Rubis, améthyste et saphir.

Janvier 838 - @Neréis Taellim & @Nathaniel Zaher

La nocturne déprimait, assise sur l’une des plages d’Adriata. Le pays, magnifique de la Capitale de la Cour de l’Été, ne suffisait pas à apaiser son cœur des derniers événements. La détresse de Merrill, son cri, revenait en boucle dans sa tête. Elle voyait, malgré la solidité de sa stature et l’assurance de ses regards, que son frère souffrait énormément. Un soupir s’échappa de ses lèvres alors qu’elle s’allongeait dans le sable, les yeux fixés sur les nuages se mouvant dans le ciel bleu clair de la Cour de l’Été. Les reflets chatoyants de cette couleur, visible partout à Adriata, lui rappelaient les yeux d’Aslan. Elle se demandait souvent ce qu’il faisait, à Elysium. Le soleil s’était levé il y avait à peine quelques heures et s’il n’était pas de repos, il devait être en train de servir quelques clients matinaux. Un sourire s’étira sur ses lèvres ; penser au fae l’aidait à se sentir mieux, un sentiment de sérénité remplaçait celui de la tristesse. Les dissonances entre les Cours et les actes de rebellions semblaient loin lorsqu’elle était avec Aslan. Seul comptait ce lien, ces sentiments qu’elle ressentait et par-delà, cette sorte d’attirance comme s’ils étaient deux aimants. Dana secoua la tête. Elle ne voulait pas mettre de mots sur ce lien, elle ne voulait ni y réfléchir ni y faire face.

D’un geste souple, la nocturne se leva et épousseta ses cheveux et sa robe. Triturant sa bague en saphir à l’index de sa main droite, Dana observa encore quelques secondes l’océan avant de se mettre en marche. La nocturne rendait visite à l’une de ses meilleures amies, Neréis. Les deux faes étaient devenues très proches avec les années et elles étaient toutes deux membres de la Guilde. Il n’était pas courant dans l’histoire de l’organisation que des membres connaissent l’identité d’autres, mais dernièrement, cette tendance s’inversait. Hestia avait fait entrer Dana ; Dana et Neréis s’étaient reconnues ; Neréis connaissait à présent l’identité d’Hestia. Peut-être que la guilde changeait aussi, comme Evanor, un renouveau se préparait et la Volyn le redoutait, ne sachant pas si c’était de bon augure. Depuis plusieurs mois déjà, elle se demandait si la guilde ne devrait pas aborder le sujet en réunion mensuelle, modifier certaines règles, ou s’impliquer autour de certaines causes, apporter une aide à d’autres organisations. Ils étaient puissants, ils en avaient les moyens. Parfois, Dana se demandait qui étaient ces autres membres, qui était le diamant qui provenait de la noblesse et avait accès aux plus hautes sphères. Il était étrange d’être proche d’une personne sans connaître son identité ; parce qu’ils étaient tous proches, partageant ce lien commun depuis très longtemps.

L’hybride prend la direction du port d’Adriata, perdue dans ses pensées. Elle se dirige vers le bateau familial de la maison Taellim ; elle voulait faire la surprise de sa visite à l’estivale. Alors, d’un bas guilleret, chassant ses préoccupations, elle passe l’immense balustrade. Ce bateau est gigantesque, magnifique et Dana se dit, que ce doit être agréable d’avoir grandi avec l’odeur de l’océan si près. La nocturne salue quelques domestiques dont elle se souvient des visages, ce n’est pas la première fois qu’elle vient. L’un d’eux, lui indique avec politesse où se trouve son amie. Sans réfléchir, ne pensant pas qu’elle pourrait déranger, Dana ouvre la porte à la volée. « Surprise ! Aujourd’hui on… Oh ! » Qu’elle s’arrête soudainement. Neréis n’est pas seule. Elle est avec un jeune homme, en pleine conversation. « Excusez-moi, je ne voulais pas déranger. Je reviens plus tard peut-être ? » Demande-t-elle, gênée.  

Rubis, améthyste et saphir.

Janvier 838 - @Neréis Taellim & @Dana Volyn

Au début, l'idée d'un mariage avait été phénoménale, totalement bourrés, les deux amis s'étaient congratulés de cette idée grandiose qui sauverait leur vie à tous les deux. Ils étaient fiers de leur connerie. Après l'été, quand était venu le moment d'annoncer la nouvelle au reste de la famille Taellim, Nathaniel avait commencé à regretter, parce que cela annonçait de grands changements et obligations. Bien sûr, il pouvait continuer à vivre sa vie, pour l'instant, mais tous les membres de la famille Taellim s'attendaient à voir Nathaniel abandonner sa vie dans la cour du Jour pour suivre sa futur femme et il avait du mal à les en dissuader. Et même si ce mariage fantasque ne verrait jamais le jour, il devait donner au change et se lancer dans de grands préparatifs pour cette journée dont aucune date n'avait été annoncée. Neréis était particulièrement douée pour réussir à les mener en bateau, mais Nathaniel devait tout de même passer beaucoup de temps dans la Cour de l'Été.

Ce jour-là, une grande feuille placée sur la table, ils faisaient semblant de noter des idées pour organiser un mariage grandiose, plus c'était compliqué et cher, plus les frères Taellim traineraient des pieds et c'était bien l'idée. Nathaniel avait réclamé, en honneur à sa cour d'Origine, des tas de fleurs verdoyantes qui ne pourraient jamais tenir dans la cour de l'Été ni celle du Jour, obligeant à refaire les calculs et autre conneries. En réalité, ils s'amusaient bien tous les deux. Neréis n'était jamais en reste quand aux idées loufoques.

Pourtant, il devait lui dire la vérité aussi. « Merci encore pour cette soirée avec Eugénie, je sais que t'étais pas trop motivée pour lui briser le coeur comme je l'ai fait, mais merci d'avoir joué le jeu même si... » il soupire, ne finissant pas sa phrase.

Lui-même regrette ce qu'il a dit et fait cette soirée-là, mais il ne pouvait pas abandonner son frère, même au prix de son âme-soeur. Les mots et les regards d'Eugénie hantent encore le diurne.

Alors qu'il s'apprête à parler une nouvelle fois, la porte s'ouvre brutalement. Il jette un coup d'oeil à Neréis ne sachant pas trop quoi faire, il ne reconnait pas la fae qui vient d'entrer, même si elle a l'air d'une nocturne avec ses vêtements, mais il ne sait pas quel est le niveau d'amitié et de confidence entre elles. Doit-il se présenter comme ami ou futur fiancé ?

Ne voulant pas paraître impoli, il se lève et tend la main vers la demoiselle.

« Non non restez, nous étions en train de ... » il fait de grands gestes avec ses mains, expliquant tout et rien à la fois, enfin surtout rien. « Enchanté, je suis Nathaniel Zaher et vous êtes ? » demande-t-il avec un sourire chaleureux, un de ceux qui lui manque le plus à la cour du Jour puisque tout le monde y est si sérieux.

Spoiler:

Rubis, améthyste et saphir.

Janvier 838 - @Neréis Taellim & @Nathaniel Zaher

L’inconnu s’empressa de retenir Dana dans son départ. Silencieuse, elle l’observe faire de grands gestes de la main pour l’inciter à les rejoindre. Dana était plus bavarde habituellement, mais le mélange de son humeur morose à cause des événements survenus à la fin d’année et de la surprise de ne pas trouver Nereis seule, lui avait fait perdre momentanément sa voix. Elle observait le fae avec curiosité, son regard s’arrêta sur une boucle d’oreille ornée d’une pierre d’améthyste, qui semblait étrangement familière. Le fae était grand, brun avec des cheveux mi-long qui s’arrêtait à l’orée de son cou. Ses vêtements semblaient signifier qu’il appartenait à la Cour du Jour ce qui provoqua un léger sourire sur les lèvres de Dana. Décidemment, depuis qu’elle avait rencontré Aslan, elle voyait des faes du Jour partout, même s’il appartenait plus à la Cour de la Nuit qu’ailleurs. « Enchantée, je suis Dana Volyn. » Répondit-elle avec un sourire sincère, qui s’était étiré lorsqu’elle avait vu Nereis, toujours aussi pleine de vie, bondir en avant pour l’empêcher de s’en aller. Sa voix perturba la nocturne encore plus, elle connaissait cette voix, elle était certaine de l’avoir déjà entendue.

Ravalant ses doutes et ses questionnements, Dana posa son regard sur l’estivale, l’une de ses meilleures amies, pour écouter ce qu’elle lui disait. Oh ! Sa bouche s’arrondit sous la surprise. C’était donc le faux fiancé. Un rictus passa sur les lippes de l’hybride qui ne put s’empêcher un commentaire. « Eh bien, dans ce cas, j’ai longuement entendu parler de vous Nathaniel. » Son ton s’était détendu, elle rigolait presque la nocturne. « Justement, en parlant d’arrêter toute cette histoire… » Commença-t-elle en faisant écho aux paroles de son amie. « J’avais prévenu Nereis que si vous commenciez à la faire chanter d’une quelconque manière je viendrais me salir les mains moi-même ! J’imagine qu’elle n’a pas fait passer le message… » Qu’elle ajoute en lançant un regard amusé à l’estivale. « Vous m’avez l’air tout à fait charmant. Je pense, finalement, que nous pourrions être de bons amis. » Termine l’hybride, un sourire doux sur les lèvres. Les amis de Nereis étaient ses amis, c’était certains.

D’un pas assuré, elle rejoint les deux faes près de l’endroit où ils discutaient auparavant. Son regard glisse sur le rubis et elle comprend qu’en lui demandant comment elle se sent, Nereis ne sous-entend pas uniquement aujourd’hui mais plutôt, ces dernières semaines. Dana ne se sent pas assez à l’aise pour en discuter, encore moins en présence d’un fae qu’elle vient de rencontrer, aussi, elle se râcle légèrement la gorge. « Je vais bien, ne t’inquiète pas. » Dit-elle pour rassurer Nereis, en même temps qu’elle triture sa bague en saphir. Elle voudrait lui demander comme elle, elle se sent, surtout avec toutes ces histoires concernant Lazar mais elle n’ose pas, ne sachant pas si Nathaniel est au courant pour son âme-sœur. D’autant plus qu’aborder le sujet Kozlov reviendrait également à aborder le sujet de la guilde. Dana observe les deux faes en sa présence, elle se sent encore perturbée par l’impression de déjà-vu qu’elle a face à Nathaniel. « Excusez-moi Nathaniel… C’est étrange mais j’ai l’impression qu’on s’est déjà croisés. » Son regard se porte aussi vers Nereis, dans un questionnement silencieux. Elle lui aurait dit si elle connaissait son meilleur ami. Elles en avaient discuté avant la pluie d’étoiles lors d’une visite de l’estivale à Velaris et il avait semblait que Dana ne le connaissait pas. « Je suis négociante en art. Peut-être travaillez-vous dans le milieu ? Peut-être que c’était seulement pour une exposition. Quel est votre métier ? » Ajoute-t-elle en haussant les épaules, ce n’était pas si grave si le lieu de leur première rencontre ne leur revenait pas en mémoire.

Rubis, améthyste et saphir.

Janvier 838 - @Neréis Taellim & @Dana Volyn

Le sourire de la nouvelle venue ne suffit pas à éloigner la tension qui s'est installée dans la pièce depuis que Nath y est rentré. Il doit des excuses à Neréis et à Eugénie, mais il n'en offrira qu'à sa meilleure amie, alors il essaie de le dire à demi-mot mais ça ne suffit clairement pas.

Neréis se lève d'un bond, souriant pour accueillir son ami et Nath voit bien que l'amitié est sincère, que Neréis est réellement heureuse, il sourit à son tour, mais son visage se fige aux mots de sa meilleure amie. Elle veut tout arrêter, maintenant ? Ses yeux papillonnent un instant, puis il fronce les sourcils. Il ne peut pas tout arrêter maintenant. Il a tout foiré avec Eugénie, il a encore besoin d'un peu de réconfort et... non, il est égoïste. Ce n'était pas pour lui qu'ils avaient choisi cette option, c'était pour facilité la vie de Neréis, si elle dit que ça suffit.

« Genre des conneries » il rit, mais ça n'atteint pas ses yeux, il n'a pas assez de bonne humeur en lui pour jouer son rôle jusqu'au bout. « Mais je suis à tes ordres, ma tendre ex-future-épouse. » Cette fois-ci, le ricanement est sincère, ce jeu l'amusera toujours. Cette période sera peut être teinté de la douceur du souvenir, plus tard.

Il n'en sait rien. Et il est assez curieux de cette Dana. Elle semble au courant et assez proche de Neréis, et le jeune homme est légèrement jaloux. Il n'a personne dans sa vie comme elle. Neréis est bruyante, exubérante, joyeuse et attractive. Tout le monde traîne autour d'elle parce qu'elle est cet aimant que vous attire. On cherche sa compagnie parce qu'on se sent bien autour d'elle. Lui n'a pas ça. Et il doit partager Neréis avec le monde entier. Pourtant, il ne dit rien, ce serait très malvenu de sa part de l'avouer à voix haute.

Dana le menace - en souriant - et il pose une main sur son coeur. « Moi ? Faire du mal à cette créature sans défense ? » Il se met à rire franchement. « Vous la connaissez et je comprends que vous puissiez douter de moi, mais très franchement, elle a bien plus de pouvoir, de force, d'énergie, d'argent que moi. Elle m'écraserait sans le moindre problème, pas besoin de la défendre, elle me castrerait elle-même si j'osais la mettre dans la merde. » Après tout, Neréis est de la haute société, contrairement à lui et elle est loin d'être sans défense. « Prenez pitié de moi plutôt. » Même si, vu ce qu'il a fait à Eugenie le mois dernier, il ne mérite pas d'être cajolé. « Être ami avec vous, me plait bien plus. » confirme-t-il avec un léger hochement de tête, comme s'il acceptait un contrat.

La rapide discussion qu'elles ont toutes les deux fait comprendre à Neréis qu'elles partagent des secrets, elles se comprennent d'un hochement de tête ou d'un mot à demi prononcé. C'est assez fascinant de voir Neréis à l'aise avec tant de monde, elle sait ce qu'il faut dire et quand et comment. Il l'admire une fois de plus. Pourtant, c'est la nocturne qui le surprend et il laisse échapper un éclat de rire. « Et bien moi, je n'ai pas du tout cette impression et pourtant je travaille en compagnie de public, ce qui me fait croire que j'ai une bonne mémoire des noms, des visages et des voix. » Il a l'impression en tout cas de toujours reconnaître ses clients, même s'ils ne sont venus qu'une fois il y a six mois. « Je suis libraire à Eliorh et à part pour voir Neréis, je ne me déplace pas vraiment de ma cour. » Ce qui est vrai d'une certaine façon, car lorsqu'il se rend aux réunions de la guilde, il vient voir Neréis. Et il omet volontairement de parler du printemps, son passé n'a pas à s'immiscer dans cette conversation. « Mais nous sommes fiancés depuis quelques mois maintenant et vu que la saison sociale approche, elle me fait visiter des nobles familles, nous nous sommes peut être croisés. » Il s'imagine pourtant que la demoiselle les aurait présenté.

Sincèrement, il n'a aucune idée de ce qui pourrait les lier.

Rubis, améthyste et saphir.

Janvier 838 - @Neréis Taellim & @Nathaniel Zaher

Une lueur amusée scintille dans les pupilles de Dana. Elle aime ce Nathaniel. Il est différent de Neréis, plus calme, plus posé. Deux caractères opposés qui paraissent se compléter parfaite. La nocturne comprend vite la raison pour laquelle Neréis le considère comme son meilleur ami. Un sourire s’étire sur ses lèvres lorsqu’elle le voit porter une main à son cœur pour répondre à ses fausses menaces. L’estivale n’était effectivement pas sans défense et elle était heureuse d’entendre Nathaniel le reconnaître. Un rire s’échappa de ses lippes alors qu’il lui demandait d’avoir pitié puis, lorsqu’il enchaina sur une possible amitié. Dana acquiesça tout sourire, en s’avançant au plus près des deux faes. C’était étrange cette sensation de déjà vue, qui apparemment n’allait que dans un sens ; ce n’était pas son visage mais plutôt des intonations dans sa voix, une certaine allure. De toute évidence, il n’avait pas pu se croiser. Dana n’était pas allée à Eliorh depuis longtemps et sa prochaine visite n’était prévue qu’au mois de mars, où elle se chargerait du transport d’un tableau pour la guilde. Cependant, elle se garda bien de révéler cette transaction, moins de personnes savaient qu’elle s’y rendait, mieux c’était. La nocturne avait toujours la possibilité de dissimuler ses venues sous sa couverture de négociante en art mais il suffisait qu’une personne s’intéresse d’un peu trop près à la marchandise et ce serait problématique. Encore faudrait-il que ce soit un fae qui s’y connaisse en art ou qui ait vu la reproduction chez le propriétaire, à part s’il s’agissait d’un tableau volé par les Marchands de Sable, auquel cas il n’y avait pas forcément eu de reproduction. Ce dernier cas était toujours le plus délicat à vendre, il fallait une clientèle toute particulière et il fallait également, créer de feux papiers et Dana devait faire en sorte que le transport soit traçable sans réellement l’être pour que le client ne se retrouve pas en mauvaise posture. La réaction en chaîne était donc peu probable mais le risque était bien réel. Aussi, la Volyn garda le silence.

« Peut-être aurais-je l’occasion de me rendre à votre librairie un jour ? » Le ton était sincère, Dana adorait lire. Les gens qu’ils se soient croisés étaient minces. Elle l’observa quelques instants avant d’abandonner et de rire à sa dernière phrase. « Oh, c’est peu probable. Ma famille est très aisée mais les Volyn n’ont plus de titre de noblesse depuis deux générations. De vieilles histoires dont tous ceux qui pourraient attester des événements tels qu’ils se sont produits sont maintenant décédés. » Et Dana n’en avait connu aucun, à part son grand-père mais elle ne s’étendit pas sur le sujet. « Cela aurait pu, cependant ! C’est lors d’une Saison Sociale que j’ai rencontré Neréis, il y a plusieurs dizaines d’années maintenant. » Ajoute Dana, un grand sourire aux lèvres en faisant un clin d’œil à son amie.  

Celle-ci commence à s’agiter. Dana l’observe avec étonnement lorsqu’elle se sert un verre pour le boire cul sec. La Volyn plisse les yeux, le comporte de l’estivale est louche. Elle regarde Nathaniel, cherchant un signe qu’il lui aurait adressé une parole sans qu’elle ne s’en rende compte mais non, ils discutaient tous deux pendant que Neréis s’était discrète. Puis elle s’était agitée. La bouche de Dana s’ouvrit puis se referma face aux dires de l’estivale. Ils se connaissaient ? Mais d’où ? Elle ne comprenait rien au charabia de l’estivale. Souvent ? Ils se voyaient souvent dans un lieu sombre, avec des tenues peu conventionnelles ? Dana ne put s’empêcher un rire lorsqu’elle regarde le verre que Neréis leur a servi à chacun.

« Je ne comprends rien Neréis… » Dit-elle en riant. Puis celle-ci continue, imaginant une scène… Peu importe. Une scène que Dana ne cherche surtout pas à imaginer dans sa tête tant qu’elle manque de s’étouffer en avalant de travers sa gorgée d’alcool. La Volyn se met à tousser pendant que Neréis s’affale sur un fauteuil en les suppliant de l’aider ou de deviner. Dans sa toux, Dana regarde son verre et sa bague en saphir qui scintille à son index. Des tenues peu conventionnelles ! Non, c’est impossible. Sa tête se tourne soudainement vers Nathaniel. La Volyn est perspicace, c’est pour cette raison qu’elle fait un très bon saphir. S’occuper des transactions et de la protection des œuvres, signifie être très minutieux, ne laisser aucun détail au hasard, aucune trace et si besoin, la perspicacité et la rapidité d’esprit sont indispensables pour se sortir d’une situation délicate. Elle se râcle la gorge. « Tu… » Nouveau raclement de gorge. C’était dangereux. Dana ne pouvait pas simplement prendre le risque de les griller. « Peut-être au marché plus tôt dans la semaine ? J’y ai vu de magnifiques perles ! Cependant, je dois dire, ma pierre précieuse préférée restera toujours le saphir. Je sais que Neréis adore le rubis ! Avez-vous une préférence Nathaniel ? Le jade ? L’onyx peut-être ? » Dana pinça les lèvres en plissa les yeux vers Neréis.

Rubis, améthyste et saphir.

Janvier 838 - @Neréis Taellim & @Dana Volyn

Neréis panique et ça fait tellement longtemps que Nathaniel n'a pas vu ça qu'il en reste bouche bée, incapable de comprendre réellement ce qu'il se passe. Il laisse les mots de son amie de côté pour se concentrer sur son visage à elle. Elle est toute rouge et parle vite, comme si elle voulait se débarrasser de quelque chose, quand elle tousse, il se rue sur elle pour lui tapoter le dos et l'aider à se tenir droite. Neréis c'est plus qu'une amie, c'est la meilleure qu'on puisse avoir, celle qui l'aide à rester droit et à avancer dans ce fichu monde qui tourne de plus en plus vite.

Quand il est certain que Neréis est juste gênée et que sa vie n'est pas en jeu il tente d'assimiler les paroles. D'abord il pense au bordel quelle est en train de suggérer, ou plutôt, qu'elle essaie de ne pas nommer. Nath a envie de rire, ils se connaissent trop pour savoir l'un comme l'autre qu'en effet ce n'était pas ce qu'elle sous-entendait et Dana n'a pas l'air... bon il ne faut jamais jugé, surtout que Neréis s'est reprise, parce qu'elle a bien l'air d'en savoir tellement sur eux que si elle doit préciser...

Il n'a pas le temps de finir sa pensée que Dana ouvre les lèvres pour parler, son esprit est allé à toute vitesse, bien plus rapidement que celui de Nath. Il n'en est toujours qu'à la deuxième partie de la phrase, sûrement parce qu'il refuse d'envisager la première. Nath est récent dans la guilde, ça ne fait que deux ans qu'il y a été greffé, poussé par feu son grand-père qui lui a légué sa place avant de mourir, le jetant dans le bain. Alors Nath essaie d'y penser le moins souvent possible, de ne répondre qu'à un ordre direct et de ne pas réfléchir. Car il sait combien il risque gros s'il se fait attraper et il a trop peur d'être trop lâche pour les sauver. Nathaniel n'est pas un grand combattant, il n'est pas un fier soldat. Il a l'air fort, il a l'air de savoir ce qu'il fait, mais tout ça n'est qu'une façade, au fond de lui, il est toujours ce gamin perdu qui attend le retour de son frère. Un retour qui n'aura certainement jamais lieu.

Alors les mots de Dana le prenne au dépourvu parce qu'il n'avait pas voulu y penser ou y croire. Sauf que ceux ci rajoutés aux énigmes de Neréis... ça faisait sens. Terriblement sens. Et Neréis était le Rubis, Nathaniel le savait depuis des années. Alors il se passe une main dans les cheveux et, inconsciemment, il touche sa boucle d'oreille, de l'Amethyste. Il la porte toujours, même si ses cheveux longs la cachent des yeux indiscrets. Pourtant il voit le regard de Dana se poser sur son oreille. Il voit les rouages dans son esprit se mettre en marche. Elle sait, elle comprend.

Alors, maintenant, c'est à Nathaniel de mettre tous les mots ensemble et d'assimiler ce qu'on vient de lui apprendre. La pierre précieuse de Dana est le saphir. Dana est négociante en art à Velaris. Le saphir est le gardien des oeuvres d'art. Dana est le Saphir. Il s'étrangle. Il se tourne vers Neréis.

« Depuis quand tu le sais ? On n'est pas censé en parler ! Il, je, faudrait. »

Il était fier d'avoir reconnu Neréis à leur première réunion clandestine et là, on vient de lui annoncer que ça fait deux ans qu'il parle avec quelqu'un qu'il n'a même pas reconnue ? Sa respiration s'emballe et il ferme les yeux.

« C'est assez sécurisé ici ? » chuchote-t-il pris de panique.

La méfiance prend directement le dessus, chaque fois qu'ils ont parlé de la guilde ensemble, c'était dans le local de la mère de Neréis, à terre, loin des oreilles indiscrètes des frères Taellim qui ne manquent jamais de prêter attention aux ragots et qui sont particulièrement friand des visites de Nathaniel.

« Oh bordel, » soupire-t-il en se rasseyant sur l'un des canapés de la pièce. Malgré lui, il sourit « finalement j'aurai préféré l'autre explication, celle d'un club libertin de nuit. » Et il se passe une main sur le visage pour éviter de rire et de voir les regards noirs que sa meilleure amie lui lance.

Rubis, améthyste et saphir.

Janvier 838 - @Nathaniel Zaher & @Dana Volyn

Pourquoi avoir tout déballé ? Après tant d’années de secrets, je viens tout simplement de briser une règle, ou plus, remontant à la création même de la Guilde. Je m’en veux. J’ai envie de faire marche arrière, jusqu’au moment où Dana finit par comprendre, et se lance, avec des mots bien plus réfléchis que les miens pour parler à Nath.

Oh j’ai envie de me lever pour l’embrasser afin de la remercier ! Mais je me retiens, incapable de parler face à ce moment crucial.

Alors, mes yeux se posent sur mon meilleur ami, des yeux globuleux à l’image d’un personnage issu d’un roman de mon enfance, à savoir, un chat mousquetaire qui porte des bottines. Je veux qu’il comprenne, je tente même de lui parler par télépathie pour l’aider dans sa compréhension.

** S’te plait… Nathou… **

Et pour comprendre, il comprend, oui. Mais cède à la panique en insistant bien sur le fait qu’on ne doit pas en parler. Jamais ! En plus, nous sommes bien loin de la sécurité de Velaris et surtout, trop proches des oreilles qui trainent, à savoir, celles de mes frères.

Alors, lorsque mon futur ex fiancé mentionne la seconde hypothèse abordée sans le faire exprès… Je l’observe, un long moment, puis, je me tourne vers Dana, avant de perdre mon regard sur la porte de mon compartiment. Il est l’heure de nous couvrir, et de bien me faire entendre pour ça.

« Rhooool ça va hein, c’juste des soirées masquées un peu libérées, sérieux ! C’pas du libertinage non plus. »

Lentement, je viens poser un index sur ma bouche fermée, puis, je montre mon oreille à mes deux compagnons avant de faire un mouvement circulaire avec ma main pour désigner les alentours. Une fois assurée d’avoir fait passer le message, je reprends mon numéro…

« C’est juste que voilà ! Des p’tits curieux aimeraient bien dissoudre notre groupe en voulant nous démasquer, ils y sont presque, et ça nous met clairement en danger quoi. Alors on est obligé de dire qui on est ! Bah voilà ! C’est vraiment trop nul ! On s’amusait bien quoi dans l’ignorance! C’est juste des fêtes un peu… olé olé en p’tit comité c’est bon quoi.  »

J’essaie de prendre le ton d’une gamine capricieuse qui voit son petit passe-temps secret qui va la faire passer pour une dévergondée mis à mal… parce qu’il faut brouiller les pistes et faire en sorte que le sujet soit assez malaisant afin d’éviter d’être espionné. Pourtant je ne suis pas sereine, visuellement parlant, et je ne sais pas quoi ajouter pour essayer de faire un point sur la situation critique qui nous concerne tous en continuant les sous-entendus étranges. Alors, je ris, un rire aussi faux que mon assurance, puis je me ressers un verre en jetant des coups d’œil à mes amis, dans l’espoir qu’ils comprennent ce jeu de double sens qui va nous permettre de parler tout en gardant nos activités secrètes.

Rubis, améthyste et saphir.

Janvier 838 - @Neréis Taellim & @Nathaniel Zaher

Un instant, la Volyn se demande si elle a mal compris les allusions de son amie. Ce n’est que lorsque le regard de Nathaniel s’illumine, qu’il passa sa main dans ses cheveux et dévoile sa boucle d’oreille, avec une pierre d’améthyste, que ses doutes s’envolent. Nathaniel est l’améthyste. Neréis est le rubis. Elle est le saphir. Hestia, connue seulement des deux femmes, est l’émeraude. C’est beaucoup. C’est la première fois depuis des générations que les membres se connaissent autant entre eux. Du moins, à ce qu’elle en sait. Pourtant, ne serait-ce pas une bonne idée de se révéler, entre eux, leurs identités ? Surtout, avec le contexte politique actuel. Dana était persuadée qu’avec les talents des uns et des autres et qu’avec le réseau qu’ils possédaient, ils pourraient se protéger et agir. Le silence régnait dans la pièce tandis que tous trois se fixaient, peu habitué à ne pas se voir sans les masques.

Les réactions sont variées. Nathaniel panique dans un premier temps. Dana est songeuse, son cerveau analyse la situation à toute vitesse dès qu’elle arrive à se défaire du choc. Neréis prend le relais plus rapidement, évidemment, puisque c’est elle qui a poussa la révélation. Un sourire s’étire sur le visage de Dana pendant qu’elle observe Nathaniel et Néréis échanger quelques mots sur la sécurité de la pièce. La nocturne entend presque le rire contenu du diurne. Le rire de Dana, lui, s’échappe de ses lippes. Elle rit à en avoir un haut le cœur. Peut-être qu’elle relâche toute la pression de ces dernières semaines. Malgré ses vacances, la Volyn n’arrivait pas à décompresser. La tristesse des dernières semaines, l’anxiété qu’elle ressentait pour Hestia seule à Elysium, le manque d’Aslan, sa dispute avec Kora, le contexte politique. Ce rire fut libérateur, elle en pleurait presque alors qu’elle entendait Neréis s’agiter près de la porte de la cabine.

La nocturne prend quelques minutes pour se calmer, elle essuie ses yeux mouillés des larmes qu’elle n’a pas pu retenir. Prenant la direction opposée à Neréis, c’est vers l’océan que se porte son regard noisette. Un immense soupir s’échappe de ses lèvres, le temps qu’elle remette ses idées en place. Nathaniel va penser qu’elle est folle. Peut-être qu’elle l’est. « Des soirées masquées avec des objets particulièrement plaisants à s’échanger je dirais même ! Mais c’pas du libertinage, ça, certainement pas ! » La Volyn ria elle-même à sa blague osée, Dana ne parlait pas d’objets à caractères sexuels, non, mais des œuvres d’arts et objets précieux. Cette journée devenait de plus en plus incroyable.

Une lueur amusée dans les pupilles, Dana écoute Neréis avec sérieux. Elle sait à qui l’estivale fait allusion. Lazar. Ce crétin fouine partout. La Volyn reconnait volontiers qu’il est extrêmement doué et qu’il aurait sa place parmi eux ; mais elle ne lui fera pas le plaisir de lui dire en face. Pas pour l’instant. Un nouveau soupir s’échappe de ses lèvres lorsque ses pensées se tournent vers Hestia, instable, ce qui leur a valu une altercation il y a quelques semaines. Neréis avait été chargée de remettre le tableau abîmé en état avant que Dana ne puisse organiser un nouveau transport. La nocturne avait réussi à cacher ses blessures et à couvrir Hestia. « Alors laissons tomber les masques ! On devrait en parler à toute la bande à notre prochaine soirée. » C’était une révolution. Mais il le fallait, c’était devenu indispensable pour se protéger surtout avec le contexte actuel. « Connaître nos identités, ça nous permettrait aussi d’passer des soirées olé olé et imprévues partout dans Evanor si un besoin urgent se présente ! On ne sait jamais c’qui peut se passer, il suffit de croiser des types complètement dérangés pendant les préparations pour avoir besoin d’un… coup de main dans la gestion de la soirée ! » Dana aurait bien eu besoin de connaître l’identité d’une personne de la guilde vivant à Elysium ce soir-là, avec Hestia. Heureusement, elle avait eu Aslan, mais c’était un autre sujet et elle aurait tout le temps de parler de son compagnon à Neréis un autre jour.