The path of daggers (Revka)

L'idée d'être choisi lui donnait la nausée. Il peinait déjà à faire ses preuves en tant que seigneur mais l'idée d'avoir du pouvoir sur une cour toute entière était bien trop de responsabilité qu'il ne pouvait en endosser pour l'heure. Il avait trop de chose à penser, trop de preuve à faire et s'il espérait que cela serait assez pour convaincre la divine entité qui choisirait entre les quatre seigneurs de l'Hiver, il restait toujours une part de doute, d'espoir pour certain, d'être le désigné. Pour sur que cela ferait taire les barons qui s'étaient rebiffés, affirmant son pouvoir et sa légitimité au delà de tout ce qui était possible. Mais ils étaient trois à avoir des choses à prouver et pas les trois les plus expérimentés. Tout semblait désigner Ivar comme futur Suprême, mais la Mère pouvait être pleine de surprise et il espérait que la surprise ne serait pas son nom sur toutes les lèvres. Pour autant, il ne pouvait envisager se rendre à Brynjolf, puis au rituel de Suprématie, sans avoir un plan de secours. Arnvid lui cassait suffisamment les oreilles avec ce qu'il aurait du faire et il ne voulait pas commencer un règne hypothétique avec le regard infantilisant de son oncle pour lui rappeler qu'il n'était pas capable de se débrouiller seul. En un sens, les paroles de Revka le rassurèrent : il avait craint qu'elle ne soit encore trop abimée par la vie qu'elle aurait du mener et qui lui avait été si soudainement arrachée. Dame de rien, veuve et mère endeuillée, elle semblait la triste héroïne d'une tragédie sur laquelle s'acharnait le destin. Pourtant, après lui avoir accordé cet exil à Elysium pour la laisser reprendre gout à la vie, après avoir justifié de cette vie solitaire qu'elle avait choisi dans le bois de l'hiver plutôt que dans la demeure familiale, il devait reconnaitre son soulagement : la pente était rude mais elle la remontait doucement. Suffisamment, en tout cas, pour envisager de reprendre une place à Fornheim malgré la présence de tous ceux qui avaient douté d'elle, pour envisager toucher au pouvoir qu'elle évitait comme la peste, pour envisager de le remplacer le temps qu'il offre l'héritier tant attendu et d'assumer des fonctions de régence jusqu'à ce que cet héritier soit en capacité de reprendre le flambeau. Cela paraitrait peut être normal à bien des nobles, mais pour Askel, cela signifiait beaucoup. Après un long moment d'inquiétude, il avait le sentiment de retrouver sa moitié et s'il se doutait au fond de lui que la complicité perdue ne reviendrait sans doute pas aussi facilement, savoir qu'elle était là était un poids en moins sur ses épaules.

Se posa alors la question de la place de la jeune femme en cas d'élection d'un autre à la tête de l'Hiver. Avec un sourire, Askel répondit « Tu veux dire si mes prières sont exaucées et que la Mère désigne quelqu'un d'autre pour hériter du tas d'ennuis qu'Asgeir laisse derrière lui ? » Car il n'y avait pas que le pouvoir et les responsabilités qui effrayait le jeune homme. Einar Asgeir avait été un fae avec bon nombre de secret : la présence d'Aghnar dans leurs vies n'était, il en était certain, qu'un des nombreux vilains mensonges du Suprême de l'Hiver. Il plaignait celui, ou celle, qui aurait à découvrir ce qui avait été caché et à qui il reviendrait de décider, ou non, de comment gérer la suite. La succession ne limitait pas qu'aux choix étranges d'Einar sur Brynjolf et si cela mettait déjà la Cour dans tout ses états, il redoutait ce qu'il ignorait encore. Il réfléchit un instant : ce n'était pas qu'il avait conçu un avenir entièrement dépourvu de sa présence, mais plus qu'il cherchait les mots qui ne la brusqueraient pas, qui ne sonneraient pas comme une obligation. « Et bien, j'imagine qu'un peu d'aide ne serait pas mal venue mais je ne veux rien t'imposer que tu ne voudrais assumer. Tu as déjà eut bien trop à subir Rev' ... Je ne supporterai pas de savoir que je suis responsable de ton malheur. » Il ne le souhaitait pas d'avantage à leurs cadettes, préférant leur laisser le temps de murir et de profiter d'une liberté qu'il pouvait leur offrir que de se précipiter dans une vie conjugale trop tôt et de s'en voir à jamais blessée. Dans le cas de Revka, Askel avait été plus que décidé à ne rien lui demander à ce sujet : qu'importe ce qu'il eut pensé du choix de ses parents, elle avait subit bien assez pour qu'on la laisse tranquille et s'était plié à ses obligations assez pour qu'il la laisse choisir seule son destin. « Mais si tu te sens prête et bien ... Ta présence m'éviterai de hâter un mariage. Je n'ai pas de consort et guère l'envie de laisser ce titre à quelqu'un que j'aurai épousé à la va-vite pour satisfaire les barons. » Sa crainte était surtout d'avoir à faire avec une croqueuse de diamant, à une femme attirée par le nom et la position sans aucune intention de participer à la grandeur de Fornheim autrement qu'en profitant de son statut pour écumer les fêtes. Il était sans doute trop idéaliste de vouloir une épouse avec qui partagé un minimum de complicité, mais il ne supporterait d'épouser quelqu'un qui l'utilisait comme tant d'autre se plaisait déjà à le faire. Il n'était plus question d'amour et d'âme soeur, ces concepts étaient désormais au delà de sa portée, le contraignant à l'apercevoir de loin en regrettant de ne l'avoir connu plus tôt, mais il pouvait toujours espérer un minimum d'amitié et de soutient dans la lourde charge qui était sienne. Il finissait par rejoindre l'avis d'Arnvid : sans alliance avec une famille étrangère, Neva serait sans doute la candidate la plus à même de remplir ce rôle. Ils s'entendaient bien, ils satisferaient leurs familles respectives et formeraient un duo fort, marquant. Mais il était encore plein de doute et il ne voulait pas faire de la Madsen une victime collatérale de ses propres questionnements. « J'y passerai avant de t'imposer quoi que ce soit, Rev'. Plus le temps passe et moins je pense qu'il nous soit nécessaire d'hâter des alliances de la sorte. Je ne veux pas te faire de promesse que je ne sais pas si je serai en capacité de tenir mais, dans la mesure du possible, j'aimerai te permettre d'avoir le choix ... » lui dit-il avec tendresse. Qu'il aurait été hypocrite de la jeter à nouveau dans les bras d'un homme tandis qu'il se complaisait dans son célibat, qu'il aurait été indigne de lui et de tout l'amour qu'il avait eut pour elle d'ignorer ce par quoi elle était déjà passé au nom de la grandeur familiale. Il devait encore sonder les liens qui unissaient Fornheim à Skogen, mais il était certain qu'il ne forcerait pas sa jumelle dans une nouvelle union : aucune famille au rang inférieure au leur ne méritait sa main et il préférait mourir que de la donner à l'un des freluquets Asgeir. « Et si ce choix est de rester une Stenström jusqu'à la fin de tes jours, de rendre notre oncle dingue et de donner un mauvais exemple à tes neveux et nièces, alors ainsi soit-il. » Oh comme Arnvid lui en voudrait de penser ainsi mais il n'était pas Arnvid, il n'était pas son père et il était peut être temps qu'il devienne lui même.