«
Allons Youri. Nous n’allons pas y passer la journée. » Ronchonna Ladislav au peintre en plein ouvrage. «
Nous serions plus rapides si votre seigneurie se tenait plus immobile. » Répondit l’artiste tandis que Ladislav mâchonnait avec agacement la pomme dans laquelle il venait de croquer. Une heure ou peut-être deux que Ladislav se tenait là, en habit traditionnel rouge et noir, une chapka visée sur la tête, à califourchon sur un cheval de l’écurie familiale amenée dans un des salons du rez-de-chaussée. Il s’impatientait. Tout bonnement. Une impatience qui n’était jamais bon signe dans l’entourage du jeune fae. À l’impatience succédaient rapidement l’agacement puis un accès de violence qui frappait au hasard un garde du corps, un domestique, un prestataire ou encore un membre de la famille. Ce dernier ne tarda pas, d’ailleurs. Observant sa pomme avec intérêt tandis que le peintre poussait un énième soupir, Ladislav se décida à lui l’envoyer dans la tête avant de descendre de cheval. «
Vous êtes incompétent, voilà tout. » Décréta-t-il en retirant son couvre-chef pour aller le poser sur la palette de peintures. «
En plus de cela, le cheval à chier. Et ça pue la merde. Comme votre travail. Nous reprendrons demain. » Annonça-t-il avant de siffler. Deux lévriers nocturnes, des barzoï, couchés non loin, se levèrent pour aller au pied de leur maître, quittant la pièce avec lui. Remontant quatre à quatre les marches de l’escalier qui le mènerait à ses appartements, Ladislav ne pensait à rien, si ce n’est à son prochain rendez-vous… Une amie. Si tant est que l’on pouvait l’appeler ainsi. Elle était à la fois une relation professionnelle, une courtisane de basse extraction qui divertissait Ladislav, et la jeune femme avec qui il avait vécu sa première relation sexuelle avec une femme… Un événement fort décevant qui ne lui avait laissé qu’un souvenir fade et terne. Mais elle demeurait drôle, et en ces temps troublés. Cela était plus qu’appréciable. Ladislav s’était tenu à l’écart d’Elysium depuis l’étrange disparition du précédent ministre Nocturne. Il n’était pas apparu au Bal des Astres, pas plus qu’à celui des Marées. Un nez fin quand on connaissait, désormais, les événements tragiques qui avaient frappé le Palais des Mirages et la Capitale toute entière. Revêtant une combinaison de mousseline noire, ébouriffant ses cheveux d’un coup de peigne en ivoire, glissant ses pieds dans des chaussures confortables… Ladislav redescendit l’escalier principal, ses deux chiens à sa suite, pour prendre la direction d’un salon qui jouxtait celui où il avait pris la pose. «
Ça pue la merde ici ! » Hurla-t-il dans le hall tandis que l’on faisait traverser le hall au cheval. Ladislav le fit arrêter pour lui flatter l’encolure. Un domestique arriva pour le prévenir que sa prochaine audience était prête. Un sourire satisfait apparut sur son visage. Il se dirigea vers la double porte du salon qu’il ouvrit d’un geste hâtif. «
Kalinka ! » S’exclama Ladislav, tonitruant, traversant la pièce avec rapidité pour venir à la rencontre de son amie. «
Quelle joie de vous trouver en vie ! » Gratifia-t-il Hestia avant de l’embrasser chaleureusement.