Eternal flame

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Quand ses yeux m’épinglent, on dirait une bête sauvage sur le point de me déchiqueter. Je n’ai jamais vu une telle fureur dans ses prunelles, même si je ne suis pas certaine que ce soit de cette émotion qu’il s’agisse. De l’incompréhension ? De la détresse ? En tout cas, je ne suis pas familière avec ces deux sentiments, encore moins dans ses yeux si moribonds. En fait, c’est peut-être même la première fois que la glace dans le fond de ses iris s’est effacée, fondue, laissant place à un brasier qu’elle connaît bien, et que je sais le mieux maîtriser.

Je crèverais presque de passer ma main dans ses cheveux, d’effleurer sa bouche charnure et les traits anguleux de son visage, je voudrais qu’il me voit moi, et pas la blessure de l’orgueil et de la perte, qu’il se sente rassuré par ma présence. Je voudrais qu’il m’honore de ses mains plutôt que de les détruire contre les murs, contre le monde.

Et sa main vient cueillir la mienne, avec une délicatesse que je ne lui connais que rarement. Que je ne lui connais pas, en fait. Et la fraîcheur de sa paume sur la mienne est comme un électrochoc, quand une cavalcade de frissons parcourt mon échine. Il me voit. Il m’offre enfin un de ses signes que je dois décrypter, mais ça me va. J’aime les énigmes. J’aime l’énigme qu’il est, ce grand géant de glace masquant une vulnérabilité étrange.
Mais il l’éloigne, simplement.

Il s’en moque, simplement. « Je n’ai besoin d’aucune pitié. — Cela tombe bien, je n’en ai jamais pour vous. » Voilà au moins une vérité que je n’hésite pas à lui offrir, piquée au vif par son écart. Comme si je n’étais qu’un moustique désagréable qu’il s’empresserait de chasser à chaque fois que mon bourdonnement se ferait trop proche. C’est ma voix qui est devenue de glace, désormais, parce que s’il est assez stupide pour croire que j’ai de la pitié pour lui quand on connaît ma situation… Pourtant, il garde sa poigne affirmée sur la mienne. Comme un dernier pont qui nous relie encore, alors que nous sommes si proches, aussi proches que la dernière fois… et que je me consume d’être plus proche encore. Et même si je me déteste de ressentir cette envie, je ne veux faire rien d’autre que brûler pour lui, jusqu’à la moindre cendre. « Je suis trop égoïste pour ressentir de la pitié pour quelqu’un d’autre que moi, Strenström. Et c’est bien pour ça que je cherchais la compagnie d’un verre ce soir. Parce que le couperet est tombé, et que les têtes ne vont pas tarder à rouler au sol. Dont la mienne. » C’est moi qui retire ma main. C’est moi qui l’abandonne. Qu’il s’étiole dans sa rage si cela lui plaît.

J’ai déjà le poids de la mienne à supporter, c’est amplement suffisant. « Et étrangement, vous n’avez pas pitié de moi, vous. » Je ne suis pas amère parce qu’il ne me prend pas en pitié, bien au contraire. Je préfère que les choses soient ainsi. Mais j’aimerais aussi me laisser aller à frapper un mur. Sauf que ça ne changera rien à la situation. Le cours du temps se poursuit, inlassablement. Et je ne peux rien faire, si ce n’est tenter de retenir quelques grains de sable au creux de mes doigts.

Eternal Flame

ft. @Luz Monteserre | juillet 837

Dans la douleur, l’esprit du Mentaliste s’égare, non pas de chagrin mais d’incertitude. C’est une étrange sensation que celle de ne pas parvenir à pleurer celui qu’il n’a jamais cessé de mettre sur un piédestal, dont il a toujours cherché à attirer le regard, l’attention, la reconnaissance. Pas une fois Einar Asgeir n’a regardé son fils aîné avec fierté, pas une fois ne l’a-t-il vu autrement que comme un golem animé par sa seule volonté. Aghnar n’a jamais été qu’une enveloppe vidée de tout libre arbitre, modelée dans ses intérêts, qu’il a toujours veillé à briser suffisamment pour s’assurer toute sa docilité.

Avec la disparition du Suprême de l’Hiver, tout semble vain. Sauf elle, la fille du feu dont il accroche le regard, dont il tient la main sans parvenir à la lâcher. Il y a quelque chose dans sa présence à ses côtés qui le retient, qui le dissuade de s’emporter à nouveau, de laisser exploser sa nature hivernale et de geler cette ruelle jusque dans les moindres recoins. Ces lèvres qu’il se prend à fixer trop longtemps pour que ce soit innocent, ces opales ambrées qu’il soutient à présent, la chaleur de sa main sous la fraîcheur de sa paume, tout attire l’attention d’Aghnar sur la Monteserre, la détourne de ce qui l’a précipité là et a rougi ses phalanges . Elle est un pansement sur sa plaie béante, mais l’hybride ne sait rien faire d’autre que la repousser, comme il l’a fait ces douze dernières années.

Ses mots sont durs, au Gris, et ceux de Luz leur font parfaitement écho. Elle n’a aucune pitié pour lui, l’automnale, n’en a jamais eu, à chercher sans cesse à le faire céder, à prendre conscience de ce qui les unit et qu’il se refuse de reconnaître. Il le sent pourtant, ce brasier qui le consume dès lors qu’il la voit, qu’il l’entend, qu’elle est à ses côtés, le redécouvre au contact de sa peau dans le creux de sa main dont elle finit par se soustraire d’un geste sec, laissant le froid s’emparer de nouveau de cette dextre qu’il serre sous cette absence.

L’hybride pourrait reprendre conscience et raison en étant ainsi libéré, mais il ne fait pas un seul pas en arrière, incapable de briser cette proximité s’étant instaurée entre eux et dont il ne semble pas avoir conscience. Il entend, écoute l’automnale qu’il fixe d’un regard sombre, la mâchoire crispée. Bien sûr qu’il est loin d’être le seul impacté par la mort du Suprême hivernal, et il ne sait trop bien les enjeux concernant la Monteserre, les fiançailles de cette dernière à son propre frère ayant amplement contribué à le rendre plus distant encore, tout comme à précipiter cet instant d’égarement qu’il s’est entêté à renier.

Sa mâchoire se serre davantage alors qu’il détourne le regard dans un grognement, incapable de discernement entre la douleur de son propre deuil et celle de la savoir plus près que jamais de ses épousailles avec ce frère qu’il a toujours envié. « Pourquoi m’apitoirais-je ? » Pourquoi se désolerait-il de la voir partir, quand tout ce qu’il ressent au fond de lui n’est qu’une colère sourde, grandissante à l’idée qu’elle ait accepté cette union, et une peur vertigineuse qui lui enserre la gorge et lui tord les tripes à l’idée qu’elle ne parte à son tour, qu’il la perde elle aussi ? « C’est là un sort que vous avez choisi d’accepter, non ? » L’acidité de ses propos lui échappent, laissent entrevoir l’amertume qui le ronge depuis l’annonce de cette union entre l’Hiver et le Printemps, tout comme ce regard chargé de reproches qu’il fait peser sur elle à présent. Jalousie corrosive qui lui érode le palpitant, sa vulnérabilité se distingue doucement dans tout ce mal qu’il se donne à se tenir éloigné de sa réelle moitié, persuadé que la douleur sera moindre le jour où on la lui arrachera. « Vous saurez bien trouver le réconfort que vous méritez entre les bras de votre tendre époux. »

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Suddenly, quietly, you realize that - from this moment forth - you will no longer walk through this life alone. Like a new sun this awareness arises within you, freeing you from fear, opening your life. It is the beginning of love, and the end of all that came before.
le chant des sirènes.

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Nous sommes si proches et pourtant si loin à la fois. Comme d’habitude, ai-je presque envie de dire. J’ai l’impression qu’un océan, qu’un gouffre et qu’un incendie se dresse entre nous… et pourtant, à cet instant, il ne m’a jamais semblé si près. Je peux presque sentir son souffle s’échouer sur ma peau, attiser les braises d’un désir incandescent que je cherche à étouffer depuis tant d’années. Mais à chaque fois que j’essaye de m’échapper, que je me fais une raison, j’ai l’impression qu’il fait un pas de plus. Ou qu’il ne bouge pas – ce qui pour Agnhar, est déjà un grand pas… pour lui qui joue si bien avec la fuite.

« Pourquoi m’apitoierais-je ? » OK, ça c’était définitivement un coup de poing dans ma mâchoire. Je me sens presque trembler sous l’impact, car je n’étais pas prête. Encore une manière de me repousser, de me montrer combien je n’ai pas d’intérêt à ses yeux, combien ce serait plus facile si je n’étais tout simplement pas là. Le froid polaire de sa voix n’aide pas non plus, mais il continue, enfonce un deuxième couteau dans mes entrailles. « C’est là un sort que vous avez choisi, d’accepter non ? » Je ricane avec amertume. « Tout est toujours si manichéen dans votre conception de la vie, Strenström. Vous êtes bien issu du royaume des glaces. Non je n’ai pas accepté ce sort – mais c’est certainement une situation un peu trop complexe pour que vous puissiez en saisir tous les tenants et les aboutissants. » Et voilà que je me cache derrière la violence, l’âpreté et la méchanceté. Parce que je suis piquée au vif, parce que comme un loup blessé, je ne vois qu’une seule manière de me protéger : répliquer.

Et la colère qui rougeoie dans ses prunelles sombres me laisse coite. Est-ce qu’il m’en voudrait ? Pourquoi ? De faire ce que l’on exige de moi ? Ce pour quoi la majorité des femmes de la Cour sont nées ? N’est-ce pas lui qui provient d’un peuple si barbare que les femmes n’ont pas autant de libertés qu’ici ? Je l’ai bien compris en découvrant la situation de Sanna, dont les poings étaient encore plus liés que les miens. « Vous saurez bien trouver le réconfort que vous méritez entre les bras de votre tendre époux. — Il est certain qu’il est plus aisé de trouver du réconfort auprès des autres, Agnhar. Car votre cœur est plus gelé qu’un glacier, et vous êtes une brute en toutes circonstances. » L’alcool dénoue ma langue, me rend tellement incandescente à cet instant que je me moque bien de ce qu’il pourrait voir comme aveu caché entre ces mots. « Ne faites pas semblant d’être impacté par la mort de cet homme. Votre parodie de sentiments de fonctionne plus avec moi. J'ai oublié l'espace d'un instant que vous n’êtes pas capable d’en ressentir. » Je ne suis pas une poupée avec laquelle on peut jouer. Et s’il croit pouvoir m’humilier de la sorte sans que je me défende… ce serait mal me connaître.

Eternal Flame

ft. @Luz Monteserre | juillet 837

Elle l’intoxique, l’automnale, à se trouver si près de lui, à s’immiscer dans son esprit troublé, à jouer avec ses nerfs mis à vif par l’annonce du décès de l’Asgeir. Aghnar n’a jamais été aussi démonstratif, jamais devant elle, mais voilà que son regard empli de ressentiment se braque sur elle, et que ses propos se font tranchants, agressifs, dissimulent bien mal l’état d’esprit de l’hybride qui abandonne son flegme légendaire pour laisser aller sa colère.
Il pointe ce choix qu’elle a fait, pense-t-il, celui qu’elle n’a pas eu, en réalité, sur un ton de reproche dangereusement évident. Il a besoin de se l’imaginer coupable, de se dire qu’elle s’éloignera d’elle-même, pour rendre son absence plus vivable. Qu’on ne la lui arrache pas, qu’on ne l’en prive pas sans raison, à l’envoyer ainsi partager la vie de ce frère qu’il continuera d’envier malgré leur père à présent disparu. Mais elle balaie tout cela, lui reproche son étroitesse d’esprit plutôt que de lui expliquer les enjeux de cette union. Regard noir en retour, Aghnar a la mâchoire qui se crispe et les sourcils qui se froncent davantage. « Alors réjouissez-vous de voir le sort vous sourire, lieutenant. La situation n’a-t-elle pas tourné en faveur de vos précieux enjeux ? » Einar n’étant plus, nul doute que la fratrie Asgeir s’adonnera à une course à la légitimité à la tête de leur Maison, et pareil mariage entre Luz et Espen ne pourra que profiter aux Monteserre, si tant est qu’ils prennent son parti dans la bataille de succession. Aghnar sait à quel point de pareils enjeux peuvent avoir leur importance, il les a servis toute sa vie en restant dans l’ombre de son paternel. Mais savoir Luz impliquée dans cette union avec l’Hiver lui retourne les entrailles, et elle est la seule contre laquelle il parvient à se retourner, face à qui il ne parvient plus à se contenir.

Il lui envoie ce mariage futur au visage, cet époux qui la lui arrachera, laisse apercevoir cette jalousie qui le ronge sans qu’il en ait seulement conscience, elle contre-attaque d’un coup juste, par cette froideur dont il a toujours fait preuve à ses côtés, le dit incapable de tout sentiment sans avoir la moindre idée de cette torture qu’il s’inflige à les réprimer. Il s’y est déjà essayé par le passé, s’est montré passionné envers cette autre femme dont il s’est éloigné tant cela lui filait le vertige et risquait de les compromettre, l’un comme l’autre, dans ce secret qu’ils partageaient. Alors, dès les premier frissons ressentis face à la Monteserre, Aghnar s’est braqué, s’est fermé, montré plus froid que jamais avec elle qu’avec tous les autres, niant et rejetant ce que son corps et son âme savent pourtant, repoussant cette envie constante d’elle à ses côtés.

Mais, ce soir, l’idée qu’elle s’en aille fait resurgir ce besoin d’en être près, comme ces reproches qu’elle émet et qui sonnent presque comme une confession, enserrent sa gorge et son palpitant qu’elle pense de glace. Il s’approche, l’hybride, la toise de toute sa hauteur dans une proximité trop rarement expérimentée, sent la chaleur qui se dégage d’elle, qu’il perçoit dans ces yeux qu’il ne quitte pas des siens, qu’il fixe de longues secondes comme pour essayer d’y lire le fond de ses pensées, Mentaliste qu’il est. Il pourrait faire couler son esprit dans le sien, chercher à la cerner, à en connaître les réels sentiments à son égard, mais il s’abstient, préfère juger par ses mots qui lui résonnent encore dans le crâne et ce feu qui danse dans ses opales ambrées, quitte à s’y brûler. « Qu’attendez-vous de moi, lieutenant ? » Que veut-elle vraiment, si ce n’est le torturer encore et encore en lui rappelant cet intime instant qu’il s’était empressé de renier ? « Pourquoi vous entêtez-vous à ce point ? » Pourquoi leur fait-elle endurer pareil calvaire, quand il serait tellement plus simple de subir en silence ?

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L’homme de glace me répond d’un regard courroucé – pour changer – et l’apaisement que j’ai pu ressentir quelques secondes plus tôt s’est définitivement envolé. L’électricité statique entre nous est terrifiante, et je n’arrive pas à déterminer si elle provient de ce que nous sommes l’un pour l’autre, ou de mes pouvoirs que je peinerais à maîtriser, agacée par la situation. « La situation n’a-t-elle pas tourné en faveur de vos précieux enjeux ? — Vous ne comprenez donc rien à rien. Édifiant. » Colère qui ne cesse d’enfler, ronfler, l’envie de lui en coller une, de lui en rouler une, de le frapper contre le mur, mais de l’y plaquer à la fois pour lui montrer qu’il n’y a pas qu’à ces petits jeux verbaux que ma langue est bonne.

Qu’est-ce qu’il croit, au juste ? Que ça va m’amuser d’aller jouer les dames de compagnie serviles à l’autre bout du pays, loin de ma famille, loin de mon addiction première, l’adrénaline et le combat, pour servir des desseins qui ne me concernent même pas ? Croit-il que j’ai envie d’ouvrir mes cuisses à un homme que je ne connais même pas ? J’aimerais me faufiler sous son crâne, découvrir le fil de ses pensées, en comprendre le sens. Car pour le moment, rien n'en revêt, et cela m’agace encore plus que le reste !

Il s’approche de moi, me toise, avec cette aura de prédateur qu’il est le seul à posséder et à me faire presque regretter d’avoir trop ouvert ma bouche ; de sa haute stature, comme un loup sur le point de dévorer sa proie, j’ai l’impression d’être une petite fille trop impétueuse. Et comme à chaque fois que je me sens prise à défaut, voilà que l’ego revient, que je veux lui tenir tête, lui prouver que ses manières d’ermite de glace ne me font pas peur ! Et voilà qu’il m’offre la profondeur de ses prunelles, comme s’il voulait parler avec les yeux, trop épuisés pour utiliser sa mâchoire, qu’il n’a de cesse de contracter, tant et si bien que je crois qu’un jour elle va m’exploser au visage. « Qu’attendez-vous de moi, lieutenant ? » Que vous cessiez d’être lâche, ai-je envie de rétorquer mais ce serait faux. Peut-être est-il le plus courageux de nous deux, en fin de compte. Celui qui ne se laisse pas aller à la facilité. « Pourquoi vous entêtez-vous à ce point ? — Dit-il… ne pus-je m’empêcher de rire. » De nous deux, il n’est pas en reste façon tête de mule. « C’est une bonne question. Peut-être qu’il est temps pour moi de lâcher prise. Peut-être que ce soir n’était rien d’autre qu’un au revoir, finalement. Et ce n’est certainement pas partagé, et je suis très idiote face au cœur de glace que vous m’opposez, mais vous allez me manquer, Aghnar. » Je n’ai jamais osé poser la question, car l’homme est censé me protéger ici. Mais qu’en est-il de sa situation, une fois que je serai envoyée de l’autre côté du monde ? Pas certaine que Cesare se passe des loyaux services de son mentaliste. Pas certaine non plus que ce soit pertinent de me coller dans les pattes près de mon nouveau mari, le seul homme qui serait capable de me faire chavirer d’un souffle. « Je n’attends rien de vous, vous avez raison. Je vais rentrer chez moi. » Maintenant que j’ai le cœur un peu plus en miette que quelques heures plus tôt, et que le goût rance de la bière remonte le long de ma gorge.

Putain.

Je n’ai clairement pas assez bu pour tout ça.

Eternal Flame

ft. @Luz Monteserre | juillet 837

Celui à qui on n’a jamais laissé le choix espère au fond de lui que celle qu’il craint de perdre l’a eu. Parce qu’il serait plus facile de lui en vouloir pour mieux la détester, mieux l’oublier, mieux se dire que cela vaut mieux ainsi. Parce que l’idée qu’elle soit sous le joug d’intérêts n’étant pas les siens lui enserre le cœur et lui retourne les tripes. Il préfère la savoir loin de lui de son propre chef plutôt que de celui d’un autre, quitte à la haïr pour cela. Alors il attaque, cherche à lui faire dire ce qu’il veut entendre, ce prétexte parfait pour mieux la voir partir. Mais elle n’en fait rien, ne cesse que de lui confirmer ce qu’il n’a fait que redouter depuis l’annonce de ses fiançailles avec Espen. Il ne comprend rien, qu’elle lui rétorque. Et Aghnar soupire. Oh, si. Il ne comprend que trop bien. Et il aurait tout donné pour qu’il en soit autrement

Il ne répond pas, l’hybride, brise cette distance déjà ténue entre leur deux silhouettes pour venir sentir la chaleur étouffante, envoûtante que dégage la fille du feu. Elle l'asphyxie, rend pénible cette respiration qu’il tente de maintenir, menace d’emballer ce palpitant qu’il tâche de garder calme et serein. Elle lui a toujours rendu la tâche difficile, la Monteserre, mais ce soir, l’hybride éprouve bien plus de difficultés qu’il n’en a jamais eu.

Aghnar toise l’automnale d’un regard grave, et lâche une question trahissant enfin sa totale exaspération. Il n’en peut plus, l’hivernal, ne demande qu’à se défaire de ce lien qui les unit et qu’il a pourtant peur de voir brisé par le départ de la grande fae. Il veut l’entendre ordonner, tout lieutenant qu’elle est, l’entendre lui dire d’arrêter de jouer au con et de retrouver sa place, celle de chien de garde qui lui sied si bien. Mais elle n’en fait rien, et ses mots sont autant de ses griffes plantées sur le palpitant du bâtard qui sent sa gorge se nouer plus encore. Un au revoir, non, impossible, il ne peut pas la perdre, elle aussi. Il entend son désespoir, cet aveu dans les propos qu’elle tient, la douleur qu’il a provoqué chez elle par son propre comportement, par ce besoin maladif de la garder à distance pour ne jamais céder à la tentation. S’il s’est toujours montré sur la réserve, elle n’a jamais renié ce qui les lie, s’est toujours montrée directe quand lui la pensait simplement provocante. Mais ce soir, il se rend compte de la réelle dimension de ces sentiments qu’elle dévoile, ceux qu’il ressent dans ces mots qu’elle a, dans cet esprit qu’il ose effleurer, dans les vibrations de sa voix, dans ce palpitant dont ses dons perçoivent la perturbation. Et la réalisation est brutale. La réciprocité est violente.

« Non… » Large paluche vient se refermer sur le bras de la Monteserre, fermement, durement. Lui qui insistait tant pour la ramener chez elle la prie de rester de ce seul geste, de ce regard qu’il pose sur elle alors qu’il la fait pivoter, l’entraîne à lui dans un élan irrépressible et inconscient. Cesse de réfléchir, enfin, et laisse finalement son cœur prendre le pas sur la raison, ses lèvres fondre sur celles, charnues, qu’elles percutent avec l’empressement d’un homme à qui le temps semble manquer. La froideur de son déni laisse place à la brûlure de sa passion, plus encore que la première fois qu’il a goûté ces pulpeuses dont il retrouve la douceur et dont il se recule finalement, à peine, tout juste de quoi les caresser de son souffle étrangement chaud, pour cet homme venu du froid dont le front se presse sur celui de l’automnale. « Je ne peux me résoudre à vous voir partir, lieutenant. » la voix est rauque, cassée par ces mots qu’il n’aurait jamais dû prononcer, mais transpirant pourtant de sincérité. L’armure de glace se brise, fond enfin face au feu ardent de la grande fae qu’il n’est pas prêt à laisser s’éloigner. « Ni maintenant, ni jamais. »

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Il me dévisage comme si c’était la première fois qu’il me voyait. Comme s’il tentait d’effacer le voile de glace qui obstrue son regard depuis des années. Et je me demande si mon feu n’est pas attisé par son impassibilité, si je ne suis pas sous son joug parce qu’il se détourne de moi, qu’il en devient une proie impossible à dévorer. Je n’ai jamais vraiment compris ce qui se jouait entre lui et moi, si nous menions une danse langoureuse pour nous détourner d’un ennui profond, si le jeu nous gardait alerte, ou s’il y avait quelque chose de beaucoup plus profond en nous, un lien si fort que nous ne pourrions pas lutter encore plus longtemps, même si nous le désirions.

Aghnar enflamme toutes mes certitudes.

Réduit en cendres toutes mes convictions.

Dévore la moindre de mes pensées cohérentes.

Comme un grain de sable désagréable qui empêche les rouages de fonctionner correctement.

« Non… » Comme si le géant de glace n’était capable que d’une chose : prononcer ce nom constamment, être toujours dans la lutte, dans le refus, dans la rebuffade. Comme d’habitude, il refuse ce que je dis, ce que j’avance, ce que je veux. Et sa main se referme sur moi, comme pour me prouver physiquement ce qu’il avance. Soudainement il ne veut plus que je m’en aille mais je ne parviens pas à déterminer s’il le fait pour me mettre d’autant plus en colère, ou parce qu’il est cette fois-ci sincère. Sous ses mains puissantes et calleuses, je ne suis plus qu’une poupée qui semble fondre, et enfin, dans un aveu violent et passionné, ses lèvres se posent sur les miennes. Ses lèvres que je désire ardemment depuis des mois, qui se surperposent à ceux que je peux embrasser dans l’espoir de l’oublier, celles dont je rêve depuis, semble-t-il, une éternité.

Le baiser est dur et court, si intense qu’il me laisse avec une myriade de papillons enflammés sous la peau. Il s’écarte si vite que je papillonne des yeux, pas certaine de savoir si ça s’est vraiment produit ou si c’était encore un de mes rêves. « Je ne peux me résoudre à vous voir partir, lieutenant. » Ses mots sont comme une lame qui s’enfonce dans mon ventre, qui trifouille dans mes entrailles. Et sa voix, rauque, chaude et profonde, m’enveloppe avec tendresse. « Ni maintenant, ni jamais. »

Un sourire triste et désabusé étire mes lèvres gercées par le baiser du froid. « J’ai attendu ces mots comme une petite fille rêve de son conte de fées pendant tellement de temps, Aghnar. » Aveu tout contre ses lèvres, le parfum de l’homme que je crois aimer enivrant tous mes sens. « Mais je crois qu’ils sont plus douloureux qu’autre chose. » Et ce baiser ressemble plus à un adieu qu’à un au revoir. Car quand Aghnar me repoussait, je pouvais encore croire que cette union n’était rien d’autres que deux menottes fermées autour de mes poignets. Désormais… j’ai l’impression d’être envoyée au bûcher, pour y mourir d’une longue mort lente et douloureuse, dans l’attente qu’un autre homme vienne m’honorer.

Mon pouce s’égare sur ces lèvres que j’aimerais embrasser encore, toujours, goûter une seconde de plus. Mais ce serait comme donner une goutte d’eau à une femme qui meurt de soif. « Promis, ce n’est pas un guet-apens, mais raccompagnez-moi chez moi, s’il vous plaît. » Pour que je retourne me rouler en boule sous mes couvertures, en rêvant d’un monde où nous pourrions être ensemble.

Même si pour être honnête, je ne sais pas à quoi cela ressemblerait. Car le langage que je parle avec Aghnar n’est que piques et amertume, passion retenue, glace et feu. « Promis, vous pourrez frapper tous les murs que vous voudrez. » Et ma main arrimée à son avant-bras l’étreint un peu plus, supplique implicite. Je ne lui ai jamais demandé grand-chose. Mais être seule ce soir… c’est au-dessus de mes forces.

Eternal Flame

ft. @Luz Monteserre | juillet 837

La raison délaissée, surpassée par un sentiment trop puissant, trop présent pour être ignoré à présent, une crainte viscérale : celle de la perdre. Précipite les lèvres de l’Hivernal sur celles de la Monteserre, déclaration muette qu’il lui a pourtant déjà faite plusieurs mois auparavant. Mais cette seconde fois réfute tout ce qu’il s’est entêté à penser jusque-là, cette idée qu’il ne s’agissait que d’une seule fois, un moment d’égarement qui ne devrait plus se reproduire. S’est juré que jamais plus il ne céderait et le voilà, pourtant, à plaquer ses lèvres contre celles de l’automnale, sa main serrée sur ce bras qu’il ne se sent pas prêt de lâcher.

Aghnar parle peu. Mais lorsqu’il s’y met, ses mots sont d’une vérité sans appel, et ceux qu’il a pour Luz sont pleins d’une dangereuse sincérité. N’aurait jamais dû les prononcer tant ils ne font que souligner l’impossible, mais ils sont le feu qu’a nourri Luz, celui-là même étant parvenu à faire doucement fondre cette armure de glace derrière laquelle il s’est dissimulé douze ans durant. Le front plaqué contre celui de la Monteserre, il fixe ses lèvres entrouvertes à défaut d’oser soutenir son regard, craignant presque d’y voir son rejet malgré leurs aveux échangés. Et ce sourire amer qu’il y voit lui tord les tripes et enserre la gorge, fait pousser un soupir à l’hybride dont la vulnérabilité dévoilée ce soir rend ces vérités plus douloureuses que jamais. Il aurait dû le lui dire plus tôt, un écho qui résonne dans les tréfonds de son esprit, alors qu’il sait pertinemment que cela n’aurait rien changé, et qu’il en aurait été incapable, pour la simple et bonne raison qu’il ouvre à peine les yeux sur ce besoin d’elle qui le percute de plein fouet.

Il l’a déjà rêvée, pourtant, s’est plus d’une fois pris à imaginer les lippes de Luz au lieu de celles d’amantes passagères, femmes sans importance censées le détourner de cette vision automnale qui lui revenait sans cesse. C’est pourtant Revka qu’il aurait dû y voir, l’ me Soeur, pense-t-il, que tout son être devrait réclamer, mais c’est bien la chaleur de l’Automne qui, toujours, lui revenait.
La douleur ne le rend pas plus loquace, le fait de nouveau soupirer sous ces doigts caressant ses lèvres qu’il voudrait goûter, eux aussi. Ses larges paluches viennent se plaquer contre les joues délicates de la grande fae, comme pour s’imprégner de sa présence si près de son visage, l’y maintenir encore un peu en sachant qu’elle lui échappera tôt ou tard. Et son regard acier se lève enfin vers celui, ambré, de sa lieutenant à la requête qu’elle émet. Ses mains se resserrent, doucement, alors que ses pouces caressent machinalement les fines pommettes de la fille du feu. Où qu’elle veuille aller, il la suivra, pourvu qu’il soit à ses côtés. « Tout ce que vous voudrez, lieutenant. » Frémit à cette pression sur son avant bras, envie furieuse de l’attirer à lui, de l’étreindre pour ne jamais la quitter mais, au lieu de cela, le colosse se redresse, ses mains tenant toujours en coupe ce visage dont ses yeux ne parviennent plus à se détourner. « Allons-y. »

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tw : aucun

Et Aghnar m’offre ses sous-entendus au creux de ses soupirs, comme s’ils étaient aussi transparents que des envolées lyriques. Mais elles ne sont que de froid et noirceur, ténèbres d’incompréhension, car même si j’ai appris à le décoder dans ses mimiques de géant, je ne suis toujours pas traductrice assermentée. Il vient cueillir mes joues, et c’est comme si un brasier se répandait dans la moindre parcelle de ma peau. J’aimerais qu’il m’effleure ailleurs, qu’il me goûte plus fort, qu’il abdique enfin, qu’il accepte de baisser les armes.

La pulpe de ses doigts laisse des traînées de glace sur l’arête de mes pommettes et je manque de vacille, comme un fantôme effleuré. Il me voit. Et je ne pensais pas que ce serait si douloureux et si agréable à la fois. Un paradoxe à lui tout seul. Et la voilà. La résignation que je cherchais. Comme un étalon que j’aurais voulu dompter… « Tout ce que vous voudrez, lieutenant. — Tout, vraiment ? Il ne faut pas me faire ce genre de promesses. » Mais il n’y a même plus vraiment de taquinerie dans ma voix, car j’étais sérieuse quand je disais que ce n’était pas un piège. L’amertume qui émousse mon palais me rend malade. Ce serait une erreur que de succomber au péché de chair uniquement pour s’oublier. Et il acquiesce.

Je n’ai pas besoin de plus. Dans une gerbe d’étincelles, nous nous tamisons jusque chez moi, accompagnée d’une odeur de feu de bois. Mon appartement est plongé dans les ténèbres. On a voulu me coller dans un appartement huit fois trop grand pour moi, avec des lustres dorés et des commodes en bois lustré. J’ai refusé, pour prendre un lieu (légèrement) plus modeste, malgré tout aux couleurs de l’Automne, car il ne me quitte jamais. Que ce soit mon esprit ou mes veines. Auréolés de l’obscurité, je profite de ces derniers instants dans la pénombre pour lui avouer ce qui pèse sur mon cœur. « Quand vous poserez vos mains sur ma peau, Aghnar Strenström, je fais la promesse que ce ne sera pas à cause d’une nouvelle désagréable. Mais parce que vous aurez l’impression de ne plus jamais pouvoir respirer si vous ne le faites pas dans la minute. » Je m’éloigne finalement de lui, m’abreuve un dernier instant de son parfum de lys et d’acier.

D’un léger signe de la main, j’allume de ma magie quelques chandeliers sur mon passage, pour vérifier quel genre de boisson je pourrais lui offrir ce soir. Je veux me concentrer sur autre chose parce que… parce que je n’ose pas formuler à voix haute l’envie qui me lacère. Je veux qu’il reste dormir avec moi, contre moi, qu’il m’enveloppe de ses bras dans lesquels je me sens protégée malgré tout le danger qu’il représente. « Je vous sers quelque chose à boire ? » Ma voix est plus rauque qu’escomptée.

Eternal Flame

ft. @Luz Monteserre | juillet 837

La peau automnale brûle sous son derme froid, hérisse ce dernier dans un frisson violent parvenant à son échine. Aghnar ne s’est jamais senti aussi fébrile, pas même lors de leur premier rapprochement, de cet instant volé qu’il a si férocement renié. Ce soir, tout est différent, l’esprit du Mentaliste n’étant plus braqué que sur elle et sur ce besoin de l’avoir auprès de lui, réalisation tardive qui aura nécessité qu’il soit déjà troublé par la perte de celui qu’il pensait être son seul repère. Se rend compte qu’ils étaient deux, la glace et le feu, la froideur d’un père qui n’a jamais rempli son rôle et le brasier d’une femme dépassant le sien.

Il est fourbe, ce Destin, a glissé dans cette famille digne d’intérêt pour le patriarche Asgeir la seule et unique faiblesse que pouvait y trouver ce colosse dénué d’émotions qu’il s’est appliqué à façonner. L’hybride a pourtant lutté, persuadé que son âme a toujours appartenu à une autre qui se plaît à maintenir cette illusion, se refusant à admettre la vérité tant elle leur aurait été douloureuse, tant elle l’est en cette nuit en sachant la Monteserre sur le point de lui échapper pour de bon. Tout ce qu’elle voudra, c’est tout ce qu’il souhaiterait pouvoir lui donner, un voeu gardé sous silence qui appuie un peu plus la caresse de ses doigts à la réponse qu’elle lui fait, à laquelle il n’adresse qu’un regard lourd de sens.

Il acquiesce, elle les transporte, tous deux apparaissant dans une gerbe d’étincelles dans cet appartement dans lequel il n’a jamais pris le temps de s’attarder. L’Hivernal ferme les yeux, encaisse ce vertige qui le prend et le rend peu friand de tamisages. Il ne la lâche pas, retrouve sa stabilité contre son front qu’il n’a pas quitté, sous le souffle de ces mots qui lui caressent le visage et dont la promesse lui fait brusquement braquer le regard sur l’hôtesse des lieux. Elle ne se rend sûrement pas compte de la portée de ses propos, de ce qu’ils font gronder en ce colosse dont l’épaisse armure de glace n’a jamais seulement visé à le préserver des atteintes extérieures, mais sûrement bien plus à contenir tout ce qu’il a toujours réprimé. À commencer par tout ce qu’elle a pu lui inspirer.

Ses mains rendent sa liberté au visage délicat, sa gorge se noue alors que l’écho des paroles de la Monteserre résonne encore dans son crâne, musique dangereusement entêtante lui revenant alors qu’il la regarde s’éloigner, se dévoiler à la lueur des bougies qu’elle allume de son don. Il ne voit plus, n’entend plus qu’elle, bien que cette question qu’elle lui pose lui parvient en sourdine tant elle paraît anodine. Aghnar ne répond pas, ouvre les yeux une nouvelle fois, s’avance vers elle en de grandes enjambées pressées mettant à néant la distance qu’elle venait pourtant de rétablir entre eux. Aucune hésitation, cette fois, ses mains encadrent la mâchoire de l’Automnale dont il lève le visage vers le sien, ses lèvres venant à nouveau percuter les pulpeuses de la Monteserre dans un besoin vital de sa peau contre la sienne, de son souffle dans le sien. Ce n’est pas la perte, pas le deuil qui l’animent, le précipitent ainsi dans tout ce qu’il a jamais redouté, mais bien ce besoin impérieux de mettre à mal tout ce qu’il a érigé entre eux.Parce qu’il ne conçoit plus ne pas se trouver à ses côtés, ne pas reconnaître son pas déterminé, sa voix assurée. Ne pas humer son parfum dont il s’imprègne contre ses lèvres qu’il ne quitte que pour les effleurer des siennes. « Qu’en sera-t-il de votre promesse une fois que nous serons séparés ? »

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broken wings

Suddenly, quietly, you realize that - from this moment forth - you will no longer walk through this life alone. Like a new sun this awareness arises within you, freeing you from fear, opening your life. It is the beginning of love, and the end of all that came before.
le chant des sirènes.