[INTRIGUE] Les fils du destin

les fils du destin

FEVRIER 838

Des portes s'ouvrirent sur une grande pièce circulaire. Au centre de cette dernière, une imposante table ronde autour de laquelle on avait disposé seize fauteuils : huit pour les huit tours qui composaient les piliers de la foi, sept pour les sept temples des cours du continent. Le dernier était réservé à la Prêtresse Mère, laquelle venait de faire son entrée. Vêtue d'une robe dorée, cette dernière s'installa à la place qui lui était dévolue, son visage impassible ne regardant aucune des quinze Hautes Prêtresses présentes. Ce ne fut que lorsqu'elle fut assise que ses comparses s'autorisèrent à en faire de même, d'un seul mouvement comme muées par une seule pensée. Elle en fut satisfaite : malgré tout ce qui venait déranger son sommeil, savoir que ses quatorze représentantes continuaient de respecter un protocole vieux d'au moins une ère était plutôt encourageant.

« Mesdames, des temps exceptionnels exigent des rencontres exceptionnelles. Puisse, notre séance du jour, apporter paix et sérénité au sein de notre ciel. »

Guère sa meilleure ouverture, mais elles s'en satisferaient, songea-t-elle tandis qu'elle balayait finalement du regard la table et ses occupantes. Elles formaient un public disparates de couleurs et de fonctions. De la blanche Immaculée à l'éclatante Ecarlate, des robes obscures de la Nocturne aux fins tissus de l'Estivale. Elles étaient toutes là.

« Nous avons réunis ce conseil en faisant appel à vous, représentantes choisies parmi vos pairs, les premières d'entre toutes, et nous sommes prêtes à entendre vos doléances et vos avis. Puisse La Mère, dans sa grande bonté, vous offrir la force de défendre vos opinions dans ce concile unique. De vous dépend l'avenir, de vous dépend la continuité de notre existence en tant que Cour respectée et respectable. »

Alors, elle se cala dans son fauteuil, son oeillade les surplombant toutes de quelques centimètres. Elle savait que s'opposaient deux factions, deux manières de pensées. En d'autres temps, elle n'aurait sans doute pas prêté attention aux progressistes qui ramenaient constamment dans la discussion des désirs déjà maintes fois évoqués au cours des siècles. Cependant, aucune Prêtresse Mère n'avait vécu l'enchainement des évènements qu'on lui avait imposés depuis son investiture. Alors, elle s'était mise à douter. Si elle devait demeurer dans les histoires, elle refusait que cela soit comme la Prêtresse Mère qui n'avait pas su empêcher le Crépuscule de sombrer.

les fils du destin

Août 838

Rapidement, les conversations entre les Hautes Prêtresses deviennent houleuses. Les accusations et les reproches fusent dans les deux camps qui semblent s'être formés et sous les yeux ébahis de celles qui sont encore indécises quant à leurs propres positions. Devant la grogne généralisée et en l'absence de commentaires constructifs, la Prêtresse Mère prend la décision d'ajourner le Conclave de février 838, demandant à ses prêtresses de reprendre leurs esprits et de mesurer leurs mots.

Les mois qui s'ensuivirent ne furent sans doute pas dénués de complots pour faire pencher les faveurs des unes et des autres. Les résultats de ces discussions étaient déjà sans appel : le Crépuscule doit évoluer, connecter avec le peuple et avancer avec cette société qui ne cesse de bouger.

C'est à la fin du mois de juillet 838 que le nouveau Conclave prend place. Durant cette réunion, la Prêtresse Mère priorise les sujets qui touchent directement ses fidèles et les lignes se brouillent. Dès la prochaine lune, les adeptes du Crépuscule auront le droit de se marier avec qui ils le souhaitent à condition que le Crépuscule reste leur priorité. Ces couples pourront également avoir des enfants, mais devront promettre que l'aîné sera envoyé auprès de l'ajah noire afin de garantir que la grandeur de la Foi perdure. D'autres changements sont à prévoir au sein du Crépuscule, puisque les prêtresses des astres et des saisons intégreront le conseil de la Prêtresse Mère et assisteront aux réunions du Concordat nonobstant leur relation avec le Suprême qu'elles conseillent. Finalement, les hommes pourront aspirer à des positions haut placées lorsque l'opportunité se présentera...

C'est le début d'une nouvelle ère pour les fidèles de la Cour du Crépuscule, mais seule la Mère sait comment ces changements drastiques seront accueillis, tant par ses adeptes que par le peuple.