Children of the sky || Ilya Ozerov

Children of the sky

tw : angoisse/dépression/douleur
Novembre 837 - Velaris  || @Ilya Ozerov

Ses pieds nus martelaient le sol, la respiration courte, Hestia courrait de toutes ses forces. Elle trébucha, jura, ses genoux griffèrent le sol, elle saignait. Elle se releva, haleta, grogna, les poings serrés, elle poussa sur ses pieds meurtris, s’élança de nouveau. La lumière la rattrapait, la lumière se rapprochait. Elle sentait sa chaleur dans son dos, elle entendit les crépitements de sa peau avant d’en sentir la douleur. Puis celle-ci arriva. Hestia se cambra, elle rugit comme un animal blessé. Des larmes roulaient sur ses joues, sa vue était brouillée, une odeur fumée l’enveloppait. Son dos brûlait, la lumière le touchait. Il ne lui restait qu’un instant, elle ne devait pas céder, elle devait courir, s’éloigner. Mais la douleur fut telle qu’elle tomba de nouveau sans aucune force pour se relever. Elle pleurait, gémissait. Elle frappa le sol de ses poings fermés  « Aidez-moi… » personne ne répondit à son appel. Personne ne vint. Lorsque la lumière l’engloutit complètement, son cri déchira l’univers.

Hestia se redressa, haletante, le regard hagard, les yeux humides. Elle était dans sa chambre, dans son lit, ce n’était qu’un cauchemar. « Un cauchemar... » murmura-t-elle pour elle-même. Ce n’était pas qu’un cauchemar, non. C’était ce cauchemar. Le même qui la hantait depuis des années. Elle passa ses longues mains sur son visage, elle tentait de reprendre son souffle. Sa gorge était sèche, avait-elle réellement hurlé ? Hestia repoussa ses draps trempés de sueurs froides, ses pieds touchèrent le sol plus vite qu’elle ne s’y attendait. Ses genoux se dérobèrent sous son poids et voilà qu’elle se retrouvait face contre terre. « Merde. Putain.  » Elle grogna, se redressa.

Être tirée de son sommeil par ses propres cauchemars n’était pas nouveau, elle en avait toujours fait. Mais les plus récents devenaient particulièrement violents. Elle se sentait partir, à chaque fois. Et le réveil était toujours des plus désagréable, incapable de distinguer le songe de la réalité, elle restait déboussolée durant plusieurs minutes, même quelques heures. L’angoisse l’étreignait toujours. Elle ôta ses affaires imprégnées de sueurs et ouvrit grand sa fenêtre. Le froid lui fit du bien, l’air glacé qui frôlait sa peau nue lui permettait de reprendre pied dans la réalité.

Elle avait sûrement hurlé, à en croire la gêne qui irritait le fond de sa gorge, pour autant, personne n’était venu à sa porte. Son père sombrait toujours un peu plus, il ne distinguait plus vraiment ce qui était vrai de ce qui ne l’était pas, et Lazar n’était sûrement pas là. Quand bien même l’aurait-il été, il ne se serait jamais déplacé pour Hestia. Plus maintenant. Elle secoua la tête, sa tignasse collait à son cuir chevelu. Elle devait prendre l’air.

La jeune fae attrapa des chausses qui traînaient dans un coin de sa chambre, probablement pas les siennes, celles-ci étaient trop larges. Hestia s’arrêta un instant, incapable de se souvenir d’à qui appartenaient ces vêtements tant le brouillard dans sa tête était épais. Elle haussa les épaules, qu’importe, après tout. Enfilant une chemise, une capeline et des bottes, elle noua rapidement ses cheveux en un gros chignon au dessus de son crâne et sorti de la demeure familiale sans un bruit. Plus le temps passait, plus elle étouffait à l’intérieur. Mais Hestia ne pouvait laisser son père aux mains de Lazar. Elle n’avait plus aucune confiance en son aîné. Il semblait bien moins préoccupé par l’état de leur père que par celui de leurs finances.  Si la cadette quittait le foyer, il n’hésiterait pas une seconde à tout lui arracher.

Elle marcha sans but un bon moment, la tête levée vers le ciel étoilé. Ses vêtements ne la protégeaient pas assez contre le vent glacial qui balayait les rues de Velaris. Ces rues étaient étonnamment calmes, ou peut-être s’était-elle dirigée sans s’en rendre compte vers les coins plus tranquilles. Malgré le froid qui pénétrait ses vêtements, Hestia bouillonnait. À quelques pas, elle aperçu la Sidra, la rivière qui traversait la ville. Sa berge était assez basse à cet endroit, sans hésiter plus longuement, la jeune fae ôta ses bottes, remonta ses chausses et laissa ses pieds glisser dans l’eau glacée. Elle soupira d’aise, se laissant retomber sur les fesses, puis sur le dos, les yeux rivés sur les astres qui se reflétaient dans la rivière. Sous la brise fraîche de l’hiver, les pieds mordus par l’eau glacée, Hestia parvenait enfin à se détendre. Elle laissa son esprit vagabonder, sauter d’idée en idée et ne se rendit pas compte qu’elle n’était plus seule sur la rive.

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tw : angoisse/nostalgie
Hiver 838 - Velaris || @Hestia Kozlov

Une sorte de routine s'installait doucement dans la vie d'Ilya. Son retour à Menelmorn signait le retour à une vie "normale" tout du moins de celle à laquelle il aspirait depuis de nombreux mois désormais. Un retour dans son domaine, les murs et la ville qu'il connaissait depuis toujours. Mais avec des habitudes nouvelles. De nouveaux yeux à admirer, des rires et des pleurs jeunes qui percent l'air et une place encore compliquée à trouver dans la mécanique familiale. Comme un rouage encore non fini, l'ingénieur avait encore quelques difficultés à se sentir utile ou désiré dans l'espace vaste même si clos de sa demeure. Ses responsabilités de Seigneur le ramènent encore quelques fois sur Velaris pour terminer de faire la passation avec sa Suprême de sœur qui retrouve, elle-aussi, des chaussons qui ont changé de taille. Chose étrange que les habitudes des autres.

Pourtant, il fallait bien que la vie avance. Surtout qu'Ilya avait dû mettre en stand-by bon nombre d'événements et recherches personnels pour le bien de la Cour. Sa tentative d'assassinat encore non élucidée, ses doutes encore non confirmés vis-à-vis de son baron nommé, Merrill, et les bannerets qui se sont enfin calmé après son mariage avec son âme soeur. Une part de lui ne peut s'empêcher de faire certaines connexions hasardeuses, et même si ses nouvelles responsabilités de père le poussent à s'occuper d'autre chose, il sait qu'il devrait retourner rapidement à ses enquêtes et autres doutes. Pour son bien et celui de sa famille.

Un long soupir s'échappe de ses lèvres alors qu'il déambule dans les rues de Velaris, pour conclure sa visite à sa sœur. Il se prend quelques précieuses minutes de léthargie par la balade. Une déconnexion nécessaire qui remplit son besoin d'introspection. La buée qui s'échappe de ses lèvres est à l'image de cette journée : assez nébuleuse. Pourtant, le soleil était déjà descendu sous l’horizon, il y a un moment déjà, laissant la place au ciel étoilé si scintillant de sa cour. Avec l'hiver, les journées courtes donnent toutes leurs lettres de noblesse à leur atmosphère, même si le froid mordant les oblige à bien se couvrir. Ce n'est pas un souci pour le brun qui serre d'autant plus sa veste autour de lui. Les rues sont tranquilles et ses pas le mènent jusqu'aux rives de la Sidra. Le cours d'eau miroite des lumières douces de la ville et des étoiles, parfait miroir sinuant. Le bruit de sa canne claque dans le calme presque silencieux d'une ville qui ne tarderait pas à s'animer.

Quelques minutes s'écoulent alors qu'il se dit qu'il ne devrait plus tarder à se tamiser jusqu'à Menelmorn quand une silhouette attire son attention. A quelques pas de lui, une jeune fae, les pieds dans l'eau froide et les yeux rivés sur les étoiles. Il pourrait aisément passer outre, faire comme si de rien n'était si son visage ne lui était pas familier. Le même nez familial et le regard vif qui lui rappelle bien Lazar. Kozlov. Sa soeur, il ne fait aucun doute là-dessus. Que fait-elle à cette heure tardive en bord d'eau comme cela ? Probablement pas ses affaires, mais la curiosité du chercheur piquée au vif le pousse pourtant à lui adresser la parole : « Et bien, quelle étrange rencontre, Mademoiselle Kozlov. Vous allez bien ? ». Parfaitement sincère, son air se fait perplexe et préoccupé alors qu'il se penche au-dessus de la jeune femme pour vérifier que tout allait bien pour elle. « Vous avez besoin de quelque-chose ? »

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tw : angoisse/dépression
Novembre 837 - Velaris  || @Ilya Ozerov

Hestia n’entendait plus que le clapotis de la Sidra et les battements de son propre cœur. La brise fraîche semblait apporter une harmonie à cette douce mélodie qui se jouait en elle, à l’abri des regards. Si son corps était bien là, les yeux figés sur le ciel étoilé, les pieds mordus par la rivière glaciale, son esprit, lui, vagabondait. Elle sautait d’étoile en étoile, rêvant d’ailes illyriennes pour voler plus loin encore, elle sentait le vent soulever ses cheveux et sécher les larmes qui ruisselaient sur son visage, à moins que ce ne soit que la pluie.

Elle rêvait toute éveillée, hypnotisée par cette aria qui semblait l’appeler, l’inciter à la rejoindre. Mais où ? Il y avait-il en ce monde une place pour elle ? Un lieu, un foyer, chaud, réconfortant dans lequel elle puisse enfin vivre ? Les traits de Lazar furent formés par un brouillard imaginaire, elle y plongea la main pour le faire disparaître, mais le sourire condescendant de son frère flottait toujours. Elle grogna, s’agita afin de disperser la fumée, elle n’avait pas besoin de Lazar, elle ne voulait pas le voir !

Rien n’y faisait, Hestia avait beau se débattre dans la brise, il apparaissait toujours. Son cœur fit une embardée, elle se sentit de nouveau oppressée. Prenant appuie sur ses jambes fantomatiques, bien plus longues et musclées qu’en réalité, elle enjamba une étoile pour en rejoindre une autre. L’astre était froid, glacial, exactement à son image. Une étoile vide, incapable de produire la moindre chaleur, capable seulement de mordre la première main tendue et de repousser les visiteurs. Elle frissonna violemment.

Un bruit régulier vint troubler la mélodie, un clac – clac – clac auquel elle refusa de prêter attention. Elle se sentait bien pour une fois, perdue dans ses pensées chaotiques qui s'entrechoquaient les unes aux autres. Une voix s’éleva, mais elle semblait lointaine, peut-être était-elle également en train de l’imaginer. Puis un visage se dessina devant ses yeux, un homme, penché au dessus d’elle, dont l’expression ne dégageait rien de plus que la perplexité. Elle cru y lire les traits de Lazar, un grondement monta en elle. « Vous avez besoin de quelque-chose ? »  

Hestia cligna des yeux, un fois, deux fois, une fois de trop. Son corps était gelé, elle ne sentait plus ses pieds, ses membres étaient couverts de frissons alors qu’une légère agitation les faisaient trembler. Ce n’est pas Lazar. Elle se redressa en sursaut, manquant de cogner sa tête contre celle de l’importun. « Vous... » Debout sur ses deux jambes, celles-ci flanchèrent. «  Ilya Ozerov. » Son séant atterri sans cérémonie dans la Sidra, elle se trouvait face à Ilya Ozerov. En pleine nuit. En chemise. Avec des chausses trop grandes et le cul dans la flotte. Le ridicule de la situation la frappa d’un coup, ses paroles également.  «  Par la Mère, Seigneur Ozerov ! »

Hestia sentait le rouge lui monter aux joues tant elle était gênée. Elle se redressa, non confiante quant aux capacités de ses jambes et s’extirpa de la Sidra. Elle était trempée jusqu’au nombril. «  Toutes mes excuses, je... » la jeune fea chercha quelque chose à dire. Un mensonge, une raison pour expliquer cette situation, mais rien ne vint. Elle osait à peine regarder Ilya qui la dévisageait toujours avec cet air perplexe. Elle se maudissait. Elle avait des projets concernant cet homme, mais ceux-là étaient de plus en plus compromis, surtout s’il la prenait pour une cinglée. Parce qu’elle en avait sans doute l’air, avec ses cheveux ébouriffés et terreux – quelle idée de s’allonger à même le sol !-, ses chausses trop grandes ET trempées, sa chemise froissée et sa cape dont seules les épaules étaient sèches. Hestia soupira, trop d’émotions la traversaient.  «  Veuillez m’excuser, répéta-t-elle doucement,  j’espère que je ne vous ai pas… arrosé ? »

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tw : angoisse/nostalgie
Hiver 838 - Velaris || @Hestia Kozlov

Parfois la Mère a un étrange sens de l'humour : le surprise vous atteint toujours d'une quelconque façon. Une soirée qui se serait voulue comme une autre recèle toujours une part d'inattendue. Rencontrer l'une des plus connues des vendeuses d'art de la Cour, en chemise, perdue dans ses pensées, et les pieds dans la Sida glacée en fait bien partie. La curiosité piquée au vif, il ne peut s'empêcher de s'arrêter pour comprendre cet étrange mystère. Il se penche alors, ne se doutant pas que sa simple question la sortirait avec force de sa méditation. Sa réaction est tout aussi inattendue que le reste : ses yeux s'écarquillent et sa gestuelle pressée manque de la faire le percuter. Il se redressement vivement mais tend une main pas assez rapide pour la rattraper alors qu'elle bascule sous sa précipitation. La demoiselle se retrouve rapidement de nouveau à terre, les fesses dans l'eau fraîche. L'eau ne semble pas la déranger vu qu'elle ne se relève pas immédiatement. Les sourcils d'Ilya s'arquent alors qu'elle réalise qui il est vraiment. Sa bouche s'arque légèrement en un sourire en coin quand il lui répond avec une pointe d'humour : « Oui ... Moi ... Je pense être légèrement identifiable à certains attributs. » en levant sa canne dans un geste évident. Le titre sort assez vite et le sourire se déforme en grimace désapprobatrice : « Monsieur Ozerov pourra suffire pour ce soir, les titres ronflants hors des salons et vernissages ne sont clairement pas nécessaires. ». Clairement, il ne les a jamais vraiment aimés. Comme un manteau un peu trop grand pour ses fines épaules.

Alors qu'il allait tendre sa main en s'appuyant sur sa canne pour l'aider à se relever quand elle le fit rapidement et promptement. La gêne transpire par tous les pores de la jeune fae ce qui semble somme toute normal. Elle se confond en excuses ce qui semble toucher la corde sensible d'Ilya : « Il n'y a aucun problème, j'ai à peine senti les quelques gouttelettes bien froides de notre chère Sidra. ». Il la dévisagea de haut en bas en fronçant légèrement les sourcils : « Vous, par contre, êtes bien trempée, et cela est totalement de ma faute, je vous ai visiblement surprise. ». Une part de culpabilité s'empare de lui, même s'il se demande bien le comment du pourquoi d'une tenue aussi légère dans cette nuit bien sombre de l'hiver. « J'en suis bien désolé, même si ma curiosité me pousse à me demander ce que vous pouvez bien faire en bord de Sidra à cette heure-ci. ». Il se rend rapidement compte de sa grande franchise et il agite la main avant de reprendre : « Même si cela ne me regarde pas vraiment, il est vrai. ». Son frère même sait-il qu'elle se trouve pas ici ? Cela fait quelque-temps que le Seigneur n'a pas eu l'occasion de discuter avec l'aîné des Kozlov, même s'il doute que les choses se soient apaisées dans la fratrie, vu ce que pouvait exprimer Lazar quant à la grande ambition de sa soeur. Cette rencontre est-elle préméditée ?

Même si la méfiance est de mise, la politesse et sa culpabilité pousse même Ilya à lui tendre le bras : « Ne restez pas dans cet état dans la nuit, les températures vont encore baisser. Laissez-vous vous amener dans un lieu chaud au moins le temps de faire sécher vos affaires ou de vous trouver des vêtements secs. ». Son ton ne laisse pas beaucoup de place à la discussion et l'invitation pour tamiser explicite. Une part de lui se demande même s'il ne fait pas une erreur ou si cela n'est-il pas prévu ? Il aurait bien l'occasion de faire la lumière sur cela ...

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tw : angoisse/dépression
Novembre 837 - Velaris  || @Ilya Ozerov

Il lui tendait la main. Hestia resta un moment interdite devant ce geste, le regard plongé dans celui d’Ilya. Les rouages de son cerveau ankylosé s’étaient rapidement remit en marche, la grimace qu’il avait laissé apparaître lorsqu’elle l’avait appelé Seigneur Ozerov ne lui avait pas échappé : il n’aimait pas les titres. Cet homme dont l’influence à la Cour de la Nuit n’était plus à démontrer voulait visiblement rester humble, Hestia ne savait pas vraiment quoi en penser. Un mot en la faveur de la Kozlov de sa part pouvait retourner n’importe quelles situations. Il était un atout qu’elle devait absolument se mettre en poche avant que Lazar ne lui mette le grappin dessus. Chose qu’il avait commencé à faire, à en croire la dernière rencontre entre les deux faes. Certes, Ilya ne s’était pas montré médisant ou méchant, mais elle avait bien compris qu’il ne lui portait pas le moindre intérêt, pas la moindre sympathie ou empathie. Son aîné n’y était certainement pas pour rien. Elle se demandait bien quel tableau avait dressé Lazar à son propos, l’avait-il fait passer pour la raison de tous ses maux ? Quels maux ? Lazar avait une vie idéale, il était entouré, tout lui réussissait, il n’avait jamais eut à batailler pour quoi que ce soit, contrairement à elle.

La jeune femme s’était rapidement composé un visage doux et fragile, perdu. Elle était parfaitement lucide à présent, mais préférait laisser le Seigneur croire le contraire. Aucune once d’amusement n’émanait de lui : il l’avait prise en pitié, pour une raison qui lui échappait complètement. Cette rencontre, aussi surprenante, gênante et inattendue soit-elle pouvait au moins servir à rectifier quelques traits grossiers du portrait que l’aîné des Kozlov avait fait de la cadette. Elle avait de grandes ambitions pour Ilya et même si le moment était particulièrement mal choisi, complètement hors de son contrôle, Hestia comptait bien en tirer profit. «  Vous n’y êtes pour rien, avait-elle assuré lorsqu’il s’était excusé de l’avoir surprise, le visage penché vers le bas, les mains serrées l’une contre l’autre devant son ventre, elle ajoutait : je me suis laissée distraire, vous n’y êtes absolument pour rien. »

Il aurait eut mille raisons de la laisser là, les pieds dans la Sidra, trempée et seule dans la nuit. Mais il ne le fit pas. La bienveillance de cet homme était une qualité autant qu’un défaut pour un politicien, ne s’en était-il jamais rendu compte ?  « J'en suis bien désolé, même si ma curiosité me pousse à me demander ce que vous pouvez bien faire en bord de Sidra à cette heure-ci. » La Kozlov retint un sourire devant la curiosité du seigneur. Elle n’eut pas une once de culpabilité à l’idée d’utiliser ce qu’elle considérait comme une faiblesse à son avantage. Il se reprit rapidement, présentant à demi-mot des excuses pour son intérêt. «  Il n’y a pas de mal Monsieur Ozerov, lance-t-elle d’une voix douce, je... » Un peu de vérité dans un mensonge était la meilleure solution. «  Je fais des cauchemars et parfois, je crois, je me… déplace. » Hestia désigna d’un geste las ses vêtements mouillés et sa figure. Elle ne fit pas de commentaire supplémentaire, laissant à Ilya le choix de s’enquérir d’autres réponses, si l’envie lui prenait. Et elle ne doutait pas un instant qu’il le ferait.

Puis il lui avait tendu la main, l’invitant à le suivre dans un endroit chaud et sec, plutôt que de rester plantée là. Autant, les tremblements de son corps vis à vis de la morsure n’étaient pas feint, mais l’expression qu’elle se composa, perplexe, inquiète, fragile, devant cette main tendue,  n’étaient que pure comédie. Elle resta immobile un bon moment, son regard croisant celui du seigneur. Elle n’y lisait aucune malveillance, peut-être un peu de réserve quant au geste qu’il venait lui-même de faire, de la curiosité vis à vis de la jeune Kozlov, de l’empathie, mais rien d’hostile. C’était un homme profondément bon. « Je ne voudrais pas m’imposer...  lâche-t-elle dans un murmure peu assuré, mais je dois bien admettre qu’il fait particulièrement froid ce soir. »

Hestia le sonda encore un instant, se peignant un masque inquiet : certes, il était connu et respecté, mais pouvait-elle le suivre en pleine nuit ? Après tout, elle ne le connaissait pas du tout, ils n’avaient échangés que quelques mots ici et là. Elle ne savait rien de lui, rien qui ne soit pas de notoriété publique. A contrario, il ne savait rien d’elle non plus. Enfin, seulement les âneries que Lazar avait dû déblatérer à son propos, mais Lazar ne la connaissait pas plus. Très peu de personnes pouvaient se vanter de connaître Hestia : réellement la connaître. Dana était l’une d’elle. Cataleya également, dans un aspect plus intime. La fae n’était pas particulièrement bavarde, et s’épandre en informations sur elle-même  n’était pas dans ses habitudes, à l’inverse de son frère.

Après avoir feint une bataille interne durant encore quelques secondes, elle rompit la distance qui séparaient les deux fae et vint placer sa main dans cette du seigneur Ozerov. «  Je vous suis. »

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tw : angoisse/nostalgie
Hiver 838 - Velaris || @Hestia Kozlov

Le regard que la jeune fae lui lance est équivoque. La méfiance règne dans ses pupilles suspicieuses alors qu'il lui tend la même. En même temps, ils ne se connaissent pas, cela va s'en dire. Ilya ne sait de la Kozlov que ce que son frère a bien pu lui dire, même s'il sait qu'elle entretient aussi une bonne relation avec Dana Volyn. Le Seigneur n'a pas forcément une bonne impression de base, mais sa curiosité le pousse à se faire aussi un avis par lui-même. Alors, peut-être que sa proposition est sincère, de lui proposer un endroit chaud et de quoi se changer, mais il sait aussi voir une opportunité quand celle-ci se présente à lui.

Néanmoins, la voyant le sonder ou hésiter, il se demande encore s'il a pris la bonne décision. Dans sa tête, il semble se mélanger plusieurs arguments, une hésitation offerte par la jeune fae. Elle pourrait tout à fait refuser, faire ressortir une once de fierté ou d'arrogance pour l'envoyer paître. Dans ce cas, il n'aurait plus beaucoup de questions à se poser. Pourtant, sa main vide se retrouve à saisir la sienne pour l'aider à se relever quand elle finit par prendre la décision qui pique encore plus sa curiosité. Ses doigts sont frais et encore humides de sa péripétie. Pourtant, il la tire de la force qu'il lui reste en se maintenant bien sur sa canne. « Très bien. » lui sourit-il humblement.

Maintenant, il fallait assumer sa décision et savoir vers où la mener. La décision la plus sage s'imposa à lui. Alors que ses doigts maintiennent leur prise, les ombres les entourent alors qu'il les tamise tous les deux dans un endroit nettement plus chaud et accueillant : le grand hall de la Maison du Vent. L'endroit est tel qu'il l'a laissé quelques heures plus tôt, réglant les derniers détails de la reprise du pouvoir par sa sœur, enfin rentrée d'Elysium. Le chambellan, étonné de le revoir l'alpague et il lui répond, cette fois-ci avec un sourire plus chaleureux : « Re-bonsoir Gregory, je suis désolé du dérangement, mais je vais finalement passer un peu plus de temps sur Velaris. Pas besoin de prévenir Assya, je suis sûre qu'elle doit être bien occupée ce soir. Néanmoins, mon invitée, ici présente, aurait besoin de vêtements sec et chauds, un petit tour dans la Sidra en cette saison est, certe, une idée bien originale. », son sourire s'étire en coin alors qu'il se tourne vers Hestia, une lueur d'amusement dans les prunelles. « Nous serons dans le petit salon en attendant. Merci beaucoup à vous. ». Le serviteur lui répond à l'affirmative en lui indiquant que du thé leur sera bientôt servi.

Appuyé, sur sa canne, il tend le bras pour inviter la fae à le suivre jusqu'à un salon confortable, richement orné, mais au feu de cheminée crépitant et particulièrement accueillant. Ilya se dirige vers un fauteuil capitonné de cuir et confortable qu'il affectionne particulièrement tout en reprenant sans plus de cérémonie : « Des cauchemars, nous en faisons tous, je crois bien. Encore plus dans cette période d'incertitudes que nous traversons ... ». Peut-être se fait-il trop franc et lui offre-t-il trop d'informations, mais il sait qu'en laissant quelques bribes, peut-être pourrait-il obtenir plus à son tour. « Néanmoins, je serais curieux de savoir quels genre de songes mènent jusqu'à faire trempette dans une des eaux les plus froides en cette saison. ». Audacieux, pour sûr qu'il l'est. Mais l'inventeur passe rarement par quatre chemins pour avoir les informations qu'il convoite et il sait qu'il risque nettement moins que face à une bande de vieux barons réticents à sa politique.

A moins qu'il ne se trompe lourdement ...

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tw : angoisse/dépression
Novembre 837 - Velaris  || @Ilya Ozerov

Les ombres les entourent alors qu’ils s’éclipsent de la rive, la demeure dans laquelle ils se manifestent de nouveau paraît luxueuse, sans être tapageuse pour autant. La Kozlov retint difficilement un soupir de soulagement lorsque la chaleur de l’intérieur vint la parcourir. Les membres frigorifiés, elle entoure ses bras autour de son torse, tant pour se réchauffer que pour cacher la nausée qui vient la secouer. Se tamiser était d’une simplicité élémentaire pour tout un chacun, sauf elle. Les essais avaient été nombreux et toujours infructueux, se transformant parfois en échec aussi douloureux pour que corps que pour l’égo. Elle cachait précieusement cette information, complètement dépourvue de maîtrise de ses pouvoirs, c’est à peine si elle savait mouvoir les ombres d’une pièce. La puissance et prestance du seigneur Ozerov n’était pas une surprise, mais elle se composa tout de même un visage impressionné.

Le chambellan de la demeure se rua presque sur eux, couvrant d’un regard curieux Hestia pour échanger un sourire avec Ilya. La pique que celui-ci lança lui fit monter le rouge aux joues. Elle s’était très certainement ridiculisée, mais il s’était laissé appâter par la curiosité. «  Merci. » murmura-t-elle timidement à l’adresse du dénommé Grégory. Une tasse semblait être une bonne idée ainsi que les vêtements secs qu’il comptait lui ramener. Où se trouvait-elle exactement ? La Kozlov observait les lieux en silence, suivant Ilya lorsque celui-ci l’y invita.

La pièce était chaleureuse, et tout de suite, les yeux de la Kozlov se tournèrent vers l’âtre brûlant dans lequel s’échauffaient des bûches. Elle attendit qu’il prenne place sur un fauteuil pour s’avancer à son tour, feignant la timidité, la crainte. Elle se jouait de lui, ne s’en rendait-il pas compte ? La cheminée attirait indéniablement son regard, elle avança doucement, se rendant alors compte de ses pieds nus. Ses bottes étaient restées le long de la rive. Ses pieds laissaient des traces de boues et d’herbe derrière chacun de ses pas. Elle grimaça devant ce constat, et, penaude, avança sur la pointe des pieds jusqu’à la cheminée.

Pour être direct, il n’y avait pas à dire, il l’était. Ozerov ne cherchait plus vraiment à la mettre à l’aise, il cherchait à satisfaire sa curiosité ce qui fit doucement sourire Hestia. Elle avait donc vraiment réussi à piquer son intérêt.  La question était maintenant de savoir comment soutirer à son tour des informations. Mais pour l’heure, l’appel de la chaleur était trop fort, son corps était secoué de frisson, elle vint s’accroupir devant l’âtre, les fesses reposant sur les talons, tournant à moitié le dos à son hôte. «  Ça fait du bien » souffla-t-elle sans retenir un soupir de contentement, les mains tendues vers les braises.

Hestia laissa encore quelques instants passer avant de répondre, laissant la curiosité cueillir un peu plus le Seigneur. «  Vous cauchemardez aussi ? » demanda-t-elle avec une surprise qui n’était pas vraiment feinte. Bien sûr qu’il cauchemardait, comme tout le monde. Mais Hestia se pensait particulièrement affligée par ce mal, bien plus que la plupart des autres habitants d’Evanor. Ou peut-être se trompait-elle. Ses idées n’étaient plus très clairs depuis quelques temps, le manque de sommeil la rendait irritable, négligente. Dans son état normal, jamais elle n’aurait laissé une telle situation se produire, jamais elle ne se serait retrouvée devant le Seigneur Ozerov en chemise, en plein hiver. Mais les courtes nuits comblées de songes cauchemardesques lui faisait perdre pied. Il était un pion important dans le grand jeu qu’elle comptait mettre en place. Elle savait qu’Ilya était un éminent personnage de la politique au sein de Velaris, elle savait aussi que son influence pouvait être bénéfique ou néfaste. Elle devait tourner ce pion en sa faveur, ne pas le laisser prendre le parti de Lazar. Oui, battre son frère à son propre jeu était l’une des raisons pour lesquelles Hestia avait tenté d’approcher Ozerov, mais elle avait également d’autres desseins, plus nobles, plus grands.

La cadette des Kozlov ne pouvait être considérée comme friande de politique, elle tentait doucement de s’y intéresser, en tout cas, bien plus que son aîné. Mais que pouvait avoir Ilya à apporter à des marchands d’art ? Hestia se demandait bien ce que Lazar pouvait lui trouver, et inversement. Ce qu’elle voyait, elle, c’était la sympathie d’Ilya pour les hybrides. Il en avait tout de même épouser une !  Et cette sympathie était importante dans le combat qu’elle comptait mener, à son échelle, pour faciliter la vie de sa meilleure amie, sa sœur, Dana. Alors elle devait mettre de côté son égo, peut-être s’ouvrir un peu à cet homme qu’elle ne connaissait pas et qui, jusqu’à lors, ne la portait clairement pas dans son cœur.

Elle esquissa un sourire triste, se tournant un peu plus, toujours proche du feu, plus ou moins par terre, elle n’osait pas s’installer sur les fauteuils, de peur de les salir avec ses vêtements mouillés et boueux. Elle faisait à présent face à Ilya qui la couvrait toujours d’un regard curieux. «  L’incertitude nous ronge tous. A différents niveau, elle leva les yeux pour désigner la pièce, chaleureuse et luxueuse qui les entourait, je ne doute pas de l’importance des vôtres, mais vous êtes certain, je pense, d’avoir un toit sur la tête durant de longues décennies. » Elle soupira profondément, passant sa main dans ses cheveux pour les libérer du chignon. Elle laissa ses boucles brunes cascader sur ses épaules, réchauffant son dos au passage. «  Je ne veux pas paraître ingrate, reprit-elle d’une voix hésitante-   ce que j’essaye de dire, c’est que votre statut vous assure beaucoup de choses. Nous, les Kozlov, lorsque notre commerce cessera de fonctionner : nous n’aurons plus rien. » Elle s’agita nerveusement, se balançant d’un pied à l’autre. «  Vous connaissez mon frère. Vous devez être au courant des difficultés que nous rencontrons depuis le Fléau. Notre père se laisse mourir, nous avons dû prendre en charge le commerce sauf que… sauf que je crois que Lazar ne se rend pas compte de la gravité de notre situation. Il s’acharne à perpétuer une guerre puérile entre nous alors qu’on devrait se serrer les coudes. »

Hestia se redressa finalement en soupirant et prit place sur un fauteuil en face de son interlocuteur. Elle évitait de croiser son regard, les yeux vers le sol, elle frottait ses mains l’une contre l’autre pour les réchauffer. Elle lui avait fourni une demie vérité, Lazar lui rendait bien la vie difficile et Hestia le lui rendait. La guerre avait été déclarée des années plus tôt, mais pour une raison bien plus personnelle qu’une simple histoire de commerce. La Fae aurait vendu tout ce qu’elle possédait, abandonné sa place au sein de la guilde, famille et ami, si cela pouvait suffire à lui ramener son frère aîné. Le chagrin lui serra un instant le cœur, mais elle l’ignora. «  Les cauchemars provoquent des angoisses, reprit-elle à voix basse,   les angoisses provoquent des actes irrationnels. C’est comme cela qu’on termine dans la Sidra en plein mois de novembre. »

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tw : angoisse/nostalgie
Hiver 838 - Velaris || @Hestia Kozlov

Revenir à la Maison du Vent se trouvait être une bonne idée finalement. Encore quelques heures posées à Velaris, surtout en compagnie d'une personne qu'il connaissait peu. Chaque mystère recèle une part d'intérêt pour l'ingénieur qui se sent toujours obligé de les résoudre, comme une poussée que le fait avancer. Ce soir-là, ce mystère se trouve prostré face à la cheminée alors qu'il essaye de retrouver un peu de chaleur. Parfois, la Mère, ou le destin, semble lui mettre certaines choses devant lui sans qu'il ne parvienne à comprendre pourquoi. En tout cas, pas rapidement.

Il se lance alors, met presque les pieds dans le plan avec l'idée de la faire réagir ou sortir quelques informations qui pourraient l'aider à analyser la situation. Cela ne se fait pas attendre quand elle lui retourne la question avec un visage qui transpire la sincère curiosité. Ah, une information intéressante, elle semble visiblement intéressée par la réponse. Une part de lui hésite : doit-il en donner un peu plus pour voir la suite ? Après, il n'est pas clairement pas obligé de dévoiler toutes ses noires pensées ou peurs, alors il tente : « Bien sûr. A partir du moment où l'on a près de soit des choses qui nous sont chères, la peur la plus primaire et viscérale serait de les perdre. ». Une évidence déjà vécue par tous, il le sait. Ce qu'il construit tout les jours pourrait être sa perte autant qu'elle lui apporte. Une évidence. Encore plus depuis sa tentative d'assassinat avortée, laissant au passage sa main gauche et une partie de sa mobilité. « C'est aussi quand on nous arrache quelque-chose que l'on peut estimer à quel point on y tenait. » dit-il d'un air songeur en inspectant sa main mécanique de céramique. Une oeuvre de sa création qu'il peaufine avec le temps qui passe.

Reportant son attention sur elle, Hestia se relève pour lui faire face et il l'écoute avec attention. Elle se dévoile un peu et une part de ses peurs arrivent à la surface. Son sourcil s'arque alors qu'il continue son écoute. Évidemment que la subsistance prend une place considérable dans la vie de tous et surtout d'une famille. Doucement, les pièces du puzzle prennent place. Il est étonné, le Seigneur, de la voir parler de la situation des Kozlov avec autant de facilité de déjà mettre son frère dans une position peu reluisante : « Je suis au courant, oui. ». Obligation de son statut, de la place de Suprême par intérim qu'il a occupé pendant une année et de ses conversations qu'il eut avec l'ainé Kozlov : « Peut-être prêtez-vous des intentions à votre frère qui ne se rapproche pas de la réalité. ». Il fronce les sourcils et continue : « Mais cela est intéressant d'avoir tous les points de vue dans un conflit. Et celui avec votre frère est évident pour beaucoup et, d'après vous, serait donc à l'origine de vos difficultés ? ». Il la titille, c'est certain, la provocation fait toujours réagir les gens, encore plus quand un propos est exagéré : il sait que cela n'est pas nécessairement l'origine même des soucis des Kozlov, mais il veut savoir ce qu'elle en pense.

Enfin, elle s'installe en face de lui, sur un pied d'égalité, même si elle ne le regarde plus, comme retranchée dans ses souvenirs et ses émotions. Ilya prend appuie sur la tête de corbeau qui lui fait office de haut de canne. « Je vois tout à fait ce que vous voulez dire. Mais parfois, des actes inconsidérés peuvent aussi mener à des dénouements ... Inattendus. ».

Tout sauf l'inertie.

« Autant tout tenter, forcer sa chance, quitte à être face à un inconvenu. Mais, votre sollicitude envers votre commerce vous honore et visiblement, vous semblez penser que je pourrais avoir une influence sur cela. ». Là encore, il fonce dans le tas pour faire sortir ce qui pourrait être caché dans l'ombre. Autant donner un bon gros coup de pied dans la fourmilière. Cela pourrait être intéressant.

Children of the sky

tw : angoisse/dépression
Novembre 837 - Velaris  || @Ilya Ozerov

«  Vous avez l’air d’avoir un avis assez tranché sur la question, Seigneur Ozerov. » Il avait piqué exactement là où cela faisait mal, et avait très bien joué son coup. Hestia mit l’accent sur le titre du fae en face d’elle, sachant à présent qu’il n’appréciait pas cela. Mais elle n’appréciait pas non plus se sentir accusée de mensonge. Elle savait que Lazar avait dû dépeindre un portrait peu flatteur de sa personne, et elle se doutait également que jouer à l’inverse de son frère aurait son petit effet. Lazar, lui, brossait toujours tout le monde dans le sens du poil, il ne faisait pas de vague, il brillait, souriait, il irradiait les autres de sa présence charmante. C’était ainsi qu’il parvenait à se faire des contacts, ainsi qu’il se sortait toujours des situations compliquées, délicates, parce que jamais, oh grand jamais, il ne se mouillait, jamais il ne prenait de risque. Hestia, elle, adaptait son attitude à la personne en face d’elle. Cet homme ne lui faisait pas peur, peut-être aurait-elle dû réfléchir à deux fois avant de lui lancer une demie accusation dans la figure. Mais s’il cherchait à la titiller, il y parviendrait assez vite.

Déjà, elle avait dû se retenir de lever les yeux au ciel en entendant la réplique toute faite qu’il lui avait donné, concernant ses cauchemars. La nocturne pensait que la discussion serait donnant-donnant, que si elle se dévoilait, il en ferait autant. Elle s’était trompée. Peut-être n’était-elle finalement pas celle qui menait la danse à présent. Hestia n’en était plus si sûre. Lorsqu’elle vint s’asseoir en face d’Ozerov, elle prit le temps de le détailler, notamment cette main mécanique qu’il avait lui-même observé un instant. Si ses souvenirs étaient bons, cette main lui avait été arrachée lors d’un attentat contre sa personne, une ou deux années auparavant. «  Je n’ose pas imaginer ce qu’il vous a raconté sur moi, entama-t-elle d’une voix plus posée, le sujet me rend irritable. Veuillez m’excuser. » Elle baissa solennellement la tête en guise de marque de respect, pour ponctuer ses excuses de s’être un instant emportée.

Bon, elle n’avait pas non plus balancé l’un des beaux objets de la pièce sur la tête de ce pauvre Ozerov, mais perdre son sang-froid à cet instant était proscrit. D’autant plus qu’elle se devait te tenir cette attitude fragile et timide, sinon le masque se fissurerait et elle aurait définitivement perdu la partie qu’était cette joute verbale.  «  Non, bien sûr que non, Lazar n’est pas à l’origine de toutes nos difficultés, reprit-elle en jouant nerveusement avec ses mains, mais nous n’avons pas toujours vécu dans cette… rivalité. Disons qu’avant – elle hésita un instant - certains événements, nous étions beaucoup plus proches. D’abord le Fléau, puis la démence grandissante de notre père, lorsque nous avons dû reprendre la main sur le commerce, il aurait été plus intelligent de laisser de côté nos querelles. » Elle soupira. «  Le tort est partagé, mais lorsque j’ai tenté de mettre fin à cette guerre puérile, il n’a fait que la relancer de plus belle. Au détriment de ce pour quoi nous avons travaillé d’arrache-pied. »

Elle observa le seigneur d’un regard, curieuse d’y voir une réaction. Elle en avait un peu dévoilé, jouerait-il correctement son tour, cette fois ? Hestia avait préféré passer sous silence l’événement qui avait mit à mal l’équilibre de la famille Kozlov : le départ de leur mère. Ne sachant si Lazar avait été suffisamment intime avec le fae pour lui en avoir touché deux mots. Elle le savait peu bavard sur ce sujet, si Ilya était au courant de quelque chose, alors cela révélerait à Hestia leur degré de proximité. Et à quel point il serait ou non difficile de faire changer l’avis du seigneur sur sa personne. «  C’est bien vrai, preuve en est. » comment-a-t-elle les montrant, elle et lui, d’un geste de la main, lorsqu’il aborda le sujet des dénouements inattendus.

Puis il se révéla et Hestia ne réussit pas à retenir le sourire amusé qui s’était dessiné sur ses lèvres. «  Ah… » Soupira-t-elle, croisant ses jambes sous elle-même, les pieds sur le fauteuil. C'est qu’après tout, il l’avait plutôt bien cernée. Il avait su lire l’intérêt qu’elle lui portait, même si, visiblement, il ne comprenait pas bien pourquoi. Ou peut-être que Lazar l’avait prévenu qu’elle risquait de l’approcher pour ses propres desseins ? On fit alors irruption dans la pièce pour apporter le thé tant attendu. Elle soupira d’aise alors que l’odeur d’herbe fleuris venait envahir l’espace. Désinvolte mais néanmoins polie, la Kozlov attendit que son hôte l’invite à se servir avant de se ruer sur la boisson chaude. Même si elle en rêvait. «  Je ne suis pas très informée sur la politique, admit-elle finalement se tassant sur elle-même, jouant de nouveau la carte de la fragilité, et j’imagine que depuis que votre sœur a reprit le rôle de Suprême, votre influence a due diminuer. Mais j’imagine que c’est un soulagement pour vous… elle glissa un regard appuyé sur la main mécanique du seigneur. Certains préfèrent l’ombre plutôt que la lumière. Je laisse volontiers mon frère briller auprès de la belle société, j’agis mieux sans être le centre de l’attention. » La guilde en était un bon exemple, si Lazar y était un jour admit, il risquait de fanfaronner auprès de tous d’avoir une place au sein d’une association aussi prestigieuse et mystique que l’Ars Longa. «  Mais vous vous trompez sur l'intérêt que je vous porte, Monsieur Ozerov. » Elle la laissant son regard glisser sur la pièce. Le thé avait été servi, mais les vêtements chauds et secs n’étaient pas au rendez-vous. «  J'avoue simplement ne pas comprendre votre revirement de... d'attitude. Nos premiers échanges m'avaient pourtant laissés à penser que vous ne m'appréciez pas particulièrement. Et je sais que mon frère y est pour quelque chose, elle poussa un long soupir, son regard fixant ses mains nerveuses avec lesquelles elle jouait, je vous remercie sincèrement pour votre aide, ce soir, reprit-elle doucement, un sourire timide sur ses lèvres, mais ayant connaissance de l'affection que Lazar vous porte et réciproquement, je ne comprends pas vraiment pourquoi je suis là.  » Le masque fragile était de nouveau en place, ses yeux esquivaient le regard perçant d'Ilya. Hestia se tassait sur elle-même, les pieds planqués sous elle, tant pour les réchauffer que pour accentuer cette posture prostrée qu'elle adoptait. Peut-être qu'à force de titiller la corde de la pitié, Ilya finirait par s'ouvrir, lui apporterait une opportunité de le toucher, de parler des choses importantes. Mais il était encore trop tôt pour cela. Bien trop tôt. Patience Hestia.  

Children of the sky

tw : angoisse/nostalgie
Hiver 838 - Velaris || @Hestia Kozlov

Touché.

Le titre sonne comme une pique qui, même si elle n'est point agréable, semble logique pour le Seigneur qui continue d'étudier la personne étrangère en face de lui. Au moins se défend-t-elle avec aplomb et subtilité ce qui aurait tendance à plaire à Ilya, mais il lui en faut plus pour totalement le dérider et faire baisser sa garde. Le brun se contentera alors d'arquer un sourcil sans y répondre plus, restant assez vague sur ses intentions.

Néanmoins, elle rétropédale en partie et se dévoile un peu ce qui accentue sa curiosité. Allons bon, elle présente des excuses ? « Si le sujet ne vous rendait pas irritable, vous ne seriez pas ou plus en conflit avec votre frère. ». Ou du moins, il n'entretiendrait au pire qu'une relation impersonnelle et distance, ce qui ne semble absolument pas le cas vu les réactions de cette jeune fae. Encore moins quand elle en révèle davantage que le Seigneur écoute avec attention et dans un silence respectueux des confidences qu'elle semble vouloir lui offrir. Se rendant compte alors de la dureté ou de la familiarité de sa dernière remarque, il reprit : « Mais ... Pour être honnête, je peux comprendre que certaines rivalités peuvent mal tourner. Malheureusement, je ne suis pas sûre que révéler les discussions que j'ai pu entretenir avec votre frère vous aide beaucoup, ni ne soit réellement très intéressantes. ». Et celà, il en est convaincu. Finalement, la rivalité Kozlov peut se révéler divertissante, elle semble tout de même relever d'une certaine noirceur que l'Ozerov n'a finalement pas vraiment envie de voir de plus prêt.

Une forme de frayeur mêlée à la fascination.

Mais il donne quand même un peu de grain à moudre, cédant finalement : « Je n'en sais pas plus sur les événements qui ont pu conduire à votre situation. Si cela relève de la rivalité bon enfant entretenu par des parents peu soucieux ou bien d'événements plus tragiques. Mais une chose est sûre, cela semble tout de même bien ancré en vous. ». Le vouvoiement englobe la fratrie, mais il préfère ne pas le préciser, cherchant à voir comment interprèterait-elle cette tirade. La conversation continue alors qu'ils sont interrompus par des serviteurs qui viennent apporter tout ce que le Seigneur leur avait demandé : du thé bien chaud. Son autre demande est visiblement encore en préparation, alors il en profite pour faire lui-même le service en remerciant chaleureusement les employés qui repartent.

La suite n'est pas moins croustillante quand son invitée tente des suppositions qui le font légèrement tiquer : « Ce n'est clairement pas l'influence que je recherche, mais j'ai effectivement pu goûter au fardeau qu'elle endure de par la décision de notre père. ». Et finalement, cela est-il pour le mieux ? Il ne sait pas encore tout à fait répondre à cette question. L'expérience l'a lessivé, coupé d'une partie de sa nouvelle famille qu'il n'a pas eu le temps d'explorer et de pleinement profiter et en même temps ... Il lui avait semblé profiter de quelque-chose à laquelle il avait été formé toute sa vie. Son dilemme doit probablement se voir à ses sourcils froncés et le suspens qu'il lança dans sa dernière tirade. Qu'importe.

Mais la conversation semble prendre une tournure inattendue alors qu'il boit avec précaution le précieux breuvage chaud. Hestia Kozlov semble jouer carte sur table en posant la question que n'importe qui se serait posée. Pourquoi est-elle ici à discuter de tout cela avec lui ? La question se veut sincère et l'attitude pleine de déférence ne colle pas nécessairement au portrait que put lui dépeindre son frère. Ilya laisse échapper un long soupire alors qu'il estime que la meilleure réponse reste la sincérité : « En bon scientifique que je suis, je ne crois que ce que je vois. J'aime me faire un avis par moi-même et la situation semblait se présenter d'elle-même, alors autant en profiter. ». Son regard se reporte sur les flammes de l'âtre alors qu'il se détend quelque-peu après sa réponse sincère. Les serviteurs entre à nouveau pour déposer les vêtements secs pour leur invitée, qu'ils laissent sur une commode à part, à côté d'un paravent aux motifs de constellations, bien à l'abri. Ilya se permet un commentaire en les indiquant : « N'hésitez pas à en profiter. ».

Mais il attend soigneusement le départ de ces oreilles potentiellement indiscrète pour reprendre : « Et nous n'avons pas encore eu l'occasion de discuter seuls à seuls jusqu'ici. C'est l'occasion idéale d'éprouver des théories par l'expérimentation. ».

Une chose qu'il adore par dessus tout.