, Seichi.”

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Les cris du passé résonnèrent en écho dans l’esprit endormi du Seigneur Fujihara, le poussant à sortir d’un sommeil imprévu de façon un tantinet brutale. Ouvrant les yeux sur son bureau, la tête reposant dans le creux d’une de ses mains, celui qui s’était assoupi un court instant mit quelques secondes avant d’embrasser la réalité. Une personne n’allait pas tarder à venir dans sa bulle, une personne dont l’identité venait de raviver des souvenirs, une personne répondant au nom d’Awoshan Tori.

Si la demoiselle n’avait pas vraiment idée du lien qui les unissait, Yukito, lui savait parfaitement qui elle était. Ainsi, et après avoir été contacté pour une demande de rendez-vous, il avait tiqué, un court instant… Souhaitait-elle s’entretenir avec lui pour son entreprise personnelle éloignée de la Capitale ou était-ce par rapport aux zones d’ombre qui entouraient son héritage et dont il était le responsable ? Même si la perspective d’un rapport concernant le manque de respect venant de la part de certains militaires sur le terrain du Soleil de Minuit ne l’enchantait pas, elle était préférable à un interrogatoire léger sur un passé qui n’était pas assez lointain pour être considéré comme étant oublié…

Cependant, le Fae de l’Aube n’eut pas vraiment le temps de lister toutes les possibilités ainsi que les mensonges à servir, ou non, à son invitée, car cette dernière se présenta à lui alors qu’il s'était levé dans l'espoir se servir un thé des plus revigorants.

“ Mademoiselle Awoshan” fit-il en inclinant poliment la tête, un brin de surprise dans sa voix avant d’ajouter quelques mots sur une note plus neutre, la main dansant dans les airs pour accompagner son invitation à venir. “Je vous en prie, installez-vous.”

Délaissant sa théière encore froide pour aller rejoindre son bureau, le Seigneur posa alors les yeux sur Tori… Si les affres du temps glissaient habilement sur son visage pour le laisser intact, cela était bien différent pour la dame qu’il avait connu dès son plus jeune âge. Cependant, en plus d’afficher une beauté des plus pures, elle paraissait en bonne santé… Un point qui renvoya un court instant le Fujihara dans le passé, le jour de cette rencontre, leur rencontre…

Instable, obnubilé par la perte de sa jumelle, mais surtout excédé par cette histoire de mémoire effacée pour l'équilibre de la famille, le jeune Fae avait vu en Tori, sa soeur égarée, écartée à cause de la Divergence, plongée dans un monde inconnu qui ne faisait aucun cadeau… Alors, il avait essayé de l’aider, discrètement, afin d’alléger ses souffrances, et ce durant ses années aux services de l’Armée de l’Aube… Puis il l’avait perdue de vue.

Jusqu’au jour où…

“Je vous écoute, quel est donc l’objet de votre venue ?” finit-il par dire le plus naturellement du monde pour mettre un terme à ce voyage temporel qui l’avait perdu un court instant.

Ce n’était pas le moment de laisser les divagations prendre le dessus, par crainte de perdre le contrôle de la situation si jamais elle s’avérait être liée au destin tragique mais mérité de celui dont il venait de se rappeler les hurlements à travers un songe imprévu.

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❝“ D'homme et de volonté.”❞

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L'an 838, début avril — @FUJIHARA YUKITO

TW: violence, prostitution, traumatisme — outfit Tori

Trois années s’étaient écoulées depuis la mort de Seichi, trente-six mois, mille quatre-vingt quinze jours et tout autant de temps à se questionner. La force de Tori résidait sans doute en sa résilience, cette capacité à encaisser les chocs, les coups, cette capacité à toujours se relever, garder la tête droite et le menton haut. Pourtant, ces jours, elle les avait compté. Toutes ses questions restées sans réponse la gardaient toujours éveillée tard dans la nuit, malgré les changements, malgré le bonheur qu’elle ressentait actuellement, malgré l’accomplissement d’une vie. De sa vie. Tori ne pouvait se défaire de ce passé qui la rongeait plus qu’elle n’aimait l’admettre. Elle était forte, à n’en point douter. Mais aussi solide soit-elle, elle s’était forgée sur des fondations bancales, fondations aussi brutales et néfaste que salutaires : Seichi.

Son protecteur, son père, son bourreau. Parfois adoré, parfois méprisé. Le Fléau le lui avait arraché et le vide que son départ avait laissé ne parvenait pas à se combler. Étrange phénomène que celui de l’amour biaisé, cet amour inconditionnel qu’elle lui vouait. Elle lui devait la vie, même s’il en avait fait un enfer. Cet enfer était le sien et celui de Seichi. Alors pourquoi ? Pourquoi avait-il fait légitimer Tori ? Pourquoi lui céder sa fortune ? Sur son lit de mort, il n’avait pas daigné lui expliquer et l’illyrienne n’avait pas osé s’imposer. Elle l’avait rarement fait, avec lui. Trois ans donc, qu’elle avait passé à se questionner. Trois ans qui avaient aboutit à cet instant, dans le bureau du Seigneur Fujihara.

Trois ans, ce n’était rien pour la vie d’un fae, un battement de cil, une inspiration, un instant, alors peut-être l’avait-il oublié, cette petite illyrienne dans ce camp militaire. Elle, elle s’en souvenait, parce qu’elle n’était jamais parvenue à oublier cette partie là de son existence, cette partie sanglante brutale et violente. Tori n’était pas une soldate hors pair, mais sa petite taille faisait d’elle une combattante rapide et agile, ses mouvements étaient précis et elle se souvenait avec exactitude du nombre de gorges tranchées, du nombre de membres coupés, du nombre de cœurs perforés, du nombre nuit sans sommeil qu’elle avait passé à pleurer sur sa couchette couverte de crasse, à pleurer sur la vie qu’elle avait elle-même arrachée. C’était injuste, et pourtant, la petite fille qu’elle était s’était faite à l’idée que c’était le prix à payer pour avoir été sauvée. Parce que sans Seichi, elle serait sans aucun doute morte dans son berceau, dans les rues de la capital. Car personne ne se serait arrêté pour une illyrienne, personne ne l’aurait même regardé, personne, sauf Seichi.

« Dame Tori, le reprit-elle avec plus d’ardeur qu’elle ne l’aurait souhaité. Et non Mademoiselle Awoshan. Vous savez aussi bien que moi qu’il ne s’agit pas de mon nom. » Sur la défensive, elle l’était. Le regard et le ton employé par le seigneur la fit néanmoins douter du fait qu’il l’ait complètement oublié, auquel cas, il était d’autant plus important de lui rappeler qu’elle n’était pas une Awoshan, qu’elle ne le serait jamais, surtout dans cette cour rétrograde qu’était l’Aube. Elle fut conviée à s’installer, ce que Tori fit d’un mouvement gracieux, remerciant son hôte, silencieusement, d’un signe de tête. Ses yeux glissèrent sur la théière qu’il tenait peu avant de revenir à son bureau. La question du motif de sa visite fut posée, la maquerelle resta un instant silencieuse, scrutant du regard le moindre tressaillement du seigneur.

Inutile de perdre plus de temps, se dit-elle finalement, voilà suffisamment de temps qu’elle attendait. Cet homme possédait les réponses dont elle avait besoin. D’autres également, sûrement. Tori avait songé à retrouver la patientèle de Seichi, celle qu’il s’était constitué après avoir quitté la capital pour emménager dans ce village non loin de Mirhglin. Mais elle n’avait pu s’y résoudre. Retrouver ces hommes et femmes qu’il avait soigné durant de longues années, débarquer dans leur vie et briser sans doute l’image honorable qu’ils avaient de Seichi. C’était au dessus de ses forces. Elle ne voulait pas cracher sur la mémoire de son protecteur, sur ce qu’il avait fait pour elle.

Mais alors pourquoi en cet instant, alors que les réponses étaient à portée de main, Tori hésitait ? Probablement de peur de découvrir une autre facette de Seichi, une facette qu’elle n’était peut-être pas prête à comprendre, à encaisser. Peut-être que venir ici était une erreur finalement, peut-être aurait-elle dû rester dans l’ignorance. Mais le mal était fait, les événements étaient passées et des réponses devaient être données.

Mal à l’aise sur l’instant, elle refoula l’envie de se lever pour préparer le thé du Seigneur. Sale habitude qu’elle peinait à perdre, celle de servir. Aujourd’hui, Tori se faisait servir. Elle n’était plus esclave, ni poupée, ni oiseau en cage. Elle était l’employeuse d’un certain nombre d’employés, elle était celle qui offrait une seconde chance aux personnes qui le méritaient. Elle avait repris le contrôle de sa vie. Non pas repris : pris. Elle s’était acquise elle-même, apprenant toujours un peu plus à se connaître, à franchir des défis et respecter ses limites. Mais dans des situations pareilles, il était toujours tentant pour elle de rejoindre ses vieux démons, ses veilles habitudes. Parce que se cacher derrière son passé la rendait moins visible, moins vulnérable. « J’ai l’impression de vous avoir interrompu, glissa-t-elle en jetant un regard à la théière, je ne suis pas contre une tasse de thé, si vous me permettez une telle requête. »

Elle se sentait mise à nu, sous le regard aussi curieux que perplexe, peut-être même teinté d’appréhension du Fujihara. Ce n’était qu’une danse de plus, peut-être la dernière, probablement la dernière. Un dernier plongeon dans son passé pour enfin tirer un trait dessus, tourner la page. Pour enfin s’apaiser, pour enfin oublier. Alors, resserrant sa prise sur le bout de papier dans sa poche, elle se lança. « Je viens vous parler de Seichi Awoshan, mon protecteur. Il est décédé il y a trois ans de la première vague du Fléau… le connaissiez-vous ? »

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Début Avril 838 - @Awoshan Tori

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Dame Tori.

L’appellation au combien étonnante manqua d’arracher un sourire satisfait à celui qui avait osé user de formalité banale pour la nommer. Une note renvoyant à celui qui n’était plus, pour prendre la température et entrevoir ses pensées concernant cet être qui avait été si abjecte avec elle à ses yeux. Cette fameuse “Dame” des plaisirs avait du caractère… Tout autant que sa jumelle qui n’avait pas revue depuis leurs retrouvailles. Des femmes de poigne, à qui il devait bien se garder de mentir car il risquait de le payer très cher.

La fierté passa un court instant dans le regard flamboyant du Seigneur qui avait posé les coudes sur son bureau pour venir croiser les mains devant son visage. La vie n’avait pas été des plus tendres avec celle qui se tenait devant lui. Et pourtant, malgré son vécu des plus traumatisants, elle avait réussi à monter une affaire aussi florissante que scandaleuse au sein de la Cour de l’Aube. Un acte qui méritait d’être salué, si seulement les esprits n’étaient pas aussi fermés pour oser le reconnaître…

Cependant, Yukito doutait que la venue de la jeune femme soit lié à son “commerce”. Il ne savait guère si cela était à cause de son attitude, ou du ressenti qu’il avait en posant les yeux sur elle… Mais quelque chose semblait la tracasser. Quelque chose qui ne l’empêcha pas de demander poliment une tasse de thé.

Surpris, le Fae de l’Aube haussa les sourcils, non sans laisser apparaître un fin sourire sur ses lèvres pincées. Décidément, Tori était pleine de surprise…

“Et bien, soit, Dame Tori, j’étais en train de veiller à sa préparation juste avant votre arrivée.” lâcha-t-il en se levant lentement pour se rendre à l’endroit où la théière s’était mise à fumer en silence.

L’esprit encore un peu égaré, Yukito remercia intérieurement son invitée, puis alla saisir deux tasses afin de les remplir en douceur. D’un rapide coup d'œil, il aperçut celle qui était ébréchée, et qui prenait la poussière… Un souvenir d’un ancien temps dont il refusait de se séparer et qui le figea un court instant.

* Sha' Hwang Suni... *

Ce fut la voix de la jeune Illyrienne qui le ramena à la réalité, pour venir le perturber davantage au point de l’interrompre définitivement dans son service si bien mené. Une question tant redoutée que le Seigneur aurait espéré entendre un peu plus tard dans l'entretien... Une question qui posait les bases de cette rencontre même si cela ne le séduisait pas vraiment.

“Oui, je le connaissais. De nom.” répondit-il sincèrement en essayant d'être le moins sec possible. Conscient qu’un mensonge serait bien vite décelé, il termina de remplir la deuxième tasse afin de la porter avec délicatesse vers celle qui, pour son plus grand malheur, l’avait finalement sollicité pour parler d’Awoshan Seichi.

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Un simple message adressé, pour guider la proie vers cet entrepôt où les premiers morts étaient entassés, au coeur des émanations volatiles aux couleurs de la mort cachée derrière le masque du Fléau. Awoshan Seichi s’était laissé balader comme un novice, jusqu’au moment où la porte s’était refermée derrière lui, le piégeant dans cet enfer sur terre pour le faire payer. Le rire, puis la panique l’avait envahi face au tableau de l’horreur, faisant naître un sentiment de satisfaction intense dans le cœur du bourreau.

“Hurle autant que tu veux, personne ne t’entendra.”
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“ Vous aviez des interrogations à son sujet ?”

La question était sortie naturellement de la bouche du Seigneur alors qu’il reprenait sa place derrière son bureau, sa tasse glissée entre ses doigts fins. L’audace dans toute sa splendeur alors que les souvenirs de cette nuit lui revenaient peu à peu en tête. Son piège avait été parfait, un secret qu’il gardait depuis plus de trois ans et qu’il avait toujours espéré emporter dans la tombe.

Autant dire que l’espoir semblait s’étioler face au visage de cette fameuse Tori qui n’espérait pas repartir les mains vides.

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L'an 838, début avril — @FUJIHARA YUKITO

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De nom. Qu’il répondit ce seigneur menteur. De nom. Tori s’était déplacée jusqu’ici pour qu’il lui mente éhontément au nez, pour qui la prenait-il, ce fae aux oreilles si pointues ? Pour qui la prenait-il pour prétendre qu’il ne connaissait que de nom Seichi ? Tori serra ses les poings, cachant autant que possible son agacement. « De nom seulement ? Répéta-t-elle d’une voix douche, fourbe, je pensais que vous le connaissiez plus que cela. » Tori agrippa l’anse de sa tasse et fit monter celle-ci à sa bouche en un geste élégant. Elle n’était plus une soldate depuis des années, elle n’avait plus rien de militaire, ou peut-être juste cette posture droite et fière qu’elle se forçait à adopter. C’était bien trop tôt pour baisser les bras. Elle userait de ses charmes s’il le fallait, userait de tout ce qu’elle pouvait posséder pour qu’il lui dévoile la pièce manquante de ce puzzle qu’était sa vie.

De quel droit se permettait-il de garder un secret si précieux ? Sa réponse et sa réaction la poussait à continuer de fouiller. Il savait quelque chose, Seichi n’était pas qu’une connaissance de nom. Seichi n’était une connaissance de nom de personne. Seichi avait le don de se rendre intéressant pour ceux qu’il rencontrer et fréquenter. Il l’avait prouvé maintes et maintes fois, mais un moment particulier lui revint en mémoire, lorsqu’il avait fait venir dans leur demeure de l’Aube un attroupement de scientifique tout droit venus d’Elysium. Elle avait dansé pour eux, avait badiné sur les genoux des uns et des autres, jusqu’à s’effeuiller peu à peu de ses vêtements sous le regard conquis et fier de son protecteur. C’était le bon temps, se surprit-elle à penser. En comparaison avec les dernières rencontres, les derniers clients, oui, peut-être était-ce finalement le bon temps.

Mais cette vie de luxure et d’usure, cette vie où son corps n’était pas le sien, cette vie où elle n’était maîtresse de rien d’autre que de ses rêves et non, pas même de ses pensées, cette vie, elle refusait qu’elle soit vécue par d’autres qu’elle. Tori ne pouvait pas sauver tout le monde, elle le savait. Elle ne rajeunissait pas non plus, et même si l’eau de la fontaine concevrait des traits jeunes et fins, son cœur, lui, c’était durcit et son esprit s’essoufflait. Elle venait à peine d’embaucher sa gouvernante pour la Maison Awoshan, réalisant après quelques mois d’ouverture qu’il lui était impossible de concilier la maison close et le cabaret. Et même si sa Maison était son projet ultime, un rêve devenu réalité, elle n’était pas encore prête à abandonner cette liberté que lui avait apporté le Soleil de Minuit, pas prête à laisser derrière elle ses amies et Kora.

Kora a qui, sans doute, devait-elle ce qu’elle était devenue aujourd’hui. Kora qui l’avait poussée à s’affranchir de l’autorité de Seichi, à s’affirmer en tant qu’elle-même, en tant que personne. Kora qui lui avait permise de danser, de se libérer. Kora aurait été déçue de savoir que Tori était prête à faire demi-tour et passer la porte. Elle était fatiguée, la maquerelle, bien qu’elle refuse de laisser ses traits se flétrir. Pouvait-on vraiment le lui reprocher ? Puis cet endroit, cette capitale, ce fae. Tout cela faisait revenir en elle des souvenirs qu’elle aurait vraiment préféré oublier. Le quartier militaire, ses années de sang et d’armes, puis le quartier de la médecine, les geôles de l’Aube, les expériences sur son corps, la torture, la douleur. Les pleurs. La Mère savait à quel point elle avait pleuré sur ce sol dégueulasse. À quel point elle avait souhaité mourir.

« Simple curiosité, reprit-elle en reposant sa tasse. Il était plutôt secret, mon protecteur, vous savez. » Elle ponctua son affirmation d’un sourire tendre, parce que secret, oui, Seichi l’était. Et même si Tori avait vécu avec lui durant des années, c’est qu’elle ne connaissait à peine. Elle reposa ses yeux sur le fae devant elle, celui-ci l’observait avec curiosité et appréhension, une espèce de distance s’était installée entre eux dès que la question de Seichi fut abordée. Tori décida d’y revenir plus tard, laissant au seigneur le temps de reprendre la main sur les émotions et pensées qui semblaient le traverser.

« Je vous remercie pour le thé, il est excellent. Une importation de notre Cour ou d’un voisin ? Elle remua le contenu de sa tasse de manière nonchalante, nous sommes-nous déjà rencontrés ? Je pensais que vous étiez l’un des clients de Seichi, votre visage me dit quelque chose. Mais si ne le connaissiez que de nom, c’est autre part que je vous ai vu. » A son tour, elle posa ses coudes sur le bureau, se penchant outrageusement mais ne laissant rien apparaître, son buste était engoncé dans ce kimono sombre. « Avez-vous honte d’être un ancien client de Seichi pour mentir aussi ouvertement ? » Il n’en était pas un, elle le savait pertinemment. Car tout comme les vies qu’elle avait eut pris durant ses années d’armée, Tori se souvenait parfaitement des visages, lorsqu’elle les voyait, de ceux qui l’avaient prise, elle. Et Fujihara n’en avait jamais fait parti. Elle ne l’avait jamais vu aux réceptions organisées par Seichi mais se souvenait à présent parfaitement ce ses traits juvéniles lorsqu’elle faisait ses armes pour le compte de la cour de l’Aube.

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Début Avril 838 - @Awoshan Tori

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« Qu’est… qu’est ce que… vous lui avez faiiit ??!? »

Seichi hurlait comme un dément, un collier ensanglanté entre ses mains tremblantes, les yeux révulsés par sa vision. Collier préalablement volé quelques jours plutôt par le bourreau, collier qui avait été lancé au milieu des corps pour parfaire une mise en scène macabre, collier qui venait de faire perdre l’esprit de celui qui avait reconnu sa propriétaire.

« Qu’ai je fait à… ton gagne pain ? Ton trophée ? Ta… danseuse ? Ou encore… ta victime ? Dis moi, que représente t-elle pour toi, Awoshan ? »

Les mots n’étaient que poison dans sa bouche tant il haïssait l’homme pour ce qui lui avait fait subir... À elle. L’homme qui continuait de crier comme un enfant qui venait de perdre son jouet.

Car c’était tout ce qu’elle était, pour lui.

Un précieux jouet.

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Les paroles s’étaient enchaînées, plongeant le Seigneur au cœur des ombres, fermant son faciès à la bienveillance pour le reste de l’entretien qui allait prendre une tournure aussi imprévue que désagréable.

Il avait tiqué, sur bien des mots, serrant les dents pour se contenir, inspirant et soupirant longuement pour éviter de laisser la colère le dominer un court instant. Ainsi, il était resté silencieux, observant Tori avec froideur, les mains toujours croisées devant son visage, le thé, à l’origine remise en question, intact.

Elle avait beau être déterminée, elle ne soupçonnait pas un seul instant ce qu’il s’était passé dans les vieux laboratoires de l’Aube, mais pire encore, elle n’était pas prête à entendre la vérité. Pas pour Yukito qui voyait toujours en elle la gamine fragile qu’il avait connue malgré ses stratagèmes pour tenter de le pousser à bout. Pourtant, il ne pouvait la laisser lui manquer de respect de la sorte, tout comme il ne pouvait pas supporter d’être associé intimement à cette raclure qu’avait été Awoshan Seichi.

« Sachez, Tori, que je ne vous permets pas de m’insulter aussi impunément. » gronda t-il silencieusement avant de se lever, les yeux toujours plantés sur la silhouette de son invitée. « Vous savez très bien que nous nous sommes déjà croisés, car l’armée a été toute ma vie, héritage familial oblige. Et vous savez tout autant que je n’ai jamais côtoyé cet… homme. » siffla t’il tel un serpent empli d’animosité tout en commençant à faire les cents pas autour de la "Dame" qu’il ne qualifiait plus ainsi, « Ah, non, pardonnez-moi, ce Protecteur, est-ce bien cela ? » La sarcasme prenait le dessus, tandis qu’il s’était arrêté dans sa course pour faire face à celle qui réclamait une certaine vérité. « Protecteur de ses intérêt ? Protecteur de sa fortune ? Protecteur de la liste des êtres abjectes qui participaient à ses délires inappropriés ? Dites moi, Tori. Quel Protecteur était-il exactement ? »

Yukito était excédé face à celle qui lui donnait l’impression d’avoir de l’estime pour la raclure qu’avait été Seichi même si ce comportement était des plus "normaux" après avoir subi de tels traumatismes. Incapable de rester de marbre face aux fausses accusations dont le but avaient été de le mettre dans cet état, le Fujihara se retrouvait à aller sur un sentier qu’il avait refusé d’arpenter jusqu’à maintenant.

Malheureusement, c’était elle qui avait voulu jouer, elle qui souhaitait des réponses, elle qui croyait avoir les épaules assez solides pour supporter les confessions à venir. Cependant, elle ne les avait pas aux yeux du Seigneur.

Pas encore…

« Les mensonges sont parfois préférables à la vérité. Surtout dans le cas de cette connaissance, de nom. » trancha t’il d’un ton impérieux tout en s’avançant vers son invitée. « Alors cessez de me manquer de respect si vous ne vous sentez pas prête à faire face, et regagnez votre domaine sans plus attendre ou je me charge moi-même de vous raccompagner à la sortie. »

Des menaces qui cachaient une sérieuse envie de la protéger, des menaces qu’il espérait être assez suffisantes pour la pousser à rebrousser chemin… même si une part de lui-même lui susurrait à l’oreille qu’il devait se préparer à répondre à une salve de questions jusqu’à passer aux aveux tant redoutés.

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❝“ D'homme et de volonté.”❞

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L'an 838, début avril — @FUJIHARA YUKITO

TW: violence, prostitution, traumatisme — outfit Tori

« Est-ce une vraie question que vous me posez, Seigneur Fujihara, souhaitez-vous vraiment que je vous raconte quel genre de protecteur était Seichi ? » Qu’elle déclara après avoir attendu qu’il termine de l’incendier, parce que tel était le cas. Il s’était levé, vibrant d’une fureur mal contenue. Elle en avait vu, des fae s’énerver, mais cette colère froide, sombre, lui arracha tout de même un frisson. Il tournait autour d’elle tel un fauve autour de sa proie, et Tori se sentait minuscule à cet instant. Le sarcasme employé et les mots tranchants qu’il usait la percutèrent de plein fouet, mais l’illyrienne tâcha de rester de marbre. Elle avait piqué juste, piqué fort. Un peu trop fort, certes, ayant peut-être dépasser les bornes de la décence en oubliant qu’elle s’adressait non pas à un soldat, mais bien au seigneur du quartier militaire.

D’un mouvement fluide et gracieux, elle se leva de la chaise pour se retourner, débout, face à lui, le bureau du seigneur dans son dos. « Je ne voulais en aucun cas vous manquer de respect, commença-t-elle d’une voix douce et sincère, veuillez m’excuser. » Elle s’inclina, les mains croisées sur son ventre, de longues secondes avant de se redresser et de fixer le fae. « Sachez cependant que je suis la plus offensée de nous deux, une enjambée, puis deux et elle se trouva nez à nez avec Fujihara, suffisamment proche pour sentir le souffle du seigneur sur son visage, suffisamment proche pour le rendre mal à l’aise, du moins, elle l’espérait. Qui êtes vous pour juger Seichi de manière aussi virulente et passionnée ? Qui êtes-vous pour me juger, moi, lorsque je décide de le considérer comme mon protecteur ? » Les yeux de Tori brûlaient d’une rage sourde à l’idée de devoir encore se justifier. « Seichi n’était pas un fae respectable, Seichi était un profiteur attiré seulement par la promesse de fortune, de reconnaissance. C’était un homme qui peinait à trouver sa place, comme beaucoup en ce monde. Mais cet homme, Seigneur Fujihara, cet homme m’a sauvé la vie, par deux fois. »

Elle s’éloigna finalement, vagabondant dans le bureau, les yeux perdus dans le vide alors qu’elle continuait son histoire. « Mes parents m’ont abandonnés dans la capital alors que je n’étais qu’un bébé. La Mère seule sait combien de temps j’ai passé sous cette pluie battante, seule dans mon berceau. Seichi s’est arrêté, Seichi est le seul qui se soit arrêté. - elle tourna la tête pour croiser le regard du Seigneur, hantée par ses propres souvenirs – l’auriez-vous fait, Seigneur Fujihara ? Auriez-vous pris en charge un bébé illyrien en tant que grand fae ? Auriez-vous pris le risque, le temps, d’éduquer une enfant qui n’était absolument pas la votre ? Illyrienne, qui plus est ? » Elle soupira, détournant le regard avant de venir frotter ses mains sur ses omoplates, là où ses ailes la démangeaient.

« Je me suis enfuie de la maison, une fois. Une seule et unique fois, parce que Seichi ne voulait pas m’apprendre à voler. Comment aurait-il pu le faire ? C’est là que je me suis retrouvée enrôlée dans l’armée. J’avais peut-être neuf ou dix ans, et jusque là, tout ce que j’avais connu, c’était Seichi et son foyer chaleureux, ses attentions, ses cadeaux. Seichi était un père pour moi, un protecteur, s’il faut vraiment vous l’expliquer. » L’invitation à quitter les lieux lui passa au dessus, elle décida simplement de l’ignorer, prenant garde tout de même à ce que personne n’arrive par la porte pour la faire sortir.

« Vous semblez considérer Seichi comme la dernière des raclures d’Evanor. Peut-être l’était-il, qui sait. Mais, Seigneur, lorsque que vous m’avez vu pour la première fois, enfant, en larmes, dans ces camps armés, dans la boue et le sang, qu’avez-vous fait pour m’aider ? Elle laissa un silence passer avant de reprendre, laissant le temps à Fujihara de percuter ses paroles. Vous avez passé votre chemin, comme beaucoup, comme tout le monde. Et aujourd’hui, vous vous placez en tant que fae en mesure de juger Seichi ? Il n’était pas parfait, il était même parfois immonde, il m’a violenté, il m’a battu, il m’a affamé. Mais lui, il s’est arrêté pour me sauver, et vous, Seigneur Fujihara, vous pensez-vous vraiment meilleur que lui ? »

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Début Avril 838 - @Awoshan Tori

TW : Mort - maladie - meurtre

Un court instant, le Seigneur Fujihara avait espéré que Tori rebrousse chemin dans sa quête de vérité, ses mots ayant été aussi claires que son avis sur ce fameux "Protecteur". Malheureusement, la 'Dame' ne comptait pas se laisser balader, et elle maniait sa langue d'une façon admirable pour tenter d'obtenir des réponses.

Il n'allait pas être chose aisée de se sortir de cette situation complexe pour celui qui avait naïvement pensé pouvoir jouer la carte de la préservation face une réalité bien trop dure. Elle savait, oui, elle savait très bien ce qu'avait été cet homme, et elle ne se priva pas de faire un résumé de sa vie pour mener sa barque de façon habile face à celui qui, était déjà au courant de tout.

Feindre l'ignorance était un exercice bien complexe quand le récit venait glacer le sang. Pourtant, Yukito resta de marbre, validant dans son esprit chaque révélation par un "Je le sais, ça.". En effet, il avait appris beaucoup de choses sur cette Illyrienne qu'il avait fini par perdre de vue après son service, et dont il avait retrouvé la trace par hasard en laissant ses oreilles trainer du côté des nobles hypocrites de l'Aube. Général à l'époque, il avait demandé à une personne de confiance de mener une rapide enquête sur Tori... Celle qui lui avait tant rappelé Honoka à l'époque, et qu'il aurait dû suivre de près après son départ pour lui éviter le pire. Oh... Le Fae s'en était voulu, au point de prendre une décision radicale pour permettre à la demoiselle d'être enfin libre tout en étant indemnisée un minimum pour les sévices reçues par son bourreau.

Bourreau qui, ne semblait pas vraiment en être un à ses yeux, puisqu'il l'avait sauvée par deux fois.

Yukito retint un soupir agacé face aux mots de son invitée qui s'était mise à déambuler dans son bureau avec lenteur. Comment pouvait-elle le défendre ? Certes, il avait été un père pour elle, seulement durant son enfance... Tout avait changé par la suite...

Finalement, le Seigneur se sentait bien chanceux d'entrevoir de telles pensées après avoir tenté de la faire fuir, car s'il y avait bien une chose à retenir de ce long monologue explicatif, c'était qu'elle n'était pas prête à entendre la vérité. Ou plutôt, c'était lui qui ne se sentait pas de le faire, par crainte de la voir s'effondrer pour le haïr par la suite.

Ainsi, et lorsqu'elle décida de le provoquer en osant le comparer à cet homme qui l'avait tant exécré, le Fujihara serra les dents, hésitant sincèrement à attraper la perche tendue pour vider son sac. Toutefois, même si sa haine pour Awoshan Seichi était puissante, elle ne surpassait pas son envie de préserver cette femme qui restait fragile à ses yeux malgré tout. Alors, contre tout attente, et pour la première fois de sa vie, il musela fermement son égo, pour répondre lentement, d'une voix posée et contrôlée.

" Je suis sincèrement désolé pour vous." Vrai. "Vous avez raison. Je ne suis pas meilleur que lui. Je n'ai jamais rien fait pour vous aider." Faux. Totalement faux. Elle ne le connaissait pas. Pas comme lui la connaissait. Elle n'avait aucune idée de tout ce qu'il avait pour elle, derrière le dos de son père, même si cela n'avait pas été voyant pour éviter un favoritisme visible. Elle ne savait rien. Et elle ne devait pas savoir. "Nos opinions divergent, c'est ainsi." conclut-il de façon bien trop polie qui tranchait avec son ton glacial disparu.

Cependant, il ne se voyait pas argumenter dans le mensonge plus longtemps, parce qu'il savait que si elle osait pousser le vice encore plus loin, il finirait par craquer.

" Vous aviez autre chose à me demander ?" lança t-il de cette voix monotone avant de retourner derrière son bureau, les mains croisées dans son dos si droit, l'esprit mis à mal par cette comédie qui le faisait passer pour un insensible au jugement facile.

Cette entrevue devait prendre fin. Et vite.

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❝“ D'homme et de volonté.”❞

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L'an 838, début avril — @FUJIHARA YUKITO

TW: violence, prostitution, traumatisme — outfit Tori

Lorsqu’il fut de nouveau dressé derrière son bureau, en une attitude autoritaire et droite, le regard éteint et hanté par des souvenirs qu’il ne semblait pas enclin à partager, l’illyrienne reprit place sur sa chaise, laissant le seigneur la surplomber par sa hauteur, la regarder de haut. Elle n’avait pas besoin d’être physiquement dominante quand elle savait que ses mots avaient un impact sur lui, le Fujihara cachait bien mal son jeu pour un homme de politique. Mais Tori ne parvenait tout de même pas à comprendre l’animosité qu’il ressentait envers Seichi. Certes, le fae avait fait bien des choses abjectes, mais, à sa connaissance, aucune de ses actions n’avaient eut le moindre impact sur le seigneur du quartier militaire. À moins qu’elle ne se trompe et que cela fasse partie des zones d’ombres de son passé. Tori était longuement restée enfermée dans son cocon de maltraitance, de danse et de sexe, n’ayant accès qu’aux informations que Seichi daignait lui donner. Autant dire qu’elles étaient bien maigres. Et c’est lorsqu’elle s’était retrouvée seule, à Elysium, à devoir se construire une vie en dehors de la cage qu’Awoshan avait battit pour elle, que l’Illyrienne s’était rendu compte d’à quel point il l’avait isolé.

Se reconstruire n’avait pas été simple. Il lui fallut apprendre les codes sociaux, les enjeux, apprendre à rencontrer des personnes sans aucune intermédiaire. Les leçons s’étaient faites rudes et brutales pour Tori qui peinait encore à convenir de son existence en tant que personne. Et même si ces déboires appartenaient au passé, même si aujourd’hui elle se sentait épanouie dans cette vie qu’elle s’était construite, dans cette vie qu’elle ne devait qu’à elle-même, à cette résilience et cette force qu’elle avait su faire rejaillir après des années de ténèbres, malgré tout cela, il lui était encore parfois difficile de comprendre le cœur et les pensées des autres. La réaction du seigneur la laissait d’autant plus perplexe qu’elle savait pertinemment qu’il lui mentait en prétendant n’avoir rien fait pour elle. La signature qu’il avait apposé au bas du testament de Seichi en était la preuve. Après des années de questionnements, elle en était arrivée à la conclusion que son protecteur n’aurait jamais agis ainsi. Comment Fuhijara avait-il réussit à lui faire pression ? Etait-il un maître chanteur dont elle n’avait pas connaissance ? Ou était-il simplement que le fae qui avait apposé sa signature sur un bout de papier, bien loin des histoires et intrigues des Awoshan. Un fae que l’encre avait mêlée à eux sans qu’il n’en connaisse la raison.

Cette option était plausible, pourtant, les réactions de Fujihara la perturbaient. Il semblait animé d’une telle rage envers Seichi qu’il était impossible qu’il ne connaisse pas la suite de l’histoire, cette partie que très peu connaissait, cette partie délétère dont Tori n’était sortie que très récemment. « Parlez-moi de vous, Seigneur Fujihara, entama-t-elle d’un ton qui ne souffrirait pas de refus. Vous semblez très informé sur moi, et moi, très peu sur vous. Que s’est-il passé après l’armée ? Qu’étiez-vous, à l’époque, un général ou simple soldat ? Je peine à me souvenir. Cette partie de mon passé est loin, je n’étais qu’une jeune enfant lorsque j’ai pris les armes. » Elle reprit quelques gorgées de son thé, ses pensées se perdant rapidement dans ses souvenirs de sang et de boue, le bruit des épées qui claquaient entre elle résonnait toujours dans ses tympans, ses mains démangeaient de saisir une arme, de se mesurer à quelqu’un, savoir à quel point elle était rouillée. Peut-être pourrait-elle s’entraîner, à l’occasion. Manier le poignard ou la dague, simplement pour sa propre sécurité, pour passer outre les souvenirs du passé et en créer de nouveau.

Le visage d’un bel illyrien aux yeux dorés lui revint, ce genre d’yeux qu’on ne croisait pas partout. Un teint mat, un regard rieur et joyeux, malgré les conditions, un sourire ravageur. Salmar. Originaire de la Cour de l’été, ses pouvoirs s’étaient révélés être de l’Aube dont sa mère était native. Ils devaient se marier, après la fin de leur service. Se rejoindre quelque part, fonder une famille, peut-être dans sa Cour d’origine, peut-être à Elysium. Ils n’avaient pas encore décidés de leur destination, l’avenir aurait dû leur laisser le temps de choisir. Mais Salmar était mort peu avant la fin du service, Tori n’avait jamais eut les détails de son décès. On lui avait rit au nez lorsqu’elle s’était pointée devant son général, libérée des armes mais décharnée et en quête d’un repère, d’un but. Il avait rit, ce fae, lorsqu’il lui avait annoncé que son aimé était mort. Il avait rit d’autant plus lorsqu’elle s’était effondré en larmes devant lui. Seichi était introuvable, Salmar était mort. C’est alors qu’elle fut ramassée par les laboratoires et torturée durant deux longues années.

Tori s’extirpa de sa torpeur en attrapant quelque peu brutalement sa tasse avant de reposer ses yeux sur le Seigneur. Qu’avait-elle d’autre à lui demander ? Tant de choses, mais qu’était-il enclin à lui offrir ? Très peu, à n’en point douter. « Vous souvenez-vous de Salmar ? Il a rejoint notre camp peut-être un à deux ans seulement après moi. Il devait avoir treize ou quatorze ans lorsque je l’ai rencontré. J’étais plus jeune que lui. A vrai dire, j’ai toujours été l’une des plus jeunes… Tori scruta le fae à la recherche d’une réaction, de quelque chose. S’il ne pouvait pas l’éclairer concernant Seichi, peut-être pourrait-il au moins lui permettre d’en savoir plus sur son amour perdu. Nous devions nous marier, qu’elle annonça, la voix vibrante d’une tristesse qui ne passait toujours pas, on m’a dit qu’il était mort. Mais je n’en sais pas plus. »

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Début Avril 838 - @Awoshan Tori

TW : Mort - maladie - meurtre

Les années passées au sein de la famille Fujihara avaient appris à Yukito à être sur ses gardes, un véritable équilibriste entre intransigeance et bienveillance, colère et apaisement, toujours dans l’observation et la démonstration. Aîné de la fratrie suite à la disparition de sa jumelle, il avait toujours fait face à ses cadets, ainsi qu’à leurs stratagèmes houleux pour tenter d’obtenir gain de cause ou de le manipuler gentiment.

Et en cet instant bien précis, le Seigneur avait comme l’impression d’être face à sa cadette, Himari, lorsque, cette dernière, tout autant bornée que lui, n’abandonnait jamais une question sans réponse. Une véritable plaie en temps normal, mais une qualité indéniable en réalité…

Une qualité qui allait parfaitement à Tori qui avait décidé de faire mine de botter en touche afin de revenir à l’attaque plus tard.

Ainsi, elle souhaitait que le Fujihara l’éclaire sur sa personne. Une demande qui ne trouverait aucune réponse positive de la part de celui qui s’était toujours gardé d’être plutôt silencieux sur sa vie, mais à laquelle il répondit seulement par un sourire des plus hypocrites. Même si elle l’avait reconnu, elle feignait sous doute l’amnésie… Savait-elle à quel point il la connaissait ? Avait-elle des doutes concernant une aide secrète durant ses années de service ?

Perdu. Le Seigneur l’était, et la mention d’une nouvelle personne vint le plonger au plein cœur d’un océan de perplexités.

« Je connais ce prénom… » pensa t-il à haute voix en perdant son regard dans le vide.

Estival aux dons de l’Aube qui avait rejoint l’armée… Ce fiancé mort peu avant la fin de son service… Un court instant, Yukito se replongea dans ses souvenirs… Il avait su pour cette histoire lors de son enquête récente sur Tori, mais il n’avait pas creusé plus loin. Était-ce donc pour cela que la demoiselle l’avait contacté ?

« J’étais Colonel à votre arrivée, Général d’armée à votre départ, j’ai effectivement eu son dossier entre les mains. » expliqua t-il les sourcils froncés, agacé par le fait de ne pas se souvenir en détails de ce trépas en plein service. « Si cela vous intéresse et si c’est pour cette raison que vous avez sollicité un entretien, je peux vous fournir le rapport qui le concerne. »

L’air était aussi sincère que compatissant, même s’il se cachait derrière habilement derrière une politesse des plus rigoureuses. Si elle s’était déplacée pour savoir ce qui était arrivé à son amant, alors elle allait sûrement repartir bien vite.

Seulement… Si.

« Est-ce pour cette raison que vous êtes là ? Ou alors souhaitez-vous autre chose en réalité ? » questionna t-il en se levant à nouveau pour se diriger naturellement vers une immense armoire aux caissons multiples. « Vous qui voulez en apprendre plus sur ma personne, sachez que j’ai des cadets, tout aussi intelligents et… fourbes que vous. » Le ton se voulait détaché, un tantinet lassé, pour celui qui s’était juré de se taire le concernant alors qu’il déchiffrait les gravures sur les façades des tiroirs. « Je sais pertinemment reconnaître lorsqu’on me balade, parfois je m’en amuse un peu, parce qu’il est toujours intéressant d’aider mon adversaire à parfaire ses techniques mais aussi de pouvoir discerner ses limites. » marquant une pause durant laquelle il ouvrit un des blocs pour y plonger ses doigts fin, il finit par reprendre, une fois le dossier trouvé en main. « Mais je ne suis pas d’humeur à m’amuser avec vous, Dame Tori. »

Harassé par cette joute interminable qui commençait à lui faire perdre patience, il s’avança vers l’Illyrienne pour aller se poser devant elle.

« Je suis navré d’apprendre seulement maintenant l’existence de ce lien qui vous unissait à cet homme. C’est pourquoi je vous dois ce rapport. » expliqua t-il avec franchise avant de lui tendre ce qu’il avait dans sa main. « Pour le reste, si reste il y a bien, je vous conseille une dernière fois d’aller droit au but. »

Mais qu’était-ce que… ce reste ? N'était-ce pas trop dangereux de vouloir affronter sa franchise en craignant de devoir faire des aveux aussi condamnables que cruels ?

Si. Cependant, il n’avait plus le choix.

Plus maintenant.

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❝“ D'homme et de volonté.”❞