(fb) pathless woods, lonely shores (velinka)

Les nuits étaient toujours longues pour Velinka. Elle détestait ce qui était sa chambre et détestait encore plus les visites qu'elle avait chaque soir, mais c'était peut-être pas le pire qu'elle pouvait vivre. Elle en savait trop rien, l'hybride, serait liée toute sa vie aux Marchands de Sable et certainement toute sa vie sous l'autorité de Fedor, qui l'utilisait comme si elle n'était rien d'autre que de la chair à volonté, une source inépuisable d'argent et d'informations soutirées par un simple corps allongé. Là, couchée dans son lit, elle ne trouvait pas le sommeil, pourtant elle était épuisée ; mais elle regardait fixement la porte, le souffle court. Les cheveux entremêlés, elle avait juste pris la peine de cacher cette oreille inexistante, que la plupart des hommes finissaient par voir. Des fois, elle faisait exprès qu'ils voient qu'elle n'était plus entière depuis longtemps ; alors ils la pensaient comme une moins que rien, et ils la pensaient aussi demeurée, et ils se laissaient aller à des paroles qu'elle pouvait rapporter à Fedor.

Mais la plupart du temps, c'était elle qui se faisait encore humilier, alors elle ne disait rien et restait avec les mots qui tournaient en boucle dans sa tête. Cette nuit avait été une de celle-ci, et elle savait que le sommeil ne viendrait pas la trouver avant que le soleil ne fut haut dans le ciel, qu'elle sut que personne ne viendrait parce qu'ils avaient trop honte pour rentrer dans un bordel en plein jour. Alors, la blonde resta là, emmêlée dans ses draps autant que ses pensées l'étaient dans sa tête, le regard dans le vide et le cœur qui craignait de se faire un peu plus saigner ce soir. Aux dernières nouvelles qu'elle avait eu, Ninon et Sylas étaient tous les deux occupés, et depuis elle n'avait rien demandé à Fedor. Il n'aimait pas lui donner des informations sur ses deux amis, elle devait toujours négocier de longues minutes avant d'en savoir plus ; elle avait compris depuis longtemps que Fedor la considérait comme un objet qu'il avait acheté, et détestait la prêter aux autres. Elle prétendrait qu'elle était trop bête pour réaliser ça. Il se pavanait à ses côtés en pensant ça. Tout le monde était content.

Ou presque. Il y avait du bruit dans le couloir, comme toujours, mais des pas se rapprochaient de sa chambre. Elle se recroquevilla un peu plus, surtout quand ça s'arrêta devant sa porte, mais le rythme du frappement était connu, annonçait un peu de lumière dans cette chambre qui n'en possédait aucune en dehors de la lune qui brillait par moment en travers des fenêtres. La voix de Ninon, qu'elle perçut en travers de la porte, acheva de la détendre et la blonde se releva d'un bond, les jambes un peu tremblantes mais elle les ignora. Elle prit des affaires dans sa commode et s'habilla en extrême vitesse avant d'ouvrir brutalement la porte, offrant un sourire à une de ses seules amies. Le sourire était sincère, plus étincelant certainement que le reste de son apparence qui reflétait assez bien le genre de nuit qu'elle venait de passer. Sauf qu'elle était visiblement pas la seule, Ninon avait l'air chiffonnée et crasseuse, peu enclin à parler aussi de ce qu'elle venait de vivre.

Naturellement, Velinka se glissa dans les bras de son amie et lui offrit une étreinte chaleureuse, le genre d'étreinte qui pourrait presque réparer, momentanément, ce qu'on a de brisé chez nous. Elle respirait un peu mieux, maintenant, l'hybride ; vachement mieux, même. Alors, elle se décolla de l'estivale et lui serra plutôt une main, se fichant bien de l'état de celle-ci ; elle en avait touché des pires.

-Viens, on s'en va. Le lever du soleil sera mieux que son coucher, promet-elle en faisant faire marche arrière à Ninon, les ramenant vers la sortie du bordel puis dans les rues de la Corne d'abondance. Qu'est-ce que tu veux faire ? Sylas nous attend quelque part ou il est encore occupé ? Fedor ne m'a pas dit grand chose quand je lui ai demandé, grommela-t-elle en marchant à côté de Ninon.

Les rues étaient dans un entre-deux, il y avait quelques personnes mais c'étaient de ceux qui se trouvaient toujours ici. La foule ne viendrait qu'à l'aube, quand tout le monde devrait retourner travailler, quand d'autres se mettraient seulement à songer à un peu de repos. A la Corne, c'était toujours au soir où il y avait le plus de monde, mais elle le verrait pas depuis dehors cette fois. Elle profita de la fraicheur de la nuit encore présente, mais elle guettait aussi l'apparition de l'astre du jour.

-Tu veux parler de ta soirée ou tu préfères pas ?