JEUX DE POUVOIR

@Concordat | JUILLET 838

C’était sans doute la réaction de sa cousine qu’Ambroise attendait le plus. En effet, il connaissait les hivernaux portés sur le traditionalisme et la conservation. Il n’était donc pas étonnant que Sanna demeure plus frileuse que les autres Suprêmes à porter l’égalité des Grands Faes et des Illyriens comme une évidence. Tout était moins facile dans le Grand Nord. Tout était plus rude, plus âpre, plus fort… Y compris la détermination de ses habitants. Il écouta ensuite Niniel réaffirmer l’ordre du jour, ouvrir le dialogue sur ses propres paroles. Assya avait ainsi parlé la première. La Nuit était une cour connue pour son ouverture d’esprit et faisait figure d’exemple pour son intégration des Illyriens. Elle pointa très clairement sa volonté de ne pas laisser une minorité se dresser contre le changement… Une avancée à marches forcées qu’Ambroise reconnaissait bien. Pourtant, il ne doutait pas que des voix dissidentes finissent par s’élever. Et c’était déjà le cas.  

Vient ensuite le tour d’Ehsan. Une intervention qui ne manqua pas de marquer l'intérêt d’Ambroise. Des propositions intéressantes, supplémentaires à celles d’Assya, et parfois des concordances. Toutefois, le Printanier demeura plus circonspect quant à quelques suggestions d’Ehsan… « Quoique je sois pleinement convaincu de la nécessité d’instaurer l'égalité entre les peuples, je crains que de permettre aux Illyriens d’accéder à la noblesse vienne exacerber les tensions au sein de la vieille garde. » Il voulait dire par-là, la noblesse actuelle. « Comme l’a suggéré la Suprême Asgeir, je tiens pour malheureux exemple le sort de feu la Baronne Odegaard… Dont l’enquête saura permettre de dire si oui ou non, elle était la cible de l’attaque, et si oui ou non le motif n’est autre que sa récente accession à la baronnie, et surtout, qui est le commanditaire de ce meurtre. Le doute demeure permis en attendant. » Son regard bleu-gris se porta sur Assya. « Je rejoins cependant la proposition de la Suprême Ozerov sur le service militaire. Une contrainte pour tous, indifféremment de votre sexe ou de votre race, ou une contrainte pour personne. » Il marqua une pause. « Quant aux postes au sein de l’administration et de l’armée, je crois que cela a déjà cours dans une majorité de nos contrées, et que le cas échéant, cela ne représente pas la racine du problème. » Il laissa un silence avant de terminer. « Ouvrir nos cités aux Illyriens qui le souhaitent sans qu’ils n'aient à renoncer à leur culture et à leurs traditions pourrait permettre de convaincre d’autres que la cohabitation pacifique est possible. Il est toujours plus aisé de faire adopter des mesures lorsque le peuple est convaincu de leur utilité ou, à défaut, qu'ils comprennent que leur quotidien ne s'en verra pas bouleverser. »

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Sujet commun du Concordat | JUILLET 838

Sous les traits de Niniel Ethelil en tant que Suprême de l'Été.

Les voix résonnaient dans la pièce, atteignant avec délicatesse, ou non, les oreilles pointues tendues de la Suprême de l’Été qui observait avec intérêt ses condisciples. Les premiers mots emplis d’ouverture, image parfaite de la Nuit à travers Assya Ozerov, furent intéressants pour celle qui n’aspirait qu’à voir un vent de changement maîtrisé souffler sur Evanor. Pour sûr, les Illyriens, ou tout ailés, avaient, à ses yeux, toute la légitimité de se trouver au sein de l’Armée ou côtoyant les plus grands de ce monde. Mais l’idée la plus louable à ses yeux fut indéniablement l’envie de voir la durée du service militaire devenir commune à tout être vivant, à tel point que l’Estivale se permit d’écarquiller les yeux quelques secondes, de surprise, avant d’acquiescer et de se tourner vers le Suprême du Jour qui prit la relève.  

Une approche douce, les maîtres mots pour une ouverture visant à un des changements majeurs, impossible pour Niniel d’imaginer une autre façon de mener à bien leur croisade sans qu’elle ne soit… calme, et synonyme de bienveillance. Toujours aussi taciturne, celle qui était à l’origine de cette réunion imprévue observa, écouta, et nota chaque parole dans son esprit. Si la noblesse semblait être vue d’un bon œil par Ehsan Ghafa, il en était tout autre pour celui qui se fit entendre à la suite.  

Ambroise Valois le rejoignait sur l’idée de faire les choses avec minutie, toutefois, il n’était pas aussi convaincu quant à l'anoblissement des Illyriens. Un avis louable si on prenait en considération les esprits étriqués, survivants du Fléau, aux mentalités bien ancrés dans le passé qui pourraient voir cela comme un affront, ainsi que le meurtre de la baronne Odegaard qui avait taché de sang le premier jour de l’année…

“Hm, je trouve tout cela fort intéressant. ” reprit Niniel après une bonne bouffée d’oxygène pour se donner du courage. “J’approuve grandement vos idées concernant le service militaire, qui mettrait d’ores et déjà, tout le monde sur un pied d’égalité à ce niveau.” lança t-elle en se tournant poliment vers Assya, avant de reprendre après avoir balayé l’assemblée du regard. “Les Illyriens ont, selon moi, leurs places dans nos institutions, pour ceux qui le désirent ardemment et le méritent. A présent, en ce qui concernent les titres de noblesse…”

Le cœur battant, Niniel savait qu’elle allait devoir se jeter à l’eau, pour affirmer ses idées, et se battre pour réussir à entrevoir le monde dont elle avait rêvé en sentant le poids de la couronne de Suprême peser lourdement sur sa tête. Même si elle ne se sentait pas encore légitime dans son rôle, elle n’était plus la Fae fragile, muette et impénétrable qui se contentait d’observer.

“ J’entends vos avis contradictoires concernant ce sujet épineux. À mes yeux, certains Illyriens mériteraient un titre, tout comme certains Faes mériteraient de le perdre… Le sujet est bien plus complexe qu’il n’y paraît quand bien même je souhaite voir certains changements. Des changements qui ne semblent pas plaire aux commanditaires qui ont souhaité la mort de Darya Ozerov. ” lança t-elle sans ciller avant de marquer une pause. “Mais devons-nous céder à la peur au point de figer nos idéaux ?” Une bonne question, qui trottait dans sa tête depuis un long moment maintenant. “ J’ai bien conscience qu’il faille entamer les modifications en douceur… Mais je refuse de faire marche arrière si nous prenons des décisions capitales, que cela concerne la noblesse ou des mariages similaires à celui de votre frère qui viendraient à remuer les plus anciens.” expliqua t-elle en se tournant vers la Suprême de la Nuit. “Nous devons tous être lucides et être préparés à faire face.” conclut-elle avant de s’enfermer de nouveau dans une bulle de silence, le coeur battant et les yeux luisant d’une combativité nouvelle détaillant chacun des Suprêmes à ses côtés. Les plus réfractaires allaient s’exprimer, elle allait devoir rester calme pour continuer à mener le débat dont l’intensité allait atteindre des sommets.

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Sujet commun du Concordat

Encourager Ehsan à prendre la parole sur ces propres problématiques étaient à double tranchant. La Suprême de l’Aube ne prendrait pas l’initiative sur le premier sujet dont il discuterait, mais elle aurait le temps pensait-elle, de former ses arguments, d’évaluer ses pairs et trouver les mots les plus justes. Le sujet des Illyriens était loin d’être le plus complexe. Dans sa cour, chacun vivait de son côté. Les préjugés existaient, chez les Grand-Fae, comme les combattants ailés. Et la réconciliation n’était pas réellement quelque chose que Wanyin envisageait. Trop de choses avaient séparés les deux races. Trop d’obstacles avaient été monté entre eux. L’histoire de l’Aube, inconnue de beaucoup de monde, rendue au rang de rumeur, rendait la discussion plus compliquée, rendait les mots de Wanyin plus délicat à prononcer. Et puis, il y avait les mots que lui avait glissé Assya Ozerov. La Dugu ne pouvait se défaire du regard appuyé de son homologue nocturne. Elle savait. Elle avait les preuves nécessaires pour les faire tous tomber. Un frisson imperceptible la gagna tout entière, alors qu’elle reporta son attention sur ses pairs.

Ses pensées trouvèrent un écho rassurant dans les mots de l’Asgeir, Suprême de l’hiver. Les deux cours ne s’entendaient pas très bien mais leurs idées, sur le sujet des Illyriens, convergeaient néanmoins. Wanyin, en tout cas, était d’accord avec Sanna, et soutint son regard avec des prunelles brillantes. Elle aurait voulu répondre, mais Niniel repris la parole, avant de la laisser aux plus progressistes d’entre eux. La Suprême de l’Aube retint un soupire, croisa ses mains sur ses genoux et écouta les arguments des uns et des autres. Elle entendit la demande d’Assya Ozerov, celle d’ Ehsan et assimila les arguments suivants. Elle hocha la tête aux mots de Cesare Monteserre et glissa un regard à la Suprême estival . Cette conversation était complexe, mais Wanyin se souvenait surtout des mots de la nocturne à son encontre. Après plus d’une année, Assya lui révélait une partie de sa main. Un léger soupire s’échappa des lèvres de la Dugu, alors que sa voix s’éleva de nouveau. « Vous seriez prêt à troubler l’équilibre qui lie nos deux peuples ? Un équilibre établi depuis des décennies ?» s’enquit-elle, sa voix était neutre, et si ces mots suggéraient qu’elle n’était pas totalement d’accord, elle ne l’avouait pas vraiment. Le sujet des Illyriens était sensible, et l’Aube avait enchaîné les erreurs à leur sujet. Il n’était pas étonnant que le clan de Shancheng n’ai établis aucun lien avec les Aubéens depuis des décennies. Et il fallait avouer que les grand-faes ne s’étaient pas non plus plains sur cette situation.  Wanyin n’irait pas troubler l’équilibre qui régnait dans sa cour. Elle n’irait pas agiter les foules, faire bouger ces lignes depuis si longtemps tracées. Que feraient-ils, ces Illyriens, s’ils venaient à vivre avec eux ? Et surtout, que ferait son peuple si les choses venaient à bouger ? « Vous seriez prêt à voir votre peuple se retourner contre vous ?, souffla-t-elle, son regard d’obsidienne se posant sur le visage halé de son voisin diurne. Vous parlez des droits des Illyriens, mais qu’en est-il des droits des grand-fae ? De leur volonté ? » questionna-t-elle, laissa son interrogation en suspens. Tous les peuples d’Evanor n’accueilleraient pas ces changements avec bonne volonté, et Wanyin pouvait décemment imaginer les réactions des siens. Changer le monde était louable, à condition que tout le monde l’accepte et y soit prêt. « Sa Suprématie Monteserre résume bien la chose : nos traditions diffèrent, mais également nos modes de vie, nos visions du monde. Bousculer l’équilibre établis pourrait engranger des problèmes auxquels aucun d’entre nous n’a pensé. » ajouta-t-elle finalement, balayant le tour de la table de ces prunelles, avant de s’arrêter sur Assya.

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Sujet commun du Concordat | JUILLET 838

Sous les traits de Niniel Ethelil en tant que Suprême de l'Été.

Le rôle de Haute Suprême mis de côté une fois son tour venu, Niniel Ethelil prit la parole, sans ciller, la tête haute, après avoir accordé un regard à chacun des Suprêmes présents autour de la table. “J’accepte une égalisation du service militaire dont les conditions seront discutées face au Conseil des Marées avant de le Bal qui signera la fin de la Saison.” Le premier point abordé, l’Estivale marqua une pause avant de choisir un ton un tantinet plus ferme.  “J’accepte l’anoblissement des illyriens. Cependant, si un titre doit être octroyé, il devra être mérité pour avoir brillé grâce à des services rendus à la Cour, afficher une attitude respectueuse forçant le respect et suite à une une renommée positive. Sans cela, nous nous réserverons, le Conseil et moi-même, le droit de retirer le titre donné.” Le cœur battant, elle poursuivit pour des sujets beaucoup plus légers de son point de vue.  “J’accepte d’accepter les Illyriens qui souhaiteraient travailler dans l’administration ou dans l’armée. Certains éléments méritent leur place, cela ne fait aucun doute, et je sais pertinemment que nous saurons en qui avoir confiance ou non à ce niveau. ” Sans ajouter un mot de plus tant la place de sa sœur était importante à ses côtés, et surtout connue, elle poursuivit, plus décontractée pour terminer ses déclarations. “J’accepte d'ouvrir les portes des cités de ma Cour aux Illyriens qui souhaitent y résider à condition de respecter les règles déjà en vigueur et le savoir-vivre de chacun. Équité il devra y avoir, et équité il y aura. ” acheva t-elle avant de se tourner vers Cesare Monteserre qui devait prendre la suite en pensant au travail de longue haleine qui l’attendait avec ses alliés afin de pouvoir garder sa Cour aussi accueillante que tolérante malgré tous les changements à venir.