the moon will sing a song for me (ft. Atlas)

tw ; mention de violence sexuelle, mention d'abus

Elle savait qu'elle devrait être concentrée sur pourquoi on l'envoyait assister à un vernissage, mais Velinka était juste surexcitée à l'idée de passer la journée entourée d'œuvres d'art. Quitter le Pied à Terre ne la dérangeait pas, bien qu'elle aimait son petit confort là-bas, mais elle ne supportait pas de rester enfermée. Fedor avait aimé la garder toujours proche de lui, un jouet sur lequel il pouvait aisément remettre la main, toujours présente au sein du bordel ou alors à ses côtés lorsqu'il demandait son aide, mais elle ne pouvait que rarement s'éloigner longtemps sans en payer les conséquences. Elle avait rapidement appris qu'obéir était certainement le meilleur moyen de survivre, et même si elle avait crevé d'envie de désobéir, de se rebeller, elle n'en n'avait rien fait. Parce qu'elle savait pas où elle irait, sinon. Parce que de temps en temps, elle se disait qu'elle comptait assez aux yeux de Fedor pour qu'il l'aima quand même un peu. Parce qu'elle mit des années avant de se résoudre à user des poisons, à profiter qu'il la trouva particulièrement à son goût pour empoisonner chacun de leurs baisers. L'ancienne prostituée n'éprouvait plus de peine à l'idée de l'avoir tué, maintenant. Ce n'était certainement pas quelque chose dont elle se vantait, elle taisait même ce crime, mais ça lui faisait du bien de savoir que plus jamais elle ne le verrait.

Pourtant, il était encore partout dans la vie de Velinka. Il avait fait d'elle ce qu'elle était, et il n'existerait pas d'autre voie qu'être une belle gueule des Marchands de Sable. C'était pour ça qu'elle sortait aujourd'hui, pour ça qu'on l'envoyait principalement lors d'évènements mondains, mais elle ne rechignait plus autant qu'avant, parce que tout restait à sa discrétion. Elle n'aimait pas forcément décevoir Sylas, mais la plupart du temps, il s'agissait juste de faire un peu de charme, récolter des informations et ne pas en faire plus. Ne plus se retrouver à finir dans un lit qu'elle ne voulait pas partager.

Et si on l'y forçait, elle était un peu plus parée, maintenant. Son poignet était toujours orné d'un bracelet avec des breloques, qui cachait subtilement quelques fioles de poison. Elle connaissait l'ordre des poisons par cœur et chaque dosage était adapté pour une personne moyenne, bien que de temps en temps soit c'était trop léger, soit trop fort. C'était surtout dans ce genre d'évènement que son bracelet était utile, parce qu'elle préférait ne pas trop compter sur ses pouvoirs, bien qu'ils furent létaux.

Ce jour serait aux réjouissances en partie, parce que Vel aimait l'art et qu'elle n'avait jamais vraiment l'occasion de voir des œuvres et d'en profiter. Rien qu'en faisant son entrée dans la galerie, elle eut du mal à calmer son aile, forçant pour ne pas la déplier totalement. Elle préférait se faire passer pour un illyrienne plutôt que pour une grande fae, son oreille soigneusement cachée derrière sa chevelure blonde. En plus, ce n'était jamais impossible de ne pas tomber sur des personnes qu'elle avait déjà rencontré, et puisqu'elle montrait toujours son aile, ça éviterait de devoir révéler à contrecœur sa nature d'hybride. Elle se concentra d'abord sur les tableaux affichés aux murs, se perdant dans la contemplation de ceux-ci, bien qu'elle n'oubliait pas d'analyser qui se trouvait près d'elle. Elle voyait des faes et des illyriens, peu parlaient ensemble mais des groupes semblaient mixtes. Elle voulait éviter les grands faes qui parlaient tous ensemble parce que attirer leur attention sans dévoiler un bout de chair serait plus compliqué, alors elle s'attarda plutôt sur les trios ou duos, se disant que certains devraient se retrouver seul à un moment donner. L'ailée pourrait parler à quelques illyriens mais peu lui fourniraient des informations dignes de ce nom, comparé aux faes qui semblaient riches vu leurs accoutrements.

Alors, elle continua, avec des pas légers sur le sol, la tête tournée vers les peintures mais le regard qui cherchait, encore et encore. Qui lisait ce qui se passait chez les autres. Le cerveau qui cherchait après l'occasion parfaite, une entrée et une sortie. Le regard qui se posa enfin sur un fae, seul devant un tableau qu'elle ne voyait pas très bien d'ici. Elle se rapprocha de quelques pas en continuant à l'analyser : son corps n'était pas détendu mais il n'était pas non plus tendu. En vérité, on aurait dit que tout son être était appelé par la toile qu'il observait et qu'il essayait, le plus possible, de se faire absorber par celle-ci. Il n'y avait pas grand monde tout près, mais le bruit ambiant des bavardages ne le déconcentrait pas. Elle fit des pas plus lourds, mais il ne sembla pas plus perturbé que ça, elle sut alors qu'y aller avec des intentions aussi grosses qu'une maison ne servait à rien. Il fallait lui parler d'art. Elle se sentit chanceuse, pour une fois, puisque c'était un domaine qu'elle connaissait bien.

Lorsqu'elle se mit devant la toile qu'il observait, elle comprit pourquoi tout son corps tendait vers l'illustration. Le ciel était partout sur cette toile mais plus on allait vers le bas, plus les couleurs se dégradaient ; d'abord on aurait dit qu'il y avait encore un peu de soleil, avec des couleurs semblables à l'aube et des étoiles qui restaient, avant de finir dans la nuit absolue, l'obscurité dans laquelle la plupart des gens se perdaient. Au centre, un illyrien, des ailes plumeuses déployées, mais il tombait, il chutait ; il tendait la main vers le ciel, en quête d'aide, mais c'était vain. Le ciel n'aidait jamais. Les ailés pouvaient prétendre que les airs étaient leur domaine, mais elle savait que c'était une illusion. Rien n'était leur domaine. Ce monde appartenait aux faes et ils le faisaient bien comprendre. Naturellement, son aile se déploya à son tour, exposant ses membranes semblables à celles d'une chauve-souris. Heureusement, la seule aile qui lui restait était la gauche et le fae, encore inconnu, se tenait à sa droite.

Ce n'était qu'au moment où elle voulut ouvrir la bouche qu'elle constata qu'une boule s'était formée dans sa gorge et qu'à présent, elle avait du mal à la faire disparaître. Elle se disait, qu'au moins, elle n'aurait pas besoin de donner l'impression qu'elle était sincère en parlant, parce qu'elle le serait.

-Je n'avais encore jamais vu une telle œuvre. J'en ai souvent vu avec le mal fait aux illyriens, mais jamais un illyrien seul face à son désespoir et l'aide qui ne viendra jamais, commenta-t-elle en jetant un regard en biais vers le fae. Je ne suis pas non plus étonnée que peu de gens s'intéressent à cette œuvre, la majorité ne se sent pas concernée par une telle chute.