sun & storm || ft. kora

Sun & Storm

Les soins sont bien plus douloureux qu’à l’accoutumée, Athimbod le sent, le subit sous les mains délicates de l’aubéenne qui ne le ménage pas, et tire un malin plaisir à l’entendre réprimer gémissements et jurons sous la douleur qu’elle lui inflige tout en le soignant. Il l’a bien cherché, après tout, ce n’est là qu’un juste retour des choses pour celle qui s’est trouvée humiliée, à devoir se justifier auprès de son paternel sans dénoncer le divergent, pas tant pour protéger ce dernier mais davantage pour taire cette liaison allant parfaitement contre l’éthique de tout bon guérisseur qui se respecte.

Le fae serre les dents, serre le bord de la table en bois de ses poings dont les phalanges blanchissent progressivement, et encaisse. Cette douleur-ci est différente de celle qu’il subissait une heure plus tôt, lui rappelle ce pas qu’il n’est jamais prêt à franchir, qui le tient encore éloigné des bras de la Mère Noire par cette lâcheté qui le raccroche encore à ce monde qui ne semble pas être le sien. Quoi qu’il fasse, quoi qu’on lui inflige, il reviendra toujours entre les mains de Lin ou d’autres aux propriétés régénératrices, pour faire perdurer ce cycle destructeur dans lequel la diurne l’a trouvé. Elle est encore là, pourtant, les yeux rivés vers les flammes alors qu’il tourne la tête vers elle un court instant, que l’aubéenne interrompt en lui saisissant la mâchoire pour plonger ses yeux amande dans les siens. « Je ne sais pas ce que tu lui réserves comme coup tordu à celle-ci, mais je te conseille vivement de le garder pour toi. » Les lèvres enfin dénuées de toute plaie du divergent s’étirent dans un sourire narquois. « Qu’est-c’qui t’prend ma belle ? Tu m’ferais pas une p’tite crise d’jalousie ? » Haussement de sourcils de la part de la guérisseuse qui se remet à la tâche. « Dans tes rêves. Il faut que tu te fasses à l’idée que certaines personnes savent se soucier des autres. Et vu que t’es pas foutu de penser à autre chose qu’à ta tronche, il faut bien que d’autres s’y collent à ta place. »

Les minutes défilent et le divergent se rétablit, ne conservant que les brûlures et les marques provoquées par la diurne en guise de trophée de cette soirée ayant déjà pris un tournant qu’il apprécie étrangement. Lin s’éclipsant, il l’observe un instant silencieusement, les mots de la guérisseuse résonnant dans son esprit sans qu’il ne parvienne à leur donner de sens. Se soucier des autres, et pour quoi faire ? D’autant qu’il se souvienne, Athimbod a toujours été seul, malgré ce reflet qui lui a été donné. Seul avec ce dernier, pour commencer, deux gamins face à un monde où règne la pègre, l’argent sale et les coups bas, puis Tristram s’est vu privé de ce seul être qui avait jamais compté dès lors que sa divergence s’est manifestée. Leur complicité tenta de perdurer quelques années dans les coups qu’on leur confiait, jusqu’à ce que leur aîné ne les divise, ne l’isole, ne le traite comme cette engeance qu’il est aujourd’hui persuadé d’être. Alors, pourquoi se soucier d’autrui, quand autrui lui crache à la gueule ?

Elle ne sait pas, la jolie, s’est acoquinée avec un parfait étranger sans savoir ce qu’il est, tournerait certainement les talons pour rejoindre son miteux cabaret si elle le découvrait à présent. Pour sûr, il va fermer sa gueule, ne se risquera pas à se compromettre aussi tôt, pas avant d’avoir jugé si elle saurait servir l’Obscure. Son instinct lui dit que oui, il le sent dans ses tripes, au plus profond de lui, cette aura qu’elle dégage fait écho à la sienne si parfaitement qu’il la voit déjà dans l’ombre à ses côtés, aux côtés de ces autres fidèles, ces enfants et créatures de la Mère Noire dont elle fait partie, la belle aux oreilles arrondies.

Athimbod la rejoint et s’accroupit, brise le silence d’une question bidon qui a le mérite d’attirer son attention. Des doigts fins mais fermes lui saisissent la mâchoire, des billes noires jugent de son aspect moins abstrait dans une parfaite impassibilité. « C’est jamais qu’une r’mise à neuf pour les prochains que j’me prendrai. » Une nouvelle toile où se dessineront de nouvelles formes violacées et bleutées, support d’une expression violente dont il est le support autant que l’artiste. Le divergent sourit sous ce regard qui glisse jusqu’à son torse bien moins lésé, mais encore porteur de souvenirs qu’il chérira longtemps avant d’en oublier les origines. « T’as fait bien mieux qu’Francky, ça vaut bien un p’tit trophée. » Elle a fait bien mieux, à le faire se sentir vivant, lui rappeler que son enveloppe charnelle erre encore sur cette foutue terre qu’il ne se sent pas de quitter. « Mais t’emballe pas trop, j’aurai tout l’temps d’les dégager plus tard. » Ce qu’il ne fera pas au cours de cette vie-là, pas plus que dans la suivante, alors que ces marques ne seront plus que des traces anonymes d’un passé qu’on lui aura volé.

Kora se lève, les yeux du printanier la suivent alors qu’il lève la tête vers elle. Il la sent moyennement à l’aise en ces lieux, mais ne cherche pas tellement à comprendre pourquoi. Sûrement l’endroit, ou un besoin de voir les aeskells qu’il lui a promis. « T’es si pressée qu’ça d’m’avoir pour toi toute seule ? » Il se doute bien que c’est loin d’être le cas, mais pour ce qu’il en a à faire… Mais ses propos n’ont rien d’une invitation, ne dégagent aucune attente de la part du divergent qui se prend à apprécier la seule compagnie de la diurne bien plus que l’idée de se trouver entre ses cuisses. Oh, l’idée que ça finisse ainsi l’a bien effleuré dans cette allée, bien qu’elle n’ait pas motivé cette idée glissée de foutre le camp de ce cabaret. De quoi donner tort à Lin qui s’affaire encore à l’autre bout du dispensaire, Athimbod serait donc capable de penser à autre chose qu’à sa gueule ? En agissant au nom de la Mère Noire, sûrement. Par pure empathie, c’est bien moins certain. Et pourtant, ce sentiment de soulagement qu’il a ressenti lorsqu’elle lui a pris le bras pour fuir à toutes jambes était bien là, lui, comme s’il avait brisé les barreaux de sa propre cage. Comme s’il s’imaginait l’avoir fait pour échapper à sa propre famille bien des années plus tôt.

Athimbod se lève à son tour, dans une gestuelle bien plus fluide et moins douloureuse que celle qu’il adoptait en passant le pas de la porte du dispensaire. Sans dire un mot, sans une réponse à la question de la diurne, le divergent ouvre tiroirs et portes de placards et commodes, s’y trouvant une chemise de lin jaunie par le temps qu’il balance sur son épaule avant de se relever et se tourner vers sa complice dont il garnit les frêles épaules d’une veste doublée qui saura la réchauffer en cette fraîche soirée. « J’ai même mieux qu’ça. » qu’il lui répond, finalement, avant de fouiner dans les placards plus en hauteur. ”Pas foutu de penser à quelqu’un d’autre que lui-même”, c’est peut être vrai, finalement. Il n’y a que pour son reflet qu’il semble être capable d’un semblant d’émotion, en ce pour son frère qui était tout, aujourd’hui devenu némésis, pour cette femme à l’aura aussi sombre que la sienne. « Ah ! »

Sourire vainqueur alors qu’il s’empare d’un petit sac de toile léger, qu’il brandit comme un trophée avant de s’avancer et d’entraîner par le bras la diurne à sa suite. Ils se font discrets, gagnent la porte par laquelle ils sont entrés, et se faufilent en sens inverse pour disparaître dans la nuit noire, enrobés d’un souffle chaud. Le divergent guide la danseuse dans son sillage, jusqu’à une ruelle à quelques encablures de là dans laquelle il la lâche enfin pour ouvrir ce petit sac d’où émane une odeur capiteuse. Petites herbes séchées aux vertus médicinales et psychotropes bien connues, il en tire une pincée qu’il mêle au tabac qu’il commence à rouler dans une longue et fine feuille à fumer, autres parts d’un butin discrètement subtilisé à la guérisseuse qu’il ne reverra sans doute jamais, comme ce briquet qui s’allume devant son visage concentré sur la braise qui rougit. « J’espère qu’t’as rien contre l’idée d’partager. » Adossé à un mur, Athimbod lève la tête vers ce séduisant vis-à-vis à qui il sourit, sa voix rendue cotonneuse par la fumée qui s’échappe de sa gorge échauffée. D’herbe, il en a un paquet. De tabac, cependant, il a dû prendre dans la réserve secrète que la guérisseuse cache à ses géniteurs, et qu’elle garde peu fournie pour la rendre plus discrète. Cette cigarette aux relents délicieux sera donc la seule dont ils pourront profiter. Nouvelle bouffée tirée, la braise attisée rougissant ses traits, le divergent la tend finalement vers la belle aux oreilles joliment arrondies. « J’sais pas c’que Lin t’a dit tout à l’heure… » fumée épaisse sort de ses lèvres, ses yeux bleus baissés sur la lueur orangée qui passe de main en main. « … mais t’aurais sûr’ment dû l’écouter. » Il se doute qu’elle l’a mise en garde, ne comprend pas bien pourquoi la diurne est pourtant restée. Elle n’a pas l’air naïve, bien au contraire, transpire une intelligence rare et redoutable, mais se retrouve à suivre l’abruti qu’il est plutôt que de faire ce qu’elle devrait : n’importe-quoi d’autre. Il ne lui a pas menti, pourtant. Mais celui qui braque de nouveau ses billes azurées dans les opales noires de la ténébreuse ne transpire pas l’honnêteté. « Pourquoi t’es encore là ? »

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805, elysium

« quel honneur » ricane kora à la mention du trophée qu'il a laissé sur son torse. le cercle bien net et encore rougi de la brûlure de cigarette, décoré de quelques une de ses griffures. un tableau qu'elle se plaît à regarder sur la peau d'athimbod.
une fois debout, elle ne réagit même pas à la pique qu'il lui lance. cette soirée est garnie de tant de péripéties qu'elle en a oublié où ils se situent maintenant. ce qu'il s'est passé avant, et où se trouvent ses objectifs. elle a quitté le cabaret sans jamais souhaiter y remettre les pattes, en espérant que toute la belle famille d'aeskells que lui a promis bod sera au rendez-vous. et si ce n'est pas le cas... alors elle se débrouillera. comme toujours. même si son coeur palpite déjà à l'idée de se retrouver à nouveau dehors, à la rue, sa fierté étant trop grande pour se tourner vers ceux qui l'ont déjà trop aidés. elle devrait se démerder seule, à moitié à poils dans les rues d'evanor où une seule règle règne; chacun pour sa gueule. une chose est sûre; le beau gosse à ses côtés a tout intérêt à honorer ses paroles où il ne passera pas la nuit. les faes roublards, elle en fait son affaire personnelle.

lin est occupée à ranger ses affaires et a quitté la pièce. elle ne s'imagine pas que, pendant ce temps là, le gars a qui elle vient de rendre une belle faveur est en train de la dépouiller. se trouvant une chemise qu'il pose sur son épaule, dégottant une veste chaude qu'il tend à kora, et il ne s'arrête pas là. il continue de fouiller jusqu'à trouver un sac en toile qui semble le ravir. la brune l'observe de loin, emballée dans son manteau doublé de laine de mouton bien trop grand pour sa frêle silhouette et la couvrant jusqu'aux fesses. au moins, elle sera équipée pour leur retour à l'extérieur. elle jette un regard à ses pieds nus et se met à lorgner sur la paire de mocassins à côté de la porte d'entrée. la nuit est fraîche, et dans l'éventualité où les promesses de bod n'étaient que des paroles en l'air, elle ferait mieux de prévoir le coup. elle les enfile, et suit le blond qui la guide à l'extérieur, à pas feutrés. pas un remerciement pour la bienveillante lin, allant jusqu'à abandonner la tasse de thé à peine touchée face au foyer. chacun pour sa gueule.
bien au chaud dans son manteau et dans ses petites chaussures, kora suit le sillage d'athimbod. plongée dans l'ombre des rues, elle respire à nouveau. le regard de l'aubéenne est loin derrière elle, tout comme les terribles souvenirs qui tenaient à remonter derrière ses paupières. silencieuse, elle observe la silhouette du gaillard ouvrant la voie. elle se demande vraiment ce qui lui a pris de suivre cet inconnu ainsi. outre l'appât du gain, il y a aussi l'illusion d'une vie meilleure, plus digne. pourtant, elle a tout l'air de se vendre à lui. une nouvelle conquête ajoutée à son tableau, remerciée grassement par quelques pièces, pour enfin ne plus jamais le revoir. qu'est-ce qui lui fait croire qu'il serait différent des autres ?

ils s'arrêtent non loin de là, et enfin bod ouvre le sac qui délivre une délicieuse odeur qui n'est pas méconnue de la féline. elle en hume le parfum délicat et observe le blond qui se met à l'oeuvre. mélangeant, roulant, avant d'allumer la cigarette aux multiples bienfaits. « tant qu'on fait part égale. » elle le regarde tirer sur le tabac avant de lui tendre la feuille roulée dont elle se saisit, en savourant la saveur à son tour. elle inspire lentement, gonflant doucement ses poumons avant de retenir son souffle. la question qui s'échappe des lippes de bod en même temps que la fumée grisâtre lui arrache un sourire. il voit son regard se poser sur elle, ses billes si claires et translucides bien loin de refléter la franchise chez leur propriétaire. elle souffle à son tour la volute en plein visage de l'homme à la peau claire en face d'elle. « ce qu'elle m'a dit m'a aidé à cerner quel genre de petit con tu es. » tapotant sur la clope, un morceau de cendre tombe à leurs pieds. « pourquoi c'est moi qui devrais me méfier ? » un sourire énigmatique ourle ses lèvres. « à l'heure actuelle, je crois que c'est toi qui détient le moins de cartes en main mon lapin. » elle tend son bras libre vers lui et caresse du bout de ses longues griffes la peau fragile de son cou. s'il la trompe ce soir, c'est lui qui n'en reviendra pas. kora lutte pour se reconstruire et ne sera pas renvoyée à sa condition de fugueuse; elle ne fera qu'avancer, quitte à tuer ceux qui croient la duper. abandonnant le contact, elle reprend une taf au bout de la tige. l'effet de l'herbe commence déjà lui monter à la tête. l'esprit de kora s'emballe petit à petit d'un doux coton. elle rend la cibiche à son comparse. « alors si t'étais en train de me berner, il est encore temps de prendre tes jambes à ton cou. » la fumée disparaissant lentement, ils sont momentanément entouré de cette ambiance mystérieuse que kora se complait à maintenir en laissant flotter ce sentiment de danger. le blond n'a pas froid aux yeux et finalement, ça pourrait commencer à lui plaire sérieusement.

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ft. @Kora Shomari | avril 805

Cette course dans la nuit fraîche réchauffe les corps, comme cette fuite en douce rétablit cette adrénaline qui les avait emportés une heure plus tôt, bien loin de ce cabaret miteux qu’ils ne reverront sans doute jamais. Lin non plus, d’ailleurs, à moins que le divergent ne soit assez stupide pour retourner faire face à cette femme qu’il a bafouée et volée, et qui mettra certainement la diurne dans le même panier. C’est qu’ils sont bien trop similaires, trop pour leur propre bien, naviguent dans l’obscurité comme si elle était leur élément, tout autant que la lumière et le vent, la laissent les embrasser pour mieux disparaître, pour mieux exister, se dissimuler des yeux de tous en n’étant visible que de l’autre. Cette nuit-là, cette rencontre, n’annonce que trop bien ce futur qui leur tend les bras.

Les traits enfin soignés d’Athimbod s’illuminent face à la flamme du briquet, puis sous l’ardente braise qui consume la cibiche savamment assaisonnée, dont les effets ne se font pas attendre. L’esprit s’embrume, bien qu’il demeure vif, encore parfaitement contrôlé par le fae qui n’en est pas à sa première fumette, et qui avise la danseuse que le partage ne rebute visiblement pas. « D’toute évidence. » Qu’il lui répond, comme si son honnêteté coulait de source. C’est qu’il est d’humeur partageuse, ce soir, et a cet étrange pressentiment que ce ne sera pas le dernier. Cette complicité trop rapidement partagée, cette similarité qu’on ne peut dénier, cette part sombre qui se devine en chacun d’eux et ce besoin latent de se sentir vivants, autant d’aspects les rendant echos l’un de l’autre, jusqu’à cette manière carnassière qu’ils ont de se sourire.

« C’tout ? » Il attendait bien plus de la part de Lin. Beaucoup de manipulation, un soupçon d’amertume, une tentative de faire de sa cause celle de la diurne. Mais une mise en garde sur ce qu’il y a d’écrit sur sa tronche ? « Plutôt déc’vant… » Voilà qui manque de piquant, de mordant, qui rend la chose bien fade. Pas étonnant que l’aubéenne ne soit pas parvenue à conserver l’attention de cet homme qui craint l’ennui plus que les coups ravageurs d’un colosse de videur.
Le divergent hausse les épaules, visiblement déçu par ce qui lui importe finalement bien peu, et se tait soudainement aux menaces à peine voilées de sa complice nouvellement dégotée qui ne répond pas à sa question. Il n’a aucun mouvement de recul lorsque cette main s’approche et l’atteint, fait courir ses ongles qu’il sait acérés sur la peau de son cou, dénué de toute peur, de toute méfiance envers celle dont il porte encore les stigmates sur ce torse qu’il n’a pas encore pris le temps de recouvrir de cette chemise toujours posée sur son épaule. Elle a des paroles bien sombres à son encontre, un air mystérieux qui lui va terriblement bien mais qui prend moyennement face au divergent qui s’en fout foutrement.

Athimbod réprime un rire puis laisse aller le suivant, sonore et bien moins douloureux que celui qu’elle lui a arraché dans l’allée du cabaret. « T’es vraiment sûre de toi ? » Le torse encore secoué de soubresauts alors que l’amusé s’empare de nouveau de la cibiche, le divergent se marre. Il ne faisait définitivement pas référence à sa dangerosité en soulignant qu’elle aurait dû écouter l’aubéenne, mais plutôt sur sa fiabilité quasi-inexistante, quoique son âge déjà avancé fasse de lui un sacré faiseur de tempêtes malgré sa nonchalance et ses traits figés par la Fontaine de Jouvence. Et entendre la danseuse aussi sûre d’elle sans même le connaître, sans même savoir si elle verra la couleur des aeskells qu’il lui a promis, à s’être foutue Francky sur le dos et très certainement le propriétaire de cette Jungle d’où elle s’est extirpée… Oui, il y a définitivement de quoi le faire marrer. « Ma belle, c’toi qu’as choisi d’prendre la tangente avec un pauv’con qu’avait rien trouvé d’mieux à faire d’sa soirée que d’se faire tabasser par un gorille. » Tire une taffe et plante ses billes aigue-marine dans les prunelles noires de celle qui lui paraît en faire des caisses. « Aux dernières nouvelles, c’est encore moi qui sait où s’trouve l’pognon. » Souffle une épaisse fumée grise qui s’échoue sur les traits délicats de celle qu’il ne prend pas au sérieux ou, tout du moins, celle qu’il ne craint pas suffisamment. « Et c’moi qu’ai encore mes godasses et qui sait sous quel toit dormir. »

La cendre tombe lentement à leurs pieds alors que le maître de l’air avise la braise de la cigarette qu’il tient devant son visage, sur laquelle dansent de petits éclairs alors qu’une brusque bourrasque s’immisce entre eux, témoignant d’une maîtrise indéniable et ancienne de son élément, et d’un potentiel savamment dissimulé par celui qui sait parfaitement jouer au con. « J’s’rais toi, j’me montrerai plus courtoise envers celui qu’est censé mettre mes miches à l’abri du froid et d’la faim sans s’attendre à c’que j’les mette à l’air. » Relève les yeux vers la belle vers qui il tend sa main à son tour, braise dirigée droit vers elle pour ne faire volte-face qu’à l’imminence de ses lèvres auxquelles il laisse galantement la cibiche. « Maint’nant si t’as fini d’jouer les dures et qu’t’es assez conne pour m’faire confiance, t’as plus qu’à m’suivre. » Et sans attendre de réponse, Athimbod repousse le mur qui le soutenait et passe devant l’ailée sans l’aviser davantage, traçant sa route vers le magot, seul ou accompagné.

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805, elysium

le torse du fae est secoué d'un soubresaut, avant qu'il ne laisse éclater un fou rire franc. bien plus franc que celui de toute à l'heure, car celui-ci n'est pas coupé par la douleur cassante d'une côte brisée. cette réaction hérisse le poil de la féline. son regard devient encore plus sombre que d'origine et son sourire s'évanouit. il lui vole la cigarette tandis que ses doigts s'arrêtent dans ses caresses lancinantes pour planter ses ongles dans la peau de son cou. elle déteste cette manière qu'a ce prénommé bod de se moquer d'elle et de négliger les menaces qu'elle lui fait. kora n'en est pas à son coup d'essai; il ne serait pas le premier fae à périr de sa main. déjà entraînée à faire face à la mort durant son service militaire, elle a appris à la frôler de près dans les labos. et c'est en sortant de ceux-ci qu'elle s'est décidée à la laisser traîner dans son sillage, vivotant à ses côtés, en lui offrant des âmes qu'elle songeait malsaines plutôt que de lui offrir la sienne. elle est pourrie, de toute manière.

le bougre, évidemment, n'a pas tort. mais il oublie de prendre en compte plusieurs facteurs; il est sur le point de se retrouver dans un espace clôt avec une totale inconnue. une inconnue radine, qui ne vit que pour l'argent qu'elle veut trouver par tous les moyens, qui n'a pas froid aux yeux et qui ne se gênerait pas de faire taire le blond en lui arrachant la langue. bien sûr, c'est lui qui semble avoir l'avantage pour le moment, et kora déteste cette perte de maîtrise de la situation. dans un sens, elle est l'animale sauvage capturée dans les filets de l'homme qui l'a fait saliver avec le plus beau des appâts; l'argent. mais même une fois emprisonné, le fauve n'aura pas dit son dernier mot. « et tu f'rais mieux de pas m'rouler » qu'elle gronde, la voix grave, tandis qu'il souffle la fumée à son visage. celle-ci est rapidement dispersée par le vent chaud qui souffle entre eux deux. kora ne défait pas ses mirettes des azurs qui se fondent en elle, pas le moins du monde impressionnée non plus. athimbod ne lui fait pas peur, et il ferait mieux de prendre ses menaces plus au sérieux s'il veut continuer à l'embobiner.

« la courtoisie ? » elle prend la cigarette en plissant ses lèvres et secouant la tête. « connais pas. » et ce serait à elle d'être plus gentille avec lui alors que tous les signaux d'alerte s'allument à la simple présence de ce fae ? plutôt rêver. qu'il lui donne son fric, elle fera son show, point barre. ils seront quittes et elle pourra reprendre sa route vers un plus bel horizon. loin de la panthère carmine et de ce beau parleur.
athimbod se redresse, la dépasse et reprend sa route, l'invitant à le suivre, ou non. il a bientôt disparu, englouti par les ténèbres de la nuit, quand elle se décide à lui emboîter le pas en maugréant un grondement sourd. elle prend une taffe sur le tabac agrémenté qu'elle n'a pas quitté; au moins, ça va l'aider à calmer ses nerfs. même si bod les a déjà cruellement provoqués.

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ft. @Kora Shomari | avril 805

Elle est marrante, la diurne. Vraiment. Distrait bien mieux le fae que ce vigile qu’ils ont abandonné dans cette allée. Oh, il ne doute pas qu’elle ne soit pas dénuée de ressources, ça se lit dans son regard, sa manière de se mouvoir, cette désillusion dans chacun de ses mots, cette Kora n’a pas eu la vie facile, et n’en a que mieux affûté crocs et griffes pour rester en vie. Elle n’est pas à sous-estimer, il est vrai. Mais à ce jeu là, elle ne réalise pas quel adversaire elle tente d’impressionner par ses vaines menaces. Car si l’ailée souhaite faire voir ce dont elle serait capable, Bod, lui, est passé maître dans l’art de dissimuler ses propres capacités.

Qu’on le prenne pour un abruti fini, pour un dégénéré à la gueule grande ouverte qui compenserait quelque faiblesse, voilà qui lui convient, qui le rend parfaitement inattendu lorsque vient l’heure de montrer ce dont il est réellement capable. Il a passé dans la rue et dans la pègre bien plus d’années que n’a respiré la fière panthère qui lui fait face, sans qu’ils n’en aient conscience ni l’un ni l’autre, et il ne sait que trop bien la force de caractère et la volonté nécessaires à survivre dans un monde où un frère peut devenir votre pire ennemi.
Mais la voir ainsi bomber le torse malgré sa situation peu avantageuse, l’entendre persister alors qu’il lui a énoncé, comme une enfant désireuse d’avoir le dernier mot alors que, on le sait parfaitement, elle est sûrement la plus adulte des deux. « Si j’voulais t’rouler ma belle, tu t’en rendrais compte ‘ben trop tard. » Il sait y faire, l’escroc, savait à peine parler qu’on en usait pour apitoyer les passants dans la rue, à l’affamer pour que ses côtes apparentes rendent plus grasses les bourses du paternel et du clan. Mais, bien que la diurne ne soit pas au bout de ses surprises, ce n’est pas ce soir qu’elle le verra la dépouiller de tous ses biens. Faudrait-il déjà qu’elle en ait.

La cigarette manque de peu de brûler les lippes charnues qu’elle rejoint finalement de son meilleur côté, et le divergent sourit doucement à la répartie de la danseuse qui ne le surprend guère. « Foutrement prévisible. » qu’il laisse échapper avant de tourner les talons et de s’engouffrer dans la nuit noire. Il lui faut faire quelques mètres avant d'entendre les pas légers de la féline Kora le rejoindre. « T’peux déjà plus t’passer d’moi… »

Ils quittent le quartier pour en rejoindre un autre, plus huppé, plus guindé, Bois de l'Été aux demeures prestigieuses de figures publiques comme d’anonymes ayant réussi, honnêtement ou non. Les rues sont calmes, désertes, laissent tout le loisir aux deux promeneurs nocturnes de cheminer jusqu’à un bel hôtel particulier trônant au bout d’une impasse. Le bâtiment aux inspirations printanières se dresse face à eux, et le fae s’arrête un instant, comme pour en admirer l’architecture. Sa dextre s’enfonce dans la poche de son pantalon pour en sortir un petit trousseau de clés qui tintent discrètement avant qu’elles ne finissent dans le poing du divergent qui s’avance droit vers la porte principale, laquelle se déverrouille sans aucune résistance. Bod abaisse la poignée et, se retournant vers la diurne qui ne l’a toujours pas quitté, esquisse un ersatz de révérence en ouvrant le bras vers l’intérieur. « Les dames d’abord. »

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805, elysium

un souffle agacé transperce ses narines, un éclair de contrariété traverse ses mirettes sombres. athimbod a cette mauvaise manie de se faire passer pour un gaillard insupportable, un véritable gamin qui ne sait pas à quel point il joue avec le feu. pourtant, une petite voix murmure dans l’esprit de l’hybride que, bien sûr que si, il sait ce qu’il fait. il n’est pas un fae né de la dernière pluie, cette démonstration de courant d’air né de nulle part suffit à kora pour qu’elle s’imagine la puissance magique d’un homme qui a dû boire bien des gorgées à la fontaine de jouvence pour pratiquer aussi aisément la magie de l’été… cour dont il n’avait nullement le teint. il avait tout du petit enfant du printemps, ou d’un glacial homme de l’hiver. un divergent, donc. kora a beau pester autant qu’elle le peut contre ce dom juan, au fond, il est comme elle. une personne rejetée parce que le hasard ne leur a pas conféré les bons attributs à la naissance: pour kora, une paire d’ailes pour faire d’elle une illyrienne ou des oreilles pointues qui la feraient faes, pour athimbod, la magie de sa cour qui lui aurait permis de rester parmi les siens.

c’est le fruit de sa réflexion lorsqu’elle lui emboîte le pas. derrière son air sérieux et détaché, finalement, elle compatit. la vie ne les a pas épargné tous les deux. ils font ce qu’ils peuvent pour survivre, pour gagner un peu de blé qui remplira leurs estomacs ou leur donnera un couvert au chaud pour la nuit. c’est bien pour ça que personne ne peut faire confiance à kora, et qu’elle ne devrait pas suivre ainsi l’estival. ils sont des survivants. des fraudeurs. elle le sait bien kora, qu’elle n’aurait jamais dû le croire. mais l’appel des aeskells… et l’idée qu’il a immiscé dans son esprit comme quoi elle pourrait ainsi se défaire de ce cabaret miteux… il n’en fallait pas davantage pour la convaincre. même si, possiblement, elle se lance dans un magnifique traquenard. « la ferme.» qu’elle gronde en se mettant en marche en espérant qu’il soit clément de lui octroyer du silence le temps qu’elle termine la cigarette.

emballée dans son manteau et ses petits mocassins en fourrure, kora suit athimbod qui l'emmène à travers tout elysium, y compris un quartier qu’elle ne connaît pas du tout: le bois de l’été. silencieuse, elle observe les magnifiques demeures qui se succèdent les unes après les autres. dans ce quartier, c’est comme si un air marin souffle en permanence, chargé d’embruns. une fraîcheur méconnue de kora qui n’a jamais foulé la terre de cette cour.
ils s’engouffrent dans une énième impasse où trône en son extrémité une sublime demeure. athimbod s’arrête, kora s’imagine qu’ils vont reprendre leur route, mais non. il s’approche de l’entrée alors que la brune l’attend, silencieuse, face à cette scène inattendue: bod sort de sa poche une clé qui déverrouille l’entrée, et il l’invite à passer devant lui. « tu l’as volée à qui c’te clé ? » qu’elle demande en abandonnant le mégot dans la rue, sans même se donner la peine de l’écraser. prudemment, elle s’avance dans le bâtiment. elle n’est pas confiante. « c’est quoi c’t’endroit ? ton palais d’homme friqué ? » elle n’arrive pas à croire que bod puisse être propriétaire d’un endroit pareil. il y a anguille sous roche, kora le sent.

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Sun & Storm

ft. @Kora Shomari | avril 805

C’est avec le sourire aux lèvres qu’il a guidé la diurne dans les rues d’Elysium, dans les boyaux de la capitale Evanorienne qu’il connaît sur le bout des doigts, jusque dans ses moindres recoins dans lesquels disparaître une fois pris en chasse. De raccourcis en passages dérobés, ils gagnent le Bois de l'Été aux ruelles éclairées par des candélabres qui étendent leurs ombres à mesure qu’ils longent les trottoirs. Le fae sait se faire discret, malgré sa grande gueule, avance d’un pas léger propre à cette magie dont il est doté. Il suffit de le voir se mouvoir pour en deviner son agilité, celle-là même ayant fait de lui le premier des deux frères que l’on envoyait se faufiler dans les habitations et les commerces pour s’assurer qu’ils n’y trouveraient aucun propriétaire importun.

Leurs pas les mènent enfin dans cette impasse au bout de laquelle se dresse une splendide demeure qu’il contemple un instant, silencieusement, avant de sourire, amusé, à la suspicion de la danseuse. « Tout d’suite… » L’accusation qui fuse et qui paraît bien plus probable qu’Athimbod maître d’une pareille bâtisse, fait doucement rire celui qui s’en approche pour en ouvrir la porte principale de cette clé élégante qui s’y glisse étrangement bien. Le verrou s’ouvre, la porte aussi, et le galant homme qu’il sait être -quand ça l’arrange- invite l’ailée à entrer, ce qu’elle fait malgré le doute dans sa voix.

La porte se referme, Athimbod la verrouille derrière eux dans un “clac” qui résonne dans le spacieux hall qu’ils occupent tous les deux. « Toi, t’as l’air d’douter que j’puisse m’payer une baraque pareille. » Le fae avance vers le large escalier qu’il contourne jusqu’à une porte qui s’ouvre sur un interminable couloir plongé dans la pénombre. « Bah t’as p’t’êt’ raison. » Et, ça, c’était foutrement prévisible. Une domestique séduite au détour d’un marché guindé, quelques visites nocturnes à son improvisée dulcinée, et le fae a pu s’emparer d’un jeu de clés fort convenant à présent que la famille propriétaire des lieux s’en est allée, comme annoncé par la naïve soubrette, visiter le chevet d’une aïeule prête à rendre son dernier souffle. Emportant avec elle toute son armée de domestiques, elle n’y a laissé qu’un vieux gardien chargé de surveiller la bâtisse, pas bien fin mais dangereusement attaché à la tâche qui lui a été confiée, et opérant en cet instant sa ronde au troisième étage de la demeure, à en juger par la lumière de sa toche qu’il a aperçue quelques minutes plus tôt, alors qu’il semblait simplement apprécier l’architecture des lieux.

Sourire narquois aux lèvres, le divergent s’engouffre dans le corridor en invitant Kora à le suivre jusqu’à une porte qu’il semble pourtant bien connaître, et qu’il ouvre d’une plus petite clé accrochée à celle de l’hôtel particulier. Se dévoile devant eux une étude aux meubles et aux tableaux drapés de blanc, baignés dans les pâles rayons de la lune pleine qui traverse deux baies vitrées menant à un jardin florissant. Refermant la porte derrière eux, Bod s’approche du plus grand des tableaux qu’il défait de son drap, découvrant le portrait d’un patriarche entouré de sa très chère famille à laquelle il n’appartient pas, de toute évidence, et avise l’ailée d’un regard complice et d’un sourire satisfait, pressant doucement un coin de l’oeuvre qui s’écarte doucement du mur.
Se dévoile alors la porte d’un coffre qu’il a passé, ses nuits passées ici bas, à observer sans tenter de l’ouvrir, attendant le moment opportun et la parfaite diversion qui saurait détourner l’attention du cerbère des lieux s’il venait à pointer le bout de son nez. Et c’est bien là qu’intervient Kora, fille du jour qui saurait lui en mettre plein la vue, ou tout du moins user de son ascendant sur le peu de lumière qui les révèle pour leur permettre de prendre plus aisément la fuite, avec quelques aeskells en poche si le destin leur sourit, et que ce coffre ne lui résiste pas trop longtemps. « On y est ma belle. » Annonce-t-il, une main parcourant le contenant de ce butin tant convoité, lui donnant l’air de s’adresser à ce dernier plutôt qu’à la femme splendide qui a eu l’idée de le suivre jusque là. « Toi et moi, on va faire d’belles choses. D’très belles choses. » L’oreille effilée se pose doucement sur le métal froid du coffre fort d’où provient le cliquetis caractéristique d’un verrou que l’on tourne, que l’on découvre, que l’on apprend, et les billes bleues dévient vers la belle escorte du divergent qui lui sourit. « Reste belle et tiens-toi prête à t’occuper d’notre hôte s’il fouine où il faut pas. »

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— Over waves

Play the song you sang long ago And wherever the storm may blow, You will find the key to my heart. We'll never be apart

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tw: Ø @Zelphar Bayl’Qinris

805, elysium

il n'en faut pas beaucoup à kora pour comprendre que tout le plan mystérieux d'athimbod est grandement suspicieux. à l'instant même où le fae a glissé sa main dans sa poche pour en sortir les clés de la bâtisse, la diurne a compris que quelque chose se trame. quoi, elle ne le sait pas encore. mais bod a plus d'une suite dans les idées, c'est bien certain.
ils entrent dans le hall d'entrée. il n'y a qu'une faible luminosité et il faut quelques instants à kora pour que ses yeux s'habituent à l'obscurité. de sa vie, elle n'aura que rarement foulé des sols de demeures aussi prestigieuses. le marbre à ses pieds, les décorations sur les murs, les meubles en bois massif, tout cela ne sont que des preuves de la richesse de ses propriétaires. qui ne comprend, de sûr, pas le beau gosse de la soirée. là aussi, kora note quelques détails qui l'interpellent; il n'allume pas la lumière, il parle à mi-voix, ce faisceau lumineux passager capté à l'étage alors qu'ils admiraient la maison de l'extérieur, sa manière de marcher sur la pointe des pieds silencieux comme un courant d'air... kora n'est qu'un pion sur l'échiquier d'un plan qu'elle n'espère pas bancale et dont elle ose croire qu'athimbod est maître. loin d'elle l'envie de finir la soirée enfermée dans des cachots après leur effraction, à des lieues de l'issue suggérée de cette entrevue avec le joli blond. ce qui intrigue le plus kora jusque là, c'est la possession de la clé de cette maison. mais mieux vaut pour elle de ne pas connaître tous les détails longuement réfléchis dans les méninges du fae.

elle emboîte le pas au "maître des lieux" qui l'entraîne dans un bureau à l'allure curieuse. la lune claire illumine la pièce d'une pâleur laiteuse, mais facilite la perception des détails de la salle. tous les meubles sont recouverts de draps, méconnaissables. athimbod sait pourtant exactement vers lequel se diriger; un énorme portrait suspendu à un mur qu'il découvre, et dont kora cherche vainement le visage au beau milieu de cette parfaite famille d'aristocrates. sans grande surprise, il n'y figure pas. glissant sa main sur le cadre, celui-ci coulisse avec une aisance déconcertante sur la paroi pour révéler un renfoncement dans le mur dans lequel se trouve un coffre. les mirettes de la féline se mettent à pétiller. voilà donc la raison de tout ce cheminement. l'argent, là. à portée de leurs pattes. elle aurait pensé, au premier abord, qu'athimbod était en possession du code qui l'ouvrirait. mais là était tout le problème de l'équation à laquelle elle venait de s'ajouter: il lui faudra du temps pour l'ouvrir et elle devra lui en faire gagner. « ok mon joli. tu m'impressionnes sur ce coup. » elle l'admet volontiers. ce minois naïf et agaçant recèle plus d'un tour de sa poche. étrangement, à l'appel des aeskells, toute la rancoeur de kora à son égard s'est évanouie. « j'peux pas l'éliminer s'il nous pose des soucis ? c'est plus direct. et t'aurais la nuit pour ouvrir ce cadenas. » un cadenas qui délivrerait la boîte de pandore; l'un comme l'autre n'ont aucune idée, à cet instant, de là où cette première mission collaborative va les mener tous les deux.
et puis, l'éliminer, elle le veut bien. mais avec quoi ? le garde est certainement armé. et elle, quasiment nue comme un ver. il ne se laissera pas amadouer par ses charmes, il obéira sûrement à un ordre qui lui demandera d'exterminer tout intrus, ou au moins de les capturer. faisant quelques pas dans la pièce pendant que bod se livre au chant du coffre, elle soulève le drap qui recouvre le meuble ressemblant le plus à un bureau. au milieu des crayons, stylos à bille et divers enveloppes, kora y trouve ce qui ressemble le plus à une lame selon ses définitions: un ouvre lettre. pas forcément tranchant, mais suffisamment pointu pour autant que l'on vise correctement une drôle de pulsion meurtrière l'envahit, s'imaginant ce que ça ferait d'éliminer quelqu'un à coup d'une lame si peu contendante... un sourire malsain s'étire à lippes à l'idée des effusions de sang et des cris de sa cible. son regard glisse vers bod, bien occupé à son affaire. et sur lequel elle n'hésiterait pas à réaliser son imaginaire s'il venait à l'évincer. faisant quelques pas dans la pièce, l'un de ses doigts parcourant les lignes imaginaires des meubles enfouis sous les draps, elle demande; « tu sais combien y'a là d'dans ? » elle soulève un sourcil, avant de se diriger vers la porte. collant son oreille arrondie contre le bois, elle ne l'ouvrira que lorsqu'elle sera certaine que personne ne se trouve dans le corridor. ils sont silencieux. calmes. un frisson remonte son échine. le garde peut arriver à tout instant. heureusement armée de son ouvre lettre, elle ne se sent pas totalement démunie. mais en fait, c'est tout comme si elle l'était.

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I ask questions of the darkness
I felt it creeping through my veins
Before it all went black

Sun & Storm

ft. @Kora Shomari | avril 805

C’est une ambiance éthérée qui règne dans la pièce baignée de pâles faisceaux blancs. Ils se répercutent sur les draps dont les formes font supposer ce qui peut bien se trouver en dessous, tout comme sur les deux occupants indésirables qui y évoluent. L’astre nocturne caresse de ses faibles rayons le visage anguleux du fae, y fait cracher quelques ombres tranchées soulignant chacun de ses traits, y met en valeur ce sourire satisfait qu’il arbore en refermant la pièce derrière lui. Après toutes ces visites nocturnes en ces lieux, c’est comme s’il y habitait un peu, comme s’il connaissait chacun des visages de cette jolie petite famille qu’il découvre. Il les a observés, tous autant qu’ils sont, de longues heures durant, à la recherche du moindre indice qui lui rendrait la tâche facile pour ce qui est de déverrouiller le coffre qu’ils dissimulent. Il a déjà fouillé toute la pièce, connaît chacun des meubles que l’on devine sous ces draps qui les entourent, s’est déjà aventuré dans chaque tiroir du bureau et des quelques consoles meublant le bureau. Rien. Quelques babioles qu’il a pu glisser dans ses poches, certes, mais le divergent n’en est pas à son coup d’essai, et il sait parfaitement retenir son avidité lorsqu’un bien plus gros butin l’attend.

Dévaliser la petite argenterie et les quelques breloques trouvées lui auraient apporté quelques aeskells bienvenus, c’est indéniable. Mais la découverte de ce coffre et les rumeurs quant à la fortune qu’il contiendrait, de la part de cette domestique totalement enamourée, avait fini de le convaincre : il devrait se serrer la ceinture et attendre le bon moment pour atteindre le gros lot.
Et le moment est venu, à présent qu’il s’est trouvé la complice parfaite, femme de peu de scrupules et d’honneur qui semble mieux comprendre les aeskells que ses pairs, parfaite copie du fae qui l’a traînée jusqu’ici, persuadé qu’elle serait de la partie. À la seule différence que lui est bien incapable de danser, à fortiori perché sur des talons hauts.

Un regard entendu vers la belle, et un léger “clic” se fait entendre, alors que son index s’enfonce dans l’un des ornements du cadre. Le tableau s’écarte, s’ouvre sans aucun bruit sur la porte épaisse d’un coffre, au centre de laquelle trône un cadenas qui lui donnera du fil à retordre. Le fae présente l’objet de leur visite à sa complice improvisée, sans même s’attendre à un refus de sa part. Elle a besoin de pognon. Il a besoin d’elle. Ils forment, ce soir, une paire qui deviendra bientôt indivisible et que redouteront les plus riches. Ce soir n’est que leur premier coup ensemble, le premier d’une longue série, de ce qui contribuera à les rapprocher, à les rendre à l’écoute l’un de l’autre, plus complices et fusionnels que jamais, les entraînant dans les coups les plus risqués par goût de l’argent, par plaisir du risque.

Il lui expose ce qu’il attend d’elle, sourit de toutes ses dents contre la paroi froide du coffre lorsqu’elle se dit impressionnée. « J’fais souvent c’t’effet là. J’te garantis pas qu’tu t’habitueras. » Pas de regard dans sa direction, le divergent se concentre, écoute, joue de ses sens et de son don pour amplifier le son et le diriger dans son oreille experte. Mais l’autre capte les propos de l’ailée, et Athimbod ricane, amusé, lui répondant non sans ironie. « Ouais, voilà, c’est ça. Si tu pouvais t’abstenir, ça m’arrang’rait quand même. » Elle peut pas s’en empêcher, décidément, est prête à égorger le premier abruti qui se mettra en travers de son chemin. Et là où ça a un petit quelque chose d’excitant quand il est l’abruti en question, ça l’est déjà moins quand elle envisage un bain de sang là où lui compte la jouer discrète.

La laisse déambuler dans l’étude alors que son attention se fixe de nouveau sur le doux cliquetis du cadenas dans lequel l’air siffle sous sa volonté, refroidit le fer qui se contracte, lui rendant la tâche plus difficile, et le “clic clic” plus discret. Son regard attiré par un drap qu’elle lève, et il la voit se saisir d’un objet qu’il ne distingue pas encore, se concentrant de nouveau sur l’objet de leur convoitise jusqu’à ce qu’elle ne l’interpelle à nouveau. Athimbod s’écarte doucement du coffre, se tournant totalement vers la diurne. « On m’a toujours dit que j’parlais trop, mais visiblement j’suis pas l’seul à pas savoir quand m’arrêter. » Peut pas se concentrer sur son oreille gauche quand elle caresse la droite de sa chaude voix, il l’aime bien pourtant, mais pour une fois que la situation l’amène à se taire, lui, l’ailée n’est pas capable d’en profiter.

Ses billes azurées captent soudainement un éclat de lueur lunaire se reflétant sur cet objet qu’elle tient fermement dans sa main. Les sourcils se froncent, le fae se dégage du tableau pour se diriger droit vers elle et enserrer son poignet délicat qu’il lève d’une main, usant de l’autre pour la priver de ce vilain jouet avec lequel il ne lui fait pas pleinement confiance. « Tututut, tu vas t’faire mal avec ça. » L’agite devant son joli minois, comme on confisque le joujou d’un gamin prêt à faire une connerie. « J’t’ai jamais parlé d’bain d’sang. » Ca fait une mauvaise publicité, et puis ça renforce la sécurité. Franchement pas ce que souhaite ce gars qui apprécie quand même sacrément pouvoir cambrioler où bon lui semble. « L’type est pas bien fûté, t’as qu’à lui faire du gringue si ça tourne mal, et si ça suffit pas t’lui éteins la lumière. T’as oublié qu’tu pouvais faire ça ? » Hausse les épaules et lui adresse un sourire moqueur. « Pas grave, ça arrive même aux meilleurs. » Presse doucement le coupe papier sur les lèvres pulpeuses de la féline dont il se tient à portée des murmures glissés, et dont il libère le poignet pour glisser une mèche tressée derrière le délicat arrondi de son oreille. « Mais comme tout s’pass’ra bien, t’auras rien à faire d’tout ça. Hm ? » Lui rend ses lèvres et range le coupe papier dans la poche arrière de son pantalon. Par pure précaution.

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805, Elysium

Elle n'aime pas attendre, Kora. Pendant que Bod s'affaire à débloquer le cadenas qui leur promet toute la richesse du coffre, elle en est pourtant bien obligée. Elle est anxieuse à l'idée que le guetteur fasse irruption à tout instant. Elle n'aime pas cette tension inutile, alors qu'elle pourrait simplement se débarrasser de lui. Elle ne comprend pas pourquoi le fae refuse d'ailleurs, il parle de discrétion, mais si le garde est mort, il ne parlera plus jamais. Il emportera avec lui ses soupçons et les souvenirs qu'il aurait pu avoir des malfaiteurs. Elle se contente de grogner, pendant qu'il s'occupe du code. Elle déambule jusqu'à trouver son ouvre-lettre, celui qui fait sa fierté. Celui dans lequel se reflète son sourire malsain, à l'idée des cris et de la mare de sang qui se déverserait de ce corps en souffrance. Un nouvel instinct s'est éveillé en Kora après son passage dans les laboratoires de l'Aube; de proie, elle veut devenir le prédateur. C'est dans l'ombre qu'elle se cache, qu'elle observe. Prête à bondir à tout instant, les bains de sang ne l'effraient pas, l'amusent même, à l'image de tous les litres qu'on lui a fait perdre, de toutes les plumes qu'on lui a arraché dans la douleur.

Il se permet de lui faire une remarque comme quoi elle parle trop ? Kora grogne. Elle n'est pas réputée pour avoir la langue bien pendue. Elle le sera, plus tard, lorsqu'elle aura gagné plus d'assurance. Quand elle ne sera plus en mode survie. Quand elle vivra vraiment, enfin. Le bout de ses oreilles chauffent, elle s'irrite, mais la fraîcheur de la lame plus qu'émoussée entre ses doigts refroidit la température de son corps qui n'a de cesse de monter.
Et tout s'empire lorsque l'Estival repère le jouet métallique entre ses mains. Il abandonne le coffre pour s'approcher d'elle, et lui confisque l'ouvre-lettre d'une aisance déconcertante. « Rends-moi ça !! » C'est un grondement non chuchoté qui lui échappe. Elle déteste cette manière qu'il a de l’infantiliser. Et encore plus de se savoir dépourvue de toute lame contondante. Elle n’aime pas se sentir nue, sans rien pour se défendre dans une situation dangereuse. Elle se sent faible, les griffes des labos prêtes à se refermer sur elle aussitôt qu’elle aura le dos tourné. « Tu ferais mieux de me prendre un peu plus au sérieux beau gosse. J'peux encore faire capoter ton plan. » Une lueur de défi s’installe dans ses iris plus sombres que la nuit. Elle pourrait, par exemple, courir dans les pattes du gardien en dénonçant l’intrus, se glissant dans la peau d’une brave citoyenne, et récupérerait un beau pactole pour avoir aidé la communauté.

Mais voilà que Bod pose la lame sur sa bouche pour l’empêcher de causer davantage. Un peu déçue de ce baiser glacial, elle aurait préféré les lèvres bien chaudes du grand gaillard. Il l’insupporte au possible, mais si on veut faire taire la Shomari, il n’a a pas de meilleure solution qu’en l’embrassant passionnément. Même si cette situation tendue ne s’y prête pas tant… Ses mirettes lui envoient des éclairs de colère.
« Va finir ton boulot. » ordonne-t-elle quand il l’aura relâchée et libéré ses lèvres, en saisissant son visage entre ses griffes, pétrissant ses joues. « Et qu’on se casse. Allez, bouge ton cul. » Sa main libre donne une tape sur ses fesses pour l’inciter à retourner faire son travail.

Kora se retourne alors vers la porte et tient sa langue enfermée à double tour. Cette fois-ci, elle laissera Bod faire son oeuvre pour qu’ils puissent décamper le plus rapidement possible. Ouvrant la porte avec douceur, elle s’assure que le corridor soit dépourvu de toute âme qui vive. C’est bien le cas, pour l’instant du moins. Maugréant encore à propos de l’attitude détestable du blond, elle demeure à son poste, les sens bien éveillés.
C’est après un temps qui lui parut une éternité, pendant lequel elle observe ses ongles et la couleur de son vernis, qu’elle voit un halo de lumière apparaître au fond du couloir. Dans la précipitation, Kora referme la porte et avertit son complice; « Termine maintenant ou c’est à lui que je vais donner ma meilleure danse Bod. »

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