crawling back to you — Delyan

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début juillet 838  — @Delyan Volyn — outfit

La tête entre les mains, assise sur l’une des chaises de la cuisine, Hestia regardait la fumée de son café à travers ses doigts. Le sommeil la fuyait. Rien n’y faisait. La maison était plongée dans une obscurité qu’elle avait longtemps trouvé réconfortante, mais plus maintenant. Plus rien ne parvenait à soulager la peine qui lui lourdait le cœur. Cette culpabilité qui la dévorait. Dana lui manquait, cette distance était devenue insupportable. Deux mois étaient passés depuis ce fameux soir dans les locaux de l’Ars Longa. Tant de choses étaient pourtant arrivées depuis. Les adelphes Kozlov possédaient une maison, une jolie tanière dans laquelle ils se reconstruisaient, dans laquelle ils parvenaient enfin à se retrouver. Elle n’avait eut de cesse de travailler, elle avait visité plusieurs régions d’Evanor pour y faire des acquisitions. Des galeries qui très bientôt porteraient son nom. Kozlov. Les marchands d’art étaient de retour, et leur succès était retentissant. La galerie d’Elysium, située dans le jardin des Arts ne désemplissaient pas. Les contrats pleuvaient de tous les côtés. Hestia était débordée. Elle était fatiguée. Elle n’avait que brièvement fêté sa victoire en compagnie d’Eros Wintell, un printanier aussi original qu’elle l’était. Tout lui souriait enfin, tout était rentré dans l’ordre. Ils étaient riches. Lazar s’était remis à travailler, il avait cesser de s’enfermer dans sa chambre, cesser de broyer du noir pour venir en renfort de sa sœur et comme ils se l’étaient promis : ensemble, ils y arrivaient.

Mais cette victoire lui laissait toujours un goût amer. Un goût d’inachevé. Elle n’avait jamais eut le moindre problème avec les mensonges, Hestia. Mais celui-ci lui pesait. Son âme s’était trouvée chamboulée lorsqu’elle avait dû confronter le Suprême du Jour, le soir du bal des Ghafa, une quinzaine de lunes plus tôt. Puis le Rubis de l’Ars Longa. Puis Aslan Ghafa, l’âme-sœur de Dana. Son cœur s’était échoué sur l’une des plages d’Adriata alors que les omissions de son aîné lui avaient été révélés et son âme s’était brisée en un millier d’étoiles quand elle s’était séparée d’Ehsan, une nouvelle fois. Et ce manque, toujours présent, incessant. Cette lumière qui manquait à sa vie depuis deux mois : celle de Dana. Son amie, sa sœur.  Elle était si fatiguée de subir chaque jour un nouveau ras-de-marrée. Épuisée de composer avec chacun sans qu’on ne la comprenne vraiment. Elle ne rêvait que d’une nuit de sommeil, que d’une accolade chaleureuse. Tout ce qu’elle voulait, c’était seulement qu’on admette qu’elle faisait de son mieux. Et ce réconfort, elle ne le trouvait plus nul part. Elle ne pouvait s’enfuir en direction d’Eliorh, rejoindre la chaleur du diurne qui avait gardé un bout de son âme. Il était le seul à la comprendre, à l’accepter telle qu’elle était. Il n’essayait pas de la changer, il ne faisait qu’acquiescer. Il savait l’écouter. En réalité, c’était lui qu’elle voulait.

Mais Ehsan était et resterait toujours inaccessible. De cela, la Kozlov tentait de se convaincre en regardant son café refroidir. L’épuisement happa ses pensées, sa tête rencontra la table et son sommeil ne fut point perturbé par les songes cauchemardesques auxquelles elle commençait presque à s’habituer. La lune avait depuis longtemps été balayée lorsqu’elle s’éveilla de nouveau, les rainures du bois profondément ancrés sur sa joue, sa tasse, pleine et froide d’un café oublié. Se redressant en vitesse, elle manqua de tomber. La tête lui tournait. Ces quelques heures de répit étaient certes bienvenues, mais des rendez-vous devaient être honorés. A grandes enjambées, elle se jeta presque sur son carnet, découvrant avec une stupeur agréable qu’un mot y avait été laissé. Lazar s’en était occupé. Il avait décidé de la laisser dormir, là, sur le bois massif plutôt que de la réveiller. Hestia fut soulagée, mais l’aigreur de son humeur revint bien vite la frapper. Midi était déjà passée et même si son adelphe se chargeait des rendez-vous à honorer, elle n’avait pas le luxe de rester oisive. Elle ne le voulait pas. Sa tête devait être occupée, sinon elle se mettait à penser. Et ses pensées engendraient toujours des états qu’elle ne souhaitait pas retrouver.

Agacée par ce début de journée raté, la Kozlov devait néanmoins convenir qu’il lui était terriblement agréable d’être ainsi fortunée. La moindre toilette pouvait parfois représenter plusieurs mois d’un travail acharné, aujourd’hui, elle se permettait de nouvelle tenue presque tous les jours, s’offrant le luxe d’un choix auquel elle n’avait encore jamais goûté. Elle s’était rendue au cœur d’Elysium dans le but de retrouver son frère, ses bottines martelaient le sol pavé à mesure qu’elle avançait, traversant les différentes ruelles comme si celles-ci lui appartenaient. Un gamin la percuta, la Kozlov retint un grondement alors qu’elle se baissait déjà pour aider la petite créature à se redresser. Juste à côté de lui, s’était échoué un objet d’un ingénierie particulièrement complexe, surtout pour les mains d’un enfant aussi maladroit. Elle lui tendit après être restée interdite quelques instants. Le coeur battant. La chair brûlée qu’il avait réussit à apercevoir sous ses gants de dentelles dû l’effrayer, le bourg s’élança à toute vitesse loin de la nocturne comme si elle allait le dévorer, délaissant son jouet dans les paumes d’Hestia. Celle-ci pesta. Jetant l’objet à la volée pour que quelqu’un d’autre le ramasse et fit demi-tour d’un pas décidé. C’était une très mauvaise idée.

Abandonnant éhontément Lazar à ses responsabilités, la Kozlov s’enfonça dans les rues animées d’Elysium jusqu’à se retrouver au coeur de la cité Sapience. Sa robe détonnait dans le quartier des érudits, mais elle s’en fichait. Une cigarette coincée entre ses doigts, s’armant d’un courage qu’elle n’avait pas, elle avançait d’un pas décidé. Elle ne connaissait que trop bien l’endroit, pour l’avoir parcouru mille et une fois à son bras. Le petit bijou d’ingénierie qu’elle avait manipulé, lui avait rappelé ces longs moments où Delyan avait tenté de lui expliquer ce sur quoi il travaillait, ou les sujets qu’il étudiait. La nocturne n’était pas une très bonne élève, elle n’avait rien retenu des cours qu’il s’était pourtant acharné à lui donner, bien contre son gré, fallait-il tout de même le souligner. Elle préférait plutôt venir l’agacer lorsqu’il était concentré, détourner son attention et embraser le corps de l’hybride de ses prunelles pleines d’envie. Cela devait faire une année qu’ils ne se fréquentaient plus, à sa demande à elle. Enfin, demande… c’était un grand mot. Elle lui avait simplement imposé sa décision, sans réelle explication. Hestia n’était pas de celles que l’on pouvaient brider facilement. Elle n’avait jamais voulu se ranger. Delyan était un jeu, un pansement qu’elle avait trouvé pour oublier la détresse laissée par l’absence de ce foutu Suprême qui occupait toujours ses pensées. Mais les choses avaient évoluées entre eux, les choses s’étaient stabilisées. Elle était bien avec Delyan. Il avait cette aura réconfortante, pas du même genre que celle d’Ehsan. Delyan était l’incarnation de la nuit, son reflet. Ehsan était son opposé, sa lumière.

Et pourtant, à cet instant, elle brûlait de revoir le Volyn. Elle voulait le revoir. Elle voulait retrouver le confort de ses bras, ses discussions ennuyeuses et le charme froid qu’il dégageait.  Parvenue devant l’atelier, elle n’eut qu’un bref instant d’hésitation avant de pénétrer l’endroit, écrasant le mégot de sa cigarette sur le pas de la porte. Une multitude de têtes se tournèrent de concert vers elle. Hestia fouilla du regard la salle, perplexe de ne pas trouver le visage qu’elle était venue chercher. « Excusez-moi pour l’intrusion, qu’elle déclara d’une voix doucereuse, armée d’un sourire charmeur, je suis une amie de Volyn, sauriez-vous par hasard où je peux le trouver ? » Leur relation avait toujours été gardée secret. Hestia était terrorisée à l’idée que Dana ne l’apprenne, qu’elle considère celle-ci comme une trahison. Quelle ironie, à y repenser, puisqu’il n’avait fallut qu’une année de plus avant qu’elle ne la trahisse, mais d’une autre façon. La réponse ne se fit pas attendre. Velaris, lui répondit-on. Remerciant l’assemblée d’un geste franc de la main, la nocturne s’aventura dans l’autre sens, en direction du portail des passeurs.

Définitivement, c’était une plaie de ne pas savoir se tamiser. Le soleil avait déjà entamée sa descente, rendant le ciel à la lune pour ce soir. Le crépuscule avait paré l’horizon de ses couleurs chaudes, Hestia avait fait un détour auprès d’un caviste de Velaris avant de rejoindre, au cœur de la cité, un endroit isolé où elle était persuadée de le trouver. Delyan était un être particulièrement attaché à ses routines, ce qui avait rendu, entre autre, leur relation particulièrement  explosive. Fougueuse et imprévisible, la Kozlov ne craignait nullement le danger, lui, à contrario, préférait se cantonner aux endroits qu’il connaissait. Et son instinct le ne lui fit pas défaut lorsqu’en s’approchant de la clairière bordées de sapins, elle aperçu un groupes de fae, assis, la tête levée vers les étoiles. Un brin de nostalgie vint la secouer alors qu’elle observait le Volyn discuter gaiement avec ses amis. Il avait l’air heureux, à cet instant, et seulement parce qu’elle se sentait seule, elle allait se montrer cruelle envers lui. Encore. Parce qu’elle ne pouvait s’empêcher de briser tout ce qu’elle touchait.

La bouteille de vin fermement empoignée, elle s’avança discrètement, faisant dos au groupe, ils ne la repérèrent que tardivement. Les débats s’étaient tût à son arrivée et avant qu’il n’ait le temps de se retourner, Hestia s’accroupit pour se mettre à la hauteur du Volyn, flanquée dans le dos de l’hybride, elle enroula ses bras autour des épaules musclées de l’érudit et fit glisser son souffle depuis sa nuque jusqu’à son oreille ronde. Un sourire carnassier aux lèvres, elle lui chuchota. « Quelle merveilleuse nuit pour se retrouver, Delyan. »

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Début juillet 838 - @Hestia Kozlov

Pantin d’une vie tumultueuse, le destin se chargeait de moduler Delyan Volyn à sa guise. Autrefois capable de regarder le monde avec innocence et insouciance, cette époque était révolue et l’hybrid de la Cour de la Nuit n’avait plus rien d’un enfant de cœur. Son esprit était timé avec la précision d’une horloge car réfléchir vite et bien était de loin son meilleur atout. Trop souvent silencieux, se livrant une bataille perpétuelle contre ses propres démons en plus du reste, l’érudit d’Elysium était parvenu à trouver le point d’équilibre pour ne pas devenir un vrai petit con hautain. Ce point d’ancrage, ce fil invisible qui l’avait l’empêcher de tomber se trouvait être la splendide cité de Velaris. Berceau de ses rêves, de ses souvenirs, des rires de jeunesse et parfait symbole d’ouverture d’esprit, Delyan se forçait à lever régulièrement le nez de ses projets pour souffler, respirer, vivre, tout simplement.

Miracle de la vie ou cauchemar éveillé, le jeune homme au physique de brindille s’était forgé un corps et un mental d’acier en intégrant les chevaucheurs quelques années plus tôt et ses anciens amis le regardaient à présent avec méfiance. D’autres étaient venus le rejoindre, de grands Fae intelligents et cyniques qui ressemblaient davantage à ce nouveau lui. La fine équipe d’hommes ne manquaient jamais leur soirée mensuelle, tous près à refaire le monde sous le magnifique ciel étoilé de sa cour natale, pour finir ivres et plus légers, aussi…

Se déplaçant dans Velaris d’un pas cadré, les 5 hommes se rendaient avec un enthousiasme non dissimulé jusqu’à leur repère fétiche, comme chaque premier week-end du mois depuis plus de 5 ans. Delyan considérait la routine de son quotidien comme quelque chose de rassurant, sa sœur, elle, le trouvait toqué. L’heure des repas, de ses entraînements, de ses sorties, rien n’était laissé entre les mains du hasard et le contexte du moment ne faisait que renforcer son avis sur le sujet. Disparitions, vols, assassinats, la liste des personnes qui auraient dû mieux se préparer et plus se méfier commençait à être extrêmement longue. Ses ailes étaient masquées, chose qu’il ne faisait presque jamais dans le secteur et qui interpella ses confrères de beuverie.

« Depuis quand t’es devenu pudique ? » lança le premier, amusé. Sa main heurta amicalement son épaule et l’impact le fit grincer des dents.
« Depuis que t’as un faible pour les gars ailés, Dan.» pesta t-il, la mâchoire serrée.
« Pudique et de mauvais poil ! »

Tous se regardèrent avec sérieux avant de rire de bon cœur. Des retrouvailles sans tacles ne valaient pas la peine d’être vécues ! La veille, Delyan avait été trop lent, trop fatigué pour s'entraîner dans les quartiers secrets de la cité des étoiles et l’entaille en fin de cicatrisation à la naissance de ses ailes lui faisait encore un mal de chien. Les corps s’échouèrent rapidement au sol et les bouchons des bouteilles sautèrent à l’unisson, chacun la sienne pour éviter les disputes. La douceur des rires et des blagues graveleuses mêlés à la beauté du lieu rendait ces soirées indispensables pour le Volyn solitaire. La voix grave du Fae qui était assis de biais se stoppa au beau milieu d’une blague, pile avant la chute et sans même avoir le temps de lui demander quelle mouche venait de le piquer, des mains tièdes glissèrent le long de ses épaules endolories. Un nuage d’ombre noir enveloppa l’équipe pour prendre la forme d’une dague, la pointe posée sur la silhouette qui effleurait son dos.

Une voix.
Sa voix.
Hestia.

Son coeur manqua un battement et son être tout entier se figea sur place.

Putain. Fait chier.

1 an.
Une année s’était écoulée depuis leur rupture et la mélodie vicieuse qui teintait à ses oreilles lui faisait le même effet qu’un shot d’alcool pur. Sa voix enivrait ses sens et lui brûlait les entrailles juste après.

« Rectification, la soirée était merveilleuse. »

Une horde de regards épiait chacun de ses gestes pour donner du sens à l'électricité qui crépitait dans l’atmosphère. Son sourire avait fondu comme neige au soleil et la tentation était grande. Cette femme lui avait fait du mal et la lame affutée qui flirtait désormais avec la chaire de sa nuque n’attendait qu’un ordre pour lui rendre la monnaie de sa pièce. Il la connaissait pourtant trop bien et imaginait sans difficulté son sourire amusé. Hestia aimait les défis, le danger, l’adrénaline. Hestia était folle.

« Dégage tes mains de là, Hestia.»

Son self contrôle avait une limite bien établie : elle.

L’hybrid se redressa pour lui faire face et la rage qui coulait dans ses veines était si forte qu’elle en devenait douloureuse. L’ailé avait travaillé dur pour la sortir de sa tête et une seule foutue phrase était parvenue à le déstabiliser. Sa main s’empara de son bras et avec un semblant de calme il lui fit signe de s’éloigner et de le suivre.. sans ronchonner! . Son regard sombre se posa sur ses camarades qui assistaient à la scène comme à un spectacle de rue, bouteille en main et les yeux brillants d'intérêt. Le premier qui oserait un commentaire s’en souviendrait longtemps.

« Qu’est ce que tu veux ? Crache. »

La dame Kozlov ne faisait jamais rien sans intérêt..

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début juillet 838  — @Delyan Volyn — outfit

Ses mains glissaient le long des épaules du Volyn avec une forme d’habitude qu’elle n’avait su perdre. Elle l’avait enlacé de la sorte des centaines de fois, toujours dans le but d’agacer un peu l’ingénieur qui n’appréciait que trop rarement les ingérences qu’Hestia apportait à son planning réfléchi et organisé.  Il pouvait se montrer si barbant, parfois. Toujours cantonné dans ses routines et  ses horaires bien agencés. Delyan manquait toujours de ce petit grain de folie qui brillait tant dans les prunelles de la Kozlov, et là était seulement l’une de leurs nombreuses différences. Pourtant, elle s’était prise d’une affection réelle pour lui, elle appréciait sa compagnie, le calme que celle-ci amenait, même si les choses étaient beaucoup trop cadrées à son goût. Elle s’y était faite. Elle avait aimé passer ce temps à ses côtés, elle avait savouré les silences, les moments où rien ne se passait. Hestia avait chéri le Volyn sans jamais le lui avouer. Ils ne s’étaient rien promis, ni fidélité, ni amour. Mais deux ans s’étaient écoulés, deux ans durant lesquels ils se retrouvaient toujours aux mêmes endroits, toujours aux mêmes heures et parfois, elle venait le surprendre comme aujourd’hui, lui tombant dessus comme le Fléau de sa vie. Ils avaient rit, ensemble. Beaucoup. Parfois à s’en faire mal aux abdominaux. Ils s’étaient aimés d’une façon charnelle, parfois douce, parfois moins. Ils s’étaient forgés un cocon confortable à force de compromis, là où Hestia devait se tenir sage, Delyan faisait l’effort de se laisser surprendre. Ils avaient fini par trouver un équilibre. La relation qu’ils entretenaient alors, toujours dans le plus grand des secrets, fonctionnait. Cette relation sur laquelle elle n’avait jamais souhaité mettre de mot. Ce jeu, pour Hestia, cet espoir de trouver un écho à sa voix, un écho à ses maux, un moment pour oublier tout ce qui la brisait, pour l’oublier lui. Puis le jeu s’était transformé, quelque chose s’était formé entre eux. Un lien qu’elle n’avait pas vu venir, quelque chose de réel. De concret. Alors, effrayée, Hestia avait tout balayé. Rompant leur union inavouable, brisant sans le moindre scrupule le cœur du Volyn, ce coeur tendre auquel elle avait eut peur de trop s’attacher.

Un sourire se dessina sur ses lippes alors qu’une bourrasque d’ombre vint se former, la pointe d’une lame sombre contre sa nuque, elle lui avait susurré quelques mots à l’oreille.  Imperturbable et amusée lorsqu’il se crispa sous ses bras en reconnaissant sa voix. Il n’oserait jamais la blesser, elle le savait. Le sarcasme qu’il lui adressa la fit sourire de plus belle alors qu’elle levait les yeux au ciel, se donnant en spectacle devant ceux qui la voyait. Les amis de Delyan. Elle les observa du coin de l’oeil, curieuse de les connaître, curieuse de mettre des têtes sur les noms  dont le Volyn lui avait parlé. Mais le moment était mal choisi pour tenter de faire connaissance, et quand bien même sa curiosité avait été piquée, elle ne recherchait pas leur compagnie. Seulement la sienne. Elle libéra ses épaules d’un geste accentué et théâtrale ponctué d’un léger « Arrête donc de faire ta mijaurée. »  Elle ne s’attendait pas un à accueil des plus chaleureux, c’était certain. Mais lorsqu’il s’était s’était retourné et avait braqué un regard haineux envers elle, le même que lui avait adressé sa jeune sœur quelques mois avant, elle ne put s’empêcher de reculer. Un pas ridicule, minuscule et léger. Mais ce pas trahissait sa détresse, son émoi de le voir ainsi l’observer. Fait chier, qu’elle pesta mentalement. Elle aurait bien aimé prié la mère pour que Delyan soit passé à côté de ce mouvement, qu’il ne l’ait pas senti tressaillir lorsque sa main s’était enroulé avec une hargne mal dissimulée autour de son gant de dentelle. Mais Hestia doutait que l’ingénieur ne s’en soit pas aperçu alors qu’il l’observait comme s’il pouvait la tuer d’un simple coup d’œil.

Il la traîna à l’écart et tandis qu’elle s’apprêtait à rétorquer qu’elle aurait bien aimé profiter aussi de cette soirée gâchée à leurs côtés. Le regard qu’il lui lança lui intima le silence, elle n’en fut que plus perplexe. La fureur émanait du Volyn, à se demander s’il pouvait partir en fumées tant il semblait contrarié. Le coeur battant, Hestia se dégagea de l’étreinte sur son bras, frottant celui-ci d’un geste paresseux avant de s’armer d’un nouveau sourire mauvais. S’il l’avait vu flancher, cela n’arriverait plus. « Tu me manquais, répondit-elle simplement en haussant les épaules. J’ai du vin, elle leva la bouteille sous le nez de son ancien amant, j’me suis dis que ça t’aiderais peut-être à me pardonner. Débouchant la bouteille à coup de dent, elle huma le contenu de celle-ci avant d’en prendre une gorgée et de la lui tendre. Ton préféré, qu’elle se sentit obligée de préciser alors qu’il n’avait de cesse de l’enterrer sous son regard courroucé. Son cœur se crispa, Hestia détourna les yeux. J’aimerais que l’on puisse discuter. »  

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Début juillet 838 - @Hestia Kozlov

Hestia recula d’un pas. Furtif, très vite masqué derrière une armure de confiance, elle avait tout de même reculé devant lui ! La colère gronda plus fort, s’infiltra dans tous les pores de sa peau. Il s'en voulait d'agir ainsi. Elle n’avait pas reculé à cause d’une dague sur l’arrête de sa gorge, mais bel et bien à cause de lui, à cause de l’image sombre qu’il lui crachait au visage. Les remords lui donnaient la nausée, car jamais, ô grand jamais il ne pourrait la blesser ou lui faire du mal, toutefois il avait changé et elle venait de s'en rendre compte.

Delyan avait changé, oui. A cause d’elle. Pour elle.

La nouvelle version de lui-même n’était-elle pas à la hauteur de ses attentes ? L’homme plus tendre qu’elle avait décidé de rayer de la carte n’existait plus. Ses sentiments jetés aux flammes sans ménagement, le feu qui avait brûlé sa poitrine pendant des mois se ravivait par sa présence près de lui, mais l’idée de sombrer de nouveau n’était pas permise. Pas de geste tendre, pas de baiser sur son front, son nez, sa nuque, Hestia devrait se contenter d’un sourire carnassier. Car oui, il l’avait vu reculer d’un pas et s’en délectait.

« Ça à quel goût ? » Ses prunelles sombres accrochées au siennes avec force, comme s’il pouvait y planter des griffes pour qu’elle affronte ce regard, qu’elle s’y habitue comme il avait dû s’habituer à son absence.   « L'indifférence. Piquant, tu ne trouves pas ? » conclut-il avant d’envelopper leurs silhouettes dans une marée d’ombre pour protéger la conversation à venir des yeux et des oreilles indiscrètes.

Hestia :  « Tu me manquais.»

Il hocha la tête, l'oeil mauvais et ses muscles contractés d'agacement.

« Si tu me disais plutôt qui t’as perdu cette fois afin d’être assez désespérée pour te pointer ici comme une fleur ? »
Sa voix camouflée par l’épais nuage noir qui flirtait avec leurs peaux, Delyan n’avait aucune intention de la ménager. Il l’avait soigneusement évité pendant toute une année, ce qui l’avait obligé à prendre également de la distance avec sa propre soeur avant.. une dispute. Etonnant.

L’esprit de cette femme était aussi divin que dangereux. Impénétrable. Parfois tendre, souvent maladroit, vif, drôle, torturé, captivant, effrayant. Tout à la fois. Hestia Kozlov était belle à se damner, mais ce terme n’était pas à prendre à la légère, car s’approcher, c’était se brûler. Personne ne pouvait dompter cet esprit sauvage, pas lui en tout cas. Pourtant, toute la rancœur du monde ne pourrait faire de Delyan Volyn un parfait connard, même si tout serait plus simple ainsi.

Et si..
Et si elle était en danger ?
Si elle avait un problème ?

« Tu as toute mon attention, Hestia. »

Il s’empara de la bouteille pour la porter à ses lèvres sans la quitter des yeux. Plus grand, il pouvait bien la toiser de toute sa hauteur, il ne serait jamais plus fort qu’elle. Elle l’avait anéanti une fois et pouvait aisément recommencer. Sa méfiance était entière et ses émotions barricadées derrière un masque rigide et ferme pour ne pas se faire piétiner une nouvelle fois.

« T’as fait fort. T’as réussi à perdre la seule personne capable de voir encore le bien en toi.  Bien joué. » Dana.

Il n’en pensait rien mais les mots glissaient entre ses lèvres comme le venin d’un serpent en mal d’une vengeance. Peut-être imaginait-elle qu'il avait reprit sa petite vie sans elle sans difficulté ? Douce illusion...

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début juillet 838  — @Delyan Volyn — outfit

L’indifférence. Bien loin du goût piquant que le Volyn pouvait lui trouver, la Kozlov la trouvait seulement violente. Douloureuse. Cruelle. Elle n’était jamais indifférente. Elle ressentait tout. Toujours. Elle n’avait jamais eut de cesse de ressentir, et c’était sûrement ce qui la brisait. Parce qu’un trop plein s’était formé, à force d’affronter, de batailler. Elle était si fatiguée, Hestia. Si fatiguée qu’elle préférait feindre l’indifférence plutôt que d’admettre ses maux. Plutôt que d’admettre la douleur qui la cinglait sans cesse. Les angoisses qui lui faisait perdre la tête. Les mensonges dans lesquels elle s’était engluée, les erreurs qu’elle avait commise. L’indifférence de Delyan envers elle était un moyen brillant de la blesser. Il y était parvenu en une phrase, quelques mots adressés avait suffit à la faire vaciller. Elle était si fatiguée…

Les ténèbres virent les étreindre, elle sursauta. Cédant un instant à la panique que l’obscurité amena. Aslan avait fait de même. Il l’avait piégée dans le noir, dans une ruelle qu’elle osait à peine de nouveau emprunter. Le combattant l’avait effrayée de la sorte. Mais Deylan n’était pas lui, n’est-ce pas ? Il n’était pas cet être qui s’était réjoui de lui faire peur. Et pourtant, la lueur qui brillait dans les yeux de son ancien amant semblait lui hurler le contraire. Il avait changé. Il s’était endurci. Elle était fière de lui, Hestia. Fière qu’il ait trouvé la force de poser des barrières, de ne plus la laisser l’atteindre. Peut-être, après tout, qu’elle réussirait à ne pas le briser, lui aussi. Il avait l’air heureux avec ses amis, il semblait s’être ouvert, un petit peu. Elle espérait que ce soit le cas, qu’elle n’ait pas laissé un trace indélébile dans sa vie, que la rancœur qu’il lui jetait à présent à la figure n’était que l’écho d’un égo blessé. Elle pouvait supporter d’avoir ébranlé son égo, elle pouvait supporter beaucoup de chose. Mais même lorsque la vérité lui apparaissait de face, avec une telle force, une telle hargne, elle refusa de la voir. C’était probablement à cause d’elle qu’il était devenu ainsi.

Menaçant. Cinglant. Méchant.  
T’as réussi à perdre la seule personne qui voyait encore le bien en toi.

Il savait. Dana avait dû lui raconter. Elle ne savait pas comment, Hestia, sa meilleure amie avait fait pour lui conter l’histoire de leur dispute sans parler de l’Ars Longa. Mais il lui semblait bien qu’elle l’avait fait. Le silence fut tout ce qu’elle fut capable de lui offrir. Goûtant l’amertume de ses larmes au fond de sa gorge. Sa culpabilité. Sa détresse. Son monde s’écroulait une nouvelle fois, elle qui pensait pouvoir trouver du réconfort dans les bras de l’ingénieur s’était complètement fourvoyée. Il avait changé. Etait-ce à cause d’elle ? Etait-elle réellement parvenue à détruire la bonté du Volyn, cette candeur qu’il dégageait, cette douceur dont elle s’était si longtemps moquée et qu’elle avait fini par apprécier ? C’était comme se retrouver face à son propre reflet. La bile lui monta à la gorge. Acide. Acre. Les larmes étaient difficiles à retenir. Mais elle ne craquerait pas. Pas devant lui. Elle ne le pouvait. Elle méritait les mots qu’il lui adressait. Elle le savait.

Mais elle n’était pas insensible non plus. Et les catastrophes ne faisaient que s’enchaîner. Un semblant de relation avait vu le jour, enfin, de nouveau, entre elle et Lazar. Son frère était de retour, son frère bien-aimé pour lequel elle avait tué leur père. Pour lequel elle avait fait flamber leur demeure. Pour lequel elle avait tout détruit, jusqu’à la chair de ses mains. Lui enfin, pour qui elle avait fait chanter l’Ars Longa. Lui pour qui elle avait sacrifié Dana. Pour son bonheur, pour ne serait-ce qu’un rire, un sourire. Mais ce frère qui lui avait menti, omettant de lui parler de la femme qui partageait son cœur. Celle qu’Hestia ne pourra jamais remplacer. Celle qu’elle ne pourra jamais être. Néreis Taellim. Alors elle s’était acharnée pour rien, parce que le problème n’était plus vraiment le sien. Et elle n’était pas à l’origine du malheur de son adelphe. L’entreprise familiale fonctionnait de nouveau, ils étaient riches. Très riches. Trop riches. Ils avaient tout. Mais rien ne pourrait apaiser Lazar plus que cette estivale qui lui avait craché ces vérités qu’Hestia aurait préféré ne jamais, jamais entendre. Puis il y avait eut Ehsan. Le Suprême du Jour. Un être inaccessible qu’elle avait toujours désiré. Un être avec lequel elle se sentait bien, un être qui la comprenait mieux que personne. Avec lui aussi, elle avait tout détruit.

Qui avait-elle perdu ? Tout le monde. Hestia était seule. Et Delyan. Son tendre Delyan qui aujourd’hui la repoussait.  Elle le méritait. Elle méritait tous les maux qui l’affligeaient. Mais bordel. Ça lui faisait mal. Elle crevait de le voir la regarder ainsi. Elle mourrait de l’absence toujours plus longue de son amie. Elle s’effritait devant cette liste d’ennemis qui ne faisait que croître.  La Kozlov se racla la gorge, arrachant la bouteille des mains du Volyn, les sourcils froncés et yeux humides. Elle prit une gorgée. Deux. Trois. Quatre. Le vin glissa jusque sur son menton. Elle était nerveuse. Blessée. Elle n’aurait jamais dû se tenir là. Elle n’aurait jamais dû tenter de le retrouver lui. Pas après tout ce qu’elle lui avait fait, c’était cruelle de sa part et elle le savait. Mais elle était perdue Hestia, ne sachant plus vers qui se tourner. Son garde fou, sa branche, son filet, Dana, son amie, sa sœur, n’était plus à ses côtés. Dana la détestait. « Je… son cœur saignait, elle n’avait plus la force d’être énervée. Elle n’avait plus la force de rembarrer le monde entier avec cette colère qu’elle nourrissait. Celle qui lui permettait de rester debout. Celle qui faisait qu’elle ne pouvait pas flancher. Mais Hestia flanchait. Le sommeil lui manquait, les ténèbres qui les entouraient l’étouffait. Et ce rejet… cet infime espoir qu’elle avait de peut-être retrouver un peu de chaleur, un semblant d’amitié, d’affection. Juste quelque chose pour s’accrocher, une branche à se raccrocher. Une main tendue. Un sourire. Un rire. Quelque chose. N’importe quoi. Cette perspective venait de lui être arrachée. Hestia sombrait.

Son poing douloureusement crispé autour de la bouteille vint frapper le torse du Volyn, renversant le vin sur leurs vêtements. On aurait dit qu’ils étaient tâchés de sang. Tâchés de cette hémoglobine qu’elle avait fait couler durant des années, la destruction toujours à sa suite. Le rouge coulait, disparaissant dans l’épais brouillard noir que Delyan avait formé autour d’eux. Ses larmes aussi. Celles qu’elle ne parvenait plus à retenir. Une dernière flamme persistait, une dernière braise colérique qu’elle lui adressa d’une voix sans timbre, la tête baissée, fouillant de ses yeux humides les ombres qui semblaient toujours plus les engloutir. Je voulais juste des nouvelles de Dana putain. Je voulais juste… retrouver mon amie. Depuis quand t’es aussi mauvais que moi ? »

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Début juillet 838 - @Hestia Kozlov

Trois. Deux. Un.
Delyan provoquait, défiait et attendait avec une impatience à peine voilée que la tempête Hestia se déchaîne et ravage tout sur son passage. Il voulait sentir sa rage d’être ainsi attaquée, rêvait de voir la tigresse sortir les griffes pour tenter de le blesser à son tour. Aucune de ses paroles acerbes ne pouvaient le toucher, son armure était dressée pour le protéger des coups et des mots.

Rien.
Un foutu silence. Sa bouche était figée comme tout le reste de son corps. Un discret sursaut le laissa plus perplexe encore lorsque la bulle d’obscurité entoura leurs corps pour une intimité nécessaire. Se donner en spectacle, c’était son truc à elle, pas le sien, mais ses ombres, elle les connaissait mieux que personne, alors pourquoi ? Pourquoi les craindre ce soir-là ? Plus rien n’avait de sens. Hestia était venue le chercher de son plein gré avec une voix gorgée d’amusement et de provocation et voilà qu’elle était murée dans un silence quasi religieux qui ne lui ressemblait pas. Il connaissait le bruits de ses cris, sa colère, de son rire, savait reconnaître l'intonation des défis, de la lassitude à son égard et de son désir, mais ses silences étaient quant à eux assez rares pour être inquiétants.

Rien.
Hestia ne l’envoyait pas valser, pire encore, elle semblait être en pleine bataille contre des ennemis invisibles. Avait-il atteint son talon d’achille en seulement trois phrases ? Bien sûr que non. La tigresse était blessée avant même de le rejoindre et comme toujours, elle avait affiché un masque de confiance et de sérénité pour qu’il ne voit rien de sa fragilité. Un fonctionnement qu’il commençait à connaître, qui leur faisait au moins un point commun à présent… La grande Fae aux traits juvéniles laissait entrevoir une facette d’elle-même qu’il ne connaissait pas, même après tant d’instants passés ensemble. Le vase de ses émotions débordait et la vague était trop grande pour qu’elle parvienne à la contenir. Avec force, elle s’empara de la bouteille pour la porter à ses lèvres et enchaîner les gorgées. Ça faisait mal. Cette douleur sourde qu’il percevait dans son regard, dans ses gestes irrationnels et colériques brûlaient chaque centimètres de sa chair. A n’en point douter, il préférait ses colères incontrôlables à cette souffrance muette. Delyan attrapa son poignet pour mettre un terme à cette saoulerie inutile car le vin était un faux ami, il en savait quelque chose et refusait de la regarder s'enivrer pour tenter de se guérir du mal sournois contre lequel elle se débattait. Son poing vint se heurter à plusieurs reprises contre son torse et l’hybrid couvert de rouge resta de marbre, ses yeux sombres rivés sur elle. Elle pouvait le frapper sans relâche, il n’avait nullement l’intention de reculer.. ni de la laisser dans cet état de détresse.

Les larmes qui se mirent à faire briller ses yeux avant de rouler sur ses joues étaient le coup de poignard de trop. Delyan avait beau lui en vouloir d’être parti, il n’avait aucun droit légitime sur ses sentiments à son égard et n’avait aucune raison valable de lui en vouloir. Sa rage était dictée par ses propres émotions. Trop égoïste pour s’en rendre compte avant cet instant, il se mordit la lèvre devant ce spectacle brutal et n’avait même pas daigné baisser les yeux sur le rouge qui couvrait leurs tenues respectives.

« Depuis quand t’es aussi mauvais que moi ?  »
« Depuis que t’es parti » répondit-il d’une voix grave, dénuée d’animosité cette fois. Simple constat..

Trop souvent moqué, blessé, déçu, Delyan s’était endurci pour mieux résister au monde et pour remonter la pente d’une rupture qu’il n’avait pas souhaité. Leur relation s’était passée de mots durant plus de deux ans et le départ d’Hestia avait déclenché l’évidence. Il était tombé amoureux de cette femme. Cette âme dévergondée capable de le sortir de sa bulle de confort, de sa routine militaire et de déclencher des éclats de rires incontrôlables. De la passion et du lâcher prise, il n’aurait jamais pris le risque de blesser Dana en fréquentant sa meilleure amie dans son dos si Hestia n’avait été qu’une amante de passage..

Ses ambitions de vengeances au placard, Delyan était incapable de la regarder se détruire sous ses yeux et de tourner les talons pour se gargariser d’une victoire, de la voir souffrir ainsi. Jamais il ne voudrait ça. Ses ombres devinrent plus denses, omniprésentes, comme un bouclier qui la protégerait du monde extérieur et lentement, il la rapprocha de lui pour l’enlacer comme il l’avait déjà si souvent fait. Point d'ambiguïté dans ses gestes, seulement une putain d’affection qu’il avait tenté de détruire, en vain. Cette femme était si belle lorsqu’elle riait, il ne voulait pas de ses larmes. Ses bras entourés à sa taille, il resta silencieux encore quelques instants pour digérer ces retrouvailles avant de glisser son index sous son menton pour l’obliger à relever la tête et à se confronter à lui, l’homme qu’elle connaissait.

« Tout va bien. » dit-il avant de déposer un baiser sur son front.

En vérité, tout n’allait pas bien. Ni pour elle, ni pour lui, mais ce n’était pas le moment de flancher.

« Je ne sais pas pourquoi vous êtes fâchées, mais Dana te pardonnera un jour. Les Volyn sont faibles face à toi. » dit-il en étouffant un rire et en levant les yeux au ciel.

« Je vais lever les protections Hestia, ça pue le vin. » Une dernière étreinte, un long soupir, Delyan recula d’un pas pour se libérer de cette proximité mordante et ses ombres tombèrent au sol avant de disparaître.

« Tu fais chier Hestia.. vraiment.. Allez ramène toi..» De l’amitié à l’amour, il n’y avait qu’un pas, sans doute pouvait-il faire demi-tour pour ne pas tout perdre d’elle.   « J’espère que tu n’as pas tout versé, on va en avoir besoin. » dit-il en regardant la bouteille qu'elle agrippait fermement.  L’hybrid s’empara de sa main libre et les tamisa jusqu’au point de vue qu’ils avaient l’habitude de rejoindre. D’ici, les étoiles étaient plus belles, plus proches et les lumières de Velaris, un régal pour les yeux. L'ailé grimpa sur un rocher et lui tendit la main pour qu'elle se joigne à lui et s'installe.

« Je ne suis pas revenu ici depuis longtemps.. c'est toujours aussi beau..
Je t’écoute. Que s’est-il passé ? » Avec Dana, avec d’autres. Comment l’audacieuse Kozlov avait-elle finit par atteindre le point de rupture.. ?

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début juillet 838  — @Delyan Volyn — outfit

Elle ne pensait pas pouvoir tomber plus bas. Pourtant ce fut le cas. Depuis que t’es parti.
Elle l’avait compris. Elle l’avait bien saisi. Pourquoi lui avait-il dit ? Pourquoi l’avait-il admit ? Elle ne voulait pas de cette responsabilité là. Elle n’en voulait pas. Elle ne pouvait la supporter, cette cape trop grande pour ses épaules, cette culpabilité de l’avoir lui aussi brisé. Pas lui. Par pitié. Pas lui. Mais ce ton froid, ces barrières, cette méchanceté qu’il lui avait adressé, tout cela venait d’elle. Ce n’était pas uniquement pour se protéger, ce n’était pas juste un masque comme celui qu’elle pouvait porter. Il avait changé. Elle l’avait changé. Cet homme doux, tendre. Cet hybride dont la compagnie était froide, dont l’aura était calme. Son opposé dans lequel elle trouvait à présent un écho. Sa douleur. Sa colère. Elle s’était glissée en lui, elle l’avait infestée de ses propres démons. Elle aurait tant aimé pouvoir le protéger. L’éloigner. Mais elle s’était montrée égoïste. Elle avait fuit devant la réalité d’un sentiment qu’elle refusait d’admettre. De comprendre. Elle l’avait repoussé sans le ménager. Elle l’avait détruit, lui aussi. Comme tout ce qu’elle touchait. Tout ce qu’elle approchait. Tout ceux qui la côtoyaient. Au moins pouvait-elle se targuer d’avoir éviter à son foutu Suprême le même sort. Maigre consolation alors qu’elle se voyait contrainte et forcée d’observer les ravages que sa proximité pouvait faire. Delyan Volyn n’était plus tout à fait le même. Et c’était entièrement de la faute d’Hestia. Comment Dana pourrait-elle lui pardonner après cela ?

Ses larmes redoublèrent après les mots de l’ingénieur. Son coeur se brisait d’autant plus. Ce n’était pas une pique acerbe cette fois, mais juste un constat. Froid, rempli d’une vérité qu’il semblait avoir acceptée. Mais elle ne le pouvait. Elle ne pouvait se résoudre à accepter qu’elle avait réussi à corrompre un cœur aussi candide que le sien. Oh, ce cœur dont elle s’était tant moqué. Auquel elle s’était terriblement attachée. Ce cœur qu’il lui avait offert, brisant toutes ses barrières, affrontant ses propres peurs. Il s’était jeté dans l’inconnu, il s’était jeté dans le brasier juste pour être avec elle. Et ce cœur, cette offrande, elle l’avait piétiné sans jamais se retourner. Jusqu’à aujourd’hui, ce jour où tout lui échappait. Pardon, voulait-elle murmurer. Mais sa gorge était nouée. Elle était désolée. Elle avait honte de l’avoir traiter ainsi. Il ne méritait pas cela, mais elle méritait son mépris. Elle s’attendait déjà à ce qu’il la laisse là, couverte du vin qu’il l’avait empêcher de boire jusqu’à la dernière goûte. Elle s’attendait à ce qu’il se retourne, la laisse, la repousse. Exactement comme elle l’avait fait. Elle le méritait. Elle méritait ce sentiment cinglant qui l’étouffait. Elle n’était rien face à la bonté des Volyn.

Les ombres s’amassèrent un peu plus autour d’eux. Coupant une fois de plus le souffle de la Kozlov à mesure que la brume se densifiait. Elle pleurait. Silencieusement. Elle déchargeait ce trop plein d’émotion devant lui, lui qui n’avait été qu’une victime de plus de ses stratégies bancales. De ses jeux dont elle ne connaissaient plus les limites. Où situer le bien et le mal à présent qu’elle avait blessé des innocents et pris la vie d’un être qui n’avait plus moyen de se défendre ? Ou situer la limite alors que Dana n’était plus là, que la vérité lui avait été démontrée et qu’elle s’était fourvoyée sur toute la ligne. Justifiant ses actions pour la prospérité d’un être qu’elle n’aurait de toute évidence jamais pu aider : Lazar. Elle sursauta de nouveau, Hestia, lorsque les mains du Volyn vinrent enserrer sa taille. Ses yeux bas n’osaient pas l’observer mais il l’y força, glissant un doigt sous son menton pour lui faire relever la tête. Elle n’y voyait plus vraiment à travers ses prunelles embuées, mais le regard de Delyan avait changé. Lavé de ses barrières et de ce masque, elle le regardait lui. Ce vrai lui qu’elle connaissait et qu’elle avait aimé. Il déposa un baiser sur son front, comme il l’avait tant de fois déjà fait pour la calmer, lorsque la partie furieuse d’elle-même éclatait. Il prononça un honteux mensonge de cette voix calme et sereine qu’elle lui connaissait. Tout n’allait pas bien. Rien n’allait. Tout lui échappait, elle n’était plus maîtresse de rien, elle s’en voulait, le flot d’émotion la dévorait, ses démons avaient enfin fait leur chemin, ils étaient parvenus à briser sa coquille. Elle n’était plus rien.

Son rire, léger, naïf lui arracha lui sourire alors qu’elle l’observait. Ses larmes s’étaient un peu taries, elle n’osait présumer de l’image qu’elle lui renvoyait à cet instant. Mais elle le voyait lui dans cette bulle d’ombre qui apportait un semblant de réconfort. Cette main tendue dont elle avait tant besoin. Un peu d’affection. De compréhension. Cette chose qu’elle avait découverte chez Ehsan, ce sentiment qui s’était concrétiser avec Delyan. Deux êtres si différents et pourtant semblables. Deux êtres qui l’acceptaient, peu importe ce qu’elle était ou ce qu’elle avait fait. Son cœur chavirait. Incapable de détourner le regard de ces prunelles qui lui souriaient. Il était trop bon, trop doux alors qu’elle l’avait malmené. Mais il n’avait pas tord sur un point, les Volyn étaient faibles face à elle et Hestia s’en blâmait d’avance, sachant pertinemment qu’une pente glissante s’offrait à ses pieds, qu’elle pourrait retrouver l’affection de Delyan avec peut-être un peu trop de facilité. Et qu’elle le briserait d’autant plus après. Sans même le faire exprès. L’hybride la prévint avant de s’éloigner, elle n’avait pas à cœur de sourire, engluée dans son silence, le regard perdu, inquiet. Reconnaissant. Les ombres s’écartèrent, elle respirait de nouveau. Mais déjà le corps de l’ingénieur manquait au sien, comme un besoin insatiable de sa proximité. La bouteille toujours ancrée à sa main, elle l’observa sans comprendre. Parce qu’elle s’attendait à ce qu’il parte après l’avoir calmée. Qu’il reprenne sa vie là où il l’avait laissé. Qu’elle ne soit qu’une ombre du passé, un fantôme venu le hanter une dernière fois. Et qu’il l’oublie.

Mais il lui prit la main, les tamisant plus loin, éloignant le brouhaha de ses amies qui buvaient non loin. Découvrant le point de vue qu’ils appréciaient tant. Celui où ils s’étaient retrouvés des centaines de fois, parfois pour ne rien se dire de la soirée. Parfois juste pour s’aimer sous la lumière des étoiles. Parfois pour parler. C’était leur endroit. Leur moment. Elle n’y avait plus jamais remit les pieds. Et lui non plus, visiblement. Le battant toujours affolé, elle saisit d’une main hésitante la paume qu’il lui tendait. Cette paume chaude, chaleureuse. Elle ne voulait plus la quitter. La lâcher. S’encrant de nouveau dans une réalité, avec cette idée que peut-être… peut-être que ça pourrait aller. Les traînées noires sur ses joues la démangeaient. Les larmes s’étaient taries alors qu’ils s’étaient assis. Elle ne dit rien pendant un moment, laissant en suspens la question du Volyn. Jusqu’à soupirer, inspirer, expirer. Calmer ce cœur brisé et ses pensées chaotique. Apaiser la tornade qui hurlait. La bouteille n’était pas complètement vide, la mère en soit remerciée. Ils allaient en avoir besoin.

« Je ne suis pas revenue non plus. Je ne voulais pas… t’y croiser. M’imposer.Lâcha-t-elle d’une voix triste alors que ses prunelles observaient les étoiles qui trônaient au dessus d’eux. Leur présence lui donnait une impression de normalité, d’équilibre. Un souvenir serein de ce temps où les problèmes d’Hestia se cantonnaient à des histoires de cœur déchiré entre des sentiments qu’elle ne comprenait pas, entre deux hommes auxquels elle ne pouvait accéder. Et sa guerre avec Lazar. Cette guerre qui lui paraissait si douce à présent, comparé à l’enfer qu’ils venaient de traverser.  Je suis désolée, Delyan. Pour tout. Pour ce que je t’ai fait, tu ne méritais pas ça. Tu… Je ne te méritais pas. Comme je n’ai jamais mérité Dana. À croire que Neven est le seul à avoir les yeux bien ouverts sur moi, plaisanta-t-elle doucement. J’ai merdé. Beaucoup. Depuis un an, je… je fais que ça. Elle ôta doucement ses gants, déposant la dentelle à côté d’elle alors que d’une main tremblante elle reprenait une gorgée de vin. Il est bon, j’aurai pas du le renverser. J’aurais pas dû te frapper. J’suis désolée. Mais je suis perdue, je ne sais plus vers qui me tourner. J’ai tout détru- sa voix se brisa, un sanglot menaçant de s’emparer de nouveau de celle-ci. Les poings serrés, cherchant la minuscule parcelle de courage qui lui restait, elle reprit une gorgée avant de déposer la bouteille à ses pieds. Le regard toujours braqué vers le ciel. Je subis les conséquences chaque jour et… Je m’en veux. C’est inédit pas vrai ? J’ai jamais ressenti ça. La colère et la peine oui. Mais la culpabilité c’est… différent. C’est horrible. Je suis faible face aux Volyn. Vous êtes les seuls à m’atteindre ainsi. Les seuls à avoir ce pouvoir sur moi. Ses yeux cherchèrent la proximité des prunelles de l’hybride alors qu’elle continua, sourcils froncés, au bord des larmes. Notre maison a brûlée l’hiver dernier et notre père est mort, soupira-t-elle, camouflant la vérité. Je vivais déjà chez vous, à Velaris. Rien ne bougeait, et Lazar s’est fait enlever. Il m’est revenu brisé, alors qu’on s’acharnait à se reconstruire, à ramasser les morceaux de cette putain de famille dysfonctionnelle. J’ai pas eu le choix… Je devais tout arranger. Je devais lui redonner le sourire. Alors j’ai merdé. J’ai menacé Dana. Enfin, pas elle directement. Mais c’était tout comme. J’ai menacé ses intérêts et cette bataille je l’ai gagnée. Mais je l’ai perdue elle. Et ça me crève parce que je n’ai pas eu l’occasion de m’expliquer. Et il y’a eut… Ehsan. Suprême du Jour. Qu’importe ce qu’il représentait pour elle, Hestia n’avait pas vraiment besoin de poser de mots dessus pour savoir que lui dire adieux fut une des choses les plus cruelles auxquelles elle avait dû faire face. Une femme est venue me trouver. Une fae noble de l’été, une amie de Dana qui plus est. Elle… elle est parvenue à détruire mon frère en quelques mois, bien plus que je ne l’aurai fait en une centaine d’année. Et c’était ses pots cassés que j’essayais de réparer, sans comprendre pourquoi ça marchait pas. Sa voix s’était gorgée d’une colère sourde, teintée d’une tristesse sans fin alors qu’elle parlait pour la première fois de cet événement là. J’ai tout détruit Delyan. Tout ça pour rien. Parce que je pensais être le problème alors que… c’était pas le cas. » Elle se laissa tomber en arrière, allongée sur le rocher, ses mains croisées sous son crâne, le regard rivé sur Deylan. Elle se sentait soulagée de lui avoir parlé. « Voilà, tu sais tout, plus ou moins, qu’elle déclara, d’un ton égal, balayant le fait qu’elle venait de lui dévoiler toutes les parties les plus difficiles de sa vie. Les maux qui la hantaient. Et toi, comment tu vas ? »  

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Début juillet 838 - @Hestia Kozlov

Delyan sentait son monde ainsi que ses convictions s’écrouler sous ses pieds par la simple présence de la grande fae sur ce rocher. Un an de reconstruction, de progrès pour tenter de l’oublier et de la sortir de sa vie qui venait d’être balayé d’un revers de main sans qu’il ne s’en soit douté. Cette soirée ordinaire prenait une tournure nouvelle et particulièrement déstabilisante car les mots lui manquaient. Que dire après tant d’absence et une rupture aussi brutale que douloureuse ? Hestia ne s’était pas embarrassée avec des explications et l’hybrid s’était convaincu ne pas être à la hauteur, être trop barbant, pire encore, moins bien qu’un autre car la présence d’un homme pouvait aisément justifier un tel départ.. et pourtant, malgré l’amertume qui enveloppait ce passé commun, il était là, prêt à l’écouter se confier et faire de son mieux pour lui apporter du réconfort si cela était encore possible.

« Neven est très perspicace en son genre. » répliqua t-il, comme si c’était devenu une seconde nature d’enfoncer le clou malgré son bon fond. « mais ni Dana, ni moi ne t’avons chassé de nos vies, Hestia. » Tu t’en sors très bien tout seul, pensait-il. Une vérité brûlante, mais Delyan connaissait suffisamment sa sœur pour savoir qu’elle n’aurait jamais pris de telles distances sans une raison valable..

Cette voix frémissante, au bord des sanglots, n'avait rien d’habituel, il n’était même pas certain de l’avoir un jour trouvé si affaiblie et sa propre désillusion n’était pas assez mordante pour le laisser insensible à cette étonnante détresse. Son visage se tourna dans sa direction, cherchant le contact de son regard pour comprendre et écouter sa version des faits.

« Menacer ma sœur n’est assurément pas une bonne idée. Cette bataille que tu as gagnée, méritait-elle tous ces sacrifices ?  » Il se mordit la lèvre pour garder son calme, détestant l’idée que quelqu’un s’en prenne à Dana, plus encore sa meilleure amie. Mais après tout, pouvait-il se permettre de juger alors qu’il lui avait caché leur relation pendant presque 2 années… ? Il n’avait rien d’une blanche colombe et préféra se montrer clément.

« Tu devrais aller la voir, présenter des excuses. Je ne sais te dire si elle les acceptera un jour, mais c’est ainsi que les gens normaux font pour soigner la culpabilité. » Un sourire doux étira ses lèvres. Cette fois, il ne cherchait pas à la blesser, mais bien à rire de ses maladresses pour dédramatiser les choses.

“ Il y a eu..”
Une phrase inachevée qui le fit grogner. Venir ici pour lui servir des demi-vérités était assez culotté, mais certaines révélations n’étaient pas bonnes à entendre, raison pour laquelle il resta silencieux. Plus tard.

« J’ose croire que tu n’avais pas de mauvaises intentions. Tu as voulu aider ton frère et je serais prêt à commettre les pires atrocités du monde si quelqu’un s’en prenait à ma famille.. même si pour l’heure.. je suis loin d’être irréprochable… La culpabilité.. je connais bien, crois moi. » Mêler Dana à ses problèmes, au chantage d’Eros Wintell.. c’était une chose qu’il avait bien du mal à se pardonner. L’Ars Longa.. Hestia était forcément au courant, non ? Leur relation était donc basée sur des secrets et l’idée le rendait fou. A son tour, il s’allongea pour emprunter une posture similaire et contempler le splendide ciel étoilé que la cour de la nuit avait à offrir. Un endroit si beau pour des confidences si sombres… Une façon comme une autre d’équilibrer les choses, tout ne pouvait pas être affreux.

« Que sais-tu sur les activités de ma soeur ? Tu as parlé d’avoir menacé ses intérêts… » Et maintenant ? Allait-elle faire le choix de protéger Dana et l’Ars en lui mentant droit dans les yeux, ou était-elle en pleine rédemption, prête à lui faire une place qu’il estimait avoir toujours mérité ? Aucune magie ne pouvait forcer l’amour à naître, mais n’avait-il été qu’une lubie passagère ? Une diversion ? Pas même un ami, bon sang !?

«ça va » dit-il d’une voix neutre, dépourvue de conviction.
« Une année mouvementée à l’image de cette soirée. Je t'ai détesté dans l’ombre tout ce temps et finalement, maintenant que t’es là.. je n’y arrive pas.. mais j’ai changé moi aussi.. on a tous changé..  » Dana n’était plus sa petite soeur chérie qu’il n’avait pas su voir évoluer, Neven était dans le chantier de sa reconstruction personnelle et lui, il n’était plus l’hybrid docile et cela se portait désormais sur son visage. Quant à Hestia.. sa tristesse parvenait à le toucher malgré cette aura sombre qu'il entretenait pour se protéger, simplement car.. c’était Hestia et qu’à jamais cette femme aurait des privilèges avec lui.

« Tu ne m’as jamais dit pourquoi tu es partie. »

S’aventurer sur ce terrain là était assurément une très mauvaise idée. Une pente glissante, mais un mal qu’il jugeait nécessaire pour avancer et espérer pouvoir l’aider sans être sans cesse tiraillé entre son respect et sa colère intérieure. « Comment va Lazar à présent ? »

Le buste redressé, en appui sur ses coudes, il s'empara de la bouteille au sol et la porta à ses lèvres pour chercher à son tour un peu de réconfort dans le nectar rougeâtre.

« Déjà.. tu sais toujours repérer un bon vin. Tout n'est pas perdu. » dit-il, le regard conciliant et amusé avant de lui tendre la bouteille.

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début juillet 838  — @Delyan Volyn — outfit

Le calme après la tempête. L’explosion de ses émotions faisait toujours briller dans ses prunelles ces lueurs salées dans lesquelles se reflétait l’éclat de ces milliers d’étoiles qui les observaient. Hestia se sentait libérée du poids de ses maux. Elle se sentait mieux, un peu. Peu encline à reconnaître ses tords d’habitude, plutôt du genre à faire flamber ses problèmes au lieu de les affronter, elle ne pouvait nier qu’avoir confié une belle partie de ses aventures au Volyn lui fit du bien. Mais c’était sans compter sur les piques et questions, pertinentes, certes, qu’il s’apprêtait à lui adresser. Peut-être aurait-elle préféré qu’ils restent juste là, englobés dans ce silence confortable sous le ciel ruisselant de lumière. Ses mots étaient plein d’une vérité qu’elle n’était encore tout à fait prête à accepter. L’autodestruction personnifiée, la Kozlov savait que sa Némésis n’était autre qu’elle-même. Et si elle sourit doucement, tristement, du fait que Neven soit le seul à la voir telle qu’elle était, la nocturne ne parvint pas à retenir une grimace lorsque Delyan lui fit savoir que ni Dana, ni lui-même n’avaient été à l’origine de son départ de la vie des Volyn. Cette famille était presque la sienne tant cela faisait longtemps qu’ils se fréquentaient. Je sais, voulait-elle murmurer, mais plonger bêtement dans la flagellation n’avait pas le moindre sens. C’en était assez. Hestia n’était pas de celles qui pleuraient, elle était de celles qui se battaient. Et qui détruisaient, comme l’avait si bien dit la douce Beauchamp.

Revivre sans cesse cette soirée à l’Ars Longa, nuit et jour dans ses songes et ses pensées, n’aidait pas. La bataille gagnée méritait-elle les sacrifices qu’elle avait fait ? Non, assurément pas. Mais comment sincèrement regretter alors qu’elle pensait faire ce qui était juste, ce qui était nécessaire pour Lazar qui s’effondrait ? La culpabilité pesait plus lourd que ses angoisses à présent, ces veilles amies qu’elle avait fini par adopter telle une compagnie délétère toujours penchée sur son épaule. Le répit avait été de courte durée après l’incendie. La peur dans les yeux de son frère, sa peur de la perdre elle avait un temps réussi à la réanimer. Mais la toile s’était rapidement désintégrée, et Lazar n’avait fait que sombrer de plus belle. Enlisée dans ce besoin de bien faire, de le ramener, des les sauver, elle n’avait pas vu ce qui se trouvait sous son nez. Son erreur. Sa faute. Cuisante. Mortelle. En quelques mois elle s’était couverte d’une cape qu’elle peinait à supporter : elle s’était rendue coupable d’un meurtre de sang froid, elle avait tué son père, cet être qui, jusqu’à ce que la génitrice des adelphes ne disparaisse, l’avait choyée et aimée. Elle l’avait soulagée, du moins c’était ce dont Hestia essayait de se convaincre, sans réel succès.  Néréis avait vu juste sur un point : tant de choses auraient pu être évitées si seulement Lazar et elle s’étaient parlés. Si seulement ils étaient parvenu à communiquer la peine qui les rongeaient tous les deux. Et la vérité c’était qu’Hestia avait trop peur qu’il ne ressente pas la même déchirure, les mêmes dommages. La Kozlov peinait à respirer sans son frère, sans cette partie d’elle-même dissociée et envoyée dans un autre corps. Un être divisé en deux. C’était ainsi qu’elle s’était toujours figuré ce qu’ils représentaient. Ce tout qu’ils formaient et qu’on avait forcé à s’éloigner.

« Non, soupira-t-elle finalement, la victoire a pris un goût amer à l’instant même où j’ai gagné. Mais je n’avais pas d’autre choix.  La suggestion d’aller directement trouver Dana pour s’excuser la fit sourire tristement, elle haussa les épaules, le cœur lourdé. Pas la peine de me faire la morale, qu’elle déclara d’une voix blanche. Aslan s’en est chargé il y a pas si longtemps. Il s’en est donné à cœur joie, crois-moi. La mine sombre, elle repoussa les pensées qui virent l’assaillir. La peur qu’elle avait ressentit lorsqu’il l’avait coincée au milieu de la ruelle, lorsqu’il s’était jeté sur elle, l’avait bloqué contre le mur. Cette peur qui l’avait étreinte alors qu’elle n’arrivait pas à se détacher de lui, alors qu’il l’observait comme s’il allait la tuer. Il a réussi à me faire craindre les ombres, cet abruti. Elle avait tenté de lui expliquer le fond de sa pensée, lui dire qu’elle n’avait pas agit contre son amie mais bien dans l’intérêt de son frère. Mais les prunelles sanguinaires qu’il avait posé sur la Kozlov peinaient encore à quitter son esprit.  Enfin, j’espère que t’as déjà rencontré Aslan… j’voudrais pas vous gâcher la surprise, qu’elle acheva, un sourire mesquin sur le visage. » 

La compréhension dont le Volyn fit preuve à son égard lui serra le cœur. Elle ne méritait décidément aucun des adelphes de cette famille. Puis l’inquiétude pointa alors que la mine de son ancien amant se faisait plus sombre à son tour, torturée par une culpabilité dont il lui parlait à demi-mot. Elle voulu l’interroger à ce propos mais déjà Delyan posait des questions sur… les activités de Dana. L’Ars Longa. Que savait-il de l’organisation ? Dana lui en avait-elle parler ? Les sourcils froncés, tentant d’accrocher le regard de l’hybride, elle ne savait quoi lui répondre. « Je ne peux pas vraiment en parler, souffla-t-elle d’un ton désolé. Si elle avait déjà mis en danger la guilde, elle ne pouvait se permettre de le faire de nouveau. Dana y était. Et Norella avait pris sa place d’émeraude. Elle devait protéger son ombre, coûte que coûte, surtout si elle espérait un jour regagner sa place. Je n’en fais plus partie, une vérité qui camouflait une dizaine de mensonges, mais prêcher le faux pour obtenir le vrai était une technique plutôt probante en règle générale. Qu’est-ce que tu en sais, toi ? Est-ce que… » Est-ce que je peux t’aider ? Ces mots brûlaient de quitter les lippes d’Hestia. Mais pouvait-elle réellement interférer d’une manière ou d’une autre ? Etait-elle seulement en position de faire quoi que ce soit pour lui ? Il le méritait. Sans le moindre doute. Delyan méritait que la Kozlov se sacrifie pour lui, qu’elle prenne des risques pour lui. Pourtant quelque chose la retint. Une espèce de fierté. Un brin de méfiance. Elle lui faisait confiance pourtant. Mais à quel point ?

Ressasser le passé n’était pas une bonne idée, et si son cœur avait manqué un battement en entendant le Volyn dire qu’il ne parvenait plus à la détester une fois qu’elle était devant lui, cela ne soulageait en rien la culpabilité qui la lourdait. Elle l’avait blessé, profondément. Elle le voyait. Elle le savait. Pire que tout, Hestia n’était jamais parvenue à complètement l’oublier non plus. Elle avait feint l’indifférence envers l’hybride, elle avait tût et enterré ses sentiments sans jamais y parvenir complètement. Déchirée entre un avenir impossible avec un être inaccessible et une réalité réalisable, confortable et appréciable aux côtés de Delyan. Elle ne savait plus quoi penser. « Il y a des choses immuables, le choix du vin en fait parti, qu’elle plaisanta, espérant sincèrement pouvoir détendre l’atmosphère. Elle balaya la question de l’hybride concernant son adelphe d’un geste de la main, ne parlons pas de Lazar. J’ai des sentiments trop contradictoires envers lui pour le moment. Je ne sais plus quoi en penser.  Delyan s’était allongé, imitation la position de la Kolzov en lui tendant la bouteille. De fait, elle se redressa, glissant ses jambes sous son séant pour le fixer avant de la prendre en main.  Tout n’est pas perdu. Oserait-elle un instant l’espérer ? Raconte moi, qu’elle lui demanda, le visage plus sérieux qu’elle ne l’aurait voulu. Sincère et attentive. Non pas curieuse mais inquiète face aux ombres qui voilaient le visage de son amant. Je… j’ai ma part de responsabilité dans cette année mouvementée, concéda-t-elle, mais j’ai l’impression qu’il n’y a pas que ça. Est-ce que je me trompe ? Elle prit une gorgée de vin. Les raisons de son départ n’étaient pas glorieuses, mais elles n’avaient pas de lien avec ce que l’hybride pouvait raisonnablement croire. Elle n’était pas partie pour quelqu’un d’autre. Elle s’était enfui par pure égoïsme, simplement parce qu’elle avait touché le bonheur du bout des doigts et que ses ténèbres lui avait hurler de le repousser. Sortant une cigarette de son étui, la Kozlov craqua une allumette à l’aide de ses mains brûlées avant de reposer la bouteille et le paquet sur la pierre et d’oser demander : tu es certain de vouloir le savoir, Delyan ? »

CRAWLING BACK TO YOU

Début juillet 838 - @Hestia Kozlov

Elle a dans ses yeux des centaines de mots qu’elle ne prononcera jamais.

Pendant plus de deux ans, Delyan s’était imaginé connaitre cette femme mieux que beaucoup d’autres. Douce illusion. Personne ne connaissait vraiment Hestia Kozlov. La grande Fae était visiblement douée pour sourire alors qu’elle souhaitait pleurer, pour détruire avec la volonté de reconstruire, pour apparaître solide comme le rocher sur lequel ils étaient installés alors même qu’elle était sur le point de tomber. Cette nouvelle version d’elle, plus authentique et torturée lui déchirait les entrailles avec plus de violence que n’importe quel coup.

Une âme enchainée, perdue et pourtant si belle. Avait-elle oublié de voir ses innombrables qualités au profit de ses erreurs ? Il enrageait. Son sang le brûlait de l’intérieur tant il aurait aimé pouvoir faire plus. La libérer de ses chaînes, chasser ses démons, s'emparer de sa peine. Il soupira, impuissant. Les confidences étaient risquées, pour elle, mais également pour lui… Ecouter, encaisser, c’était accepter de réduire à néant une année complète de travail car plus que jamais, il sentait ses barrières s’effondrer pour elle.

« Te faire la morale ? Je pensais que tu me connaissais mieux que ça. » Il étouffa un rire amer. Finalement, n’étaient-ils pas devenus deux parfaits inconnus l’un pour l’autre ? Deux âmes solitaires et ébréchées au point de voir les points de rupture s’étendre chaque jour un peu plus…

« Pardon ? » Ses prunelles sombres se posèrent sur elle avec férocité. « Aslan ? Aslan Ghafa !? .. Je.. Hestia.. est-ce qu’il t’as fait du mal ? » Ses poings s’étaient refermés par reflexes lorsque l’hybrid se remémora sa panique mal dissimulée au moment où il l’avait enveloppé de ses ombres. La colère chatouillait son derme. D’abord en finesse, avant de le griffer pour de vrai, attisant une rage sombre et dévastatrice. « Est-ce que Dana.. ? Est-ce qu’il est un danger pour elle !? » Il ne connaissait finalement rien de cet homme et ne pouvait qu’imaginer le pire…

Respirer. Garder son calme. Respirer.
Delyan ne pouvait pas s’emporter avec si peu d’informations, il se répéta mentalement des consignes de base comme un mantra duquel il ne devait pas dévier jusqu'à obtenir plus de détails.

« Et donc.. tu n’as pas jugé utile de venir me trouver avant ce soir ? Bon sang.. Hestia.. Tu peux tout de même pas avoir une si piètre opinion de moi pour ne pas être venue chercher de l’aide !? Tu savais pertinemment que je ne te repousserai pas, ne me dis pas le contraire. » Un râle sourd, un grognement d’agacement. Il lui en voulait terriblement d’avoir décidé de sombrer seule…

« Tu n’en fais plus partie.. Hum.. je vois.
Et depuis quand ? » Un secret en dissimulant un autre, il n’avait jamais envisagé l’hypothèse qu’elle ait été elle aussi mêlée à l’Ars Longa. « C’est de ma soeur dont on parle là ! Tu aurais dû me dire la vérité depuis longtemps ! Faire partie d’une Guilde n’a rien d'anodin..  » pesta t-il en reprenant la bouteille pour calmer ses excès. Un sang froid inébranlable ? Oui, sauf lorsqu’il était question des femmes de sa vie. Son talon d’achille ad vitam eternam.

La soirée paisible entre amis était ensevelie sous une montagne de révélations toutes plus difficiles à digérer, pourtant, il comptait bien s’infliger le coup de grâce en obtenant la vérité sur un sujet ô combien difficile. Eux. Leur histoire. Son départ.

« Te raconter quoi ? A quel point il m’arrive aussi de merder ? Ou à quel point j’ai changé ? L’un va avec l’autre, tu me diras..» Un rire jaune traversa ses lèvres, car sur la liste des choses qu’il souhaitait faire, se morfondre sur l’année passée était tout en bas de sa liste. Bourreau de travail, il s’était retiré dans ses projets toujours plus fous, plus brillants. Il s’était acharné à devenir une version plus solide après avoir entendu toute sa jeunesse qu’il était trop faible pour un ailé. Tous ne naissaient pas avec des gênes de combattants, mais finalement, la vie se chargeait de combler les trous en se montrant aussi garce que possible.

« Je ne juge aucun de tes choix. Tu as fais ce que tu pensais être nécessaire et on ne peut jamais être sûr que nos décisions soient les bonnes. Rester loin de Dana est un choix stupide, ça en revanche, j’en suis convaincu, même si j’admet que ça arrange bien mes affaires » Plus besoin de se cacher, de fuir la maison familiale de Velaris pour ne pas avoir à croiser son chemin, le poids des secrets étaient également nettement moins lourd ainsi, depuis que le prénom de la Kozlov avait disparu des récits de sa cadette…

«  tu es certain de vouloir le savoir, Delyan ? » »

Non, vraiment pas. Je ne suis plus certain de rien te concernant, pensa t-il.

Laissant sa carcasse s’écrouler contre la pierre, les mains derrière sa tête et les yeux rivés sur le ciel étoilé, il resta silencieux plusieurs secondes.. Malgré toutes les révélations des dernières minutes, il ne se sentait pas plus léger, juste plus électrique et au bord de l’explosion. Garder son calme lui demandait bien des efforts..

« J’ai compris tardivement et à mes dépends que tu n’étais pas une aventure de passage.. » Il se pinça les lèvres de ses canines à s'en faire mal. « Je t'aimais, Hestia. T'as beau être complétement folle depuis toujours, tu oublis aussi à quel point tu es incroyable. J'étais fou amoureux et trop lâche pour te le dire. »

Pas une amie, pas une amante, pas une maîtresse.
De l’amour à l’état brut, dévorant.. dévastateur.

L'hybrid ne lui adressa pas le moindre regard, par pudeur, par rancoeur, pour tout un tas de raisons. Les nombreuses émotions qui dansaient dans sa poitrine s'accordaient très mal les unes aux autres. Il ne s'agissait là que de paroles sincères, prononcées sans douleur. Ou presque.

« Je t’écoute, mais choisi bien tes mots. La soirée des confidences.. merveilleux programme, préviens moi la prochaine fois. Au moins pour prendre une tenue de rechange. » Oui, le sarcasme faisait bel et bien partie de la liste des changements à signaler le concernant.