[EVENT] Les fils du destin

les fils du destin

évènement — février 838

Marjolaine laissa la parole, et ce fut Azalée qui décida de s’en saisir. À sa manière. L’Immaculée nota, avec déception, qu’elle ne marquait aucune forme de respect que cela soit pour ses consœurs ou même pour sa fonction dans son attitude. Elle imaginait mal la femme qui se tenait de l’autre côté de cette table comme la Prêtresse du Printemps et la sœur du Suprême Valois. Au-delà d’acter sa rébellion face au Crépuscule, elle semblait tout simplement incapable de discuter sans s’emporter. Ne préférant ne pas tendre l’oreille aux beuglements acides de la Valois au sujet de son frère, et d’ignorer également la défense de la Suprême Dugu, qui, à son avis, n’avait pas vocation à être débattu ici et maintenant… Marjolaine écouta néanmoins la remarque, sans être constructive, tout du moins apaisée, d’Azalée. Nos tours. Nos fonctions. Comprenait-elle seulement qu’elle aussi, elle faisait partie de cette instance, du culte ? Et que si le vent venait à tourner, il n’était pas certain du tout que la populace fasse la distinction entre les Tours et les Temples… Marjolaine porta finalement son regard vers la Prêtresse Mère. Ainsi, le Suprême avait fait une demande au Crépuscule. Marjolaine félicita, intérieurement, Azalée d’avoir osé aller titiller leur cheffe de file… Car si Azalée avait parlé, Marjolaine n’en pensait pas moins. Il était temps que la Prêtresse Mère décide de sa propre position quant aux propositions énoncées, et plus encore, qu’elle estime elle aussi une propre révision de sa posture face aux Suprêmes. Affirmer sa place, sa stature, sa légitimité. Marjolaine s’étonna qu’elle n’ait pas fait mention de cette missive plus tôt.

L'Écarlate prit la parole à son tour, jetant un peu plus d’huile sur le feu face à des Prêtresses des Temples en colère. Elle prit cependant le temps d’apporter une réponse à Marjolaine, réponse que l’Immaculée jugea fort succincte. « Pardonnez-moi à nouveau, Écarlate, et je parle sous la surveillance de Prêtresse Breena, mais le Mur que cela soit dans son entretien et sa protection échoit au Suprême Monteserre. Quant à craindre sur la potentialité d’une offensive humaine, il s’agirait de leur part d’une violation du Traité signé voilà neuf cents ans, et donc cela entraînerait sa révocation, et de fait, en représailles, l’attaque conjointe du territoire humain par les Faes. Je ne crois pas qu’ils aient quoi que ce soit à gagner dans une telle manœuvre. Néanmoins, si une quelconque information pouvant laisser supposer que la sécurité du Mur connaît un danger imminent, structurel ou bien militaire, il serait bon de la porter à la connaissance du concile. S'il n'en est rien, ne pouvons-nous pas imaginer des renforts ponctuels au Mur plutôt que des Protecteurs permanents majoritairement inactifs ? » Le regard de Marjolaine passa de l'Écarlate à l’Automne dans l’attente d’une réponse. « Prêtresse Azalée, je comprends vos inquiétudes. Je crois pouvoir parler pour l’assemblée en disant que nous sommes toutes inquiètes. » Débuta Marjolaine. « Je tiens simplement à rappeler que les Tours comme les Temples représentent le Crépuscule, et que, si crise il y a, l’ordre tout entier est responsable. Reporter la faute sur les Tours tiendrait à choisir une simplification infamante pour expliquer la chute des recrutements. » Marjolaine marqua un temps de pause. « Il est à questionner l’investissement et le soutien de tout à chacun à notre Culte, et notamment de ceux qui doivent le représenter et le faire vivre. Sommes-nous toutes encore convaincues de notre vocation à porter la voix de la Mère ? Ou occupons-nous nos fonctions faute de mieux ? Mon interrogation est ouverte et ne vise personne. Cependant, si les hautes instances du Crépuscule ne croient plus, comment prêcher la bonne parole et pérenniser notre ordre ? » Soudain, Marjolaine glissa son regard en bout de table. « Suprêmes, Hautes Prêtresses, vous aussi, Mère… Défendons-nous encore le Crépuscule, ou avons-nous abandonné ? » Marjolaine balaya l’assemblée du regard avant de reprendre sa place dans le silence.

les fils du destin

évènement — février 838

Hopassë écoutait avec déférence les propos des unes et des autres sans trouver de réelles solutions à ce qui était en train de se dérouler sous ses yeux… Elle qui était douée du don d’éloquence, elle voyait qu’aucune d’entre elles n’était capable de s’entendre puisqu’aucune ne partageait une once de sujets communs. Deux factions s’opposaient, c’était assez clair. Hopassë avait toujours eu cela à l’esprit. Elle était venue ici en sachant pertinemment que les conservatrices, dont elle faisait partie, allaient être malmenée par des réformistes qui ne voudraient pas entendre qu’on ne pouvait pas tout détruire pour tout rebâtir. Elles devaient toutes trouver un compris. Toutes refusaient pour l’heure. Le sujet, était-il seulement prompt à compromis ? Aurait-il fallu commencer par ce point ? Le silence de la Prêtresse Mère n’arrangeait rien. « C’est à votre tour, de vous oublier, Immaculée. » Répondit Hopassë. « Comme l’a si justement rappelé l’Implacable, toutes ici, avons choisi d'accepter notre mission. Une vie de renoncement contre l'élévation de nos existences. Aucune n’a été contrainte d'occuper la fonction qui est la sienne aujourd’hui. Et toutes, nous avons juré loyauté au Crépuscule. Parjurer ce serment, c’est aller au-devant de la destruction du Crépuscule, et de fait, de notre propre destruction. » Annonça Hopassë. Les choses étaient dites. Elles devraient faire toutes ensemble ou elles ne feraient pas. Agir ainsi, s’entre-déchirer, c’était se condamner elles-mêmes. « Toutefois, pour dissiper tout doute, nous ne pourrions exiger que chacune autour de cette table se soumette à l’orbe de vérité… Et une fois cela fait, sceller notre aspiration commune par un pacte qui rendrait inviolable notre loyauté. Nous lèverons ainsi les doutes que vous semblez évoquer, et pourrions exiger que les Suprêmes se plient au même rituel. Assurant, par le fait, que la Voix de la Mère ne soit jamais rendue muette par le fracas des Âges. » Elle marqua un long silence avant de reprendre d’une voix pleine de gravité. « J’ai entendu la parole de Prêtresse Valois, et j’entends également que les mesures que nous proposons peuvent ne pas aller suffisamment avant, qu'elle puissent paraître limiter à certaines. Ainsi. » Une nouvelle pause, solennelle. « Puisqu’aux dires de certains et aux suppositions d’autres, notre ordre semble anachronique et archaïque, et que nos missions paraissent, y compris au sein même de notre ordre, comme obsolètes. Fermons les Tours et les Temples pour un temps indéterminé. Portons le deuil de notre Sœur Verte disparue, et coupons Evanor de ses Reliques et de ses Arbres sacrés… Nous verrons ainsi qui, du Crépuscule ou de la Suprématie et des Peuples, plie le premier et quémande un retour. »